M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements.)
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement et le Président de la République affrontent une séquence calamiteuse, marquée par un triple fiasco.
Le fiasco de la propagande électorale : la commission d’enquête sénatoriale fera son travail.
Le fiasco démocratique : avec 20 points de participation en moins par rapport aux élections de 2015, c’est une alerte majeure, dont nous devons collectivement tirer les conséquences. Le Président de la République, avec une grande légèreté, donne comme simple explication : « Les gens n’avaient pas du tout la tête à cela. » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Quel manque de considération pour le travail des élus locaux et, surtout, quel mépris pour les citoyens !
Enfin, c’est un fiasco électoral pour La République En Marche, ce parti « virtuel » composé de « cliqueurs », comme le qualifie le président Patriat, et donc pour le Président de la République lui-même, qui était, malgré ses dénégations, la véritable tête de liste de ces élections. (M. le Premier ministre s’inscrit en faux.) Je vous renvoie à son tour de France ou aux candidatures du tiers de ses ministres, avec le résultat que l’on connaît.
Conséquence de la verticalité du pouvoir que vous avez installée depuis 2017, ce sont non seulement les élections territoriales que les Français ont boudées, mais, surtout, votre politique et l’action personnelle du chef de l’État.
M. François Patriat. Pas du tout !
M. Patrick Kanner. Alors, monsieur le Premier ministre, pour tirer les conclusions de ce triple fiasco, et plutôt que de relancer une réforme des retraites injuste et totalement décalée en cette période, je vous fais une proposition, qui, d’ailleurs, aurait le mérite de satisfaire un engagement présidentiel, une parole donnée en 2017 : débattez ! Débattez avec le Parlement en convoquant, dès juillet, le Congrès, sur le fondement de l’article 18 de la Constitution. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous sommes les représentants de la Nation. Nous avons des choses à vous dire sur l’état de la France et sur votre bilan. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-François Husson. Rappelez François Hollande !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Patrick Kanner, si vous pensez que c’est la convocation du Congrès qui aurait pu drainer davantage de nos concitoyens à ces élections, je vous laisse la responsabilité de cette appréciation ! (Rires au banc du Gouvernement. – Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. David Assouline. Ne déformez pas ce qu’a dit M. Kanner !
M. Jean Castex, Premier ministre. Il est quand même curieux – ce n’est pourtant pas la première fois que je l’entends – que l’on nous reproche d’avoir voulu « nationaliser » ces élections, ce qui n’a pas été le cas. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
M. Rémi Féraud. Si, vous l’avez fait !
M. Jean Castex, Premier ministre. Je le dis de la façon la plus claire possible : c’étaient des élections locales. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas souhaité les nationaliser que le Gouvernement de la République considère qu’il s’agit d’élections secondaires. Ce sont des élections extrêmement importantes pour la démocratie locale.
Monsieur Kanner, je suis, comme vous, extrêmement préoccupé par l’abstention massive qui a caractérisé ces scrutins.
Nous allons tout de suite – vous y avez fait allusion, je suis votre raisonnement – traiter la question des graves dysfonctionnements qui ont caractérisé l’acheminement des plis et de la propagande électorale, sur lesquels M. le ministre de l’intérieur s’est exprimé ici même mardi 22 juin, et hier encore à l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Le Sénat a donné à sa commission des lois les prérogatives d’une commission d’enquête sur ce sujet ; nous répondrons à toutes ses questions. L’objectif est évidemment que de tels dysfonctionnements ne se reproduisent pas ! (Exclamations de satisfaction ironique sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Beaucoup d’anciens chefs d’exécutifs locaux siègent sur ces travées ; ils ont eu à appliquer le code de la commande publique et connaissent parfaitement les responsabilités des personnes responsables de la conclusion de marchés publics et des titulaires de ceux-ci. C’est un dispositif législatif, adopté ici même, que nous avons appliqué et qu’il faudra sans doute faire évoluer, comme M. le ministre de l’intérieur l’a lui-même déclaré.
