Mme Christine Lavarde. Nous cherchons à compléter la transposition du règlement du Parlement européen du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers. Ce règlement prévoit de nouvelles obligations à la charge de certaines entreprises du secteur, dont le respect doit être contrôlé par les autorités nationales compétentes, conformément à la législation sectorielle applicable.
Pour ce qui concerne les sociétés de gestion, le code monétaire et financier dispose que l’Autorité des marchés financiers (AMF) veille à la qualité de l’information fournie. En revanche, pour toutes les autres entités visées, notamment les entreprises d’assurance et de réassurance, les fonds de retraite professionnelle supplémentaire, la Caisse des dépôts et consignations, les mutuelles et unions, les institutions de prévoyance et leurs unions, ainsi que les institutions de retraite professionnelle, rien n’est prévu à ce stade.
Il s’agit donc d’inscrire dans la loi que la mission de contrôle de ces organismes incombe à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Martin, rapporteur. Cet amendement me paraît tout à fait intéressant et pertinent. Son adoption permettra d’accompagner notre secteur bancaire dans la transition écologique et le renforcement de la résilience de notre économie face aux effets du changement climatique.
C’est pourquoi la commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Sur cet amendement, le Gouvernement a la même approche que pour l’amendement de M. Babary sur l’ANC. Il aura donc la même position.
L’évolution concomitante du droit européen, dont nous avons parlé, et du droit national en matière de finance durable aura des conséquences importantes sur le périmètre et le champ de contrôle de l’ACPR sur ses assujettis. J’ajoute les exigences en matière de reporting extrafinancier qu’emportent le règlement Disclosure européen et le décret récemment publié, qui vient revisiter le dispositif issu du VI de l’article 173 de la loi de transition énergétique pour la croissance verte.
Le Gouvernement accueille positivement l’extension des pouvoirs du superviseur bancaire et assurantiel en la matière. C’est une évolution bienvenue – transparence signifiant redevabilité – pour assurer des stratégies efficientes d’allocation des flux financiers vers la transition écologique.
Le Gouvernement émet donc un avis très favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je rappelle que la commission des affaires économiques tient une réunion « flash » à la suspension de la séance.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.)
PRÉSIDENCE DE Mme Nathalie Delattre
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 15.
L’amendement n° 768 rectifié, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 511-45 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Le I est complété par les mots : « , ainsi qu’une évaluation des émissions de gaz à effet de serre générés par les investissements qu’elles financent » ;
2° Après le septième alinéa du III, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Bilan des émissions de gaz à effet de serre générées. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Le rapport annuel Banking on Climate Chaos, publié au mois de mars dernier, révèle que les banques françaises ont financé les énergies fossiles pour 295 milliards de dollars depuis l’adoption de l’accord de Paris sur le climat. D’après cette estimation, elles ont même dépassé leurs voisines britanniques, illustrant un écart croissant entre les promesses de finance verte de la place financière de Paris et les pratiques réelles sur le climat.
Nous sommes tous d’accord pour dire que nous ne pouvons parvenir à l’objectif de neutralité carbone en 2050, si le secteur financier ne connaît pas lui-même l’impact de ses investissements sur le climat.
Au mois d’avril dernier, la Nouvelle-Zélande est devenue le premier pays au monde à exiger de ses banques la transparence des impacts écologiques des investissements réalisés.
D’aucuns pourraient penser que l’objet de cet amendement est de stigmatiser les banques françaises. Pas du tout !
Je n’en citerai aucune, mais je peux dire que les banques françaises ont aujourd’hui des conduites assez disparates. Certaines n’ont pas changé leurs stratégies d’investissement, quand d’autres les ont modifiées. Les ONG essaient de mettre au jour les différences réelles de ces stratégies à court et à moyen terme.
