M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Souvent sénateur varie… Nous passons notre temps à regretter les obligations que nous imposons aux collectivités et aujourd’hui nous jugerions de la vertu des repas ?
Je voudrais saluer la sagesse et la pertinence de la position de la commission des affaires économiques et de sa rapporteure.
Monsieur le ministre, il y va de votre relation de confiance avec les collectivités : on ne peut leur demander d’engager une expérimentation et soudainement, à mi-parcours, décider de la généraliser sans l’avoir évaluée.
En outre, je crois que nous nous dirigeons vers un gros écueil, que la rapporteure pour avis pointera tout à l’heure : vous pouvez imposer des obligations aux conseils départementaux et aux conseils régionaux pour les cantines des collèges et des lycées, mais leurs présidents respectifs n’ont à ce jour aucune autorité sur les gestionnaires des cantines ! Faire preuve d’un peu de pragmatisme et de réalisme n’empêche pas d’être ambitieux.
Je soutiendrai la position de la rapporteure pour avis. Encore une fois, il y va de la confiance que les collectivités nous accordent, ce qui n’interdit pas d’être vertueux. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et INDEP. – M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. À première vue, j’aurais plutôt tendance à vouloir supprimer l’article 59, parce que je suis de droite et que, pour nous, la meilleure des solutions est toujours de favoriser la liberté – en l’occurrence, de choisir ce qu’on a envie de manger !
Toutefois, la réécriture de l’article par la commission me semble être la bonne solution, parce qu’elle revient à dire que les parlementaires ne sont pas des pantins. Ils ont voté un protocole d’action dans la loi Égalim et ne sont pas de ceux qui se déjugent au bout de six mois pour changer de stratégie.
Si l’on veut envoyer un message crédible à la population, comment peut-on voter une expérimentation dans la loi Égalim et voter exactement l’inverse quelques mois plus tard ? Écraser l’expérimentation, ce serait renier notre parole et imposer une décision alors même que l’expérimentation devait nous fournir des éléments factuels à même d’éclairer notre jugement.
Voudrait-on cacher des résultats qui ne seraient pas à la hauteur des attentes et passer directement à la contrainte et à l’interdiction, comme on sait si bien le faire ? Je ne suis pas d’accord !
C’est la raison pour laquelle la meilleure des solutions est de voter contre tous les amendements et d’adopter la rédaction de la commission. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Je ne minimise pas l’importance de ce débat, monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, mais comment peut-on ne pas évoquer la PAC, le revenu des paysans ou les traités de libre-échange dans une grande loi Climat ?
Il s’agit de sujets fondamentaux dont le Parlement devrait débattre dans ce moment de crise politique et démocratique que nous traversons. Passer deux heures sur les menus végétariens, même si c’est important, c’est tout de même passer un peu à côté des enjeux.
En ce qui concerne cet article 59, nous avons entendu votre réponse et retirons notre amendement n° 1106. Nous n’avons pas choisi ce débat, mais notre position est simple : un équilibre est encore à trouver pour concilier la demande de plus en plus forte et légitime de repas végétariens et la nécessité de répondre à une certaine crise de la faim qui sévit dans les villes populaires, selon nos informations.
Les cantines continuent de jouer un rôle essentiel. Les collectivités dans leur ensemble, quelle que soit leur couleur politique, ont été en première ligne dans cette crise. Il fallait que l’école reprenne pour permettre à certains enfants d’avoir au moins un repas par jour.
On entend beaucoup parler d’une montée en gamme de la qualité et des produits importés. Il faut donner aux collectivités les moyens de répondre à ces grands enjeux, qu’il s’agisse de la qualité des repas ou de l’offre d’un menu végétarien. Elles attendent des financements, un accompagnement de l’État et une structuration des filières locales et bio.
M. le président. L’amendement n° 1106 est retiré.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Il nous arrive à tous d’être pris par le doute. En arrivant dans cet hémicycle, j’étais pris par le doute. C’est notre condition humaine.
Mais après avoir écouté Mme la rapporteure pour avis et les arguments de Laurent Duplomb, ce doute s’est dissipé.
Je soutiendrai la position de la commission.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Nous débattons de la loi Climat et ce qui importe, ce sont les émissions de gaz à effet de serre.
En Bretagne, l’agriculture est responsable de 46 % de ces émissions pour une moyenne de 23 % en France. Pourquoi les émissions sont-elles deux fois supérieures en Bretagne ? Tout simplement parce qu’on y trouve beaucoup d’élevages intensifs. C’est un fait : produire beaucoup de viande revient à émettre beaucoup de gaz à effet de serre.