M. Marc-Philippe Daubresse. Laissez faire les maires !
M. Jean Castex, Premier ministre. Plus grave encore est la question de l’abstention. Je tiens à répéter, sans nullement chercher de la sorte à nous dédouaner, qu’il s’agit d’une interpellation collective. On peut toujours se renvoyer la balle, mais je crains que cela n’alimente encore davantage le désintérêt de nos concitoyens. Je vous le dis comme je le pense ! Nous prenons toute notre part de responsabilité. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Voyons, mesdames, messieurs les sénateurs : soit vous considérez, comme moi, qu’il s’agit de sujets extrêmement préoccupants,…
M. Jean-François Husson. Alors, il faut agir !
M. Jean Castex, Premier ministre. … soit vous en faites le prétexte d’interpellations permanentes et de politique politicienne, mais cela ne ferait pas avancer le schmilblick !
Le président de l’Assemblée nationale a pris une initiative. Je sais bien, monsieur Kanner, que le Sénat avait déjà offert des contributions sur ces sujets. Il nous faudra, dans la transversalité et la sérénité, en tirer toutes les conclusions qui s’imposent.
Vous savez très bien, monsieur le président Kanner, contrairement à la simplification très abusive à laquelle vous avez procédé (Protestations sur les travées du groupe SER.), qu’il y a beaucoup de causes au phénomène de l’abstention. Nombre de ces causes sont très anciennes ; certaines sont sans doute plus récentes ; en tout cas, elles sont nombreuses et difficiles à traiter pour notre démocratie et, en particulier, pour notre démocratie locale.
Je le répète : dire qu’il s’agit d’élections locales n’est pas condescendant dans notre bouche ! Les résultats ont été ce qu’ils ont été ; nous en prenons acte.
Le Gouvernement de la République que vous avez devant vous a travaillé activement – notamment son chef, depuis son entrée en fonctions – avec les présidents sortants de départements et de régions, et il continuera de le faire, tout aussi activement, avec les nouveaux élus issus du suffrage universel. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et le Congrès ?
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.
M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, je voudrais d’abord vous féliciter : j’ai appris, par un organe de presse hebdomadaire, que vous étiez confirmé dans vos fonctions ! Vous restez donc notre interlocuteur.
Je vous ai fait une proposition ; je n’ai pas entendu un mot de vous à son propos. J’aimerais simplement que vous rappeliez à M. le Président de la République qu’il avait pris un engagement en 2017 : réunir le Congrès une fois par an pour faire le bilan de la situation de la France. Je vous réitère cette demande, car la réunion de ce Congrès, à quelques mois de l’élection présidentielle, est plus que jamais une évidence. Je vous demande vraiment, monsieur le Premier ministre, de bien vouloir le suggérer au Président de la République, chef de l’État. Le clivage droite-gauche est revenu ; sachez le prendre en considération ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
transfert de la médecine scolaire au département
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Fialaire. Ma question s’adressait à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, mais aussi à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, ainsi qu’à M. le ministre des solidarités et de la santé ; mais je suis très heureux de m’adresser finalement à M. Joël Giraud, secrétaire d’État chargé de la ruralité.
Les effets médicaux et psychosociaux de la crise du covid-19 affectent durablement notre jeunesse, et ce dès l’enfance. Même si nous saluons le maintien maximal de la présence à l’école, des séquelles persisteront. Le suivi en médecine scolaire a été perturbé.
La situation d’indigence de la médecine scolaire dans notre pays doit nous alerter davantage encore : un seul médecin pour 12 000 élèves ! Parallèlement, la protection maternelle et infantile (PMI) est confrontée aux mêmes problèmes de recrutement. Pourtant, la santé de nos enfants – leur état de bien-être physique, mental et social – bénéficierait d’une mutualisation et d’une complémentarité des services de médecine scolaire avec la PMI et les services sociaux des départements.
