M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 19 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 64 est présenté par Mme Benbassa, M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 19.
Mme Michelle Gréaume. L’article 2 prévoit l’élargissement des mesures de fermeture des lieux de culte instaurées par la loi SILT et pérennisées par l’article 1er du présent projet de loi. Il s’agit donc d’une déclinaison et d’un renforcement des mesures instituées en 2017.
L’article prévoit ainsi la fermeture des locaux dépendant du lieu de culte fermé et dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils seraient utilisés pour faire échec à l’exécution de cette mesure.
Les motifs sont flous et viennent alimenter une police administrative de suspicion.
En effet, le champ d’application très large de la mesure dépasse l’objectif de prévention et de lutte contre le terrorisme, et la notion de « locaux dépendant du lieu de culte » apparaît bien trop imprécise et susceptible de porter atteinte à la liberté du culte et à la liberté associative, d’autant plus si l’on considère que tous les dispositifs du projet de loi Séparatisme qui s’inscrivent exactement dans la même logique sont quasiment adoptés.
En outre, l’administration dispose déjà du pouvoir de dissoudre toute association incitant à la commission d’actes de terrorisme ou de fermer tout lieu constituant une menace pour l’ordre ou la sécurité publique.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 64.
Mme Esther Benbassa. Le présent article 2 prévoit l’élargissement de l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure concernant les mesures de fermeture des lieux de culte.
Cette disposition renforce les mesures d’une loi particulièrement délicate en matière de liberté d’exercice du culte, le but étant d’autoriser la fermeture des locaux dépendant du lieu de culte fermé dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils seraient utilisés pour faire échec à l’exécution de cette mesure.
Il ressort de la rédaction de ce dispositif que le champ d’application de cette mesure est trop large, en ce qu’il dépasse l’objectif de prévention et de lutte contre le terrorisme, et que, par ailleurs, la notion de « locaux dépendant du lieu de culte » reste beaucoup trop floue.
Les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires estiment que cet article n’est pas compatible avec les principes de sécurité juridique et d’intelligibilité de la loi.
Nous rappelons, en outre, que l’administration dispose déjà du pouvoir de dissoudre toute association incitant à la commission d’actes de terrorisme ou de fermer tout lieu constituant une menace pour l’ordre ou la sécurité publique.
Dès lors, nous doutons de l’intérêt d’une telle mesure, qui paraît à la fois abusive et superfétatoire.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l’article 2, qui est susceptible de porter atteinte à la liberté du culte et à la liberté associative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Ces deux amendements de suppression sont, par définition, contraires à la position de la commission, qui, lors du dernier débat que nous avons eu sur la question, avait proposé d’élargir les fermetures non seulement aux lieux de culte, mais aussi aux associations ou à des organismes ayant des liens, en particulier financiers, avec ces derniers.
Ainsi que je l’ai signalé dans deux rapports, ces propositions répondaient notamment aux remarques formulées par les préfets qui avaient constaté, dans les départements, des phénomènes de radicalisation ailleurs que dans les lieux de culte.
Bien sûr, tout cela doit être encadré. C’est d’ailleurs ce qui a été fait dans le cadre du présent projet de loi.
Cependant, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. La disposition qu’il est proposé de supprimer nous paraît nécessaire pour assurer le caractère effectif de la mesure de fermeture des lieux de culte, telle qu’elle est aujourd’hui prévue par l’article L. 227-1 du code de sécurité intérieure et telle qu’elle a d’ailleurs été validée par le juge constitutionnel.
Les associations gestionnaires de culte disposent, dans la plupart des cas, de lieux dépendant du lieu de culte, que cette dépendance soit géographique ou qu’elle soit organique.
Par suite, en cas de fermeture du seul lieu de culte, ces locaux peuvent être utilisés pour contourner la mesure, afin d’y organiser le culte avec le risque que les propos, les théories et les idéologies à l’origine de la fermeture initiale y soient diffusés, faisant ainsi échec à l’exécution concrète de la mesure de fermeture prévue.
Par conséquent, il nous semble nécessaire de permettre la fermeture des locaux lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils seraient employés pour faire obstacle à la mesure de fermeture prononcée à titre principal.
D’ailleurs, le Conseil d’État a reconnu, dans son avis sur le projet de loi, que cette disposition paraissait adaptée au but recherché, tout en satisfaisant les critères de nécessité et de proportionnalité, ce qui conserve intact l’équilibre entre la prévention des atteintes à l’ordre public et la nécessaire préservation des libertés religieuses.
Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 et 64.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 100 rectifié, présenté par M. Haye et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
gérés, exploités ou financés, directement ou indirectement, par une personne physique ou morale gestionnaire du lieu de culte dont la fermeture est prononcée sur le fondement du même I, qui accueillent habituellement des réunions publiques,
par les mots :
dépendant du lieu de culte dont la fermeture est prononcée sur le fondement du même I
II. – Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° À l’article L. 227-2, après le mot : « culte », sont insérés les mots : « ou d’un lieu en dépendant ».
La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Cet amendement a pour objet de rétablir la rédaction de l’article 2 dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale. En effet, la modification opérée en commission paraît procéder d’une vision à la fois trop large et trop restrictive de la notion de « locaux annexes au lieu de culte concerné ».
Ainsi, le fait de viser tous les lieux gérés, exploités ou financés, directement ou indirectement, par une personne gestionnaire du lieu de culte dont la fermeture est prononcée conduirait à permettre la fermeture de locaux ne présentant aucun lien avec le motif de fermeture du lieu de culte. Cette portée du dispositif, sans lien avec la lutte contre le terrorisme, est, par nature, disproportionnée.
À l’inverse, la mention « qui accueillent habituellement des réunions publiques » est, à nos yeux, un peu trop restrictive, car elle aurait pour effet d’exclure de nombreux locaux utilisés pour contourner la fermeture administrative, tels que les bibliothèques, les locaux associatifs destinés à l’accueil des enfants ou encore les centres culturels, qui n’accueillent pas habituellement de réunions publiques.
Le rétablissement de l’article 2 dans sa rédaction initiale permettra d’empêcher les contournements d’une mesure de fermeture d’un lieu de culte, tout en garantissant la proportionnalité de la disposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission sera bien sûr défavorable à cet amendement, qui tend à rétablir le texte initial issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Cher collègue, si je puis être d’accord avec vous pour d’autres amendements, je considère, contrairement à vous, que la rédaction initiale du présent article est imprécise.
Je rappelle que le Conseil constitutionnel a fondé sa censure de l’article 24 de la loi Sécurité globale sur le caractère insuffisamment clair et précis de l’expression « policiers en opération ».
De notre point de vue, la rédaction proposée par la commission est beaucoup plus précise que celle qui nous est parvenue de l’Assemblée nationale : elle fait référence aux « locaux gérés, exploités ou financés, directement ou indirectement, par une personne physique ou morale gestionnaire du lieu de culte dont la fermeture est prononcée ». On en revient au motif principal de la fermeture, seul support juridique sur lequel nous pouvons nous appuyer.
Pour des questions de fond comme pour des raisons juridiques, l’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Comme M. le sénateur Ludovic Haye l’a indiqué, il nous semble indispensable de rétablir l’article dans sa version adoptée précédemment.
Avec tout le respect que m’inspirent les éminents travaux de la commission des lois du Sénat, les modifications que cette dernière a apportées au présent texte nous semblent rendre à la fois trop larges et trop restrictifs les critères permettant la fermeture des locaux.
En effet, le critère de gestion, d’exploitation ou de financement ne nous semble pas correspondre aux situations à traiter, puisque la fermeture concernerait alors des établissements qui ne présentent aucun lien direct avec le risque de terrorisme qu’il s’agit de prévenir.
La mention des seuls « lieux accueillant des réunions publiques » nous paraît quant à elle trop restrictive, parce qu’elle exclut plusieurs lieux dépendant du lieu de culte dont la fermeture devrait pouvoir être autorisée.
Nous estimons que le présent amendement vise à répondre parfaitement aux situations qui doivent être traitées sur le terrain et présente des garanties accrues et fermes sur le plan constitutionnel.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Nous nous interrogeons sur les lieux dans lesquels des personnes auraient élu domicile, mais, conscients qu’une disposition qui les viserait donnerait tout de suite lieu à des détournements, nous n’avons pas présenté d’amendement sur cet article.
Il faudra cependant prendre en compte cette difficulté, même si nous n’avons pas réussi à trouver le moyen de la dépasser.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’article.
Mme Nathalie Goulet. L’article 2 me paraît très important. Je pense surtout à la mention des « liens directs ou indirects », qui a manqué à plusieurs reprises à nos collègues de la commission des finances, notamment s’agissant des financements.
Cet article leur permettra de s’y référer et, ainsi, de poursuivre les financements irréguliers et les financements des associations terroristes partout où elles agissent. Je m’en réjouis !
