compte rendu intégral
Présidence de M. Pierre Laurent
vice-président
Secrétaires :
M. Joël Guerriau,
Mme Marie Mercier.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
lutte contre les constructions illégales en zone naturelle
M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, auteur de la question n° 1657, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Alain Cazabonne. Ma question, qui s’adressait à Mme Gourault, est simple, mais porte sur un problème compliqué : la construction sans permis sur des terrains protégés.
La maire du Taillan-Médoc m’a ainsi saisi des difficultés qu’elle rencontre dans sa commune : des constructions sont bâties, sans permis, sur des terrains protégés ayant souvent été vendus à des gens du voyage. Or il est très compliqué, une fois une construction achevée, de la faire démolir, car il faut au préalable reloger la famille qui y vit.
La maire du Taillan-Médoc a également saisi la préfète, qui lui a répondu que la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique lui permettait de mettre fin aux travaux par arrêté municipal, sous peine d’une astreinte de 200 euros par jour de retard, et, le cas échéant, d’envisager la démolition. Toutefois, je le répète : la démolition est difficile à mettre en œuvre quand une famille vit dans la construction.
La préfète reconnaît également que cette procédure est longue et qu’il est difficile d’obtenir des résultats, notamment le paiement des astreintes. J’ignore si c’est du fait du Trésor public ou de la justice, mais il y a un véritable problème.
Il est prévu dans le futur schéma d’accueil et d’habitat des gens du voyage de régulariser des installations illicites, ce qui inquiète les maires, car il leur sera dès lors difficile de s’opposer à de futurs projets de cette nature.
Enfin, le plan local d’urbanisme intercommunal prévoira la création de terrains familiaux, notamment pour sédentariser les gens du voyage.
Ma question est simple, madame la ministre : que peut faire un maire pour s’opposer en amont soit à la vente d’un terrain, soit à une construction sur ledit terrain ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur, les constructions illégales sont un sujet particulièrement préoccupant dans les territoires, dans les zones naturelles comme partout ailleurs.
Au fond, c’est le projet de territoire des élus locaux qui se trouve remis en cause. Or ce projet a été traduit dans des règles d’urbanisme après beaucoup d’études et de concertation, pour définir ce que seront les formes urbaines, l’architecture et les paysages du territoire. C’est essentiel dans l’attachement et la relation de nos concitoyens à leur territoire.
Ces constructions illégales portent atteinte à ce projet et peuvent être source de risques importants pour les biens comme pour les personnes.
Comme vous le relevez, l’action pénale est un instrument essentiel de lutte contre ces constructions. Une instruction ministérielle du 3 septembre 2014 vise à accompagner les maires dans l’exercice de leurs missions de contrôle en mobilisant toute la chaîne d’acteurs.
Le Gouvernement a souhaité aller plus loin, sur l’initiative de votre collègue Alain Richard. La loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a mis en place un nouveau mécanisme administratif de traitement des infractions aux règles d’urbanisme, qui complète fort utilement les poursuites pénales. Ce nouveau mécanisme est prévu aux articles L. 481-1 à L. 481-3 du code de l’urbanisme.
Concrètement, une fois le procès-verbal d’infraction au code de l’urbanisme dressé, le maire a la faculté de mettre en demeure l’auteur de cette infraction, soit de procéder aux travaux nécessaires à la mise en conformité de la construction, soit de déposer une demande d’autorisation visant à les régulariser.
Cette décision peut être assortie d’une astreinte de 500 euros maximum par jour de retard, dont le produit revient à la commune ou à l’établissement public de coopération intercommunale lorsque son président est l’autorité compétente. Ce nouveau pouvoir permet ainsi une action plus rapide du maire pour traiter les infractions en matière d’urbanisme.
Il me semble donc préférable d’avoir un peu de recul sur la mise en œuvre de ce nouveau dispositif, avant d’envisager de nouvelles modifications législatives.
M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour la réplique.
M. Alain Cazabonne. Madame la ministre, vous me rappelez ce que prévoit la loi de 2019, en l’occurrence des sanctions a posteriori. Or ce que souhaitent savoir les maires, c’est s’il existe un moyen d’anticiper ou d’empêcher ces ventes, ce qui résoudrait le problème.
