M. Daniel Laurent. Cet amendement de repli vise à exclure les boissons alcooliques de la définition par décret d’une trajectoire d’évolution de la proportion minimale d’emballages en verre réemployés à mettre sur le marché annuellement en France.

Le réemploi du verre est principalement effectué via les dispositifs de consigne et de vrac. Il est reconnu que, pour les bouteilles en verre destinées à contenir des boissons alcoolisées, soit près de 90 %, les possibilités de vente en vrac sont limitées et risquent de rendre le dispositif inopérant.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 124 rectifié bis.

M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à exclure les boissons alcooliques de la définition par décret d’une trajectoire d’évolution de la proportion minimale d’emballages en verre réemployés à mettre sur le marché annuellement en France. Encore une fois, un dispositif similaire existe déjà : l’article 67 de la loi AGEC prévoit la définition par décret d’une trajectoire d’évolution de la proportion minimale d’emballages réemployés à mettre sur le marché, sans distinction de matériaux.

Mme le président. La parole est à M. Hervé Gillé, pour présenter l’amendement n° 953 rectifié.

M. Hervé Gillé. Cet amendement de repli vise à exclure les boissons alcooliques de la définition par décret d’une trajectoire d’évolution de la proportion minimale d’emballages en verre réemployés à mettre sur le marché annuellement en France.

Comme cela a déjà été indiqué, un dispositif similaire existe déjà. L’article 67 de la loi AGEC prévoit la définition par décret d’une trajectoire d’évolution de la proportion minimale d’emballages réemployés à mettre sur le marché. Cela a été souligné, le réemploi du verre s’effectue principalement via les dispositifs de consigne et de vrac.

L’article 12 tel qu’issu des travaux de la commission dispose justement qu’une évaluation d’un dispositif de consigne pour réemploi pour les emballages en verre est effectuée avant le 1er janvier 2023 par l’observatoire du réemploi de la réutilisation. Elle doit attester de sa pertinence environnementale et économique. Cela montre bien que l’intérêt du dispositif n’est pas encore assuré, d’autant que l’Ademe doit mener des travaux complémentaires.

Plus encore, plus de 90 % des emballages en verre sont destinés à contenir des boissons alcoolisées, pour lesquelles le réemploi, déjà possible sous forme volontaire, n’offre que des avantages très limités compte tenu des enjeux de préservation de la qualité et de distance entre les lieux de production et les lieux de consommation.

Dès lors, il apparaît incohérent de définir une trajectoire pour les emballages de boissons alcoolisées en l’absence d’une analyse préalable de la pertinence des dispositifs qui permettraient de la déployer.

Mme le président. La parole est à M. Christian Klinger, pour présenter l’amendement n° 1785 rectifié bis.

M. Christian Klinger. L’amendement est identique aux trois précédents. Plutôt que de répéter les mêmes arguments, j’aimerais vous faire part d’une expérience personnelle. Voilà quelques années encore, je dirigeais une cave coopérative viticole. Nous avons mis fin aux emballages consignés voilà une vingtaine d’années. D’une part, il y avait des coûts de manutention. D’autre part, nous nous sommes rendu compte que nous transportions des bouteilles vides à travers toute la France. Je ne suis pas certain que le bilan carbone soit positif, avec autant d’émissions de gaz à effet de serre, sans parler du coût.

Le maintien d’une telle disposition aurait pour effet d’augmenter les coûts de production des entreprises de notre filière viticole, qui a du mal à s’en sortir. Il y a eu la taxe Trump, la covid, le coup de gel en début d’année…

À mon sens, le système de verre consigné n’a pas beaucoup d’avantages. Gardons celui des points d’apport volontaire de collecte de verre, qui fonctionne très bien.

N’ajoutons pas des charges à nos entreprises, qui ont des difficultés. Nos homologues européens, eux, ne le feront pas.

M. Laurent Duplomb. Très bien !

Mme le président. L’amendement n° 1366 rectifié bis, présenté par MM. Requier et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Roux et Bilhac, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première et deuxième phrases et alinéa 6

Après les mots :

observatoire du réemploi et de la réutilisation

insérer les mots :

et de la réparation

La parole est à M. André Guiol.

