M. Victorin Lurel. Il s’agit tout simplement de recourir aux moyens modernes électroniques pour favoriser l’accès des citoyens aux débats et décisions des collectivités.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’intérêt du sujet soulevé par cet amendement est majeur, puisqu’il s’agit de faciliter l’accès de nos concitoyens à l’information. Dans le même temps, nous discutons d’un projet de loi ayant pour finalité de ne pas surcharger les collectivités d’obligations et d’investissements complémentaires.
Si la commission comprend bien l’intention des auteurs de cet amendement, il lui semble que beaucoup de collectivités font déjà des mises en ligne. On peut juger cela insuffisant, mais un certain nombre de petites communes – nous ne les avons pas formellement identifiées – ne disposent pas de site internet ni de moyens en la matière.
Il me semble qu’il faut permettre et encourager ; la mise en œuvre de ce que vous proposez, mon cher collègue, est tout à fait possible si les communes le veulent. D’ailleurs, comme vous l’avez évoqué, des projets d’intercommunalité peuvent se construire sur ces sujets.
Nous sommes toutefois défavorables quant au fait de créer une nouvelle obligation pour les plus petites collectivités. Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour éviter toute confusion, je tiens à préciser qu’il s’agit non pas de la publication des actes réglementaires, mais d’une nouvelle obligation faite aux communes de publier des comptes rendus, des synthèses, etc.
Après nos débats sur la simplification, je crois que ce serait surcharger les communes. En outre, le fait d’imposer serait une erreur : celles qui veulent publier sur leur site autre chose que les actes réglementaires peuvent le faire.
MM. Michel Savin et André Reichardt. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Je suis très surpris, tant de la réaction de Mme la rapporteure que de celle de Mme la ministre.
Il ne s’agit pas de surcharger les communes. Je rappelle qu’elles sont, accessoirement, des institutions élues par des citoyens et que les citoyens ont droit à une information qui doit être complète.
Par ailleurs, je rappelle à Mme la rapporteure que, sur son initiative et après avoir entendu ses commentaires pendant la réunion de la commission, nous avons élevé le seuil à 3 500 habitants pour faire en sorte que la contrainte qu’elle évoquait, et qui peut exister en dessous de ce seuil, ne puisse être invoquée au-delà, car les sites internet existent d’ores et déjà.
La mise en ligne des rapports d’activité, des séances et des comptes rendus de commission semble vraiment relever de la transparence politique. Je ne pense pas que ce soit surcharger les communes que de faire en sorte qu’elles répondent simplement à des attentes citoyennes.
Encore une fois, je suis très étonné de ces deux avis.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je suis totalement de l’avis de Mme la rapporteure et de Mme la ministre.
Cela suffit ! Si une collectivité locale pense qu’il faut mettre en ligne des informations complémentaires, elle le fait ; si elle pense qu’il ne faut pas le faire, elle ne le fait pas. Imposer une obligation complémentaire, légale de surcroît, n’est-ce pas un peu beaucoup ?
En outre, il y a un juge de paix à la fin du mandat !
M. Éric Kerrouche. Tous les six ans !
M. André Reichardt. Le concitoyen qui estime n’avoir pas été suffisamment informé dispose d’un bulletin de vote à mettre dans l’urne. Je ne suis pas d’accord avec cette façon de procéder et, je le répète, je suis de l’avis de Mme la rapporteure et de Mme la ministre.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mon cher collègue Kerrouche, bien que vous n’ayez pas transposé ou défiguré mes propos, je pense que nous sommes tous d’accord avec la nécessité de renforcer la transparence et l’information.
Cela dit, le diable est toujours dans les détails – pardonnez cette allusion dans un édifice républicain – et vous citez non seulement les comptes rendus de conseils municipaux, mais bien tous les actes : comptes rendus de commission, rapports d’activité et séances.
Cher Éric Kerrouche, vous connaissez, comme moi, des communes qui voudraient le faire, mais qui, aujourd’hui, ne disposent pas de suffisamment de bande passante ni de personnel. Notre pays compte un grand nombre de communes qui ont un secrétaire de mairie à mi-temps ou deux jours par semaine.
M. Éric Kerrouche. Il s’agit de communes de moins de 3 500 habitants !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Encouragez, cher collègue, les intercommunalités à mettre en œuvre des projets de cette nature, mais, de grâce, n’imposez pas aux collectivités des obligations qui, même si elles répondent à une nécessité, peuvent être assumées autrement.