Je sais bien qu’il s’agit d’un problème compliqué. Mais comme nous ne parvenons pas à trouver de solution localement, nous vous repassons la patate chaude, si vous me permettez cette expression, madame la ministre !
revitalisation des centres-villes
M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, auteur de la question n° 1629, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Bruno Rojouan. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la dévitalisation des centres-villes.
À une époque où l’on parle de smart cities, de développement urbain et de la ville de demain, il faut réaffirmer le rôle essentiel des centres-villes, sans lesquels ces notions n’ont aucun sens. Nos centres-villes et centres-bourgs sont victimes d’un délaissement qui touche non seulement les petites villes, mais également les communes de taille moyenne.
Les causes de ce délaissement sont nombreuses. J’en évoquerai une en particulier : la dévitalisation commerciale.
Les élus peinent de plus en plus à maintenir une vie commerçante dans leur commune. Les commerces alimentaires, vestimentaires et de vente de biens en tout genre ont tendance à disparaître, laissant place à des institutions de services à la recherche d’une façade publicitaire, telles que les banques, assurances et agences immobilières.
Ces mutations modifient peu à peu, mais en profondeur, la qualité de vie des habitants, la promenade « lèche-vitrine » n’ayant plus grand intérêt, et menacent l’attractivité des villes. En effet, les habitants jugent utiles et attractifs avant tout les commerces de bouche et les artisans.
Par ailleurs, qu’ils soient français ou étrangers, de nombreux touristes viennent chercher l’authenticité d’un centre-ville commerçant.
Certes, des programmes visant à renforcer l’attractivité de nos centres-villes existent déjà. Le programme Petites Villes de demain prévoit notamment la création de postes de managers de centre-ville. Malheureusement, ces programmes ne concernent que certains territoires sélectionnés. Dans mon département, l’Allier, seules quinze communes ont été retenues pour en bénéficier.
La relance d’une dynamique des commerces de proximité a déjà été entamée par de nombreux élus locaux, qui, par la mise en place de règlements d’urbanisme spécifiques, limitent l’installation des mêmes institutions de services dans un certain périmètre. Certains favorisent également l’installation de nouveaux commerces lorsqu’un commerçant quitte le centre-ville, notamment en interdisant le changement de destination des locaux commerciaux. Il est nécessaire de les soutenir et d’adopter un plan d’action national en faveur de la relance du commerce de centre-ville.
Aussi, madame la ministre, je souhaite connaître les intentions du Gouvernement à ce sujet et savoir de quelle manière vous comptez intensifier la revitalisation des centres-villes, qui participent à l’attractivité de nos territoires ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Rojouan, je partage évidemment votre constat sur le rôle majeur que joue le commerce de proximité dans la dynamique des centres-villes.
C’est pour cela que le développement commercial constitue l’un des axes prioritaires du programme Action cœur de ville porté par Jacqueline Gourault.
Depuis 2018, le travail engagé dans les 222 villes sélectionnées a ainsi permis d’amorcer une baisse de la vacance commerciale, qui est passée de 13 % en 2017 à 12,4 % en 2019. Cette inflexion, après des années de hausse, est le reflet de l’exceptionnelle mobilisation des élus et des services de l’État.
Le programme Petites Villes de demain concourt également à l’objectif de revitalisation commerciale. Il s’appuie pour cela sur l’expérience capitalisée dans le cadre d’Action cœur de ville, tout en adaptant les outils aux centralités de plus petite taille.
Dans le cadre de ces deux programmes, la Banque des territoires a développé une offre destinée à soutenir les collectivités dans leur action en faveur de la transformation des commerces de proximité.
Cette offre prévoit notamment le financement d’un manager de centre-ville, à hauteur de 20 000 euros sur deux ans, d’une aide en ingénierie pour réaliser un diagnostic flash sur les effets de la crise et d’une subvention pour soutenir la réalisation de plateformes numériques.
Grâce aux financements du plan de relance, nous avons décidé de décliner une partie de ce dispositif pour les collectivités qui ne bénéficient pas des programmes Petites Villes de demain ou Action cœur de ville. Au total, 37 dossiers complets ont déjà été reçus par la Banque des territoires, dont 22 pour le financement de postes de managers de centre-ville.