Je voterai évidemment l’article dans la version de notre commission.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
I. – Le chapitre VIII du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 228-2 est ainsi modifié :
a) Au 3°, après le mot : « Déclarer », sont insérés les mots : « et justifier de » et le mot : « et » est remplacé par les mots : « ainsi que de » ;
b) Après le même 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’obligation prévue au 1° du présent article peut être assortie d’une interdiction de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés se trouvant à l’intérieur du périmètre géographique mentionné au même 1° et dans lesquels se tient un événement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace terroriste. Cette interdiction tient compte de la vie familiale et professionnelle de la personne intéressée. Sa durée est strictement limitée à celle de l’événement, dans la limite de trente jours. Sauf urgence dûment justifiée, elle doit être notifiée à la personne concernée au moins quarante-huit heures avant son entrée en vigueur. » ;
c) (Supprimé)
d) Après le sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de saisine d’un tribunal territorialement incompétent, le délai de jugement de soixante-douze heures court à compter de l’enregistrement de la requête par le tribunal auquel celle-ci a été renvoyée. La mesure en cours demeure en vigueur jusqu’à l’expiration de ce délai, pour une durée maximale de sept jours à compter de son terme initial. La décision de renouvellement ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande. » ;
e) Aux première et dernière phrases du dernier alinéa, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « septième » ;
2° L’article L. 228-4 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après le mot : « Déclarer », sont insérés les mots : « et justifier de » et le mot : « et » est remplacé par les mots : « ainsi que de » ;
b) (Supprimé)
c) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de saisine d’un tribunal territorialement incompétent, le délai de jugement de soixante-douze heures court à compter de l’enregistrement de la requête par le tribunal auquel celle-ci a été renvoyée. La mesure en cours demeure en vigueur jusqu’à l’expiration de ce délai, pour une durée maximale de sept jours à compter de son terme initial. La décision de renouvellement ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande. » ;
3° L’article L. 228-5 est ainsi modifié :
aa) (nouveau) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette obligation tient compte de la vie familiale de la personne intéressée. » ;
a) (Supprimé)
b) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de saisine d’un tribunal territorialement incompétent, le délai de jugement de soixante-douze heures court à compter de l’enregistrement de la requête par le tribunal auquel celle-ci a été renvoyée. La mesure en cours demeure en vigueur jusqu’à l’expiration de ce délai, pour une durée maximale de sept jours à compter de son terme initial. La décision de renouvellement ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande. » ;
c) (Supprimé)
4° Après la première phrase de l’article L. 228-6, est insérée une phrase ainsi rédigée : « La définition des obligations prononcées sur le fondement de ces articles tient compte, dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité, des obligations déjà prescrites par l’autorité judiciaire. »
II. – (Non modifié) Les mesures prononcées sur le fondement des articles L. 228-1 à L. 228-5 du code de la sécurité intérieure qui sont en cours à la date de promulgation de la présente loi et dont le terme survient moins de sept jours après cette promulgation demeurent en vigueur pour une durée de sept jours à compter de ce terme si le ministre de l’intérieur a procédé, au plus tard le lendemain de la publication de la présente loi, à la notification de leur renouvellement selon la procédure prévue aux huitième et neuvième alinéas de l’article L. 228-2, aux septième et avant-dernier alinéas de l’article L. 228-4 et aux quatrième et cinquième alinéas de l’article L. 228-5 du même code.
M. le président. L’amendement n° 20, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Dans la même logique que précédemment, nous proposons de supprimer l’article 3, qui procède à un renforcement du régime des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, les Micas. Déjà très attentatoires aux libertés publiques, celles-ci avaient été mises en place à titre expérimental et avec clause de rendez-vous, justement à cause de leur caractère particulièrement exorbitant du droit commun.
Les Micas sont mises en œuvre par le ministre de l’intérieur, après information du procureur de la République, à l’encontre de « toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics ». Ces motifs sont particulièrement imprécis, difficiles à établir et à contrôler.
Il s’agit en fait de la légalisation de ce que l’on appelle une « menace pressentie ». En effet, une personne faisant l’objet d’une Micas peut se voir imposer des restrictions importantes de liberté : assignation géographique et obligation de pointage auprès des services de police, interdiction de paraître dans certains lieux et signalement de tout déplacement à l’extérieur du périmètre défini.
Dans les deux cas, le ministre de l’intérieur peut également prononcer une interdiction d’entrer en relation avec une ou plusieurs personnes.
