Plusieurs sénateurs Les Républicains. Il fallait plus que deux heures !
M. Gérard Longuet. Autre sujet sur lequel le Président de la République est intervenu : Barkhane. La décision qu’il a prise peut s’expliquer, j’en suis convaincu. Mais elle mérite au moins un débat, un échange !
La Constitution, à cet égard, est formelle : certes, le Président de la République est le chef des armées – c’est l’article 15. Reste que c’est le Gouvernement, responsable, lui, devant le Parlement, qui conduit et détermine la politique de la Nation. Et s’il revient au Président de la République de négocier et de ratifier les traités, ceux-ci doivent jusqu’à preuve du contraire être présentés au Parlement pour approbation législative.
Il y a donc, en l’espèce, un déficit absolument incompréhensible. Une profonde et inacceptable désinvolture à l’égard du Parlement est-elle en cause ? Les sujets de défense sont suffisamment graves pour qu’on prenne le temps de respecter ceux qui sont, par leurs votes, par leur soutien constant et par leurs analyses, les appuis les plus solides des décisions afférentes.
Notre Président de la République a la tentation du superficiel, de l’émotif, du spectaculaire et du tirage au sort. Je préfère l’élection et, d’ailleurs, les électeurs nous préfèrent – nous venons de le voir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Joël Guerriau et Dany Wattebled applaudissent également.) Je n’ai pris que sept minutes, parce que je n’avais que cela à dire, l’essentiel ayant été exprimé avec compétence par des collègues qui ont la passion de ces sujets. Quand on a la passion de la France et quand on aime son armée, on donne à cette dernière tous les soutiens possibles, et on consolide ce soutien en s’adressant au Parlement et au monde politique. Ce soutien vous était acquis ; pourquoi diable ne l’avoir pas mobilisé ? (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre des armées, mes chers collègues, je souhaite profiter du temps qui m’est imparti, cinq minutes, pour aborder la question sensible des surcoûts liés aux opérations extérieures. Cela me donne l’occasion de m’associer à l’hommage rendu à nos soldats par de nombreux orateurs avant moi.
Chaque année, nous votons une dotation budgétaire destinée à couvrir ces surcoûts. Depuis 2001, soit depuis vingt ans, cette dotation n’a jamais permis de couvrir les surcoûts constatés. Néanmoins, depuis 2019, leur budgétisation se rapproche des besoins grâce à l’augmentation progressive de la dotation initiale : de 850 millions d’euros, elle est passée à 1,1 milliard d’euros, ce qui représente une hausse de 30 %.
Les besoins de financement additionnels, c’est-à-dire les surcoûts nets non couverts par la dotation initiale, ont essentiellement été financés par un recours à la réserve de précaution. Je tiens à cet égard à saluer l’effort de transparence et de sincérité budgétaire accompli par le ministère des armées.
Dans son rapport sur le budget de l’État en 2020, la Cour des comptes considère que l’aboutissement de la trajectoire de la dotation a mis un terme aux sous-budgétisations chroniques des surcoûts OPEX. L’intégration des dépenses liées aux missions intérieures au sein de la dotation initiale a également contribué à l’amélioration de la programmation de ces coûts.
Afin de parachever ce mouvement, la Cour des comptes recommande d’inclure dans la dotation initiale les dépenses de personnel liées aux opérations intérieures telles que l’opération Sentinelle. Monsieur le Premier ministre, quelle suite le Gouvernement envisage-t-il de donner à ces propositions ?
Malgré l’amélioration de la programmation budgétaire des surcoûts, la majorité sénatoriale reproche au Gouvernement de ne pas recourir à la solidarité interministérielle pour couvrir ces surcoûts nets. Cette critique ne me semble pas justifiée, dans la mesure où les crédits de la réserve de précaution sont interministériels.
De surcroît, au regard des circonstances exceptionnelles auxquelles nous faisons face, il paraît difficile de faire jouer cette solidarité interministérielle au-delà de la mobilisation de la réserve de précaution. Que dirait-on si l’on prélevait des crédits destinés à la santé, à la vaccination ou à l’action sociale pour financer ces OPEX ?