M. André Guiol. Cet amendement vise à renommer l’observatoire du réemploi et de la réutilisation, dont les missions sont précisées à l’article 12, en ajoutant le mot « réparation ».

L’article 62 de la loi AGEC prévoit la mise en place d’un fonds dédié au financement de la réparation, abondé par les écocontributions des producteurs soumis à la REP à compter de 2022.

Dès lors, et par cohérence, l’observatoire pourrait être chargé du suivi des informations et des études liées à la réparation, de l’impact du fonds de réparation sur le nombre de réparations effectivement réalisées, et du suivi des coûts de réparation restant à la charge du consommateur ou des pièces détachées.

Mme le président. L’amendement n° 225 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, M. Cabanel, Mme M. Carrère et MM. Corbisez, Gold, Guérini, Guiol, Requier, Roux, Decool et Menonville, est ainsi libellé :

Alinéas 5 et 6

Rédiger ainsi ces alinéas :

1° Après le mot : « producteurs », sont insérés les mots : « de produits mis sur le marché sur le territoire national » ;

2° Sont ajoutées trois phrases ainsi rédigées : « Des dispositifs de consigne pour réemploi peuvent être mis en œuvre pour les emballages en verre lorsque le bilan environnemental global est positif. Le bilan environnemental de ces dispositifs tient compte de la distance de transport parcourue par les emballages pour être réemployés. Ces dispositifs de consigne pour réemploi du verre sont mis en œuvre sur la base d’une évaluation réalisée par l’observatoire du réemploi et de la réutilisation prévu au II de l’article 9 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. »

La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Il s’agit d’un amendement de repli.

Le recyclage du verre n’est pas jugé problématique par l’Ademe, qui note au contraire l’exemplarité de cette filière. Le verre est par ailleurs le seul contenant qui assure aujourd’hui le vieillissement optimal du vin, ce produit patrimonial qui nous est cher.

De grâce, n’adressons pas un nouveau signe négatif à nos viticulteurs, qui font déjà beaucoup d’efforts. La coupe est pleine ! Mes chers collègues, soyons responsables – c’est normalement la marque de fabrique du Sénat – et ne nous trompons pas de combat !

Je vous remercie de soutenir ces amendements, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. François Patriat applaudit également.)

M. Laurent Duplomb. Très bien !

Mme le président. L’amendement n° 1767 rectifié bis n’est pas soutenu.

L’amendement n° 1098 rectifié ter, présenté par Mmes Joseph et Dumas, M. Courtial, Mme Deromedi, MM. Cuypers et Charon, Mmes Demas et Lassarade, MM. Longuet, Savary et Laménie, Mmes Drexler et Chauvin, MM. de Nicolaÿ, Sido et Genet, Mmes Garriaud-Maylam et Ventalon, MM. Levi et Savin, Mme Gruny, M. Rojouan, Mme Gosselin, MM. Houpert et H. Leroy, Mme Imbert et MM. Bouchet, Brisson et Klinger, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après le mot :

effectuée

insérer les mots :

, en concertation avec les professions concernées,

La parole est à Mme Else Joseph.

Mme Else Joseph. Le présent amendement vise à modifier l’alinéa 6 de l’article 12, pour mieux connaître les contraintes et les réalités des professions concernées par cette disposition.

Cette concertation sera bénéfique à l’analyse conduite par l’observatoire du réemploi et de la réutilisation. Si l’on veut élaborer une politique nationale destinée à poser des jalons en vue d’un bilan environnemental global positif, la prise en compte de l’ensemble des enjeux est indispensable.

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marta de Cidrac, rapporteure. À l’article 12, la commission a souhaité répondre à une préoccupation locale forte : plus de 90 % des 1 800 élus locaux qui ont répondu à la consultation lancée par le Sénat sur le projet de loi Climat et résilience estiment pertinent de généraliser une consigne pour réemploi sur le verre. Nous devons écouter cette demande de nos élus locaux, qui sont en charge du service public de gestion des déchets.

Pour autant, nous avons souhaité avancer sur cette question avec pragmatisme, dans le respect des différentes filières économiques. Nous avons donc adopté un amendement ayant pour objet qu’une évaluation de la pertinence économique et environnementale de la consigne du verre soit réalisée avant 2023.