Dans les mois à venir, nous allons encore intensifier nos efforts pour la revitalisation des centralités.
Tout d’abord, les programmes Action cœur de ville et Petites Villes de demain continueront d’être déployés. Ainsi, 400 conventions d’adhésion au programme Petites Villes de demain ont déjà été signées. Ces programmes s’appuient notamment sur les opérations de revitalisation de territoire, les ORT, qui offrent des outils renforcés aux préfets pour limiter les projets commerciaux en périphérie.
Ensuite, le plan France relance prévoit des actions ambitieuses en faveur de la restructuration commerciale, notamment la création du fonds de restructuration des locaux d’activité, qui mobilise 60 millions d’euros pour soutenir la réhabilitation de 6 000 commerces.
reconstruction des vallées des alpes-maritimes après la tempête alex
M. le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, auteur de la question n° 1691, transmise à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Philippe Tabarot. Madame la ministre déléguée, la tempête Alex a été un immense traumatisme dans les Alpes-Maritimes, dans les vallées de la Tinée, de La Vésubie et de la Roya mais aussi dans le haut pays de Grasse et certaines communes de la vallée du Var.
Ces vallées portent toujours les stigmates d’un phénomène naturel sans précédent, qui a causé de terribles drames sur un plan humain, matériel et social.
La question est désormais de trouver comment indemniser et reloger les habitants et les entreprises. Se pose également la question du financement global de la reconstruction des vallées.
En effet, alors que sept mois se sont écoulés depuis la tempête, les engagements financiers pris par l’État suscitent encore et toujours des interrogations. Le Président de la République avait promis d’apporter « plusieurs centaines de millions d’euros » pour reconstruire ces vallées.
Or, à la mi-avril 2021, seuls 26 millions d’euros ont été attribués à l’ensemble des collectivités territoriales des Alpes-Maritimes par l’État. Cette somme apparaît largement insuffisante au regard de l’importance des besoins de reconstruction, estimés par un préfet à plus d’un milliard d’euros.
À l’inverse, le département des Alpes-Maritimes, la métropole Nice Côte d’Azur, la région et les communes ont pour leur part immédiatement engagé tous les moyens financiers dont ils disposent.
L’Union européenne a également fait savoir qu’elle serait au rendez-vous et qu’elle mobiliserait plus de 60 millions d’euros issus du Fonds européen de solidarité, dont nous ignorons toujours la ventilation.
Par ailleurs, certains sinistrés attendent toujours de savoir si le Fonds Barnier, qui est l’unique compensation, interviendra sur leur bien exposé dans le cadre d’une procédure d’acquisition.
Enfin, face à la croissance économique balbutiante de ces territoires, il convient dès aujourd’hui de créer des zones franches de montagne et d’accorder des prêts à taux zéro, maintes fois réclamés par les maires, pour permettre aux entreprises existantes ou à venir de se relancer. Il est indispensable que le Gouvernement prenne immédiatement toutes les mesures nécessaires.
Aussi, je vous demande, madame la ministre, de préciser le montant et le calendrier des sommes qui seront versées, afin que l’État tienne l’engagement qu’il a pris de se tenir aux côtés des sinistrés.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville. Monsieur le sénateur Tabarot, je tiens tout d’abord à réitérer le soutien de l’ensemble du Gouvernement aux sinistrés et aux victimes de la tempête Alex.
Dès les premières heures et les premiers jours de la crise, l’État a répondu présent auprès des collectivités : le Premier ministre s’est rendu sur place, puis le Président de la République a effectué une longue visite et a indiqué que la solidarité nationale serait au rendez-vous.
Dès le 14 octobre, un préfet délégué à la reconstruction des vallées a été nommé par le Président de la République. L’État a mobilisé des moyens salués par la population : renforts de la sécurité civile, de sapeurs-pompiers, de militaires, rotations d’hélicoptères.
Nous avons octroyé près de 26 millions d’euros de subventions aux collectivités faisant face à des travaux urgents, avant même la fin de l’année 2020.
Après le temps de l’urgence, nous avons sans délai commandé une mission chargée d’évaluer les dégâts subis par les biens non assurables des collectivités. Le travail constructif de la mission a été unanimement salué par les élus locaux.