Force est de constater que les efforts déployés par le Gouvernement tranchent nettement avec l’inaction des gouvernements Raffarin, Villepin et Fillon. Ces gouvernements n’ont, en effet, rien fait pour mettre fin à la sous-dotation des surcoûts OPEX.
M. Gérard Longuet. Voilà un discours fédérateur !
M. Richard Yung. Pis, ils ont financé les besoins de financement additionnels par des annulations de crédits d’équipement des forces, alors même que la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 disposait que ces surcoûts devaient être financés par la réserve de précaution interministérielle. Au total, près d’un milliard d’euros d’équipement des forces ont ainsi disparu. À l’époque, j’ai entendu peu de litanies sur la chute de notre dotation à l’armée… (M. Gérard Longuet s’esclaffe.)
M. André Gattolin. Hélas !
M. Richard Yung. La majorité sénatoriale est d’autant plus mal placée pour donner des leçons que le quinquennat de Nicolas Sarkozy a été marqué par une baisse des budgets annuels de 2 milliards d’euros entre 2009 et 2012, par la fermeture de quatre-vingt-trois emprises militaires et par la suppression de près de 60 000 emplois militaires. (M. Laurent Duplomb s’exclame.)
M. François Patriat. Eh oui !
M. Richard Yung. Avant de conclure, je souhaite saluer la décision du Président de la République relative à la reconfiguration de l’opération Barkhane. Cette décision est bienvenue : elle participe d’une logique d’européanisation et d’internationalisation de la lutte contre le terrorisme, en somme de meilleur partage du fardeau. À cet égard, je souhaite savoir comment la transformation du dispositif militaire français au Sahel se traduira sur le plan budgétaire.
Pour ces raisons, monsieur le Premier ministre, notre groupe soutiendra votre déclaration. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, mes chers collègues, malgré des débuts très chaotiques marqués, en 2017, par une coupe drastique de 850 millions d’euros, nous avons abordé l’examen du projet de loi de programmation militaire, l’année suivante, dans un état d’esprit de consensus et de dialogue permanent avec la ministre, qui prévaut jusqu’à ce jour.
Entendez, dès lors, notre incompréhension totale, exprimée par notre collègue Gérard Longuet, face au choix assumé que vous faites de ne pas respecter l’article 7 de la loi que nous avons adoptée, tout en rappelant, par ailleurs, que vous respectez le Parlement. Le « en même temps » a ses limites… Entendez également notre incompréhension de vous voir finalement privilégier un débat de trois heures, alors que nous discutons du plus gros investissement de l’État, qui détermine les moyens consacrés à la défense de notre pays et à la sécurité de celles et de ceux qui s’engagent pour assurer cette défense.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas avoir prévu un vote sur un projet de loi d’actualisation plutôt qu’un blanc-seing politique ? Nos militaires, comme nos industriels, d’ailleurs, n’attendent pas des indications, mais des engagements chiffrés ; surtout, ils attendent de savoir que ceux-ci seront respectés, comme ce fut le cas depuis trois ans.
Nous nous réjouissons de la bonne exécution de la LPM, mais l’actualisation nous aurait offert des garanties concernant l’exécution à venir. L’incertitude de la courbe du PIB, que vous avancez comme argument, devrait au contraire nous convaincre de sécuriser la trajectoire budgétaire de la défense pour les années 2024 et 2025.
Ce débat est un rendez-vous raté. Notre soutien était acquis à une véritable discussion sur les ajustements à apporter en cours de programmation. Nous souhaitions accompagner des décisions parfois difficiles, parce que nous les comprenons, et continuer tout simplement à travailler dans la confiance et la transparence sur les enjeux majeurs que sont l’amélioration opérationnelle, la disponibilité des équipements, l’évolution des effectifs et le respect de la trajectoire financière.
Pour ce qui est du bilan, au tiers du parcours de la LPM, les réponses partielles du ministère des armées nous ont confirmé ce que nous savions déjà, à savoir qu’il existe des besoins nouveaux et que ceux-ci devront être financés à enveloppe constante.