Nous devons être ambitieux et exigeants, mais aussi réalistes et pragmatiques. Il ne sert à rien d’afficher des objectifs qui ne pourront jamais être atteints. Je renouvelle donc mon avis défavorable sur cet amendement.
M. Michel Savin. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 407 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 406 rectifié, présenté par MM. Lurel, Marie, Kerrouche, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, MM. Devinaz et Jacquin, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte et Sueur, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 74
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 5211-11-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 5211-11-… ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-11-…. – Dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de 20 000 habitants et plus, le conseil communautaire, lorsqu’un sixième de ses membres le demande, délibère de la création d’une mission d’information et d’évaluation, chargée de recueillir des éléments d’information sur une question d’intérêt intercommunal ou de procéder à l’évaluation d’un service public intercommunal. Un même conseiller communautaire ne peut s’associer à une telle demande plus d’une fois par an.
« Aucune mission ne peut être créée à partir du 1er janvier de l’année civile qui précède l’année du renouvellement général des conseils.
« Le règlement intérieur fixe les règles de présentation et d’examen de la demande de constitution de la mission, ses modalités de fonctionnement, les modalités de sa composition dans le respect du principe de la représentation proportionnelle, la durée de la mission, qui ne peut excéder six mois à compter de la date de la délibération qui l’a créée, ainsi que les conditions dans lesquelles elle remet son rapport aux membres du conseil. »
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Il s’agit d’étendre aux EPCI de plus de 20 000 habitants la possibilité de créer des missions d’information et d’évaluation des politiques publiques. Il s’agit donc d’ouvrir cette possibilité, qui existe déjà pour les communes de plus de 50 000 habitants, à celles de plus de 20 000 habitants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement vise à créer des missions d’information et d’évaluation pour les EPCI à fiscalité propre de 20 000 habitants et plus, comme cela est possible pour les régions, les départements et les communes de plus de 50 000 habitants.
Le principe proposé me semble une excellente idée, et la commission y est favorable. Toutefois, nous nous interrogeons sur le seuil, lequel pourrait faire l’objet de discussions dans le cadre de la navette parlementaire. Prenons le temps de bien l’apprécier.
L’avis de la commission est donc favorable sur cet amendement, dans la mesure où, dans la navette, sera retravaillée la question du seuil.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Sur le fond, nous sommes favorables à cet amendement qui comporte toutefois une erreur de rédaction. En effet, l’article qui prévoit ce dispositif pour les communes est aujourd’hui rendu applicable aux EPCI à fiscalité propre par renvoi de l’article L. 5211-1.
Or ce dernier article précise que ses dispositions sont applicables aux EPCI de plus de 50 000 habitants. La rédaction ne va donc pas. Si vous le retirez, nous pourrons le retravailler dans la navette, je m’y engage.
Mme la présidente. Monsieur Lurel, l’amendement n° 406 rectifié est-il maintenu ?
M. Victorin Lurel. S’il s’agit d’une erreur de référence, il me semble qu’on peut tout simplement rectifier l’amendement pour mentionner le bon article.
On pourra également rectifier le seuil dans la navette. Le travail serait donc déjà fait ici, au Sénat. Je le maintiens donc.
Mme la présidente. Je propose de voter cet amendement en l’état, qui pourra ainsi être retravaillé dans la navette.
Je mets aux voix l’amendement n° 406 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 74.
L’amendement n° 931 rectifié, présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Préville, MM. Antiste, Pla, P. Joly, Cardon et Cozic et Mme Conconne, est ainsi libellé :
Après l’article 74
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan de l’application du décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet, notamment en matière de réduction des inégalités territoriales, de simplification des démarches administratives et d’accès aux services publics.
La parole est à M. Victorin Lurel.
M. Victorin Lurel. Il s’agit de demander un rapport pour faire le bilan et l’évaluation du droit accordé aux préfets de déroger aux normes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Bien que le sujet soit intéressant, nous ne sommes pas favorables à la suggestion.
Effectivement, un pouvoir de dérogation a été accordé aux préfets. Cette initiative est extrêmement intéressante, et nous aimerions en mesurer les effets. La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a écrit, il y a quelque temps, au Premier ministre pour lui demander un état de l’usage de ce pouvoir réglementaire, notamment quelles thématiques et quelles collectivités sont concernées.