Jusqu’à aujourd’hui, la durée des Micas est strictement encadrée, puisque celles-ci ne sont renouvelables que dans la limite d’une durée cumulée de douze mois et que, au-delà de six mois, des éléments nouveaux ou complémentaires sont requis pour les prolonger.
Prétendant que, pour des profils présentant une dangerosité élevée, la limite de douze mois se révèle inadaptée, le Gouvernement souhaite, au travers de son amendement n° 89, rétablir le texte voté à l’Assemblée nationale, qui prévoyait un possible allongement à une durée de vingt-quatre mois, en précisant que, si le Conseil constitutionnel a fait de la limitation à douze mois l’un des éléments du bilan de la constitutionnalité de la Micas, il n’a pas été saisi de la différence objective de situation entre les personnes radicalisées n’ayant pas été condamnées et celles qui ont fait l’objet d’une condamnation.
Rappelons cependant, mes chers collègues, que le Conseil constitutionnel, dans le commentaire de cette même décision, a estimé que, quelle que soit la gravité de la menace qui la justifie, une telle mesure de police administrative ne peut se prolonger aussi longtemps que dure cette menace – c’était assez clair.
Par conséquent, nous proposons la suppression de cet article et nous nous prononcerons contre l’amendement du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je remercie Pierre Laurent d’avoir fait la promotion de la position de la commission des lois, en s’opposant, dans son argumentation, à la rédaction du Gouvernement.
Nous avons proposé de conserver, à l’article 3, un certain nombre de dispositions relatives aux Micas, mais aussi de supprimer l’allongement de leur durée, pour les raisons constitutionnelles que notre collègue vient d’évoquer.
La commission est, par principe, défavorable à cet amendement de suppression, mais elle a pris en compte la préoccupation de M. Laurent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Monsieur le rapporteur, je prends acte de la position de la commission, qui refuse l’allongement du délai.
Il n’empêche que l’article 3 pérennise les Micas. Or, comme je l’ai démontré, celles-ci sont exorbitantes du droit commun, raison pour laquelle elles avaient été mises en place à titre expérimental, avec clause de rendez-vous.
Vous êtes en train d’acter l’entrée dans le droit commun d’une disposition exorbitante du droit commun !
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Allizard et Bascher, Mmes Belrhiti, Bonfanti-Dossat et V. Boyer, MM. Burgoa et Charon, Mmes Chauvin, Deromedi et Garriaud-Maylam, M. Genet, Mmes Goy-Chavent, Gruny et Lassarade, MM. Le Rudulier, Lefèvre, Meurant, Savin, Sido, H. Leroy et Tabarot et Mme Joseph, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À l’article L. 228-1, la seconde occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « ou » ;
La parole est à Mme Marie-Christine Chauvin.
Mme Marie-Christine Chauvin. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.
L’amendement n° 89, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Rétablir le c dans la rédaction suivante :
c) Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à la durée totale cumulée de douze mois prévue à l’alinéa précédent, lorsque ces obligations sont prononcées dans un délai de six mois à compter de la libération d’une personne condamnée à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d’une durée supérieure ou égale à cinq ans pour l’une des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exception de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code, ou d’une durée supérieure ou égale à trois ans lorsque l’infraction a été commise en état de récidive légale, et si les conditions prévues à l’article L. 228-1 du présent code continuent d’être réunies, la durée totale cumulée de ces obligations peut atteindre vingt-quatre mois. Pour les douze premiers mois de leur mise en œuvre, les obligations sont renouvelées dans les conditions prévues à l’alinéa précédent ; au-delà d’une durée cumulée de douze mois, chaque renouvellement, d’une durée maximale de trois mois, est subordonné à l’existence d’éléments nouveaux ou complémentaires. » ;
II. – Alinéa 12
Rétablir le b dans la rédaction suivante :
b) Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à la durée totale cumulée de douze mois prévue à l’alinéa précédent, lorsque ces obligations sont prononcées dans un délai de six mois à compter de la libération d’une personne condamnée à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d’une durée supérieure ou égale à cinq ans pour l’une des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exception de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code, ou d’une durée supérieure ou égale à trois ans lorsque l’infraction a été commise en état de récidive légale, et si les conditions prévues à l’article L. 228-1 du présent code continuent d’être réunies, la durée totale cumulée de ces obligations peut atteindre vingt-quatre mois. Pour les douze premiers mois de leur mise en œuvre, les obligations sont renouvelées dans les conditions prévues à l’alinéa précédent ; au-delà d’une durée cumulée de douze mois, chaque renouvellement, d’une durée maximale de six mois, est subordonné à l’existence d’éléments nouveaux ou complémentaires. » ;
III. – Alinéa 17
Rétablir le a dans la rédaction suivante :
a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à la durée totale cumulée de douze mois prévue à l’alinéa précédent, lorsque ces obligations sont prononcées dans un délai de six mois à compter de la libération d’une personne condamnée à une peine privative de liberté, non assortie du sursis, d’une durée supérieure ou égale à cinq ans pour l’une des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exception de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code, ou d’une durée supérieure ou égale à trois ans lorsque l’infraction a été commise en état de récidive légale, et si les conditions prévues à l’article L. 228-1 du présent code continuent d’être réunies, la durée totale cumulée de ces obligations peut atteindre vingt-quatre mois. Pour les douze premiers mois de leur mise en œuvre, les obligations sont renouvelées dans les conditions prévues à l’alinéa précédent ; au-delà d’une durée cumulée de douze mois, chaque renouvellement, d’une durée maximale de six mois, est subordonné à l’existence d’éléments nouveaux ou complémentaires. » ;
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie par avance de m’excuser si je suis un peu longue, mais je tiens à vous fournir des explications exhaustives.