En permettant d’identifier plus finement les secteurs et les emballages qui devront faire l’objet d’un dispositif de consigne, cette évaluation devrait permettre d’accompagner la montée en puissance du réemploi.

L’amendement adopté en commission vise par ailleurs la définition par décret d’une trajectoire d’évolution de la proportion minimale d’emballages en verre réemployés à mettre sur le marché annuellement en France. Il s’agit là de répondre à la demande forte de nos élus locaux en faveur du développement du réemploi du verre, tout en donnant de la visibilité aux metteurs sur le marché et en permettant un développement différencié selon les filières. J’insiste sur ce point, car certains parmi vous exprimaient des craintes sur un « pot commun » du réemploi.

La position de la commission me semble très équilibrée et s’inscrit dans la continuité des mesures que nous avons adoptées dans la loi AGEC.

Pour clarifier la rédaction adoptée en commission et répondre à la préoccupation légitime soulevée par les auteurs de plusieurs amendements se rapportant à l’alinéa 1, je vous ai proposé un amendement de clarification visant à préciser que le décret définissant la trajectoire d’évolution de la proportion minimale d’emballages en verre réemployés à mettre sur le marché annuellement en France ne pourra être pris qu’après l’évaluation environnementale et économique réalisée par l’observatoire du réemploi et de la réutilisation.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 226 rectifié bis, ainsi qu’aux amendements identiques nos 66 rectifié, 123 rectifié bis, 224 rectifié ter et 952 rectifié, qui sont pour partie satisfaits par l’amendement n° 2222 de clarification que j’ai proposé.

Je suis également défavorable aux amendements 771 rectifié bis et 300 rectifié, qui visent à accroître les objectifs de mise sur le marché d’emballages réemployés. La loi AGEC prévoit déjà des objectifs de mise sur le marché d’emballages réemployés de 5 % en 2023 et de 10 % en 2027.

De l’avis de l’ensemble des parties prenantes, ces objectifs sont déjà très ambitieux. Il ne semble donc pas pertinent de les relever.

Je suis également défavorable aux amendements identiques nos 67 rectifié, 124 rectifié bis, 953 rectifié et 1785 rectifié bis. Rien en effet ne justifie que les boissons alcoolisées soient en principe exclues de la trajectoire de mise sur le marché d’emballages réemployés en verre.

L’évaluation des dispositifs de consigne par l’observatoire du réemploi et de la réutilisation permettra de cibler précisément les filières à privilégier dans le développement de la consigne, et le décret fixant la trajectoire de mise sur le marché d’emballages réemployés en verre, prévu par l’article 12, n’interviendra qu’après cette évaluation. Le dispositif me semble donc suffisamment sécurisé pour les producteurs de boissons alcoolisées.

Nous émettons également un avis défavorable sur l’amendement n° 1366 rectifié bis, qui tend à confier des missions supplémentaires à l’observatoire du réemploi et de la réutilisation. Ce dernier aura déjà suffisamment de tâches à accomplir !

Je suis défavorable à l’amendement n° 225 rectifié bis. Le retour à la rédaction de l’Assemblée nationale constituerait un recul environnemental par rapport aux dispositions que nous avons votées dans la loi AGEC.

Enfin, l’avis de la commission est favorable sur l’amendement n° 1098 rectifié ter : une meilleure association des professions concernées peut contribuer à étudier plus finement les filières pour lesquelles il est pertinent économiquement et environnementalement de mettre en place des systèmes de consigne pour réemploi sur le verre, et celles pour lesquelles ce n’est pas le cas.

Pour résumer, je suis défavorable à l’ensemble des amendements en discussion commune, exception faite de l’amendement de la commission n° 2222 et de l’amendement n° 1098 rectifié ter.

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, ministre. Je vais tâcher de répondre à certains arguments qui ont été soulevés.

Tout d’abord, j’ai entendu des doutes quant à l’intérêt de réemployer les bouteilles en verre au regard de leur taux important de recyclage. Pourquoi finalement perdre du temps et de l’énergie à réemployer ces bouteilles ? En réalité, de nombreuses études démontrent l’intérêt environnemental du réemploi.

