M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Parfaitement !
Mme Christine Lavarde. Il ressort du rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques locales que les collectivités locales ont payé un lourd tribut, notamment celles qui contractualisent : les grandes villes, les intercommunalités, les départements, les régions !
Mme Françoise Gatel. Absolument !
Mme Christine Lavarde. Par ailleurs, monsieur le ministre, comment allez-vous prendre en compte la revalorisation des agents de catégorie C, qui sont très largement majoritaires dans ces collectivités ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Très bien ! (Mme Françoise Gatel applaudit.)
Mme Christine Lavarde. J’ai bien noté qu’était annoncée dans le tiré à part une augmentation de 0,5 % des fonds de concours de l’État vers les collectivités.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Christine Lavarde. Je suis malheureusement dans l’incapacité de savoir si cela couvrira les transferts de charges non compensés, dont nous discuterons plus tard, et les diminutions d’impôts que vous avez décidées. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, encore une fois, je salue la qualité du service de la communication de Bercy. Monsieur le ministre, je vous ai écouté attentivement et j’ai noté l’aplomb avec lequel vous avez tout à l’heure parlé de sérieux budgétaire, alors que vous présentiez le déficit le plus important de l’histoire de France.
M. Jean-Raymond Hugonet. En effet !
M. Vincent Delahaye. Je reconnais avoir été très surpris !
Je pourrais commenter les interventions précédentes les unes après les autres. Je tiens particulièrement à saluer Pascal Savoldelli, qui s’est exprimé au nom du groupe CRCE : je pourrais reprendre mot à mot son intervention – jusqu’à ce qu’il parle des impôts ! (Sourires.) Manifestement, il n’a pas lu mon livre, Révolution fiscale.
M. Jean-Raymond Hugonet. C’est impardonnable ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il faut le lui offrir !
M. Vincent Delahaye. Je regrette que M. Savoldelli n’ait pas plus insisté sur la dépense.
Christine Lavarde a bien montré que le Gouvernement disait aux collectivités locales : « Faites ce que je dis, pas ce que je fais. »
M. Jean-Raymond Hugonet. Très juste !
M. Vincent Delahaye. Quand on voit le sérieux de leurs documents d’orientation budgétaire et ce que le Gouvernement nous présente pour les comptes de l’État, il y a de quoi être particulièrement déçu.
Nous débattons des orientations budgétaires à toute allure. Comme chaque année, nous allons voter ce projet de loi de règlement en quatrième vitesse. Je ne trouve pas cela sérieux. Tous les ans, je le regrette : je ne m’y fais pas, je ne m’y résous pas. Il nous faudrait trouver les moyens d’avoir un débat plus sérieux et plus approfondi sur ces sujets importants.
Avant la gestion de la crise sanitaire, notre situation budgétaire était très mauvaise ; contrairement à vous, monsieur le ministre, je ne vois pas où étaient les marges budgétaires. Au demeurant, après la gestion de la crise, elle est extrêmement mauvaise. Hier, la norme était de l’ordre de 100 milliards d’euros de déficit ; aujourd’hui, elle approche les 200 milliards d’euros ! Cela signifie que près de la moitié de nos dépenses ne sont pas financées.
Si seule la gestion de la crise expliquait ce bilan de l’année 2020, j’aurais accepté de le voter. Malheureusement, il y a du laxisme financier, un laisser-aller budgétaire, des dépenses à tout va et dans tous les sens. Les milliards d’euros tombent ici ou là ; on a « lâché » les budgets sur une vingtaine de missions des services de l’État.
Pour ma part, je ne peux pas valider cette option. J’observe la préparation du budget pour 2022 et je constate que plus de 10 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour les ministères sont annoncés : je suis effaré ! Je sais bien qu’il s’agit là d’un budget de précampagne électorale et qu’il faut faire attention aux uns et aux autres, mais c’est surtout à nos finances, à nos déficits et à notre endettement qu’il faut faire attention !
Le problème vient du fait que, exceptés quelques-uns de vos collègues et vous-même, monsieur le ministre, le chef de l’État et la plupart des ministres n’ont jamais géré de collectivités locales ! (M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Bravo !