Vous le savez, 188 condamnés terroristes islamistes vont sortir de détention d’ici à 2025. Nombre d’entre eux demeurent ancrés dans une idéologie radicale.
Ces individus forment le haut du spectre des objectifs des services de renseignement et présentent des enjeux sécuritaires multiples à leur sortie de détention : prosélytisme, menaces à court terme représentées par des profils impulsifs, menaces à moyen ou à long terme relatives à des projets d’attentats, tentatives de redéploiement vers les zones dites « de djihad » à l’étranger.
L’expérience acquise au cours des dernières années nous permet aujourd’hui d’affirmer que le placement sous Micas constitue pour ces profils un outil particulièrement utile et adapté.
Il permet de faciliter la surveillance d’individus qui sortent de prison, d’observer leurs relations habituelles volontaires, et non pas les relations imposées qu’implique la détention, leur pratique religieuse, leur activité sur les réseaux sociaux, leurs efforts de réinsertion, etc., là où la mise en place d’une surveillance physique ou technique à temps plein se révélerait difficile, en raison notamment des ressources humaines qu’elle induirait.
Toutefois, pour ces profils qui représentent une dangerosité élevée, la limite de douze mois se révèle inadaptée, comme nous avons pu en débattre lors de mon audition.
Un certain nombre de Micas est d’ores et déjà arrivé à échéance – il en a ainsi été de 19 d’entre elles depuis 2017 –, alors même que les services sont en mesure de justifier de la persistance de la menace constituée par le comportement des individus concernés.
C’est la raison pour laquelle le projet du Gouvernement qui a été voté l’Assemblée nationale prévoyait, dans des conditions strictement encadrées, un allongement à une durée de deux ans.
Votre commission des lois a souhaité supprimer cette possibilité, lui préférant un dispositif judiciaire qui reprend certaines obligations des Micas, comme l’interdiction de paraître ou l’interdiction de fréquenter certaines personnes. Cette solution ne semble pas convaincante à nos yeux, pour deux raisons principales.
Premièrement, il nous semble que cette solution priverait les autorités de la réactivité nécessaire pour assurer le suivi des sortants de détention.
L’expérience a en effet montré que les sorties de détention sont parfois décidées quelques heures seulement avant la sortie, ce qui ne place pas toujours l’autorité judiciaire en mesure de prononcer une mesure judiciaire, quand la Micas peut être prise par le ministre de l’intérieur en quelques heures seulement.
Deuxièmement, la solution que vous proposez nous semble de nature à fragiliser fortement le recours à la Micas telle qu’elle est pratiquée actuellement et pourrait in fine aboutir à une situation paradoxale, dans laquelle les personnes radicalisées qui ne seraient jamais passées à l’acte feraient l’objet d’un suivi plus strict que celles qui ont déjà été condamnées pour des faits de terrorisme.
Pour ces raisons, le Gouvernement souhaite pouvoir rétablir la possibilité d’un allongement de la durée des Micas à vingt-quatre mois, telle qu’elle était proposée dans le projet de loi initial et qu’elle a été votée par l’Assemblée nationale. Je rappelle que cet allongement est encadré par des garanties fortes, qui permettent de sécuriser la mesure sur le plan constitutionnel.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les éléments que le Gouvernement souhaitait porter à la connaissance de votre assemblée pour que vous puissiez vous prononcer sur ce sujet qui, comme vous le savez, est particulièrement important pour la sécurité du pays.