Les réponses doivent être en cours d’élaboration, aussi votre amendement est-il totalement satisfait. Il me semble préférable d’attendre la réponse du Premier ministre, plutôt que d’envisager un rapport. Vous connaissez notre religion quant aux rapports.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur le sénateur Lurel, il me semble peu raisonnable d’inscrire une telle disposition dans la loi.
En revanche, j’entends ce qu’a dit Mme le rapporteur et, si vous attendez une réponse, je vous apporterai des précisions sur le sujet.
Mme la présidente. Monsieur Lurel, l’amendement n° 931 rectifié est-il maintenu ?
M. Victorin Lurel. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 931 rectifié est retiré.
L’amendement n° 404 rectifié bis, présenté par MM. Raynal, Kerrouche, Marie, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, MM. Devinaz et Jacquin, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 74
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du 1° bis du V de l’article 1609 nonies C du code général des impôts, après les mots : « à la majorité des deux tiers », sont insérés les mots : « des suffrages exprimés ».
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Cet amendement concerne un grand nombre de situations.
Les montants des attributions de compensation versées aux communes par les EPCI sont figés et ne sont revus qu’à l’occasion de nouveaux transferts de charges.
La loi prévoit une possibilité de révision libre qui implique les délibérations concordantes du conseil communautaire, statuant à la majorité des deux tiers, et des conseils municipaux des communes membres concernées. Cette condition de majorité provoque des problèmes, mais remplace une difficulté : l’unanimité du conseil communautaire.
Le présent amendement a pour objet de préciser cette règle de majorité nécessaire à l’application de la procédure de révision libre des attributions de compensation lorsque cette procédure est engagée par délibérations concordantes de l’EPCI et des communes concernées.
Il vise à préciser que la majorité qualifiée des deux tiers des membres du conseil communautaire devant adopter la révision libre de l’attribution de compensation s’entend de la majorité des deux tiers des suffrages exprimés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il ne s’agit pas d’un petit sujet. Nous touchons en effet aux finances et au sujet extrêmement sensible des attributions de compensation, que nous évoquerons d’ailleurs très certainement tout à l’heure, à l’occasion d’un amendement du Gouvernement relatif à la métropole d’Aix-Marseille-Provence.
Monsieur le sénateur, j’entends ce que vous dites sur la nécessité, dans certains EPCI, de rediscuter des attributions de compensation dans le cadre d’un pacte financier. Il me semble effectivement important de bien mesurer les choses, à partir d’un projet de territoire.
Toutefois, ce sujet, même si la nécessité en est évidente, ne peut être discuté au détour de la présentation d’un amendement. Nous n’avons pas eu de consultation sur ce sujet sérieux. Il existe, en outre, des règles, et la question relève davantage de la commission des finances du Sénat. Si le sujet que vous évoquez doit être débattu, le premier signataire de cet amendement, qui est lui-même président de la commission des finances, peut présenter des propositions au sein de sa commission et faire ainsi bouger les lignes.
En l’état actuel des choses, la commission a émis un avis très défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il convient de préciser s’il s’agit de la majorité des deux tiers des membres du conseil communautaire ou de la majorité des deux tiers des suffrages exprimés.
Je n’ai pas d’opposition majeure sur cette proposition qui me paraît constituer une clarification de la loi, d’autant plus que cela ne prive pas les communes d’un droit. En effet, leur conseil municipal devra continuer de délibérer sur cette révision libre.
Par conséquent, le Gouvernement a émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 404 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 74 bis (nouveau)
Le dernier alinéa du VI de l’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Lorsque le conseil national émet un avis défavorable sur tout ou partie d’un projet de texte mentionné au premier ou au deuxième alinéa du I, le Gouvernement transmet un projet modifié ou, à la demande du conseil national, justifie le maintien du projet initial en vue ou à la suite d’une seconde délibération. »
Mme la présidente. L’amendement n° 1428, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le VI de L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) À la fin, les mots : « en vue d’une seconde délibération » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Hormis dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent VI, une seconde délibération est rendue par le conseil national. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le code général des collectivités territoriales prévoit aujourd’hui que les ministères porteurs d’un projet de texte réglementaire doivent transmettre des éléments d’information complémentaires ou une version modifiée du projet en vue d’une seconde délibération, dès lors que le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) a rendu un avis défavorable.