M. Vincent Delahaye. Ils ne savent pas ce qu’est l’équilibre budgétaire, pas plus que la règle d’or qui est imposée aux collectivités locales, respectée et non discutée par tout le monde. Je déplore qu’une telle règle ne soit pas appliquée aux comptes de l’État !
Monsieur le ministre, jusqu’à présent, j’ai salué vos efforts de sincérité, pensant que vous étiez véritablement dans cette démarche. Aujourd’hui, ils me déçoivent : force est d’admettre que ce projet de loi de règlement du budget, par des reports de dépenses de plus de 30 milliards d’euros sur l’année 2021, n’est pas sincère.
Je pourrais parler des prévisions de recettes, notamment celles de la TVA pour 2021, qui sont vraiment en dessous de tout. En fin de compte, votre but, c’est de présenter un bilan meilleur qu’il ne l’est, en vue des élections.
Je suis persévérant : je poursuivrai mes efforts de pédagogie sur la rigueur. Je suis également cohérent : j’ai voté contre le quatrième projet de loi de finances rectificative de 2020 et, à titre personnel, sans engager le groupe Union Centriste, je voterai contre ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Michel Arnaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 est indéniablement singulier. En effet, il vient clore les comptes d’une année marquée par la plus grave crise que nous ayons eu à traverser depuis la Seconde Guerre mondiale. Fait inédit dans l’histoire budgétaire de notre pays, pas moins de quatre lois de finances rectificatives ont dû être votées par le Parlement pour définir, ajuster, puis recharger les différents mécanismes de soutien à la vie économique du pays.
Contre le cataclysme économique provoqué par la propagation du virus et la suppression d’une partie substantielle de l’offre productive, l’État a pris des décisions inédites, en ouvrant grand les vannes de la dépense publique. À l’effet de ces mesures de soutien s’est ajouté celui de la contraction de l’activité économique sur l’encaissement des recettes publiques. Résultat : la France a vu son déficit public se dégrader de plus de 137 milliards d’euros – c’est vertigineux ! –, et ce pour répondre dans l’urgence à la déflagration de la situation liée au covid-19 et atténuer l’impact des conséquences économiques et sociales de la crise aussi bien sur les familles et les entreprises que sur les collectivités locales.
Le déploiement des mesures d’urgence était nécessaire ; à une écrasante majorité, et sur toutes les travées, nous les avons largement soutenues. Les soutiens publics au titre du chômage partiel ou du fonds de solidarité relevaient d’un impératif de sauvegarde du tissu économique et social. À titre personnel, je pense à l’économie de la montagne dont la survie, dans une période inédite pour elle, reposait exclusivement sur les aides de l’État.
Cela a été rappelé à juste titre : le niveau exceptionnel des crédits reportés en 2021, d’un montant avoisinant les 37 milliards d’euros, entache la sincérité du budget voté. Nous le déplorons d’autant plus, monsieur le ministre, que, depuis le début du quinquennat, vous aviez affiché un respect sourcilleux du principe de sincérité, comme marque de l’exécutif dans la gestion des comptes publics.
Or le dévissage de nos comptes publics traduit surtout le manque d’anticipation et d’efforts du Gouvernement en matière d’assainissement des comptes publics. Oui, si la France avait eu des finances publiques plus saines au début de l’épidémie de covid-19, nos marges de manœuvre auraient été plus grandes aujourd’hui. L’absence de réformes structurelles passées est donc un handicap non seulement pour le temps présent, mais aussi pour l’avenir.
Si l’État est légitime à s’endetter, en particulier en période de relance économique, il ne peut pérenniser un haut niveau d’endettement sans sacrifier notre prospérité de demain, celle de nos enfants. C’est d’ailleurs ce qui nous avait motivés à rejeter, en nouvelle lecture, le projet de loi de finances pour 2020.
Pour paraphraser Jean de La Fontaine, la cigale, ayant emprunté sans compter, se trouva fort dépourvue quand le covid fut venu – et le sera encore plus quand il aura disparu ! Nous ne pouvons plus chanter ni danser tout l’été sans nous soucier de l’avenir de nos enfants. Place au volontarisme, afin d’assainir les comptes de la Nation ! En ce sens, le choix du Gouvernement de ne pas imputer au solde structurel les mesures liées à la crise sanitaire ne fait que renforcer l’illisibilité de la stratégie des finances publiques pour les années à venir.