Aussi, cet amendement vise à exiger des banques d’adjoindre à leur bilan annuel de comptes un état des lieux des émissions de carbone induites par leurs investissements dans chaque pays. S’il est adopté, la France deviendra un pays beaucoup plus transparent. C’est un enjeu majeur pour la place financière de Paris.
J’ai été un spectateur averti de la COP21 à Paris : des engagements assez forts ont été pris par les opérateurs financiers, engagements d’ailleurs non dénués d’arrière-pensées, dans le cadre de la compétition avec la City de Londres. Il est évident que la place qui s’imposera demain sera celle qui sera la plus transparente sur les questions climatiques.
Derrière cette initiative, il y a la nécessité de mettre les banques devant leurs responsabilités, mais également, grâce à cette transparence et à la capacité de faire la différence entre celles qui évoluent et celles qui ne le veulent pas, la possibilité de renforcer l’attractivité financière de Paris. Aussi, cet amendement devrait selon moi rencontrer un large consensus.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Martin, rapporteur. Cet amendement porte sur un champ très large d’entreprises de produits financiers et de pays. Son adoption pourrait, par ailleurs, conduire à la révélation de données sensibles pour notre secteur bancaire national.
En outre, juridiquement, la disposition prévue s’insère dans un article du code monétaire et financier traitant des pays non coopératifs, ce qui n’est pas forcément très adapté.
Pour ces raisons à la fois de forme et de fond, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Dantec, je partage évidemment pleinement vos intentions en matière d’obligation de publication du bilan des émissions de gaz à effet de serre. Cela fait d’ailleurs écho à une décision récente du Gouvernement via le décret d’application de l’article 29 de la loi relative à l’énergie et au climat, qui modifie l’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier, en prenant en compte, dans la politique d’investissement, les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, ainsi que les moyens mis en œuvre par les investisseurs pour contribuer à la transition.
À l’échelon européen, les acteurs financiers sont également soumis à des obligations de transparence concernant la durabilité de leurs investissements au titre des règlements du paquet Finance durable de 2019.
Ces textes permettront aux parties prenantes d’identifier avec précision les actions des acteurs financiers en la matière, notamment sur la décarbonation de leur portefeuille.
Aussi les dispositions actuellement en vigueur répondent-elles aux préoccupations que vous soulevez, monsieur le sénateur. Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. Ronan Dantec. Je maintiens cet amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 768 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
Mme la présidente. L’amendement n° 791 rectifié, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement est ainsi modifiée :
1° Au troisième alinéa de l’article 1 A, après le mot : « féminin », sont insérés les mots : « , les entreprises à impact écologique » ;
2° Après le cinquième alinéa de l’article 1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Encourager les entreprises dans la transition écologique. » ;
3° Après le quatrième alinéa du I de l’article 6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Contribuer à la transformation écologique des entreprises françaises. ».
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à flécher prioritairement l’action de la Banque publique d’investissement, Bpifrance, vers la transition écologique. Son adoption permettrait de s’assurer que les projets bénéficiant de fonds publics sont en adéquation avec les enjeux environnementaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Martin, rapporteur. Il semble pertinent de mettre à jour le texte fondateur de la Banque publique d’investissement pour y inscrire la transformation sociale et écologique des entreprises françaises.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. La qualification d’« entreprise à impact social et écologique » n’a malheureusement, à ce stade, pas de fondement juridique ou scientifique. Garantir qu’une entreprise aurait ou non un impact social ou écologique positif est une tâche sans doute complexe et délicate.
Par ailleurs, Bpifrance s’est déjà dotée d’un plan Climat de 20 milliards d’euros pour accélérer la transition écologique des entreprises.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 810 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° L’article L. 221-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Conformément au règlement (UE) 2020/852 du Parlement Européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre pour favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088, les ressources employées au financement des petites et moyennes entreprises le sont pour des investissements durables sur le plan environnemental tels que définis à l’article 2 du même règlement. » ;
2° Le III de l’article L. 221-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Conformément au règlement du Parlement Européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre pour favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088, les ressources employées au financement des petites et moyennes entreprises le sont pour des investissements durables sur le plan environnemental tels que définis à l’article 2 du même règlement. » ;
3° À la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 518-2, les mots : « et du développement durable » sont remplacés par les mots : « du développement durable et de l’adaptation et de la lutte contre l’effet de serre ».