Certains grands projets financièrement très lourds seront probablement sanctuarisés : le renouvellement de la dissuasion nucléaire, le porte-avions de nouvelle génération ainsi que – nous le savons depuis quelques heures – le système de combat aérien du futur (SCAF). Mais nous craignons des effets d’éviction sur d’autres programmes, d’autant que l’apparition de nouvelles menaces génère des besoins capacitaires dans les domaines spatial et cyber ou dans celui de la lutte anti-drones. Concernant l’armée de terre, le traitement des obsolescences du char Leclerc sera coûteux ; si l’on veut être prêt pour la haute intensité et réaliser l’Ambition 2030, cette remise à niveau devra se faire sans effet d’éviction sur d’autres aspects du programme Scorpion.
Certes, les évolutions de la programmation sont naturelles dans un contexte stratégique fluctuant, s’agissant de programmes industriels lourds et technologiquement complexes. Mais nous avons besoin de clarté, monsieur le Premier ministre, sur les programmes sanctuarisés et sur ceux pour lesquels vous envisagez un ralentissement. Quels seront les impacts de ces arbitrages sur la mise en œuvre des objectifs de la LPM à l’horizon de 2025 ?
Les questions en suspens sont nombreuses, donc, rendant impérative une revoyure : il nous faut planifier l’avenir et ne pas nous contenter de revisiter le passé, que nous connaissons.
Si l’on prend en compte les surcoûts des OPEX et les diverses dépenses nouvelles de soutien et d’imprévus, on dépasse à l’évidence les 8 milliards d’euros – cela a été dit. Il s’agit certes d’estimations, mais elles n’ont rien de fantaisiste : nous nous contentons de recenser des ajustements qui sont indiscutables. Si le Gouvernement n’est pas d’accord sur les chiffres, il lui appartient de mieux en informer le Parlement.
Je voudrais également mettre l’accent sur l’un des objectifs majeurs de la loi de programmation : celui qui consiste à prendre en compte les besoins « à hauteur d’homme et de femme ».
Les programmes à effet majeur sont indissociables des autres opérations d’armement qui visent à renforcer les équipements et la protection individuelle de nos soldats. Qu’il s’agisse de l’armement léger, de la vision nocturne ou des dispositifs de lutte contre les engins explosifs, l’effort d’équipement promis au titre de la LPM ne doit pas être relâché.
Concrètement, un suivi tout particulier doit être accordé aux petits équipements, qui occupent une grande place dans la sécurité du combattant et doivent être préservés à tout prix, ou « quoiqu’il en coûte », comme pourrait dire le Président de la République. À l’heure où la nouvelle nous arrive d’une énième attaque à la voiture piégée au Sahel, je voudrais adresser une pensée solidaire à nos blessés et à leurs familles et exprimer toute notre reconnaissance à celles et ceux qui s’engagent jusqu’au sacrifice de leur vie.
Face à la menace des mines et des engins explosifs, nous demandons l’accélération de la livraison des kits de blindage commandés en urgence, afin de renforcer la protection des véhicules blindés légers.
Comme l’a dit mon collègue Cédric Perrin, il faudrait aussi songer à ériger en priorité nouvelle le projet de véhicule blindé d’aide à l’engagement, ou VBAE, pour commencer à remplacer le VBL avant la fin de la LPM.
Nous constatons des retards dans les livraisons du programme Scorpion. Nous pouvons également nous interroger sur notre autonomie en matière d’approvisionnement en munitions. Notre rapport d’information a mis en évidence la nécessité de chiffrer dès à présent les besoins en matériels et en préparation opérationnelle afin de remplir les objectifs de l’actualisation stratégique et de l’Ambition 2030 – ces besoins se chiffrent en milliards d’euros.
La question des effectifs, c’est-à-dire de la fidélisation et de l’amélioration de la vie militaire, n’est pas accessoire par rapport à celle des équipements. Il y va au contraire de la valeur cardinale de nos armées, celle sur laquelle doit reposer le lien de confiance entre la Nation et ses forces armées – nous en sommes tous ici convaincus, je le sais. C’est pourquoi il est dommage que nous ne puissions offrir en retour aux femmes et aux hommes qui nous protègent, et qui méritent mieux qu’une simple déclaration politique ou générale, une loi d’actualisation sécurisant leurs moyens et leur condition militaire.
