Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour présenter l’amendement n° 207.
M. Pierre Laurent. Comme cela vient d’être dit, cet article renforce les mesures d’isolement et de mise en quarantaine de manière tout à fait inédite, puisqu’il s’agit de mettre en place cette fois un régime dérogatoire et de donner un caractère automatique à l’isolement, sans aucune décision et notification de l’autorité publique.
Ce sont donc le contrôle médical et la déclaration de positivité qui déclenchent cette mesure de contrainte et de privation de liberté. C’est une atteinte aux principes les plus essentiels de notre État de droit : la liberté d’aller et venir, le droit à une vie familiale normale et, surtout, la non-privation de liberté en l’absence de décision d’une autorité publique, judiciaire ou administrative.
Nous ne sommes pas opposés au principe de l’isolement des personnes détectées positives, mais c’est l’automaticité et le caractère contraignant de cette procédure qui, cette fois, pose problème. D’autant plus que, si l’on en croit les prévisions, elle pourrait concerner des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de personnes.
Nous allons donc vers une mesure extrêmement massive qui posera des problèmes considérables. D’ailleurs, nous ne savons pas précisément comment seront contrôlées ces obligations d’isolement faites aux personnes concernées – nous y reviendrons à travers certains de nos amendements.
En outre, on ne traite toujours pas les modalités selon lesquelles ces personnes seront amenées à s’isoler – pas plus qu’on ne l’a fait lors du confinement. Or les conditions d’habitat sont extrêmement inégales d’un département à l’autre, tout comme les situations sociales sont différentes, beaucoup de gens vivant dans des logements suroccupés. Rien n’est prévu pour mettre en œuvre sérieusement cette mesure.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous arrivons là à une étape importante de notre débat : la mesure d’isolement.
Les collègues qui ont présenté ces deux amendements identiques n’y sont pas hostiles, nous ont-ils dit ; en revanche, ils sont hostiles à son caractère automatique. Or je me dois de leur indiquer que les arguments qu’ils ont invoqués à l’appui de leur démonstration s’appliquent en réalité au texte initial du Gouvernement. Et c’est justement parce qu’elle partage l’inquiétude qui vient d’être exprimée que la commission des lois a modifié celui-ci. Ce n’est donc plus le même !
Madame la ministre, personnellement, je pense que la rédaction proposée par le Gouvernement était parfaitement incongrue : l’idée que, aux termes de la loi, parce qu’un laboratoire d’analyses biologiques vous a déclaré positif, vous soyez placé à l’isolement sans qu’aucun acte de l’autorité publique le prévoie expressément et que la violation de cette obligation d’isolement soit sanctionnée pénalement est tout simplement, je le répète, une incongruité.
Je me demande bien comment on a pu imaginer un tel système !
Pour autant, j’admets l’importance de l’isolement en pareil cas. Le ministre de la santé nous l’a dit lors de son audition : les indicateurs sont mauvais et trop de nos compatriotes porteurs du virus ne respectent pas cette recommandation d’isolement. Mais imposer ce régime sans prendre en considération les cas individuels, au simple motif qu’il est impossible, faute de moyens, de prendre chaque jour 20 000 actes administratifs de placement en isolement de nos compatriotes atteints par la covid–19, c’est de mon point de vue tout simplement impossible. Et ce n’est pas parce que le Conseil d’État a laissé passer cette anomalie que nous devons y souscrire ! Et nous n’y souscrirons pas !
Mes chers collègues, nous avons imaginé un autre système : quand l’un de nos concitoyens sera déclaré positif par un laboratoire de biologie médicale, il lui sera demandé de s’engager à s’isoler ; par la suite, la plateforme téléphonique de l’assurance maladie chargée de remonter les filières de contamination en prévenant les cas contacts devra s’assurer du respect de cet engagement, soit en appelant la personne concernée, soit par une visite domiciliaire, comme cela se fait pour vérifier le respect des arrêts de travail. En cas de suspicion, et seulement dans ce cas, l’assurance maladie préviendra l’agence régionale de santé pour que soit aussitôt pris un arrêté préfectoral de placement à l’isolement de cette minorité de personnes. Si les services de police ou de gendarmerie constatent que cette mesure n’est pas respectée, des sanctions pénales pourront alors être effectivement prononcées.