L’ensemble des modalités financières, pour ce qui concerne l’État, sera présenté dans les prochains jours par le Président de la République, mais je puis d’ores et déjà vous faire part de la mobilisation d’une dotation de solidarité visant à financer les réparations et de moyens de droit commun, comme le fonds Barnier, pour un montant estimé à 120 millions d’euros.
En revanche, pour répondre à votre question, ce fonds n’a pas vocation à indemniser les particuliers en cas de modification des règles de construction : d’ailleurs, quand une commune modifie son plan local d’urbanisme pour rendre des terrains inconstructibles, personne n’est indemnisé pour cela.
Par ailleurs, le Fonds de compensation de la TVA remboursera 16 % de toutes les dépenses d’équipement des collectivités.
En outre, une aide sera apportée par le Fonds de solidarité de l’Union européenne, à hauteur de 60 millions d’euros.
Dans l’intervalle, le Gouvernement a confié au préfet des Alpes-Maritimes le soin de préparer la répartition de ces crédits, destinés principalement aux dépenses d’urgence engagées par les différents acteurs.
Enfin, un cadre contractuel partagé avec les collectivités est mis en place, pour unir nos forces et bâtir des vallées de la Roya, de la Tinée et de La Vésubie résilientes.
L’engagement pris par le Président de la République sera tenu ; l’effort de l’État sera à la hauteur des événements.
M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan, pour la réplique.
M. Philippe Tabarot. Malgré le travail inlassable du préfet Pelletier, l’attentisme n’est pas une option, madame la ministre.
Sept mois après la tempête, la situation demeure fragile ; sept mois après, c’est tout un territoire, des maires, des collectivités qui attendent plus de moyens. La situation étant exceptionnelle, nous demandons des moyens exceptionnels !
lisibilité de la réforme de la fiscalité locale sur l’avis d’imposition des contribuables
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, auteur de la question n° 1635, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics.
Mme Pascale Gruny. Jeudi dernier, j’étais à Laon avec mon collègue Antoine Lefèvre, pour remettre au préfet plus de 250 courriers de maires de l’Aisne, qui jugent la réforme de la fiscalité locale illisible pour le contribuable.
Monsieur le ministre, vous avez choisi de compenser dès 2021 la suppression de la taxe d’habitation par une réaffectation de la taxe foncière départementale dans le budget des communes.
Concrètement, sur la feuille d’impôt du contribuable ne figurera plus la colonne « département », puisque le taux prélevé par cette collectivité sera désormais intégré au taux communal.
La taxe foncière dans l’Aisne étant l’une des plus élevées de France, nos communes vont devoir rendre le surplus, en raison du coefficient correcteur institué, à des communes plus riches situées hors du département. Le produit de la taxe foncière est supérieur de 66,7 millions d’euros à celui de la taxe d’habitation levée par les communes de l’Aisne.
Nous ne pouvons laisser croire aux contribuables que nos communes percevront cette somme qui, de fait, ne leur reviendra pas ! Autrement dit, ne leur donnons pas l’impression que la commune a augmenté son taux d’impôt foncier pour compenser la suppression de la taxe d’habitation décidée par l’État.
Avec mes collègues parlementaires de l’Aisne, nous vous avons écrit, ainsi qu’à votre collègue Jacqueline Gourault, pour vous proposer deux écritures possibles de la taxe foncière qui prennent en compte ces éléments. Monsieur le ministre, quelle solution proposez-vous pour permettre à nos concitoyens de disposer d’une feuille d’impôt claire et transparente ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Madame la sénatrice Gruny, vous l’avez dit, la suppression de la taxe d’habitation est compensée pour les communes par l’attribution de la part de taxe foncière sur les propriétés bâties que percevaient les départements.
Cette compensation est accompagnée d’un coefficient correcteur, de manière à assurer la neutralité du transfert commune par commune et à garantir le financement de l’intégralité de la compensation à l’échelon national.
Certaines communes auraient pu percevoir une taxe foncière supérieure à ce qu’elles recevaient de taxe d’habitation et sont ainsi écrêtées. Celles qui auraient pu percevoir une taxe foncière inférieure à ce qu’elles recevaient de taxe d’habitation se voient compensées et majorées.