À cet égard, au nom de mon groupe politique, je m’associe pleinement à l’appel lancé en faveur du service de santé des armées. Il est urgent de doter ce service des personnels suffisants et d’offrir à nos médecins et infirmiers de meilleures conditions de vie, à la hauteur de leur engagement pour la Nation.
Pour toutes ces raisons, qui s’ajoutent à celles qui ont déjà été évoquées par mon collègue Gilbert Roger, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat votera contre la déclaration du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Laurent applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, au nom de la commission des finances.
M. Dominique de Legge, au nom de la commission des finances. Au terme de ce débat, monsieur le Premier ministre, quel décalage entre vos propos, qui se résument à de l’autosatisfaction – comme s’il n’y avait aucune ombre ni aucun problème dans l’application de la LPM ! –, et le bien-fondé des questions qui vous ont été posées et pour lesquelles nous attendons des réponses !
Monsieur le Premier ministre, on ne peut pas en même temps dire qu’on respecte le Parlement et se flatter de recourir systématiquement à l’article 50-1 de la Constitution, comme si le Parlement était une chambre d’enregistrement (M. le Premier ministre ironise.), sans possibilité d’amendement. Le cadre normal d’un débat entre le Parlement et le Gouvernement, c’est bien l’écriture de la loi !
On ne peut pas, comme vous l’avez fait, dire que les 2 % du PIB sont atteints mais qu’il faut poursuivre l’effort sans préciser en même temps selon quelles modalités il faut poursuivre cet effort. On ne peut pas dire que nos capacités opérationnelles sont maintenues et en même temps céder des Rafale sans annoncer quand, comment et à quel coût ils seront remplacés.
On ne peut pas en même temps dire – je reprends vos termes – que la crise bouleverse les conditions de l’actualisation de la LPM, ce qui est reconnaître un bouleversement, et ne pas appliquer l’article 3, qui a justement été écrit pour que soit prise en compte l’évolution de la situation macroéconomique.
On ne peut pas en même temps dire qu’on respecte la LPM et refuser d’appliquer deux de ses articles. On ne peut pas en même temps faire valoir le « quoi qu’il en coûte » pour répondre à la crise sanitaire et ne pas en tirer les conséquences pour nos forces armées.
Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, nul n’est au-dessus des lois, fût-il Jupiter. (M. le Premier ministre s’esclaffe.) Ce n’est pas parce que le Gouvernement estime de façon unilatérale qu’il n’y a pas lieu de légiférer que le Parlement, souverain en la matière, doit se ranger sans discussion à cette appréciation. Il n’y a pas de place pour le « en même temps » quand il s’agit de la souveraineté de la France, de nos armées et de nos soldats qui sont exposés ; il n’y a pas de place pour le « en même temps » quand il y va des prérogatives de souveraineté nationale. (M. le Premier ministre soupire.) Vous nous demandez de renoncer à une loi d’actualisation. Je ne peux imaginer un seul instant que vous ayez pu penser que nous étions disposés à troquer, pour solde de tout compte, un texte de loi qui nous engagerait, vous comme nous, contre un débat qui vous dédouanerait de vos responsabilités et réduirait le travail du Parlement à une simple forme d’enregistrement.
M. Laurent Duplomb. Très bien !
M. Dominique de Legge, au nom de la commission des finances. Au terme de ce débat, lorsque nous passerons au vote, peut-être aurez-vous une satisfaction. On a théorisé, à propos de votre mouvement, le « et de droite et de gauche » ; je crains qu’au moment du vote vous ayez bel et bien la satisfaction de voir les travées de droite et de gauche unanimes… (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, une loi de programmation militaire a pour finalité de protéger les Français, aujourd’hui et demain.
La LPM est l’outil indispensable au soutien de l’engagement politique du Président de la République en matière de défense : un plan de frappe de près de 300 milliards d’euros pour réparer et préparer nos armées.
La loi de programmation militaire, c’est la réponse à une ambition, celle que le Président de la République a définie pour répondre aux enjeux d’un contexte stratégique – certains d’entre vous en ont rappelé les contours – marqué par une accentuation des tensions internationales, par la persistance de la menace terroriste et par l’affirmation désinhibée de puissances établies ou émergentes. Les milieux conventionnels ne sont pas seuls concernés : le sont également les milieux hybrides que sont le cyberespace, la datasphère ou l’espace exo-atmosphérique.