L’article 74 bis, introduit par la commission, étend aux projets de loi cette procédure de seconde délibération.
Cet amendement vise à supprimer l’obligation faire au Gouvernement, après un premier avis défavorable sur un projet de loi, de transmettre un projet de texte modifié ou de justifier du maintien du texte initial en vue ou à la suite d’une seconde délibération.
En effet, si le CNEN est systématiquement saisi des projets de loi concernant les collectivités territoriales, contrairement à l’ancienne Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN), l’instauration d’un second examen après un premier avis défavorable du CNEN, dont la constitutionnalité n’est pas garantie, ralentirait le processus normatif.
Cette modification n’est d’ailleurs pas demandée par les membres du CNEN. Il revient au Parlement, le cas échéant, en s’appuyant sur l’avis du CNEN, de modifier par amendement le projet de loi dans le cadre de la discussion parlementaire. Ce relais peut d’ailleurs être opportunément assuré par les représentants du Sénat siégeant au sein du CNEN.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Le CNEN, à la création duquel vous avez beaucoup contribué, madame la ministre, ce dont je vous remercie, joue un rôle extrêmement important dans l’évaluation de la pertinence des normes et de leur surcharge. Par conséquent, le Sénat porte une affection particulière à cet organisme, aujourd’hui présidé par Alain Lambert, qui réalise un travail remarquable.
Étant moi-même membre du CNEN, j’ai pu discuter de cette question avec son président : le Conseil est tout à fait soucieux de parfaire sa mission. Or, trop souvent, quel que soit le Gouvernement, d’aujourd’hui ou d’hier, nous reprochons aux études d’impact leur déficit de qualité et regrettons l’enchaînement des textes déclarés d’urgence.
Je ne doute pas de la nécessité de déclarer l’urgence sur certains textes, mais le Gouvernement et le Parlement gagneraient à travailler plus sereinement. À cet égard, l’étude d’impact réalisée préalablement au travail parlementaire est extrêmement importante.
La commission a souhaité élargir les conditions de saisine du CNEN pour permettre aux présidents des assemblées parlementaires et des différentes commissions de demander au Conseil de formuler un avis sur un projet de loi.
En cas d’avis défavorable sur tout ou partie du texte, nous souhaitons soit que le Gouvernement transmette un projet modifié soit qu’il étaye les raisons de son maintien.
En commission, nous avons beaucoup discuté de cette proposition, dont l’initiative revient à Cécile Cukierman. L’idée d’apporter davantage de sérénité et d’efficacité dans l’élaboration de la loi a recueilli une grande adhésion.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 74 bis.
(L’article 74 bis est adopté.)
Article 74 ter (nouveau)
Le V de l’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le président d’une assemblée parlementaire ou le président d’une commission permanente de l’une ou l’autre des assemblées peut demander au Conseil national de formuler un avis sur un projet de loi aux fins d’apprécier sa pertinence au regard du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. À cet effet, le conseil examine notamment la pertinence des renvois au pouvoir réglementaire national. »
Mme la présidente. L’amendement n° 1429, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement propose de supprimer l’article 74 ter, introduit par la commission, qui prévoit que le président d’une assemblée parlementaire ou d’une commission permanente d’une des deux assemblées peut demander au CNEN de formuler un avis sur un projet de loi afin d’en apprécier la pertinence au regard du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
Il me semble que cet article confond le rôle du Conseil national d’évaluation des normes et celui du Conseil constitutionnel : le CNEN n’a pas à rendre d’avis sur la constitutionnalité des textes que le Gouvernement présente.
En conséquence, j’espère vivement que vous allez adopter mon amendement visant à supprimer cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Avec le même enthousiasme et la même foi, mes chers collègues, j’espère que vous n’allez pas voter l’amendement du Gouvernement, qui revient sur l’extension de la saisine du CNEN aux présidents des assemblées parlementaires et des commissions permanentes des deux chambres.
Madame la ministre, le CNEN ne se prend pas pour ce qu’il n’est pas. J’y siège régulièrement, et aucun de ses membres, moi encore moins que les autres, faute des compétences nécessaires, n’a jamais prétendu jouer le rôle du Conseil constitutionnel.
Votre remarque sur l’incompétence du CNEN à porter une appréciation sur la constitutionnalité d’un texte pourrait aussi être adressée au Conseil d’État, qui porte parfois des appréciations sur les décisions du Conseil constitutionnel. (M. Alain Richard s’exclame.)