À la différence de ce que prévoyait le dispositif gouvernemental, nous avons pris garde que le système d’information national de dépistage de la covid-19 (SI-DEP), lequel comporte des données de santé qui sont, aux termes de la législation européenne, des données sensibles, ne soit accessible ni aux services préfectoraux, ni à la gendarmerie, ni à la police. Dans une démocratie, dans un État de droit, la police et la gendarmerie n’ont pas accès à nos données de santé ! Et ce n’est pas parce que nous sommes confrontés à un impératif majeur de sécurité sanitaire qu’il nous faut aujourd’hui commencer à déroger à cette règle essentielle pour nos libertés. Car, demain, il existera toujours de bons motifs pour poursuivre dans cette voie.
Le dispositif que nous avons adopté, tout en prenant le contre-pied de celui du Gouvernement, vise le même objectif : que des personnes atteintes par le virus de la covid-19 restent chez elles pendant dix jours.
Si nous rejetons ces deux amendements, cela ne signifie pas que nous sommes en désaccord avec l’intention manifestée par leurs auteurs ; c’est parce qu’ils s’appliquent au dispositif initialement présenté par le Gouvernement. Celui que nous proposons est bien plus respectueux des libertés et, sans doute aussi, plus efficace. Demander aux policiers et aux gendarmes d’aller dans tous les restaurants, cafés, théâtres, cinémas et centres de loisirs pour contrôler les passes sanitaires, de vérifier que les 20 000 personnes qui sont reconnues chaque jour positives restent bien isolées à leur domicile, tout en leur demandant d’assurer la sécurité publique, cela fait tout de même un peu beaucoup ! C’est même impossible !
De fait, notre dispositif soulage le travail des forces de police et de gendarmerie en leur apportant le concours de la sécurité sociale. Isolément, ni les uns ni les autres n’ont les moyens d’assumer cette tâche, mais, ensemble, ils pourront peut-être couvrir un spectre de population plus large.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je partage entièrement l’analyse juridique du rapporteur Bas. L’article 66 de la Constitution a nourri une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui n’a jamais varié, selon laquelle « la liberté individuelle ne peut être tenue pour être sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ».
Ainsi, selon le droit constitutionnel français, il n’est pas possible d’imposer à un individu une mesure restrictive de liberté sans l’intervention du juge à un moment donné. Or le dispositif que vous nous proposiez ne la prévoyait pas.
D’une part, l’avis d’un médecin, d’autre part, une ordonnance du juge des libertés et de la détention préalablement saisi par le préfet sont requis pour autoriser la poursuite du placement à l’isolement d’un individu.
Ce que nous propose M. le rapporteur Bas est très intéressant. En effet, le régime qu’il a conçu est totalement différent de celui qui nous était proposé et s’apparente d’ailleurs à ce que je vous présenterai tout à l’heure, à savoir le régime des maladies à déclaration obligatoire qui nécessitent une obligation de soins, par exemple la tuberculose. De fait, le juge et la sécurité sociale peuvent considérer qu’une personne infectée par le bacille de Koch doit être soignée en milieu hospitalier et mise à l’écart du reste de la population.
C’est donc là une vision radicalement différente. Malheureusement, nous savons très bien ce qu’il adviendra des propositions du Sénat en commission mixte paritaire ou, en cas de nouvelle lecture, à l’Assemblée nationale, qui réécrira le texte sans en tenir le moindre compte. Or, madame la ministre, il faudrait que vous nous disiez comment vous comptez satisfaire aux contraintes de l’article 66 de la Constitution.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Nous sommes tous d’accord : l’isolement d’une personne contaminée et contaminante est profondément souhaitable. Mais, alors que, dans la période qui vient, des dizaines de milliers de personnes seront quotidiennement testées positives, quelles que soient les contraintes et les mesures de surveillance auxquelles vous les soumettrez, la mise à l’isolement ne fonctionnera pas sans une éthique de responsabilité.
Ce type de disposition ne fait qu’infantiliser les Français, alors qu’il faut les engager dans une démarche de responsabilité individuelle, la seule à même de donner des résultats.
Par ailleurs, jusqu’à présent, les personnes qui étaient testées positives avaient la certitude que le laboratoire n’allait pas notifier une sorte de Micas (mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance) sanitaire. C’est finalement ce qui a permis à notre pays de disposer de chiffres de contaminations correspondant à la réalité. Certes, le taux d’incidence est supérieur en France à ce qu’il est dans bien d’autres pays, mais la raison en est que les gens ne craignent pas d’aller se faire tester, un résultat positif n’ayant aucune conséquence sur leur liberté.