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Je suis certain que Mme la secrétaire d’État sera d’accord avec l’objet de cet amendement, qui porte sur la part des investissements durables de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) du point de vue environnemental.
Il y a évidemment une volonté politique très forte du Gouvernement d’appliquer l’accord de Paris et de faire beaucoup en matière environnementale à l’échelle internationale. Par conséquent, il serait juste que les outils publics à sa disposition soient en adéquation avec cette action politique forte ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
Nous notons tout de même une avancée : le 29 octobre dernier, le groupe Caisse des dépôts a annoncé le renforcement de l’encadrement de ses financements aux énergies fossiles. C’est un début. Nous pensons que nous pouvons aller plus loin. Ainsi, il faut savoir que, selon l’ONG Oxfam, sur 10 euros prêtés par les banques françaises, notamment la CDC, 7 euros vont aux énergies fossiles, contre seulement 3 euros aux énergies renouvelables.
Certaines banques privées font un peu plus que la Caisse des dépôts et consignations. On ne comprendrait pas que cet amendement ne soit pas adopté, la CDC se devant d’être en première ligne sur les investissements d’avenir et en matière environnementale.
Par exemple, il faudrait arrêter de financer le « tout charbon ». On ne peut pas avoir, comme l’an dernier, un débat pour arrêter les centrales à charbon sur notre territoire et continuer à les financer ailleurs dans le monde, à travers des entreprises françaises.
C’est donc presque un amendement de coordination que nous vous proposons ! (Rires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 792, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 518-2 du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° À la dernière phrase du deuxième alinéa, les mots : « du développement durable » sont remplacés par les mots : « de la transition écologique et énergétique des entreprises » ;
2° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ses investissements sont conditionnés à la publication par les entreprises de plans de transition alignés avec les grands objectifs climatiques fixés au niveau national, en particulier le plafond national des émissions de gaz à effet de serre défini par grands secteurs en application de l’article L. 222-1A du code de l’environnement. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. C’est un autre amendement de coordination, qui va dans le même sens. (Sourires.)
La Caisse des dépôts et consignations est l’un des acteurs majeurs de la transition énergétique pour permettre à la France de tenir l’objectif de moins 55 % qui figure en chapeau de ce texte. Nous vous proposons de compléter le troisième alinéa par une rédaction très claire : « Ses investissements sont conditionnés à la publication par les entreprises de plans de transition alignés avec les grands objectifs climatiques fixés au niveau national, en particulier le plafond national des émissions de gaz à effet de serre défini par grands secteurs… »
Les entreprises vont le faire ! Il est clair aujourd’hui que les grandes entreprises, ne serait-ce que sous la pression de leurs actionnaires, devront présenter leur stratégie sous un angle de neutralité carbone, une stratégie Climate friendly comme l’on dit en bon français. (Sourires.) Un certain nombre d’entre elles le font même déjà.
Aussi, il me semblerait de bonne politique que la Caisse des dépôts et consignations aille dans ce sens-là et ne finance que des entreprises qui respectent les objectifs nationaux et, globalement, notre part de responsabilité internationale en la matière.
En outre, madame la secrétaire d’État, c’est l’occasion d’insister sur le fait que la Caisse des dépôts et consignations, à travers la Banque des territoires, est un acteur majeur de la capacité de nos collectivités à investir plus rapidement. Il faudra même peut-être, au-delà de ce projet de loi, prévoir des budgets annexes des collectivités territoriales pour leur effort énergétique et bien distinguer l’investissement classique, qui augmente les services aux habitants, de l’investissement, notamment énergétique, qui conduit plutôt à des baisses de coûts de fonctionnement. Aujourd’hui, tel n’est pas le cas, ce qui pose des problèmes de visibilité quant à la réalité de l’investissement et de l’endettement des collectivités territoriales.