M. le Premier ministre l’a rappelé, cette ambition est celle d’un modèle d’armée complet dotant nos forces militaires de moyens d’action autonomes dans tous les champs d’opérations – milieux terrestre, maritime, aérien, spatial, grands fonds marins, espace numérique –, et ce, autant que possible, dans le cadre de coopérations.
Je ne vous apprends rien en évoquant cette ambition, puisque vous y avez pleinement adhéré et avez partagé l’analyse sur laquelle elle repose. La semaine dernière encore, monsieur le président de la commission, vous me rappeliez, non sans une certaine fierté, que le Sénat avait voté le 28 juin 2018 cette loi de programmation militaire sans réserve, à une majorité de 326 voix contre 14.
M. Bruno Retailleau. Avec l’article 7 !
Mme Florence Parly, ministre. Par ce vote, vous avez exprimé à une très large majorité votre plein soutien aux orientations capacitaires et à la trajectoire financière de la LPM. Vous avez considéré en effet que nos forces armées en avaient besoin, qu’elles méritaient un effort national à la hauteur de leur engagement, que, tout simplement, un tel soutien était nécessaire.
Et comment en aurait-il été autrement ? Pendant des années, le budget des armées n’avait cessé de diminuer alors que, dans le même temps, les engagements de la France allaient croissant. Pendant des années, la défense avait été la variable d’ajustement des finances publiques. (M. Richard Yung manifeste son approbation.) Voilà maintenant quatre ans que ce n’est plus le cas, et je m’en félicite.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Nous aussi ! (M. Gérard Longuet renchérit.)
Mme Florence Parly, ministre. L’engagement de nos soldats, aviateurs et marins est constant et sans réserve. Nous devons donc être à la hauteur.
Dès 2017, sans même attendre le vote de la loi de programmation militaire, nous avons assuré – quand je dis « nous », c’est nous tous – la croissance du budget des armées, avec une hausse de plus de 1,8 milliard d’euros en 2018 et de 1,7 milliard d’euros chaque année depuis lors.
La trajectoire financière de cette loi de programmation militaire s’est donc traduite par l’injection cumulée de 27 milliards d’euros supplémentaires dans notre économie. Autrement dit, en quatre ans, nous avons apporté l’équivalent de deux années de budget d’investissement supplémentaires.
Sur la période 2019-2023, les crédits budgétaires inscrits dans la LPM s’élèvent au total à 198 milliards d’euros, soit l’équivalent d’un plan de relance destiné à la défense seule. C’est considérable et c’est essentiel pour notre économie, qui en a plus besoin que jamais au sortir d’une crise sanitaire sans précédent.
Quand je parle de croissance du budget de la défense, je ne parle pas de promesses, mais d’actes. Vous le savez mieux que personne : comme l’a rappelé M. le rapporteur des finances, il y a les lois de finances initiales, mais il y a surtout l’exécution de ces lois de finances. Or, pour la première fois depuis des décennies, la LPM est respectée ; chaque année, les crédits ont été votés et les ressources affectées et exécutées conformément à la loi de programmation militaire.
J’en ai d’ailleurs rendu compte encore tout récemment à l’Assemblée nationale, au titre de l’année 2020, dans le cadre du « printemps de l’évaluation ». Et je ne doute pas, monsieur le président Cambon, que j’aurai encore à en rendre compte – c’est mon devoir – devant votre commission.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Vous êtes la bienvenue !
Mme Florence Parly, ministre. Cet effort historique s’inscrit dans la durée, comme l’a souligné M. le Premier ministre voilà quelques instants.
Depuis le vote de la loi de programmation militaire, nous avons fait du chemin, et cela se voit. Pour reprendre une formule que les anglophones affectionnent, la LPM « délivre ».
Je ne détaillerai pas devant vous la longue liste des matériels qui ont d’ores et déjà été livrés à nos forces. Les matériels arrivent dans les unités ! Et nous constatons – vous constatez – chaque jour l’impact positif de ce changement sur le moral de nos militaires.