Pour l’avoir constaté dans d’autres pays, notamment celui où je vis également, je puis vous assurer que, dans les cas où un test positif entraîne automatiquement une mesure d’isolement surveillé, des stratégies d’évitement sont malheureusement mises en place et les indicateurs épidémiologiques sont faussés.
C’est d’ailleurs cet argument majeur qu’Olivier Véran a plusieurs fois invoqué au cours de cette crise.
En changeant ainsi de méthode, le Gouvernement peut donner le sentiment de paniquer. C’est pourquoi il faut s’en tenir à cette ligne, car le jour où les gens n’iront plus se faire tester par crainte de se voir délivrer cette assignation à résidence, vous ne disposerez plus de ces outils de pilotage de la crise sanitaire. Et ceux qui seront admis dans les hôpitaux le seront en phase terminale.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 46 et 207.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 210, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
et, ayant reçu une notification judiciaire du juge des libertés et de la détention
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Dans le même esprit, nous proposons que, l’isolement d’une personne contaminée étant une mesure privative de liberté, la décision soit prise par le juge des libertés et de la détention.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Le placement à l’isolement est une mesure administrative et non pas judiciaire, et celui qui en fait l’objet n’est pas un délinquant. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 208, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre Laurent.
Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par Mmes Borchio Fontimp et Bonfanti-Dossat, M. Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Burgoa et Charon, Mme Joseph, MM. Klinger et H. Leroy, Mme Noël et MM. Paccaud et C. Vial, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et l’article L. 114-10 du code de la sécurité sociale
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Il me semble que cet amendement de notre collègue Alexandra Borchio Fontimp est satisfait pas le texte de la commission.
Mme la présidente. Est-ce le cas, monsieur le rapporteur ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Oui !
Mme Valérie Boyer. Par conséquent, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 11 rectifié est retiré.
L’amendement n° 177 rectifié, présenté par Mmes de La Gontrie et Lubin, M. Redon-Sarrazy, Mmes Rossignol, Le Houerou et Poumirol, MM. Leconte, Stanzione et Kanner, Mmes Monier, Harribey, Bonnefoy, Briquet, Artigalas et S. Robert, MM. Jomier et Fichet, Mmes Conway-Mouret et Lepage et MM. Cardon, Kerrouche et Bourgi, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Remplacer le nombre :
23
par le nombre :
21
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous proposons par cet amendement d’adapter les horaires en dehors desquels les forces de l’ordre ne sont pas autorisées à se présenter au lieu d’hébergement déclaré par la personne contrainte à l’isolement pour s’assurer de sa présence. À la plage horaire allant de vingt-trois heures à huit heures, nous souhaitons substituer la plage allant de vingt et une heures à huit heures. La situation étant déjà un peu particulière, est-il besoin d’imaginer qu’on sonne à votre porte à vingt-deux heures trente, alors que vous ou les membres de votre famille dormez peut-être ? Ce créneau horaire nous paraît préférable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
L’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions est ainsi modifié :
1° Après le 5° du II, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° S’agissant des résultats positifs des examens de dépistage virologique ou sérologique, des données d’identification et des coordonnées des personnes qui en ont fait l’objet, le suivi et le contrôle du respect des engagements d’isolement prophylactique des personnes infectées, ainsi que l’édiction des mesures individuelles de placement et de maintien en isolement mentionnées au II de l’article L. 3131-17 du code de la santé publique. » ;
2° (Supprimé)
3° (nouveau) Le X est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles ne contiennent pas les coordonnées de contact téléphonique et électronique des personnes. »
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 40 rectifié est présenté par MM. Levi et Bonhomme, Mmes Garriaud-Maylam, Noël, Bonfanti-Dossat, F. Gerbaud, Billon et Muller-Bronn, MM. Reichardt, Bonneau et Laugier, Mme Vermeillet, MM. Mizzon et Houpert, Mme Drexler, MM. Savin, Longeot, Le Nay, Chatillon, J.M. Arnaud, Duffourg, Sautarel et Decool et Mme Létard.
L’amendement n° 50 est présenté par Mmes de La Gontrie, Lubin, Rossignol, Le Houerou et Poumirol, MM. Leconte, Stanzione et Kanner, Mme Monier, M. Redon-Sarrazy, Mmes Harribey, Bonnefoy, Briquet, Artigalas et S. Robert, MM. Jomier et Fichet, Mmes Conway-Mouret et Lepage, MM. Kerrouche, Cardon et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 125 est présenté par M. Ravier.