En bref, le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 est le reflet d’une situation exceptionnelle pour laquelle un effort budgétaire immédiat était indispensable. À moyen terme, la relance économique doit porter ses fruits. À long terme, nous ne pourrons faire l’économie d’une véritable stratégie de redressement des comptes publics, afin de conserver la maîtrise de nos finances publiques, en direction des collectivités locales.
Comme l’a souligné tout à l’heure Vincent Delahaye, la situation des collectivités locales est certainement la plus inquiétante, surtout en ce qui concerne les services publics de proximité. Nous aurons à discuter, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, de l’impact qu’aura eu sur nos finances publiques la manière dont le Gouvernement a géré cette crise.
Notre groupe, très majoritairement, s’abstiendra sur ce projet de loi de règlement. Nous laissons à chacun de nos membres la liberté de voter comme il l’entend, en son âme et conscience – je sais déjà que le vote de certains d’entre eux sera favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Féraud. Monsieur le ministre, à vous écouter et à lire le rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques, le Gouvernement est satisfait de la politique qu’il a conduite de 2017 à 2019. Il n’a qu’une hâte : en reprendre le fil, le plus vite possible.
M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde a changé, mais les mots du Gouvernement restent les mêmes : baisse des impôts et maîtrise des finances publiques. Je note que la différence avec la majorité sénatoriale porte non pas sur la nature de votre politique, mais sur le rythme, l’ampleur, le niveau et les modalités d’exécution. Mon groupe et moi-même ne partageons ni le satisfecit du Gouvernement ni ses orientations politiques.
Disons-le : la crise économique, d’une violence inouïe en temps de paix, a rendu dérisoires les efforts budgétaires opérés au début du quinquennat en faveur des finances publiques, car les sacrifices sur lequel ils reposaient sont douloureux. J’en donnerai deux exemples : la chute de la production de logements depuis le début de ce quinquennat – on sait à quel point cela pèse sur le pouvoir d’achat des Français – et la situation de l’hôpital, mise en exergue de façon ô combien douloureuse.
Nous ne partageons pas non plus le discours actuel du Gouvernement : sortir le plus vite possible du « quoi qu’il en coûte » pour faire comme avant, voire amplifier le déséquilibre provoqué par la politique menée. Bien sûr, il faut maîtriser les finances publiques. La maîtrise reste un terme assez flou, mais nous l’approuvons si tant est qu’elle signifie contrôler notre destin.
Ce n’est pas qu’une histoire de cigale et de fourmi… On peut et l’on doit maîtriser les finances publiques avec la volonté de réduire les inégalités, avec le souci de l’équilibre et de la justice, avec le souci de la capacité d’action publique. C’est d’autant plus essentiel après cette crise !
Je pense aussi que l’on peut y parvenir en changeant de modèle. Telle ne semble pas être votre volonté, monsieur le ministre. Continue-t-on, d’un côté, à baisser les impôts du capital et, de l’autre, à faire semblant de les baisser pour les ménages ? En réalité, en effet, on reprend d’une main ce que l’on donne de l’autre !
Monsieur le ministre, vous oubliez de rappeler la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) au début du quinquennat. Vous oubliez de mentionner le prolongement de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) au moins jusqu’à 2033, pour un montant de 136 milliards d’euros. Vous oubliez de dire que la grande part de l’effort repose, en fait, sur le déficit public, donc sur les générations prochaines.
Même la suppression de la taxe d’habitation, maintenue en 2022-2023, va accroître les inégalités, alors que, dans le programme du candidat Emmanuel Macron, elle était présentée comme une mesure de lutte contre les inégalités. Certes, ces dernières années, le Gouvernement a dû céder un certain nombre de mesures sur la CSG ou l’impôt sur le revenu, mais, s’il l’a fait, c’est face à la contestation de sa politique, en particulier lors de la crise des « gilets jaunes ».