Il s’agit d’un sujet de fond : nous souhaitons que les textes soumis au Sénat soient précédés d’études d’impact et que celui-ci dispose du temps nécessaire pour répondre aux interrogations et effectuer les vérifications. C’est servir le Gouvernement, quel qu’il soit, servir les parlementaires et, in fine, servir l’efficacité de la loi, c’est-à-dire nos concitoyens.
J’espère tout autant que vous, madame la ministre, recevoir l’appui de mes collègues, mais à rebours de votre position : avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Avec un peu moins de véhémence que vous, madame la ministre, je voudrais expliquer pourquoi nous espérons que votre amendement ne sera pas adopté.
Il est beaucoup question ici du pouvoir législatif et de la place de chacun dans l’élaboration de la loi. Sachez qu’il est de plus en plus insupportable, lorsque l’un d’entre nous dépose un amendement ou une proposition de loi, de s’entendre opposer le manque d’études, d’analyses ou d’évaluations, y compris d’un point de vue normatif – inévitablement, toutes nos propositions produisent des normes supplémentaires, et nous savons bien qu’il faudrait d’abord réviser l’existant, conformément à notre propre jurisprudence.
Madame la ministre, je ne comprends pas la défense très virulente de votre amendement de suppression (Mme la ministre s’étonne.), alors que la commission a simplement voulu conforter le travail législatif en permettant aux parlementaires de bénéficier d’un avis « éclairé » pour prendre, en séance publique, les meilleures décisions possible sur des textes que nous examinons parfois sans disposer des analyses et évaluations nécessaires.
Nous voterons contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Il me semble que cet article n’a aucun avenir.
Madame la rapporteure, les règles de préparation et d’adoption de la loi sont régies par la Constitution, à travers une vingtaine d’articles. Elles ne peuvent bien évidemment pas être modifiées par la loi ordinaire.
La réforme constitutionnelle de 2008 a eu pour effet très positif, par exemple, de rendre l’étude d’impact obligatoire. Mais cette obligation a justement été aménagée par une loi organique et non par une loi ordinaire.
Selon moi, la commission des lois n’a pas bien interprété son mandat – je le dis devant son président – en pensant pouvoir modifier les conditions de préparation de la loi par une loi ordinaire.
Lorsque ce projet de loi lui sera soumis, d’une manière ou d’une autre, le Conseil constitutionnel ne manquera pas de censurer cet article. (Mme Cécile Cukierman proteste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. J’entends les arguments de notre collègue Richard, mais la loi permet déjà la saisine du Conseil constitutionnel.
M. Alain Richard. C’est la Constitution !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous ne créons donc pas un élément déclencheur nouveau, nous proposons une nouvelle possibilité de saisine.
Je ne doute pas de la sagesse de votre propos, mon cher collègue, mais la commission des lois a bien examiné la rédaction de cet amendement, qui ne me semble pas frôler l’inconstitutionnalité. Je maintiens donc l’avis défavorable, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 312 rectifié, présenté par Mmes Cukierman, Assassi, Brulin, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après les mots :
assemblée parlementaire
Insérer les mots :
, le président d’un groupe politique
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. En l’état, l’article 74 ter permet aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu’à ceux de chacune des commissions permanentes des deux chambres, de demander au CNEN de formuler un avis sur un projet de loi.
Cet avis permettrait d’apprécier la pertinence d’un texte par rapport au principe de libre administration des collectivités territoriales, notamment au regard des renvois au pouvoir réglementaire national.
Nous proposons, par cet amendement, d’aller un peu plus loin en permettant également aux présidents et présidentes d’un groupe politique de l’une ou l’autre des deux chambres de saisir le CNEN.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Le CNEN est d’une très grande neutralité politique : il aborde les questions territoriales en choisissant une approche par objet plutôt que par couleur politique.
Si votre amendement était adopté, ma chère collègue, le président d’un groupe politique pourrait interpeller le CNEN. Une telle situation risque de politiser les analyses factuelles du Conseil, ce qui me semble dangereux : en cas d’avis négatif, le groupe déçu pourrait reprocher au CNEN d’avoir pris une décision sur la base de sa couleur politique.
Le champ que vous ouvrez me semble aller au-delà du possible et présenter de nombreux risques : avis défavorable.