Le système fonctionne bien et garantit une compensation à 100 %. Je précise que nous travaillons encore pour rattraper quelques retards concernant des rôles complémentaires, sujets sur lesquels certains de vos collègues m’ont interpellé.
Des difficultés de lecture se posent dans des territoires dont la fiscalité est quelque peu atypique. Vous l’avez dit, le département de l’Aisne fait partie des départements dont le taux de taxe foncière sur les propriétés bâties est le plus élevé.
En 2010, le taux de cette taxe a été augmenté de 61 % dans le département et le taux de taxe d’habitation de la part départementale, avant qu’elle ne soit transférée aux intercommunalités dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, avait, lui, été baissé de 45 %. Ce choix fiscal, qui a été démocratiquement acté par le conseil départemental de l’époque, crée une situation atypique et les difficultés que vous avez évoquées.
Jacqueline Gourault et moi-même souhaitons que la lecture par le contribuable soit juste. La nouvelle présentation de l’avis d’imposition foncier qui s’appliquera à l’imposition de 2021 apportera les précisions utiles à cette compréhension du transfert de la part départementale.
Cet avis sera présenté de façon à prévenir tout malentendu et à préserver l’effet utile des politiques de taux conduites par le passé.
Ainsi, à l’identique de ce qui a été effectué lors de la création en 2015 de la métropole de Lyon et en 2019 de la ville de Paris, la part départementale ne figurera plus sur le tableau détaillant le calcul de la cotisation. L’avis présentera, pour 2020 et 2021, la somme des taux communal et départemental, pour que le contribuable puisse s’assurer de la neutralité de la réforme lorsqu’il n’y a pas eu d’augmentation de taux.
Aucun contribuable ou particulier et aucune entreprise ne constatera donc de ressaut de sa taxe foncière lié à la réforme, sauf si des augmentations ont été décidées par ailleurs.
En revanche, je ne souhaite pas favoriser la confusion entre la refonte du schéma de financement des collectivités et la suppression de la taxe d’habitation. Ainsi, nous n’inscrirons pas le montant des compensations. La présentation, accompagnée d’un encart didactique, permettra au contribuable de s’assurer de la neutralité de la réforme.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Monsieur le ministre, je puis vous assurer que le contribuable ne lit pas les notices : il regarde le montant qui figure sur son avis d’imposition !
Ce que nous voulons, c’est que le contribuable ne puisse pas penser que nous avons augmenté les impôts. Nous voulons que figure clairement la part que l’État affecte ensuite aux communes plus riches que nous.
Notre taux de taxe foncière est très élevé ; il est de l’ordre de 30 %, quand celui de Paris est de 5 %. Nous allons donc donner de l’argent à Paris ! Sincèrement, si vous laissiez au département de l’Aisne, qui est l’un des plus pauvres de France, quelques-uns des 66 millions d’euros qui lui seront pris, cela l’aiderait bien.
Aujourd’hui, les maires ne se sentent pas du tout aidés en termes de lisibilité. Mme Macarez, l’actuelle maire de Saint-Quentin, qui a succédé à Xavier Bertrand et à Pierre André, fait des camemberts tous les ans pour expliquer que le taux du département n’est pas le taux de la commune. Les contribuables trouvent néanmoins toujours que les impôts à Saint-Quentin sont élevés.
Vous allez encore accroître l’illisibilité sur ce sujet, monsieur le ministre.
application du crédit d’impôt sur les investissements en corse
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, auteur de la question n° 1603, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
M. Jean-Jacques Panunzi. Monsieur le ministre, permettez-moi d’attirer votre attention sur les difficultés du monde économique s’agissant de l’application du crédit d’impôt sur les investissements en Corse dans le cadre des investissements hôteliers.
J’ai déposé un amendement en première partie du projet de loi de finances pour 2021 visant à ne pas pénaliser l’hôtellerie de plein air par rapport à l’hôtellerie classique dans l’éligibilité au crédit d’impôt alors que les prestations offertes sont identiques. Cet amendement de précision tendait à clarifier l’éligibilité des investissements ouvrant droit à la mobilisation du crédit d’impôt.