L’impact environnemental des dispositifs de réemploi dépend de plusieurs facteurs, les principaux étant le taux de réutilisation du contenant, les distances parcourues et les modes de transport, mais aussi le taux de recyclage de l’emballage à usage unique avec lequel ces dispositifs sont comparés.

Dans le cas de la bouteille en verre, c’est l’étape de fabrication de l’emballage qui a les conséquences les plus importantes sur l’environnement, les impacts provenant très majoritairement de la production du verre. Ainsi, une bouteille en verre réemployée a un meilleur bilan environnemental qu’une bouteille en verre recyclée dès les premières réutilisations.

Une étude de l’Ademe de 2018 a analysé dix dispositifs de réemploi du verre. Elle conclut que, sur tous les indicateurs et dispositifs étudiés, le système avec réemploi a une performance environnementale supérieure ou égale au système sans réutilisation.

En 2009, l’étude Deroche concluait déjà que le réemploi des bouteilles en verre par la brasserie Meteor permettait de consommer 76 % d’énergie primaire en moins, d’émettre 79 % de gaz à effet de serre en moins et de consommer 33 % d’eau en moins par rapport au recyclage, sachant qu’une bouteille est en moyenne réutilisée vingt fois, avec une distance de distribution moyenne de 260 kilomètres.

Les brasseries Meteor réemploient depuis très longtemps 60 % de leurs bouteilles. C’est très intéressant, et cela se passe a priori très bien.

En ce qui concerne la fameuse distance de transport des 200 kilomètres – il m’a été objecté que ma remarque de tout à l’heure concernait l’étranger –, les distances de transport jouent évidemment un rôle clé dans la performance environnementale des dispositifs de réemploi.

Toutefois, il faut aussi considérer le taux de réemploi du contenant et le taux de recyclage de l’emballage à usage unique avec lequel le dispositif de consigne est comparé. Pour un même nombre de cycles de réemploi, plus les distances de transport seront courtes, plus l’impact environnemental des dispositifs de consigne sera donc réduit.

On entend souvent que, au-delà de 200 kilomètres, le bilan environnemental du réemploi serait négatif par rapport au recyclage. Ce chiffre correspond à un cas particulier analysé par l’Ademe dans son étude de 2018. Il ne peut absolument pas être généralisé à tous les dispositifs de consigne pour réemploi, d’autant que certains dispositifs optimisés aboutissent à des résultats différents.

Ainsi, l’étude Deroche, qui comparait la bouteille de bière réemployée à celle à usage unique, estimait que le ratio restait encore favorable au réemploi pour des distances de transport de 800 kilomètres aller-retour et dix réutilisations.

On ne peut donc mettre en place des dispositifs sans avoir travaillé au cas par cas – c’est un point essentiel – pour vérifier leur utilité.

Le dispositif adopté par l’Assemblée nationale, complété par la commission et utilement précisé par l’amendement n° 2222, sur lequel j’émettrai un avis favorable, permet justement de mettre en place cette méthodologie, qui consiste à faire du réemploi quand c’est intéressant et à ne pas en faire quand cela ne l’est pas.

J’ajoute un point important, qui est d’ordre économique. Pour les producteurs qui pratiquent le réemploi depuis plusieurs années, les dispositifs de collecte et de lavage sont aujourd’hui rentables. Ils sont amortis depuis plusieurs années, et leurs coûts de transport sont inclus dans les frais de livraison. Une fois les investissements initiaux amortis et les circuits logistiques optimisés, les systèmes de réemploi tendent à être moins coûteux que l’usage unique.

J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 2222.

Par ailleurs, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 225 rectifié bis, qui tend à rétablir une partie de la rédaction de l’article 12 voté à l’Assemblée nationale sur les modalités de l’évaluation préalable à la mise en place d’une consigne des emballages en verre.

Je suis en revanche défavorable à tous les autres amendements.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

M. Daniel Salmon. Mes chers collègues, un peu de rationalité ne nuit pas, quelquefois.

J’ai entendu que, au-delà de 260 kilomètres, le bilan du réemploi serait négatif, selon une étude de l’Ademe. Mais si l’on trace un cercle d’un rayon de 260 kilomètres, on obtient une superficie de 200 000 kilomètres carrés, ce qui est considérable. Avec quatre points de collecte, on peut donc couvrir tout le territoire français !