Quand on parle de loi de programmation militaire, on a souvent tendance à se concentrer sur les grands équipements ; mais c’est en fait bien davantage : la guerre se gagne certes avec des matériels, mais elle se gagne surtout avec des femmes et des hommes servant notre pays avec courage et avec abnégation. Et, précisément, la LPM 2019-2025 se caractérise par sa hauteur d’homme.
Quand on attend de nos forces qu’elles s’engagent pleinement dans les missions qu’on leur a fixées, quand on exige d’elles le meilleur, on doit leur donner les moyens d’agir en toute sérénité, à la hauteur de leur engagement.
J’ai donc fait de cet axe une priorité majeure de la loi de programmation militaire, et je suis fière de pouvoir vous dire que les progrès sont là. La liste est longue et je sais que les membres de la commission des affaires étrangères et de la défense connaissent ces questions aussi bien que moi ; pour cette raison, je me contenterai de quelques exemples pour illustrer mon propos.
Une attention particulière a été apportée aux petits équipements, car ce sont les outils de travail du quotidien : près de 50 000 nouveaux fusils d’assaut ont été distribués, soit plus de 60 % de la cible ; 100 % des personnels déployés en opérations extérieures sont équipés du nouveau treillis ignifugé, plus protecteur que le précédent ; les nouveaux gilets pare-balles ont tous été livrés aux personnels qui devaient en être équipés.
Certains d’entre vous ont mentionné – je les en remercie – le plan Famille ; il est extrêmement complet. Il a été mis en place pour faire face aux difficultés que rencontraient les militaires et leurs familles dans leur vie quotidienne, parce qu’il n’y a pas de soldat fort sans famille heureuse. Les mesures retenues couvrent la condition du personnel, l’action sociale, la formation professionnelle, l’emploi des conjoints, le logement, l’hébergement… Vous l’avez compris, le cap est tenu en direction d’objectifs que nous avions fixés ensemble en 2018. Je dois donc avouer ma perplexité à entendre ceux qui en leur temps avaient voté des coupes budgétaires massives dire qu’ils vont s’abstenir, voire voter « sans complexe » contre une trajectoire en croissance,… (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Bruno Retailleau. Nous sommes droits dans nos bottes !
M. Cédric Perrin. Hors sujet !
Plusieurs sénateurs Les Républicains. Article 7 !
M. Bruno Retailleau. Respectez-la, la loi !
Mme Florence Parly, ministre. Que faut-il comprendre ? Qu’il faudrait une diminution du budget de la défense pour que leur vote soit favorable ? (On s’indigne sur les travées du groupe Les Républicains.) Que la hausse des moyens ou la modernisation de nos armées induites par cette LPM comptent en définitive beaucoup moins que d’autres considérations qui, elles, ne sont pas de long terme ? (Les protestations redoublent sur les travées du groupe Les Républicains.) Mesdames, messieurs les sénateurs, contre quoi allez-vous voter ?
M. Gérard Longuet. Contre l’absence de débat !
Mme Florence Parly, ministre. Contre l’amélioration des conditions de vie de celles et ceux qui risquent leur vie pour nous protéger ? (Huées sur les travées du groupe Les Républicains, où l’on martèle les pupitres.)
M. Gilbert Roger. Scandaleux !
Mme Florence Parly, ministre. Je sais bien, cela vous gêne !
Allez-vous voter contre une meilleure protection des Français aujourd’hui et demain ? (C’est honteux ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Contre le renouvellement des blindés, des frégates et des avions vieillissants de nos armées ? Contre la mise en œuvre, à l’euro près, de la programmation que vous avez approuvée ?
Vous le savez très bien : s’il existe un sujet régalien qui devrait dépasser les clivages, eu égard aux enjeux qu’il revêt pour notre nation, c’est bien celui de la défense.
M. Cédric Perrin. Nous n’avons jamais agi autrement !
M. Didier Mandelli. Ils savent à quoi s’en tenir !
Mme Florence Parly, ministre. Que leur protection devienne l’otage de querelles politiciennes est inadmissible et surtout dangereux !
M. Bruno Retailleau. Ils veulent le respect du Parlement, les Français !
Mme Florence Parly, ministre. Et qu’en penseront les militaires ? (Le brouhaha redouble d’intensité.)
M. Yves Bouloux. Ils sont d’accord avec vous ?