Il ne s’agit pas d’être caricatural et de dire qu’il ne faut plus manger de viande ; nous n’en sommes pas là. Il nous semble simplement nécessaire de réfléchir en profondeur à notre alimentation. Pendant des siècles, on a consommé moins de viande : manger un steak à chaque repas ne remonte qu’à quelques dizaines d’années. Nous ne disons pas de tout arrêter, seulement de regarder les choses en face.
J’entends que nous sommes très liberticides et qu’il faut laisser chacun décider… (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Messieurs les apôtres de la liberté et du laisser-faire, était-ce une bonne idée d’imposer la ceinture de sécurité ? (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Françoise Gatel. Cela n’a rien à voir !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Je voudrais répondre à quelques orateurs pour mieux étayer la position du Gouvernement.
Mme la sénatrice Gatel et M. le sénateur Duplomb soutiennent la position de Mme la rapporteure pour avis, qui souhaite poursuivre l’expérimentation votée dans la loi Égalim. Le Gouvernement, quant à lui, estime avoir suffisamment de retours d’expérience pour généraliser la mesure dans les seules cantines scolaires…
M. Laurent Duplomb. À Lyon, par exemple !
M. Julien Denormandie, ministre. C’est la raison pour laquelle j’ai émis un avis défavorable sur une grande partie des amendements.
Je voudrais souligner que le rapport du CGAAER n’a pas été rédigé à la va-vite. Certes, nous avons connu la période de la covid-19, mais en dehors du premier confinement, les cantines scolaires, qui sont des lieux républicains, ont continué de fonctionner. Or ce rapport montre qu’il est possible de généraliser l’expérimentation. Je le rappelle pour bien souligner les positions respectives de la commission et du Gouvernement.
Monsieur Gay, vous avez mille fois raison en ce qui concerne la rémunération des agriculteurs. Cette question fera l’objet d’une proposition de loi que vous devriez examiner juste après l’été. Il s’agit d’une question très importante, c’est même la mère des batailles.
Rares sont les gouvernements qui, au cours de la même mandature, remettent l’ouvrage sur le métier. Après l’adoption de la loi Égalim, qui était certes nécessaire, mais pas suffisante, le Gouvernement et les parlementaires se remettent à l’ouvrage avec cette proposition de loi.
Par ailleurs, monsieur Gay, un volet du projet de loi est consacré à la PAC, dont nous parlerons un peu plus tard dans la soirée.
Enfin, monsieur Salmon, je ne peux laisser passer vos propos. Vous dites ne pas vouloir caricaturer, mais vous évoquez les élevages intensifs dans la même phrase ! Avec de tels propos, monsieur le sénateur, vous nuisez à mon combat, qui n’est peut-être pas le vôtre, d’accorder la priorité des priorités à la montée en qualité des viandes servies dans les cantines. Or cette qualité est très synonyme de celle de nos élevages, sur l’ensemble du territoire.
Dès lors que vous parlez d’élevages intensifs, tous ceux qui nous écoutent se disent que la France compte donc des élevages intensifs. J’ai été outré qu’une association comme L214, en pleine épidémie de covid-19, présente de grandes affiches avec un masque où il était inscrit : « Au lieu de gérer les conséquences, luttons contre les causes : élevage intensif ».
M. Daniel Salmon. Ça, c’est de la caricature !
M. Julien Denormandie, ministre. Au même moment, un illustre cinéaste, dans un reportage intitulé Legacy, présentait un « bel immeuble » de quinze étages qui était en fait une porcherie. Il montrait ensuite un « bel élevage » de plus de 20 000 vaches laitières… Mais jamais dans ce reportage il ne précisait que la porcherie était en Chine et que cet élevage laitier était aux États-Unis ! (Marques d’approbation sur des travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE et RDPI.)
Savez-vous, monsieur le sénateur, que les élevages de truie comptent en moyenne 170 têtes en France contre 10 000 aux États-Unis ! Pour les volailles de chair, c’est 40 000 en France, mais cinquante fois plus en Ukraine ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
Monsieur le sénateur, soyons fiers de nos élevages ! Arrêtez de caricaturer et dites clairement que les élevages que vous évoquez se trouvent en dehors de nos frontières ! Quand il voit ces affiches ou qu’il vous entend, le voisin d’un éleveur le rend ensuite en partie responsable du réchauffement climatique ! Agir de la sorte est irresponsable ! Encore une fois, soyons fiers, de nos éleveurs ! (Vifs applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. La dernière intervention du ministre me désole : nous essayons d’avoir un débat objectif sur les vraies questions et M. le ministre fait de la diversion, comme souvent dans cet hémicycle. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Nous débattons d’un projet de loi sur le climat et nous devons parler seulement climat ! La forêt amazonienne disparaît parce que nous ne produisons pas les protéines nécessaires pour nourrir nos propres troupeaux.