Par ailleurs, prenons l’exemple des brasseurs bretons, qui se sont entendus sur des bouteilles identiques : ils peuvent ainsi organiser la collecte sur un territoire beaucoup plus réduit. Certes, on ne peut pas extrapoler ce raisonnement à toutes les bouteilles, mais le gisement est très important. Ne caricaturons pas, de grâce, et restons dans le champ de la rationalité.

Bien entendu, la collecte a un coût. Toutefois, quand on jetait tous nos déchets dans la carrière du coin, le coût était certes minime dans l’immédiat, mais il était très important pour les générations futures.

De même, si l’on ne s’empare pas de la question du réchauffement climatique, il y aura des problèmes avec les vignes. Un jour, il va falloir faire des choix, et de préférence les bons !

Mme le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.

M. Laurent Duplomb. Je soutiendrai l’amendement de Daniel Laurent visant à supprimer l’alinéa 1.

On s’intéresse à une filière qui recycle déjà 90 % des bouteilles, alors que les combustibles solides de récupération, qui constituent 25 % de nos poubelles, sont désormais enfouis, car on ne peut plus les envoyer en Chine !

M. Guy Benarroche. L’un n’empêche pas l’autre !

M. Laurent Duplomb. En outre, cette contrainte supplémentaire va une nouvelle fois pénaliser les viticulteurs français et rendre nos concurrents plus compétitifs, alors même que certains d’entre eux ne recyclent pas encore leurs bouteilles.

M. Guy Benarroche. Si l’on suit cette logique, il faut faire encore pire qu’eux !

M. Laurent Duplomb. Je veux bien que l’on parle de tout, mais commençons par les vrais sujets, les questions profondes, au lieu de travailler seulement sur la pointe de l’iceberg.

Surtout, arrêtons d’imposer des charges supplémentaires à notre agriculture, si l’on ne veut pas précipiter sa disparition ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Étant élu de la Champagne et marié à une Lorraine dont le père s’occupait d’une brasserie, je sais que le verre a toujours été recyclé.

Lorsque Dom Pérignon a découvert la méthode de fermentation permettant d’obtenir un vin effervescent, il a vite compris qu’il ne pourrait pas réutiliser les bouteilles. D’une part, il faut conserver le vin deux à trois ans en cave. D’autre part, le risque d’explosion liée à l’effervescence est trop grand lorsque la bouteille n’est pas neuve. J’ajoute que la filière champagne, c’est 300 millions de bouteilles, dont plus de 50 % sont exportées. Il est donc difficile d’appliquer ce dispositif de réemploi à l’ensemble des filières.

Je fais confiance à notre rapporteure, Marta de Cidrac, mais il nous faudra encore négocier avec l’Assemblée nationale. (M. Philippe Bas approuve.) Aussi, sans vouloir désavouer le travail remarquable de la commission, il me semble important de partir sur des bases solides et de soutenir l’amendement de Daniel Laurent, qui constituera une base de discussion pour nous assurer qu’une évaluation précédera effectivement une décision définitive.

Pour l’heure, j’invite mes collègues à voter l’amendement de Daniel Laurent, mais cela dans un esprit constructif, madame la rapporteure.

Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je vais m’essayer moi aussi d’être constructif.

M. Laurent Duplomb. Ça va être effervescent ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Ronan Dantec. Mes chers collègues, ne trouvez-vous pas notre débat étrange ? Dans le vignoble du muscadet, les chiffres viennent de tomber : la récolte de cette année sera la plus faible de l’histoire. En effet, les bourgeons arrivés plus tôt à maturité avec la chaleur de mars ont été détruits par le gel en avril. Or, selon une étude du CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, publiée aujourd’hui même – c’est le hasard –, le risque de gel du bourgeon a augmenté de 50 %.

Disons-le simplement : si l’on ne stabilise pas le climat, il n’y aura plus de filière viticole en France ! Tel devrait être le point de départ de notre débat.

Le monde viticole, ou du moins une partie de ses représentants, est à l’évidence à origine de ces amendements. En effet, quand cinq amendements identiques sont déposés par différents groupes, c’est qu’ils ont été créés à l’extérieur… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Duplomb. Les lobbies, cela n’existe pas chez les écolos ?