Lors des travaux à l’origine de l’article 244 quater E du code général des impôts, les parlementaires et le Gouvernement ont entendu retenir une position non restrictive des investissements hôteliers, comme en atteste le compte rendu des débats de l’Assemblée nationale publié au Journal officiel du 17 mai 2001 : « La notion d’investissement hôtelier doit être entendue au sens large : elle comprend les investissements nécessaires aux prestations d’hébergement fournies par les hôtels classés de tourisme proprement dits, mais également les centres classés, les villages de vacances, les résidences de tourisme, ainsi que les installations fixes en dur des terrains de campements ».
Or, dans les faits, la direction générale des finances publiques, la DGFiP, exclut les exploitants de camping du dispositif. Je vous propose donc de corriger cette rupture d’égalité, pour que l’interprétation restrictive de l’administration fiscale ne finisse pas par prévaloir sur la loi.
L’amendement a été retiré en séance, le Gouvernement ayant considéré qu’il était satisfait, que le problème était une question d’interprétation par les services fiscaux et qu’une contrainte législative n’était pas nécessaire. Il est même allé jusqu’à indiquer que « la doctrine administrative allait être adaptée à la suite de l’adoption et de la promulgation de la loi de finances. »
Le texte a été promulgué le 28 décembre 2020. Depuis lors, je ne cesse de solliciter le cabinet du ministre pour savoir quelle forme prendra cette évolution. Je n’ai reçu aucune réponse à ce jour, pas même à mon courrier en date du 18 février 2021.
Dans un contexte économique aussi morose, la position attentiste de la DGFiP est insoutenable.
Monsieur le ministre, je vous le redemande : quand sera adaptée la doctrine administrative concernant la mobilisation du crédit d’impôt en faveur des investissements en Corse pour les structures relevant de l’hôtellerie de plein air, et quelle forme cette adaptation prendra-t-elle ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Panunzi, comme vous le savez, les petites et moyennes entreprises corses peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des investissements exploités en Corse pour les besoins d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, sous certaines conditions.
Deux catégories d’investissements sont susceptibles d’ouvrir droit au crédit d’impôt. Il s’agit, d’une part, des biens d’équipement qui sont amortissables selon le mode dégressif, et, d’autre part, des agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle, créés ou acquis à l’état neuf.
Or l’interprétation de la notion d’investissements hôteliers a évolué dans la jurisprudence récente. Le Conseil d’État a jugé il y a quelques mois, en novembre 2020, que l’activité des campings ne pouvait être assimilée à de l’hôtellerie, si bien que les investissements réalisés par un exploitant de camping ne sont plus éligibles au régime de l’amortissement dégressif.
En revanche, la cour administrative d’appel de Marseille a jugé au même moment, pour le cas des cliniques, que les locaux dans lesquels étaient fournies des prestations d’hôtellerie pouvaient être considérés comme des locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle, donc éligibles au crédit d’impôt pour les investissements réalisés en Corse.
Même si elle n’a pas jugé précisément du cas qui nous occupe, il semble que cette dernière jurisprudence soit transposable à certains investissements réalisés dans les campings, notamment aux habitations légères de loisirs.
En tout état de cause, de tels investissements ne peuvent être éligibles au crédit d’impôt pour des investissements réalisés en Corse que s’ils remplissent toutes les conditions posées par la loi et la jurisprudence. Cela implique notamment que les équipements soient acquis à l’état neuf et que la fourniture de prestations hôtelières permette de qualifier ces locaux de locaux commerciaux. Le respect de ces conditions, qui s’appliquent à tous les bénéficiaires du crédit d’impôt, est vérifié au cas par cas par les services fiscaux.
Dans ces circonstances, et afin de tenir compte de ces jurisprudences contradictoires, mes services travaillent actuellement à la mise à jour de la doctrine administrative relative au crédit d’impôt pour les investissements réalisés en Corse. Celle-ci devrait être publiée dans les toutes prochaines semaines.
Vous l’avez compris, monsieur le sénateur, la complexité de cette jurisprudence nous oblige à faire preuve de prudence et à effectuer ce travail préparatoire.
situation de la société argicur