Je remarque que, à défaut de se réinventer, le Gouvernement est aujourd’hui sur la défensive. Il reconnaît que sa politique n’est plus adaptée, puisqu’il renonce aux baisses d’effectifs prévues dans la fonction publique. Je me réjouis de ce renoncement, mais un renoncement ne fait pas une politique.
Quelles sont donc les perspectives du Gouvernement à l’heure actuelle ? L’extinction la plus rapide possible des mesures de soutien ? Restons prudents. La réforme des retraites ? On ne sait plus trop laquelle. La réforme de l’assurance chômage, sans cesse reportée, tellement elle est douloureuse ?
Pendant ce temps, le patrimoine des plus grandes fortunes françaises a augmenté de 30 %. Pour nous, il n’est pas possible de parler de l’avenir des finances publiques sans lier cette question aux deux grands enjeux de l’avenir : la transition écologique et la lutte contre les inégalités.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Rémi Féraud. Monsieur le ministre, allez-vous changer radicalement en matière de transition écologique, à l’occasion de l’élaboration du budget pour l’année 2022 ? Je n’en suis pas sûr. Et je ne crois pas cette évolution plus probable au sujet de la lutte contre les inégalités…
C’est pour cela que nous pensons qu’un autre chemin est possible et nécessaire. Quant à l’orientation des finances publiques, c’est aux Français qu’il reviendra d’en décider l’an prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)
M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’intéresserai non pas aux perspectives d’évolution de nos finances publiques, que Christine Lavarde a déjà largement analysées, mais aux résultats de l’année 2020.
La crise économique la plus grave que nous ayons connue après la Seconde Guerre mondiale a entraîné mécaniquement une dégradation de nos finances publiques, à un niveau jamais atteint depuis 1944 : chute des recettes fiscales, hausse massive des dépenses d’urgence et de relance pour sauver notre économie et, par voie de conséquence, niveaux de déficit et de dette publique record.
Si nous avons soutenu en 2020 les mesures d’urgence nécessaires – notre groupe a voté les quatre collectifs budgétaires l’an passé, ainsi que le projet de loi de finances rectificative adopté voilà quelques jours –, nous estimons que la dégradation de nos finances publiques en 2020 résulte de l’absence d’efforts suffisants de redressement de nos comptes publics au début du quinquennat.
Selon le rapport préparatoire du Gouvernement au présent débat, « l’effort de maîtrise des comptes publics opéré de 2017 à 2019 a permis de disposer de marges de manœuvre pour répondre de manière efficace à la crise sanitaire ». La Cour des comptes ne partage pas du tout cette analyse, notre groupe non plus. Elle observe, au contraire, que la France a abordé la crise alors que ses finances publiques étaient insuffisamment redressées. Notre déficit public avant-crise était de - 3,1 % en 2019 ; il était, avec celui de la Roumanie, le plus important des vingt-sept États membres de l’Union européenne. Les deux tiers des États membres étaient alors en excédent budgétaire et la moyenne des comptes publics en Europe était à l’équilibre.
Nous ne disposions donc d’aucune marge de manœuvre budgétaire pour financer les mesures de sauvegarde de notre économie, contrairement à la plupart de nos voisins européens, à commencer par l’Allemagne, qui disposait de plus de 13 milliards d’euros d’excédent budgétaire.
Si notre groupe se félicite que les impôts n’aient pas été augmentés, il déplore toutefois l’absence d’économies au début du quinquennat. Exactement comme sous le quinquennat précédent, les économies n’ont cessé d’être repoussées à plus tard : réforme des retraites continuellement reportée, abandon de la promesse de réduction de 50 000 emplois au sein de l’État et de ses opérateurs.
Comme l’a souligné la Cour des comptes en 2019, les dépenses publiques françaises étaient les plus élevées de l’Union européenne, se situant 8,8 points au-dessus de la moyenne, sans pour autant montrer toute leur efficacité. Au déficit public excessif s’ajoute un déficit commercial sans équivalent en Europe – c’est sans doute ce qui nous inquiète le plus. En cumul glissant sur douze mois, le déficit commercial s’établit à 70 milliards d’euros, soit à un niveau historiquement haut.