Monsieur le ministre, dans votre dernière intervention, censée faire la synthèse de nos échanges, vous ne parlez pas de ce déficit absolument essentiel pour l’élevage français. Il s’agit pourtant du cœur de notre débat d’aujourd’hui.
Expliquez-nous votre stratégie pour que l’élevage français soit autonome en protéines !
M. Ronan Dantec. La disparition de la forêt amazonienne n’est pas sans conséquence : les sécheresses sont telles qu’on ne peut même plus faire d’élevage extensif en Lozère, parce qu’il n’y a plus d’eau et plus de fourrage ! Voilà la réalité du monde ! Si on prend toujours les choses par le petit bout de la lorgnette, on n’y arrivera jamais !
Expliquez-nous maintenant quelle est votre stratégie à l’échelle nationale, à l’échelle européenne et à travers les grands accords de libre-échange pour faire en sorte que nous soyons capables de nourrir nous-mêmes les animaux que nous consommons ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 926 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 279 rectifié et 1900.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1854 et 1870 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 882 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 1175, présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Conconne, MM. Antiste et Marie, Mmes Meunier et Monier, MM. Todeschini, Bourgi et Michau, Mme Lepage, M. Montaugé et Mme Rossignol, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …. – À compter du 1er janvier 2023, dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, les services de la restauration collective dont les personnes morales de droit public ont la charge et les services de restauration collective apparentés à une mission de service public sont tenus de limiter le recours aux produits alimentaires dits de dégagement.
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Cet amendement, proposé par notre collègue Victorin Lurel, est relatif aux pratiques dites « de dégagement », qui concernent certains produits alimentaires, notamment le lait, la volaille, le porc ou le bœuf.
Plutôt que de stocker ces produits ou de les écouler sur les marchés habituels à des prix très bas, certains opérateurs métropolitains préfèrent les « dégager », c’est-à-dire s’en débarrasser vers les départements d’outre-mer, où ils peuvent notamment servir à fournir les services de restauration collective.
Ces produits sont souvent de piètre ou de mauvaise qualité. En outre, ils concurrencent de manière déloyale la production locale et possèdent un impact environnemental négatif en termes d’émissions de gaz à effet de serre et de consommation d’énergie. Cet amendement vise donc à en limiter le recours pour les services de restauration collective dans les départements et régions d’outre-mer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. La difficulté, mon cher collègue, c’est que ces produits alimentaires dits « de dégagement » ne sont pas clairement définis, ce qui rend les dispositions de cet amendement difficilement opérantes. Ce problème relève sans doute davantage d’une amélioration des pratiques. Vous nous répondrez peut-être sur ce sujet, monsieur le ministre.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Je salue votre engagement, monsieur le sénateur, ainsi que celui de votre collègue Victorin Lurel, sur ce sujet.
Comme le disait Mme la rapporteure pour avis, il existe un certain nombre de difficultés. La première d’entre elles, c’est l’absence de définition économique des produits de dégagement. La seconde, c’est que nous devons faire face à des enjeux de politique publique opposant parfois le développement de filières locales et le soutien aux ménages à faibles revenus – la lutte contre la vie chère en outre-mer.
La loi de février 2017 relative à l’égalité réelle outre-mer a tenté de répondre à cette problématique. Ainsi, l’article 64 donne la possibilité au préfet de mener des négociations avec les distributeurs et les producteurs et, en cas d’échec, de fixer par arrêté l’intensité et la durée des périodes de mise à la distribution des produits de dégagement. Une circulaire de mai 2017 a précisé ces dispositions.
Dans son avis de juillet 2019, à la suite d’une saisine du ministre de l’économie, l’Autorité de la concurrence a considéré que, les produits n’étant pas similaires, la situation ne pouvait pas être assimilée à une concurrence déloyale. Elle a formulé à ce titre des recommandations sur le développement des produits sous signes de qualité et sur la structuration des filières.
Cette démarche de lutte contre les marchés de dégagement est largement engagée dans certains territoires ultramarins. Je pense notamment à La Réunion.