Alors que nous envisageons les mesures sanitaires à prendre pour la prochaine rentrée scolaire, alors que les départements renouvellent leurs exécutifs, l’organisation de leurs missions et de leurs services, n’avons-nous pas une formidable occasion de réunir ces services pour plus d’efficacité et d’exhaustivité dans ce contexte de pénurie de professionnels de santé, professionnels qu’il convient de ménager en les délestant des problèmes sociaux intercurrents ?
Il existe une véritable logique de dépistage et d’accompagnement des enfants de la naissance à la fin de leur scolarité.
Le 17 décembre dernier, Mme Gourault annonçait son projet de transfert de la médecine scolaire aux départements par la création d’un service de santé infantile. Mais le 12 mai dernier, à la sortie du conseil des ministres, nous apprenions que cette réforme disparaissait du projet de loi 3DS. Comment expliquez-vous ce recul ?
Pouvons-nous profiter des circonstances actuelles de renouvellement des exécutifs départementaux et de mise en place de mesures sanitaires dès la prochaine rentrée scolaire pour proposer a minima des expérimentations dans des départements volontaires, faute de dispositions applicables sur tout le territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la ruralité.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Bernard Fialaire, comme vous le savez, la question de l’articulation de la médecine scolaire avec les compétences exercées, via les services de la PMI, par le département en matière de santé du petit enfant suscite depuis très longtemps des propositions de réorganisation.
Parmi ces propositions, on trouve effectivement la création d’un service de santé de l’enfant qui réunirait les moyens et les missions de la PMI et de la médecine scolaire. Cette proposition est d’ailleurs soutenue par l’Assemblée des départements de France.
En effet, comme vous le soulignez, les missions de la PMI et celles de la médecine scolaire présentent une certaine continuité. Ainsi, la loi dispose d’ores et déjà que la visite médicale auprès de l’enfant entre 3 ans et 4 ans est confiée aux services de la PMI, bien qu’elle soit organisée à l’école.
Cette proposition a fait l’objet de réflexions dans le cadre de l’élaboration du projet de loi 3DS, que Mme Gourault défendra dans cet hémicycle dès la semaine prochaine. Il est néanmoins apparu que, dans le contexte de la crise sanitaire, les conditions n’étaient pas totalement réunies pour ouvrir cette discussion dans un cadre apaisé.
La réalité est bien que les fragilités ne viennent pas seulement de la médecine scolaire, mais aussi de la gestion de la PMI : vous conviendrez en effet avec moi que cette gestion varie de manière très importante d’un département à l’autre.
Vous n’ignorez pas, monsieur le sénateur, que la santé de l’enfant est une réelle préoccupation du Gouvernement. Je vous propose donc que nous continuions d’y travailler ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
situation de l’industrie automobile
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Jacques Fernique. Madame la ministre, y aura-t-il un avenir, dans notre pays, pour l’industrie automobile ?
Avec autant de destructions d’emplois depuis vingt ans, la question est sérieuse. Dans ma région, je suis particulièrement sollicité par ceux qui en sont victimes ou craignent de l’être demain. Dans le Grand Est, déjà 40 % des emplois offerts chez les constructeurs automobiles et les équipementiers ont disparu depuis 2007. Ce chiffre pourrait encore s’aggraver, puisque l’Observatoire de la métallurgie estime que 100 000 emplois pourraient encore être détruits dans les quinze prochaines années.
Le moteur thermique, à terme, c’est fini ! Des secteurs vont décliner rapidement, sans compensation simultanée par le développement de l’électromobilité.
Ce déclin industriel est-il irrémédiable ? L’emploi doit-il être sacrifié pour l’écologie, pour le climat ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Eh bien, non ! C’est ce que répondent ensemble la CFDT Métallurgie et la Fondation Nicolas Hulot, qui viennent de publier un rapport essentiel sur ce sujet.