Comme le remarquait encore récemment Jean Peyrelevade, notre attractivité continuera d’être interrogée et la question des fonds propres des entreprises, que j’ai déjà évoquée ici, est devant nous. Résultat : alors que la France et l’Allemagne avaient le même niveau de dette avant la crise de 2008, un écart de 40 points s’est creusé entre elles en 2019.
J’en viens aux collectivités territoriales. Si l’impact de la crise a été moindre que redouté, il a tout de même eu des conséquences sur les finances locales. Selon la Cour des comptes, en 2020, l’épargne brute globale des collectivités locales a diminué de plus de 10 % et les dépenses d’investissements se sont contractées de 7,1 %. Certaines communes ont été particulièrement touchées.
Des filets de sécurité ont certes été mis en place, quelques-uns sur l’initiative du Sénat. Toutefois, pour 2021 et 2022, un certain nombre de questions subsistent. Quid des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des départements, qui vont être confrontés à des pertes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) plus importantes qu’en 2020 ? Quid des conséquences importantes en matière de potentiel fiscal, donc de péréquation, liées à la réforme de la taxe d’habitation ? Le dispositif de neutralisation des indicateurs financiers qui servent à la répartition des dotations et des fonds de péréquation sera-t-il reconduit en 2022 ?
Attention à ne pas faire payer demain la note de la crise aux collectivités, comme on commence à le lire ici ou là ! Cette piste figurait dans le rapport de Jean Arthuis sur l’avenir des finances publiques et on la retrouve dans le projet de loi d’orientation des finances publiques. Les collectivités territoriales ne sont en rien responsables de ce déficit. Elles n’empruntent que pour investir et ne concourent qu’à hauteur de 2 % à la dégradation du solde public.
En conclusion, si nous avons soutenu le Gouvernement dans la lutte contre la crise économique en 2020, nous n’avons pas cautionné l’état des comptes publics du début d’année, avant la survenance de cette crise. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons modifié le projet de loi de finances initiale pour 2020.
De surcroît, les reports de crédits de 2020 sur 2021 atteignent des degrés inédits et, comme l’a souligné M. le rapporteur général de la commission des finances, cette situation nuit à la sincérité des comptes de l’année passée. Je pense notamment aux crédits du programme 203 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur spécial : les 4 milliards d’euros de recapitalisation de la SNCF ont été intégralement reportés, alors même que la situation financière de cette entreprise ne manque pas de nous inquiéter. Monsieur le ministre, vous avez d’ailleurs tracé des perspectives en ce sens pour le projet de loi de finances pour 2022.
Pour toutes ces raisons, les élus du groupe Les Républicains s’abstiendront sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons cet après-midi tout à la fois du projet de loi de règlement de l’année passée et de l’orientation de nos finances publiques pour 2022.
Si la jonction de ces deux sujets est naturelle pour que l’examen du passé éclaire les décisions à venir, l’exercice paraît frustrant à plusieurs titres.
Comme chaque année, le projet de loi de règlement est une photographie de l’exécution budgétaire : il n’est donc pas susceptible de modifications parlementaires. Tout au plus le Parlement peut-il l’approuver en bloc ou le rejeter, ce rejet n’ayant lui-même qu’une portée symbolique.
L’exercice 2020 a été marqué par de nombreux collectifs budgétaires en cours d’année, destinés à ouvrir les crédits rendus nécessaires pour soutenir les entreprises et les ménages, et par une très forte dégradation de nos comptes publics.
Si le Sénat a souscrit aux ouvertures de crédits, certains d’entre nous – et j’en fais partie – auraient souhaité des arbitrages différents, notamment en direction des jeunes et des publics les plus fragilisés par la crise.
Par ailleurs, je suis de ceux qui pensent que, tout particulièrement en année de crise, alors que notre déficit public se creusait toujours davantage, les baisses d’imposition non ciblées sur le soutien direct à l’emploi et à l’activité économique auraient dû être reconsidérées.
Dans le collectif budgétaire de fin d’année, le Gouvernement a demandé au Sénat l’ouverture de 20 milliards d’euros de crédits supplémentaires. Pour justifier ces demandes, il a invoqué la prudence au regard des risques de prolongation des mesures de confinement.