Bref, si je comprends le sens de votre amendement, le cadre, que je viens de vous rappeler, a déjà été établi. Par ailleurs, du fait des arguments évoqués par Mme la rapporteure pour avis, il ne peut emporter qu’un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 749 rectifié bis est présenté par Mme Préville, M. Cozic et Mmes Monier, Rossignol, Jasmin et Conway-Mouret.
L’amendement n° 1856 rectifié bis est présenté par M. Féraud, Mme de La Gontrie, MM. Jomier, Antiste, Bourgi et Cardon, Mmes Féret et M. Filleul, M. Kerrouche, Mme Lepage, M. Marie, Mme Meunier et MM. Pla et Tissot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …. – À compter du 1er janvier 2023, les services de la restauration collective dont les personnes morales de droit public ont la charge et les services de restauration collective apparentés à une mission de service public sont tenus de limiter le recours aux aliments ultra-transformés à raison d’un aliment ultra-transformé par repas si c’est un menu unique ou de deux aliments ultra-transformés sur l’offre totale du jour si plusieurs plats ou menus sont proposés. Un décret précise les conditions d’application de la mesure.
La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 749 rectifié bis.
Mme Angèle Préville. Cet amendement vise à s’assurer de la qualité des menus servis dans la restauration collective. Une telle mesure est complémentaire des 50 % de produits durables instaurés par la loi Égalim. Les labels de qualité ne limitent en effet en aucun cas le recours aux produits transformés. Dans un magasin bio, par exemple, un produit sur quatre environ est ultratransformé.
Le travail d’élaboration du décret réalisé en bonne intelligence avec les professionnels de terrain permettra d’établir la liste des produits dits « ultratransformés » et facilement identifiables par les gestionnaires des cantines concernées. Je tiens à ajouter que le décret sur les plats dits « ultratransformés » ciblera certainement ceux qui contiennent des additifs, des exhausteurs de goût et autres émulsifiants, dont on sait qu’ils sont de piètre qualité, tous ces additifs servant à masquer une qualité déplorable, voire pire.
Ces additifs ont par ailleurs des effets préjudiciables sur la santé. Ils sont notamment à l’origine des phénomènes d’obésité, que nous connaissons de plus en plus dans notre pays, et d’allergies, voire plus grave.
Je ne considère pas cette mesure comme une punition. Au contraire, c’est plutôt vertueux à tous les niveaux, car nous avons un crucial problème de santé.
Pour terminer, je dirai que, dans un pays où le repas gastronomique est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, on se doit d’éduquer au goût et de bannir ce genre de plats.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour présenter l’amendement n° 1856 rectifié bis.
M. Rémi Féraud. Cet amendement vient d’être excellemment défendu par Angèle Préville, que je remercie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. Nous ne disposons pas non plus d’une définition des produits ultratransformés. Toutefois, il existe depuis peu une classification scientifique, et l’Anses devrait rendre son avis prochainement, ce qui nous éclairera. Il ne faudrait pas pour autant qu’on en vienne à considérer qu’un bœuf bourguignon est un produit ultratransformé, parce que préparé en amont.
Une fois que l’Anses aura rendu son avis, M. le ministre pourra encadrer le recours à ces produits par voie réglementaire, comme la loi lui en donne déjà le pouvoir. En attendant, la commission est plutôt défavorable à ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. J’ai exactement le même avis, pour les mêmes raisons. À cet égard, je reprendrai l’exemple de la salade niçoise, des lentilles ou du cassoulet du Lot. Il y a là un vrai sujet, mais nous devons nous appuyer sur une base permettant de définir ce que sont les aliments transformés ou ultratransformés.
Il s’agit pour moi d’une préoccupation réelle. Il faut arrêter les produits surtransformés et importés, qui sont de plus en plus consommés, et favoriser les produits frais et de saison. Pour autant, il convient d’agir avec méthode. La première étape, c’est de disposer d’une définition. Nous attendons donc l’avis de l’Anses pour lancer cette politique.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Cette idée pourrait paraître idéale. Pourtant, elle possède de nombreux inconvénients.
Ainsi, on pourrait penser qu’il est préférable de supprimer des additifs chimiques pour les remplacer par des produits naturels. Mais il faut pousser la réflexion plus loin. En effet, ces produits naturels, qui ne sont pas forcément produits en France, peuvent se révéler pires que les additifs chimiques.