M. François Bonhomme. C’est du sérieux !
M. Jacques Fernique. Cette contribution majeure au débat indique un chemin viable sur notre sol national pour une industrie automobile combinant emploi et écologie. Quatre scénarios sont comparés : il en ressort que seule la transition écologique accélérée du secteur automobile permettra de maintenir durablement en France la production et le savoir-faire. Ils en appellent pour cela à des états généraux de l’automobile, afin que le dialogue social, industriel et sociétal puisse converger sur les conditions d’un scénario positif pour l’emploi et le climat : en clair, une stratégie industrielle partagée.
Madame la ministre, j’ai donc deux questions à vous poser. Le Gouvernement est-il résolu à engager cette démarche ? Est-il prêt à défendre l’accélération européenne nécessaire, avec la fin de la vente des véhicules diesel et essence en 2030 et des hybrides en 2035 ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Merci, monsieur le sénateur Fernique, pour ce plaidoyer en faveur de l’industrie automobile, de l’emploi et de la transformation de ce secteur !
Vous avez raison : nous nous trouvons aujourd’hui face à des défis majeurs. Il va falloir mettre nos paroles, nos plaidoyers pour cette industrie, en conformité avec nos actes, avec les décisions que nous prenons à tous les niveaux pour faciliter l’implantation de nouveaux sites industriels et favoriser l’emploi industriel. C’est de cela aussi qu’il est question aujourd’hui ; nous devons tous nous réunir autour de cet objectif. C’est d’ailleurs le sens de certaines simplifications qui ont été votées ici ; je veux à ce propos remercier la représentation nationale d’avoir adopté la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), qui prévoit des mesures très précises en la matière.
Pour en revenir à votre question, deux enjeux se présentent à nous. Le premier, c’est la transition écologique, que le Gouvernement soutient depuis trois ans maintenant, au travers notamment de mesures d’accompagnement de l’innovation : il faut construire des batteries électriques, inventer de nouveaux dispositifs de voitures décarbonées. Cela passe par des investissements dans la recherche et le développement, mais aussi dans la diversification et la transformation des entreprises. Pour illustrer mon propos de quelques chiffres, plus de 300 entreprises sont aujourd’hui accompagnées dans cette démarche et plus de 170 millions d’euros sont consacrés à la recherche et au développement.
Le second enjeu, c’est l’accompagnement des entreprises qui doivent se réinventer. Je me permets à ce propos de signaler qu’il faut un peu de temps pour que ces emplois et ces sites puissent se transformer. Adopter des normes strictes et dures peut à certains égards bloquer cette transformation et, en fin de compte, nous amener à une écologie qui s’oppose à l’économie.
Pour notre part, nous avons pour objectif une écologie qui soit ambitieuse, mais repose sur une économie solide, avec des produits fabriqués en France, une économie où l’on réimplante des usines dans notre pays. C’est tout le sens du plan de relance que nous défendons, mais aussi du projet de vallée électrique européenne que nous soutenons dans les Hauts-de-France et grâce auquel nous avons pu annoncer, pas plus tard que lundi dernier, la création de plusieurs milliers d’emplois autour de la batterie électrique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour la réplique.
M. Jacques Fernique. Votre réponse, madame la ministre, décrit des efforts sans doute positifs : deux, voire trois gigafactories – l’Allemagne en a huit – et un plan de relance malheureusement court-termiste et sans conditionnalités. La France, qui présidera l’Union européenne au premier semestre 2022, doit afficher une ambition climatique et industrielle ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
recours à la discrimination positive dans les universités
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Ma question s’adresse bien à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargé des élèves avant qu’ils ne deviennent des étudiants.
Estimez-vous judicieux, monsieur le ministre, que les procédures Affelnet et Parcoursup dissipent désormais dans des « indices de position sociale » – sic ! – les critères académiques qui étaient jusqu’à présent au fondement de toute orientation objective ?
Estimez-vous de bonne conduite que des élèves candidats aux concours des grandes écoles puissent désormais bénéficier, par avance, de points supplémentaires sur des critères qui s’apparentent essentiellement à de la discrimination positive ?
Croyez-vous qu’au concours de l’École polytechnique les mathématiques et la physique ne soient plus suffisantes pour choisir les meilleurs ?