Or, au total – les précédents orateurs l’ont rappelé –, 36 milliards d’euros de crédits ont été reportés sur l’année 2021. La prudence, qui était compréhensible dans des circonstances exceptionnelles, s’est malheureusement transformée en une sorte de cavalerie budgétaire d’une année sur l’autre : une partie des crédits non consommés aurait très bien pu être annulée.
Puisque la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) devrait prochainement être révisée, de telles méthodes pourraient être, sinon interdites, du moins encadrées, par exemple par un plafonnement global des reports de crédits de paiement d’un exercice sur l’autre.
En tout état de cause, je tiens à saluer le travail approfondi réalisé par tous les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, qui ont analysé très précisément l’exécution de chaque mission budgétaire en cette année particulière et pointé les améliorations qui devront y être apportées. Nous ne pouvons qu’espérer que leurs nombreuses recommandations soient mises en œuvre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022.
Je pense notamment aux préconisations du rapporteur spécial des participations financières de l’État, Victorin Lurel, jugeant qu’il faut mettre un terme au fonds pour l’innovation et l’industrie (FII), lequel constitue une simple débudgétisation ; au contrôle d’Albéric de Montgolfier et de Claude Nougein, qui s’alarment de l’énorme sous-consommation des crédits de la mission « Action et transformation publiques » ; ou encore au rapport que Christian Klinger a consacré à la mission « Santé », montrant la confusion des rôles entre État et sécurité sociale dans la gestion de la lutte contre le covid-19, un an après le transfert de l’agence Santé publique France vers le budget de la sécurité sociale.
À l’instar de la Cour des comptes, le Gouvernement plaide pour que le Parlement se penche davantage sur l’évaluation ex post de la loi de finances : je ne doute pas qu’il aura à cœur de tenir compte de ces observations pour le prochain projet de loi de finances, afin que les parlementaires n’aient pas une nouvelle fois le sentiment de prêcher dans le désert.
Par ailleurs, avec les rapporteurs spéciaux Philippe Dallier, Christine Lavarde, Hervé Maurey, Stéphane Sautarel et Vincent Capo-Canellas, la commission des finances a fait cette année un focus sur les missions particulièrement concernées par la transition écologique et durement frappées par la crise, qu’il s’agisse du logement, de l’écologie, des transports terrestres ou aériens, en auditionnant les ministres chargés de ces portefeuilles. Nous espérons que les nombreuses observations que nous avons pu formuler ne resteront pas sans suite.
Enfin, j’évoquerai brièvement le débat d’orientation des finances publiques (DOFP). Là encore, monsieur le ministre, quelle déception !
Il faut le dire : comme chaque année, le Gouvernement ne dévoile que tardivement – ce matin même – et partiellement ses intentions pour le prochain projet de loi de finances, alors que la vocation première de ce débat est précisément d’aborder en amont les grands choix en recettes et en dépenses.
On en apprend bien davantage sur les perspectives de nos finances publiques en regardant les interventions du Président de la République ! Ainsi, nous avons appris lundi dernier que la croissance était réévaluée à 6 %, ce que le ministère des finances n’avait semble-t-il pas anticipé dans ses documents budgétaires (M. le rapporteur général de la commission des finances rit.), la correction ayant été faite aujourd’hui même.
Nous savons maintenant, grâce à la dernière allocution du chef de l’État, que s’annoncent un nouveau plan d’investissement, un revenu d’engagement pour les jeunes et d’autres mesures encore : autant d’éléments qui ne font l’objet d’aucun début de chiffrage au titre du DOFP.
Dans le cadre de la réforme de la LOLF, il est question de supprimer ce débat d’orientation des finances publiques. Certes, ce choix permettrait au Gouvernement de s’épargner un moment désagréable, comme aujourd’hui, puisque nous lui demandons d’expliquer l’absence d’information sur ses orientations budgétaires et fiscales. Reste qu’un tel constat d’échec montre surtout la volonté de ne pas jouer le jeu de ce débat préparatoire au projet de loi de finances et au projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’automne ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)