L’amendement n° 206 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman, Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 243 est présenté par MM. Corbisez, Bilhac et Guérini.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Sylviane Noël, pour présenter l’amendement n° 40 rectifié.
Mme Sylviane Noël. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 50.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour présenter l’amendement n° 125.
M. Stéphane Ravier. Selon les projections de Guillaume Rozier, créateur de l’application à succès CovidTracker, si le taux de croissance actuel des cas se poursuit, on comptera 143 000 personnes malades chaque jour dans trois semaines. Bien qu’on ne connaisse pas la pathogénicité du virus, on va imposer quotidiennement un enfermement à domicile à 143 000 personnes. On en reviendra ainsi assez vite à un confinement, à ceci près que cet isolement automatique sera soumis à un contrôle et à un suivi.
Que l’un et l’autre soient assurés par des forces de l’ordre ou d’autres services publics, ce dispositif est proprement scandaleux. La société que nous devons défendre, c’est celle de la confiance, de la responsabilité et de la liberté, pas celle de la contrainte et de l’assignation à résidence.
Quand M. Véran vantait le modèle chinois en février 2020, certains le prenaient à la légère. On voit désormais que ce gouvernement a un complexe d’infériorité par rapport au grand frère communiste chinois et cherche à faire jeu égal dans la réduction des libertés.
Certains, dans cet hémicycle, ont également remis un rapport d’information pour préconiser d’autres mesures extrêmement contraignantes à l’encontre de nos compatriotes, en s’inspirant des pays asiatiques. C’est le concours Lépine des folies liberticides !
Êtes-vous à ce point déconnectés du pays réel, mes chers collègues ? La pause du dîner – ou plutôt, bientôt, celle du petit-déjeuner – devrait vous permettre de prendre connaissance de ce qui s’est passé aujourd’hui dans les rues de France, où des centaines de milliers de Français ont défilé, en plein mois de juillet. Cela devrait quand même commencer à vous interpeller un peu – au moins le Gouvernement…
Cette mesure est totalement disproportionnée avec la gravité potentielle du virus : il n’existe aucune menace d’ordre public suffisante pour imposer ce nouvel État policier.
Je vous invite donc à supprimer cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 206.
M. Pierre Ouzoulias. En présentant mon amendement, j’évoquerai plutôt la rédaction initiale de l’article 3, celle du Gouvernement, que celle qu’a retenue la commission, qui y a apporté des rectifications très importantes, étant entendu que Mme la ministre défendra un amendement n° 260 tendant à rétablir le texte originel.
Mes chers collègues, ne nous faisons aucune illusion : c’est bien cette rédaction qui sera retenue pour le texte final. Aussi, monsieur le rapporteur, vous me permettrez d’opposer des arguments non pas au texte de la commission, mais à celui du Gouvernement.
La CNIL l’a dit, de même que l’ensemble des juristes : avec le texte qu’il nous propose, le Gouvernement franchit un cap liberticide majeur. D’une part, ce qui est contraire au règlement général européen sur la protection des données (RGPD), vous offrez un accès extrêmement généreux et large, sans aucune contrainte, aux informations contenues dans les bases de données ; d’autre part, je le répète, l’isolement imposé par l’autorité préfectorale, comme un certain nombre d’autres dispositions, est totalement contraire à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et à notre Constitution. J’espère sincèrement que le Conseil constitutionnel nous dira ce qu’il en pense.
Madame la ministre, sachez raison garder : le Gouvernement doit revenir sur un certain nombre de dispositions. Comme vous y invite la commission, retirez votre amendement. Nous y verrions un geste démocratique bien intentionné et cela nous permettrait de poursuivre un débat qui, pour l’instant, n’a pas lieu.
M. Philippe Bas, rapporteur. Cet article 3 ne porte effectivement que sur l’accès au SI-DEP, mis en place dans le cadre du régime de l’état d’urgence sanitaire pour faciliter le traçage des contaminations, et que nous avons évoqué à l’instant lors de l’examen de l’article 2, que nous avons adopté.