Ne craignez-vous pas, en définitive, que ces évolutions auxquelles tiennent tant certaines élites qui ont pu y échapper se fassent au détriment du rayonnement des formations supérieures et, surtout, de l’équité que l’on doit aux élèves ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur Brisson, puisqu’il n’y a ici que des élus et – je vous rassure ! – des ministres qui aiment la France, je ne crois pas me tromper en affirmant que nous sommes tous également très attachés à la promesse républicaine. C’est cette exigence qui nous a rassemblés, sur toutes ces travées, lors de l’examen de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (ORE), qui promeut le mérite.
Oui, aujourd’hui, nous constatons plus de mobilité sociale et une meilleure représentation des boursiers dans toutes les formations, y compris les classes préparatoires aux grandes écoles. C’est le résultat concret de la lutte contre l’autocensure que nous ne cessons de mener. Dans le même temps, la réussite à l’université a progressé.
C’est la même exigence qui nous a rassemblés lors de l’examen de la loi de programmation de la recherche. Nous avons permis aux établissements qui le souhaitent – tel est bien leur souhait ! – de faire évoluer leurs concours, afin là encore de pouvoir reconnaître les mérites de chacun, que les étudiants soient ou non boursiers, qu’ils viennent de la région parisienne ou d’ailleurs en France, qu’ils soient de Paris intra-muros ou extra-muros.
Non, malgré ce que vous sous-entendez, monsieur le sénateur, ce gouvernement n’est pas celui qui remettra en cause le principe du mérite et celui du concours.
M. François Bonhomme. C’est pourtant ce qui s’est passé !
M. Gérard Longuet. Vous niez la réalité !
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je vous rappelle d’ailleurs que les concours d’accès aux grandes écoles ont tous été préservés et maintenus l’an dernier, malgré la crise sanitaire et grâce au travail mené par le Gouvernement, en lien avec les écoles.
Maintenant, regardons les chiffres, si vous le voulez bien : on constatera que la promotion au mérite ne fonctionne peut-être plus aussi bien qu’auparavant. Lorsque plus de la moitié des élèves de l’École polytechnique viennent de moins de dix classes préparatoires, qui sont presque toutes situées en Île-de-France, peut-être convient-il de se poser cette question-ci : y a-t-il vraiment un accès de tous les jeunes de tous les territoires de notre pays sur la base du mérite ? Je sais bien, mesdames, messieurs les sénateurs, à quel point vous êtes attachés aux territoires. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. Gérard Longuet. Faites en sorte que les lycées soient bons !
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Ma réplique s’adressera à Mme Vidal, mais aussi à M. Blanquer. Madame, monsieur les ministres, je n’aurais jamais cru que, sous votre magistère collectif, on s’éloignerait davantage encore de la promesse républicaine qui a vu Charles Péguy, le fils d’une rempailleuse de chaises, devenir normalien, ou Albert Camus, le fils d’une femme de ménage, recevoir le prix Nobel de littérature, tout cela sans quotas ni « indices de position sociale » !
Je n’aurais jamais cru que ce serait sous votre magistère que l’excellence et le mérite, mesurés par le travail, les connaissances et l’effort, seraient abaissés au rang d’incongruité !
J’avais pourtant sincèrement espéré que vous fermeriez la porte à cette fascination pour les délires wokistes venus d’outre-Atlantique, pour lesquels s’entichent ceux qui sont si prompts à passer par-dessus bord tout ce qui a forgé notre modèle républicain. (M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports manifeste son agacement.)
J’espérais que vous auriez fait vôtre cette belle citation de Philippe Nemo : « Ce n’est pas en faisant injure aux valeurs de raison, de science, d’intelligence et de travail qu’on forme la jeunesse d’un pays. »
Madame, monsieur les ministres, c’est bien sous votre magistère, hélas, qu’à bas bruit nous tournons le dos à la méritocratie républicaine ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
situation de l’office national des forêts
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée a adopté hier le projet de loi Climat. Notre groupe politique a voté contre ce projet en l’état, considérant qu’il n’était pas à la hauteur de l’enjeu climatique. Nous savons tous ici que les forêts, en tant que puits de carbone, sont l’un des leviers de la transition écologique et de la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, qui implique une politique forestière ambitieuse, rationnelle et durable.