La Caisse des dépôts et consignations est un acteur majeur qui doit être en phase avec l’ambition que le Sénat, de manière quasi unanime, a rappelé en introduction de ce projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Martin, rapporteur. Pour le dire de façon particulièrement synthétique, la conditionnalité environnementale des financements de la Caisse des dépôts et consignations pourrait limiter les capacités de financement de l’économie française, notamment des PME. Aussi, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 810 rectifié.
La conditionnalité des financements de la Caisse des dépôts et consignations à la publication par les entreprises de plans de transition alignés avec les grands objectifs climatiques fixés à l’échelon national est particulièrement lourde. Elle pourrait limiter les capacités de financement de l’économie française, notamment des PME.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 792.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Nous partageons bien sûr le souhait d’encourager le financement dans la transition écologique. D’ailleurs, nous le mettons en œuvre dans le plan de relance.
Techniquement, d’abord, il semble difficile, voire impossible d’analyser tout le stock de prêts aux PME pour savoir si ce financement contribue à des activités durables, d’autant que les lignes de prêts aux PME ne financent pas nécessairement un projet ciblé. La Commission européenne a entendu cette difficulté et élaborera des lignes directrices spécifiques pour le calcul des ratios d’alignement des bilans bancaires sur la future taxonomie durable européenne.
Le plan de relance, pour sa part, prévoit plusieurs mesures beaucoup plus concrètes pour financer la transition écologique : 105 millions d’euros pour l’instauration d’un crédit d’impôt pour les investissements de rénovation des bâtiments des TPE et PME du secteur tertiaire, 15 millions d’euros pour l’accélération de la transition écologique de 45 000 artisans, commerçants et indépendants, ou encore 35 millions d’euros pour la mise à disposition d’aides forfaitaires pour les actions et investissements dans l’écoconception des produits ; on pourrait également mentionner les 45 millions d’euros dédiés à la mise en place d’actions d’accompagnement des entreprises engagées pour la transition écologique. Nous avons là des leviers concrets qui sont immédiatement mobilisables et opérationnels.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 810 rectifié.
L’amendement n° 792, présenté par M. Dantec, ne vise que les financements apportés par la Caisse des dépôts et consignations aux entreprises, alors que ce financement n’est que l’une des activités de la CDC. Remplacer la notion de « développement durable » par celle de « transition écologique et énergétique des entreprises » reviendrait ainsi à adopter une vision restrictive du champ d’action de la CDC, laquelle est déjà très engagée dans une politique d’investissement écologique volontariste ; cette politique fait d’ailleurs l’objet d’un bilan annuel et obtient de très bons résultats. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je reste assez insatisfait des réponses qui nous sont apportées. Sans entrer dans les détails de la méthodologie retenue, il se trouve que les émissions françaises de CO2, sur lesquelles on doit décliner l’objectif européen de baisse de 55 %, sont globalement les émissions cadastrales, celles du territoire.
Comment imaginer que la CDC, bras financier de l’État, continue de financer des entreprises qui pourraient faire augmenter à nouveau les émissions françaises, en contradiction avec l’objectif de baisse de 55 % ? De fait, monsieur le rapporteur, ce n’est pas possible !
Comment affirmer que notre proposition pourrait pénaliser l’économie française, alors que l’enjeu sous-jacent est le cadre économique de ces activités et leur régulation, par le biais notamment de taxes aux frontières sur le CO2 émis par des pays qui seraient moins ambitieux que le nôtre ? C’est une contradiction flagrante !
Je reste donc convaincu – vous m’entendrez le répéter au cours des deux prochaines semaines – que tout l’enjeu de ce projet de loi est la mise en cohérence de l’ensemble de nos bras d’intervention sur l’économie et la vie quotidienne des Français.