Les auteurs de cette série d’amendements identiques de suppression de l’article 3, à la suite des amendements de suppression de l’article 2, voulaient s’opposer à l’élargissement aux services préfectoraux de la liste des personnes autorisées à accéder aux données traitées au sein de ces systèmes d’information. Or, la commission des lois a refusé d’élargir cet accès aux données auxdits services. Par conséquent, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 rectifié, 50, 125 et 206.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 260, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 6° Le suivi et le contrôle du placement à l’isolement des personnes mentionnées au 1° du I de l’article 4 de la loi n° … du … relative à la gestion de la crise sanitaire. » ;
II. - Alinéa 4
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° Après la deuxième phrase du III, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Les services préfectoraux peuvent également recevoir les données strictement nécessaires à l’exercice de leurs missions de suivi et de contrôle du placement à l’isolement des personnes mentionnées au 1° du I de l’article 4 de la loi n° … du … relative à la gestion de la crise sanitaire. »
III. - Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Il est défendu. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. Ce n’est pas banal… (Sourires.)
M. Fabien Gay. C’est humiliant pour le Sénat !
Mme la présidente. L’amendement n° 263, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° Au début du X, sont ajoutés les mots : « À l’exclusion des coordonnées de contact téléphonique et électronique des personnes, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 260 ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 263 ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Avis favorable, non pas sur le fond, mais sur la forme.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je souhaiterais que Mme la ministre nous explique ce que nous devons comprendre de l’avis qu’elle vient d’émettre : comment peut-il être favorable seulement sur la forme et non sur le fond ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 3 bis
(Supprimé)
Article 4
I. – Les personnes faisant l’objet d’un examen de dépistage virologique ou d’un examen médical établissant une contamination par le virus SARS-Cov-2 s’engagent, dès qu’elles ont connaissance du résultat de cet examen, à ne pas sortir de leur lieu d’hébergement, sauf en cas d’urgence ou pour effectuer les déplacements strictement indispensables, pour une durée non renouvelable de dix jours à compter de la date de réalisation de l’examen.
Cet engagement cesse de s’appliquer avant l’expiration de ce délai en cas de résultat négatif d’un nouvel examen de dépistage virologique ou d’un nouvel examen médical.
En cas de refus de souscrire cet engagement, de non-respect ou de suspicion de non-respect de cet engagement, les organismes d’assurance maladie en informent l’agence régionale de santé aux fins de saisine du représentant de l’État dans le département qui peut imposer une mesure individuelle de placement et de maintien en isolement en application du II des articles L. 3131-15 et L. 3131-17 du code de la santé publique.
II. – Le présent article est applicable jusqu’au 31 octobre 2021. Il est applicable dans les îles Wallis et Futuna.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.
M. Guillaume Gontard. L’isolement doit être, d’abord et avant tout, fondé sur la confiance et la responsabilité de chacun. Le dispositif « tester, tracer, isoler » et les actions de communication autour de l’isolement des personnes contaminées ont fait leurs preuves lors des dernières vagues. Aussi, il est inopportun et disproportionné d’imposer par la force un isolement des personnes testées positives.
Cela vient d’être rappel, opérer un contrôle par les forces de l’ordre de l’isolement des personnes contaminées est contre-productif : un individu présentant des symptômes et ayant des doutes sur sa contamination peut alors faire le choix de ne pas se faire dépister pour éviter l’isolement contraint et les mesures de contrôle des forces de l’ordre.
Il est donc essentiel de conserver un équilibre entre, d’une part, les objectifs de lutte contre la propagation du virus et, d’autre part, la protection des libertés individuelles de nos concitoyens, qui sont, je le rappelle, constitutionnellement garanties, garantie réaffirmée par le Conseil d’État dans son avis sur le présent article.
Notre groupe salue donc la réécriture de l’article opérée par la commission des lois, qui est à la hauteur de la réputation de protection des libertés individuelles de notre chambre. Hélas ! cette nouvelle rédaction risque de ne pas avoir les faveurs du Gouvernement. Une telle avancée est toutefois incomplète si elle ne prend pas en compte les conditions réelles de l’isolement. La Fondation Abbé-Pierre nous le rappelle : 3,8 millions de Français sont mal logés en France ; par conséquent, quel sens cela a-t-il d’être placé à l’isolement dans un logement insalubre ou suroccupé ? Est-ce seulement possible en l’absence de toilettes, de cuisine, pour une famille entière habitant dans un studio ou un T2 ?
Prendre en compte ces inégalités n’est pas seulement une mesure de justice sociale ; il s’agit bien évidemment d’une mesure efficace pour améliorer l’effectivité de l’isolement volontaire.
Tel est le sens de notre proposition : permettre à tous nos concitoyens de bénéficier d’un isolement digne.