Pourtant, depuis des années, l’instrument national qui est chargé d’assurer cette gestion et cet entretien, l’Office national des forêts (ONF), ne bénéficie pas d’une attention suffisante des pouvoirs publics. Il est en déficit structurel, sans véritable modèle économique permettant de lui assurer stabilité et développement.
Un nouveau cadre contractuel avec l’État est en discussion. Toutefois, comme nous l’avons évoqué lors des débats sur le projet de loi Climat, ce que nous en savons nous inquiète particulièrement.
Outre les projets de filialisation, on peut ainsi citer la réduction envisagée du personnel, alors que l’ONF a déjà perdu 40 % de ses effectifs en vingt ans ; cette situation suscite une très forte inquiétude des personnels de cet office, qui ne voient pas comment ils pourront, demain, faire plus avec moins de moyens.
Ajoutons-y le recours systématique et grandissant aux collectivités territoriales pour contribuer au budget de l’ONF. Dans le projet gouvernemental, l’augmentation de la contribution des communes s’élèverait à près de 30 millions d’euros pour les budgets de 2023 à 2025. Nos communes forestières s’insurgent contre cette nouvelle ponction, dont nous savons par ailleurs qu’elle ne suffira pas à recréer l’équilibre budgétaire et la stabilité durable de l’ONF.
Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de travailler sincèrement à un plan de renforcement des moyens de l’ONF qui permette de relever véritablement le défi du réchauffement climatique, en veillant particulièrement au personnel de cet office et sans grever davantage encore le budget des communes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Florence Blatrix Contat, l’ONF est un office absolument indispensable et très précieux. Je voudrais réaffirmer, en ouverture de mon propos, à quel point le Gouvernement soutient l’ONF et tous ceux qui y travaillent.
L’ONF fait face aujourd’hui à un certain nombre de défis. Il s’agit, d’abord, du défi structurel du changement climatique, que nous vivons tous et auquel l’ensemble de nos forêts font face, avec par exemple la crise des scolytes.
Mais l’ONF fait aussi face à un défi financier, comme vous l’avez rappelé dans votre question. Aujourd’hui, cet office est endetté à hauteur de 450 millions d’euros. Alors, que faire ? Restera-t-on les bras croisés, en se disant que ce n’est pas grave, qu’il faut continuer comme avant ? Ou bien abordera-t-on ce problème avec conviction, c’est-à-dire en soutenant l’ONF, mais aussi avec courage, en prenant les bonnes décisions pour faire face à cette situation et assurer la pérennité de cet office ?
Face à de telles situations, les décisions qui doivent être prises sont toujours difficiles. La position de ce gouvernement est d’abord d’affirmer qu’il faut que l’État s’engage concrètement, financièrement, en renforçant les crédits alloués aux missions d’intérêt général de l’ONF à hauteur de 12 millions d’euros en 2021 et jusqu’à 22 millions d’euros en 2024. On renforcera aussi la subvention d’équilibre de 60 millions d’euros. Le plan de relance, au sein duquel 30 millions d’euros seront consacrés à l’ONF dès 2021, témoigne aussi de cet engagement.
Il faut également que des efforts puissent être accomplis au sein de l’ONF, en poursuivant la trajectoire d’équilibre trouvée en matière de dépenses de fonctionnement et de réduction de la masse salariale. L’objectif pour l’année prochaine est une réduction de 95 équivalents temps plein, d’ailleurs largement inférieure à celles des années précédentes.
Quant aux communes, mon temps de parole est épuisé, mais la question de Mme Anne-Catherine Loisier me fournira dans quelques minutes l’occasion de répondre également à la vôtre sur ce point. (M. François Patriat applaudit.)