M. Ronan Dantec. Or je m’étonne que le monde viticole n’ait pas plutôt mobilisé son énergie à convaincre l’hémicycle qu’il fallait absolument une loi Climat crédible, susceptible de créer une dynamique mondiale. Ce serait plus utile que de demander sans cesse : « Encore une minute, monsieur le bourreau »…

Si l’on ne stabilise pas le climat, il n’y a aucun avenir possible pour le monde viticole. Or Mme la ministre a bien expliqué que le réemploi représentait environ 500 kilogrammes de CO2 économisé par tonne de verre récupérée, ce qui est considérable.

Le secteur viticole pourrait être la vitrine de la lutte contre le dérèglement climatique, en montrant qu’il est capable d’améliorer ses process, notamment en optant pour des bouteilles un peu plus normées et en structurant les filières, quitte à faire une exception pour le champagne. Pourquoi ne se donne-t-il pas cet objectif ?

Ne nous trompons pas de débat : l’avenir de nos grandes filières économiques passe avant tout par la stabilisation du climat. La vigne souffre tant aujourd’hui que nous devrions en être tous conscients. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Christian Redon-Sarrazy applaudit également.)

Mme le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Houllegatte. Je défendrai l’amendement présenté par Franck Montaugé et appellerai à la prudence sur la généralisation de la consigne pour réemploi du verre.

Tout d’abord, le recyclage du verre fonctionne très bien : trois bouteilles sur quatre sont déjà collectées et 100 % du verre collecté est recyclé.

Ensuite, la consigne pour réemploi présente aussi des complexités techniques : une bouteille de champagne subit jusqu’à 6 bars de pression et ne supporte pas la moindre fissure.

Enfin, se pose un problème fondamental de marketing. Vous le savez, on buvait 200 litres de vin par an dans les années 1930, contre 100 litres en 1975 et 40 litres aujourd’hui. Mais on ne boit plus le même vin.

Nous avons tous connu les bouteilles étoilées et les capsules en plastique que, adolescents, nous mettions sur les rayons de nos vélos… Tout cela n’existe plus. Les bouteilles d’aujourd’hui sont iconiques, car elles sont liées au marketing. Une bouteille de vin de Loire n’a pas la même forme qu’une bouteille de vin d’Alsace ou de Bourgogne. Il n’y a guère que celles des vins de Bordeaux qui soient standardisées.

La consigne pour réemploi fonctionne très bien sur des marchés de proximité. Les brasseurs bretons ou les cidreries normandes disposent d’un marché local et s’organisent très bien. Par conséquent, soyons prudents, ne généralisons pas et laissons de la souplesse aux acteurs locaux.

Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.

Mme Nathalie Delattre. Madame la rapporteure, je suis très respectueuse des 1 800 réponses que vous avez reçues des élus locaux, mais je vous ferai passer les centaines de réponses que j’ai reçues pour ma part des élus membres de l’Association nationale de la vigne et du vin, que j’ai l’honneur de présider. Ils ne se sont pas prononcés pour ou contre la consigne du verre, mais ils ont étayé leur démonstration d’exemples locaux très concrets.

Je trouve quelque peu excessif de dire que l’on trouve partout du verre qui jonche les carrières… Voilà longtemps que ces situations ont disparu et que la filière se mobilise ! Je suis assez surprise également de constater que l’on remet en cause les études de l’Ademe, une agence nationale très sérieuse, qui affirme que le verre, déjà recyclé à 90 %, ne pose pas de problème. Quelles études supplémentaires vous faut-il ?

De grâce, évitons les clichés. Les leçons à domicile, c’est bien, mais aider concrètement la filière viticole, c’est encore mieux. Les viticulteurs sont les premiers à subir les conséquences du réchauffement climatique, et les premiers à essayer de trouver des solutions. Même le bio est en bouteille de verre ! (Exclamations sur les travées du groupe GEST.)

Votons ce soir ces amendements identiques de suppression, pour rassurer les viticulteurs et accompagner la filière dans son combat. Je le répète, dans la lutte contre le réchauffement climatique, il y a plus urgent que le verre ! (Mme Sonia de La Provôté applaudit.)