Or, monsieur le rapporteur, votre réponse va dans le même sens que d’habitude, à l’instar de celle de Mme la secrétaire d’État, dans une certaine mesure : on agit pour le climat de manière quelque peu périphérique, on soutient ceux qui avancent, mais sans aller au cœur de nos leviers. Or la CDC est bien l’un des leviers cruciaux pour nous permettre de faire avancer l’économie française.
Par ailleurs, nous convenons tous de suivre la logique de la transition écologique, jusqu’à l’instauration de la taxe carbone aux frontières, ce qui aura des impacts très positifs sur l’emploi. Nous sommes d’accord quant à la démarche consistant à protéger l’économie européenne vis-à-vis des pays qui ne respectent pas les mêmes contraintes que nous en matière d’émissions de CO2, mais si nous faisons revenir des entreprises en France ou en Europe sans examiner si leurs activités respectent le cadre que nous nous sommes fixé en la matière, on risque de mettre en difficulté à nouveau l’ensemble du cadre international qui aura permis le retour de ces entreprises.
Très sincèrement, nous sommes à un moment où l’on échoue à créer une cohérence d’ensemble. À mon sens, la CDC, par l’action qu’elle mène pour les collectivités territoriales au travers de la Banque des territoires, ou encore par ses investissements dans d’importantes entreprises françaises, doit être au cœur de notre action. Or les réponses apportées sur ce point laissent nos grands leviers en périphérie de l’effort climatique.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Moi aussi, je suis assez insatisfait des réponses apportées par M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État.
J’ai toujours un peu de mal à comprendre ce paradoxe. Lorsque les gens doivent faire valoir leurs droits en France – droits au chômage, droits à la retraite, droits engendrés par un accident du travail –, on ne voit aucun problème à contrôler, voire à contrôler strictement ; c’est normal ! En revanche, lorsqu’il est question d’argent public donné à des entreprises pour contribuer au financement de leurs projets, directement ou à travers une banque publique, toute idée d’un contrôle de ces aides, ou d’une conditionnalité, devient inaudible : ce n’est pas possible, on va pénaliser les entreprises, c’est contraire au droit européen, imaginez ce qui se passerait… Nous sommes tout de même là face à une contradiction !
Pour ma part, dans ce débat sur les modalités environnementales des prêts concédés à des entreprises pour le maintien d’emplois et de sites industriels, la CDC pourrait très bien offrir aux entreprises une approche gagnant-gagnant : on prête de l’argent public à l’entreprise autour d’un projet, mais on étudie aussi ce projet avec elle, on instaure un comité d’experts pour l’accompagner dans la durée, y compris dans la perspective de la transition écologique, et on fait le point chaque année. Si tout avance bien, l’accompagnement continue ; en revanche, si l’on constate que l’argent public n’a pas été bien utilisé en matière de transition écologique et énergétique, on cesse d’aider l’entreprise. On pourrait même la sanctionner, mais je sais que c’est un trop grand mot pour vous, mes chers collègues !
J’ai donc un peu de mal à comprendre pourquoi nous sommes incapables de créer des mécanismes permettant de conditionner les aides publiques ou les prêts publics, y compris ceux qui sont délivrés à travers la CDC. Il faudra bien un jour m’expliquer ce blocage !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 792.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 15 bis
Jusqu’à l’expiration d’un délai de douze mois à l’issue de la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire, les acheteurs peuvent conclure sans publicité ni mise en concurrence préalables un marché répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 € hors taxes et portant sur la fourniture de denrées alimentaires produites, transformées et stockées avant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Le premier alinéa du présent article est également applicable aux lots dont le montant est inférieur à 80 000 € hors taxes, à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.
Les acheteurs veillent à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin.
Le présent article est applicable aux marchés publics conclus par l’État et ses établissements publics dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.