Les journaux le rapportent, on trouve de l’oxyde d’éthylène en quantité phénoménale dans les glaces ou dans le sucre pour la confiture. C’est l’exemple typique : on a supprimé les adjuvants pour les remplacer par de la farine de caroube venant de Turquie et qui est bourrée d’oxyde d’éthylène.
Les bonnes idées cachent parfois une tout autre réalité sur le terrain.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Nous n’allons pas faire comme s’il n’y avait pas un réel problème : ces plats ultratransformés ne valent rien sur le plan nutritionnel, et on est obligé d’y ajouter plein de choses pour qu’ils deviennent mangeables. Ce phénomène existe de plus en plus !
Comme je l’ai dit précédemment, il y a là un vrai problème de santé publique. Ces plats sont peu coûteux financièrement, mais trop coûteux en termes de santé pour nos concitoyens.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 749 rectifié bis et 1856 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 59, modifié.
(L’article 59 est adopté.)
Article additionnel après l’article 59 (priorité)
M. le président. L’amendement n° 335 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Belrhiti, MM. Bouchet, Milon, Rojouan et Meurant, Mme Joseph, M. Sido, Mme Dumas, M. Le Rudulier et Mme Pluchet, est ainsi libellé :
Après l’article 59
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le I de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Les personnes morales de droit public mentionnées au premier alinéa du I du présent article doivent également, à compter du 1er janvier 2022, proposer au moins une fois par mois un menu inspiré de la tradition culinaire régionale et dont la provenance fait état de 70 % de produits régionaux minimum, non issus de fabrication synthétique ou de laboratoires. »
La parole est à Mme Kristina Pluchet.
Mme Kristina Pluchet. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 335 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 59 bis A (priorité)
Au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi, les formations continues et initiales relatives à la cuisine intègrent dans leurs référentiels des modules sur les bénéfices en matière de santé et d’environnement de la diversification des sources de protéines en alimentation humaine.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1144, présenté par MM. Benarroche, Labbé, Dantec, Fernique, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après le mot :
référentiels
insérer les mots :
la préparation des protéines végétales en plat principal ainsi que
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. L’article 59 bis A intègre l’importance de la diversification des sources de protéines dans l’alimentation humaine. Les auteurs de cet amendement pensent qu’il est nécessaire de préciser que l’apprentissage de l’importance des protéines végétales dans l’alimentation humaine au sein des formations initiales et continues relatives à la cuisine doit comporter un aspect pratique et technique de la préparation des légumineuses et autres protéines végétales en plat principal.
Vous le savez, monsieur le ministre, l’élevage intensif évoqué par mon collègue Daniel Salmon constitue une part importante des sources de gaz à effet de serre, notre collègue Ronan Dantec l’a rappelé. Aussi, pour la santé des citoyens et dans le cadre de la lutte contre le dérèglement climatique, qui fait l’objet de cette loi, il nous paraît important de diversifier notre alimentation et, plus précisément, les sources de protéines.
Les protéines animales ne sont pas indispensables, nous le savons tous. Pour autant, elles ne doivent pas être supprimées. Toutefois, il convient de tenir compte de leur surconsommation et de ses effets nocifs sur la santé. Le programme national nutrition santé, le PNNS, établi par le ministère chargé de la santé, recommande le seuil de 500 grammes de viande cuite hors volailles par semaine, alors que, vous le savez parfaitement, notre consommation moyenne en viande est encore nettement au-dessus de ce seuil.
Aussi, malgré les polémiques que j’estime injustifiées sur les menus végétariens, l’amendement que nous proposons ici vise à inscrire dans la loi l’obligation, au-delà de ce qui est déjà fait en termes d’apprentissage théorique sur la nécessité de diversifier les sources de protéines, de prévoir l’apprentissage de l’élaboration de plats à base de protéines qui ne sont pas issues d’animaux, de manière pratique et concrète.
Le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, que j’ai interrogé sur le sujet des formations de BEP et de CAP, dans le cadre d’une question écrite sur les formations, m’a m’assuré qu’il est « important de noter que les compétences nécessaires à l’élaboration d’une alimentation végétale sont d’ores et déjà intégrées au référentiel définissant les diplômes professionnels de restauration ». Toutefois – vous pouvez le vérifier sur le site du ministère de l’éducation nationale –, le programme enseigné est encore celui qui est validé par l’arrêté du 17 mars 2016, c’est-à-dire qu’il ne tient pas compte des avancées de la loi Égalim votée en 2018.
Au-delà de la nécessité…