M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Pierre Sueur. Madame Amélie de Montchalin, vous engagez-vous, au nom du Gouvernement, à ce que l’ordonnance relative à la haute fonction publique adoptée ce matin donne lieu à une ratification explicite, au terme d’un vrai débat parlementaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. Dites oui ! (Sourires.)
Plusieurs sénateurs Les Républicains. Bon courage !
Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Monsieur le sénateur, vous le savez : pour qu’une ordonnance soit prise, il faut que le Parlement ait habilité le Gouvernement à le faire.
M. Roger Karoutchi. Il s’agit de la ratification !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. En la matière, l’article 59 de la loi d’août 2019 a habilité le Gouvernement à présenter avant le 7 juin 2021 une ordonnance (Murmures désapprobateurs sur plusieurs travées.), qui doit être déposée sur le bureau des assemblées d’ici au 7 septembre prochain. Ensuite, en vertu des prérogatives du Gouvernement et en concertation avec les présidences de l’Assemblée nationale et du Sénat, la définition de l’ordre du jour posera le cas de la ratification.
J’ajoute qu’il ne s’agit pas d’une réforme de suppression ou de destruction et que ce chantier est mené au grand jour, sans agenda caché. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Il est le fruit d’un long travail, entrepris par la droite comme par la gauche. Mais, si les discussions ont été nombreuses, notamment dans cette assemblée, elles ont rarement abouti.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas la question !
M. David Assouline. On veut débattre !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous sommes tout à fait prêts au débat. D’ailleurs, j’ai fait savoir aux commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat que je me tenais à leur disposition : vous étiez vous-même présent à mon audition de la semaine dernière, qui s’est tenue sur ma demande.
Notre réforme est là pour que nous puissions regarder trois faiblesses. (MM. David Assouline et Jean-Pierre Sueur s’exclament.)
Il n’est en aucun cas question d’insuffisance des hommes ou des femmes, de grande qualité, qui se sont battus et qui ont fait que l’État tient.
Ces faiblesses sont la diversité, l’ouverture et la proximité. Rappelons quand même que 90 % des hauts fonctionnaires travaillent à l’intérieur du périphérique, alors que 90 % des fonctionnaires sont, eux, en dehors de Paris.
On constate également un déficit d’efficacité. Je pense au numérique ; je pense également au climat : qui pense aujourd’hui que cet enjeu relève de la seule responsabilité du ministère de la transition écologique ?
Il nous faut donc former différemment, recruter différemment et gérer les carrières différemment, au grand jour. Il faut le faire pour les Français. En effet, les hauts fonctionnaires n’appartiennent à personne, à aucun parti politique. Ils appartiennent à l’État et donc à la Nation tout entière ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Colette Mélot, MM. Jean-Paul Prince et Pierre Louault applaudissent également. – Protestations sur plusieurs travées à droite et à gauche.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, vous savez bien que vous n’avez pas répondu à la question simple et précise que j’ai posée.
M. Pierre Charon. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous n’ignorez pas non plus la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2020.
Nous sommes face à une mise en cause de l’État républicain, tel qu’il a été conçu par Jean Zay, par le général de Gaulle, par Michel Debré, par Pierre Mendès France, et nous n’avons aucune garantie que le débat revienne devant le Sénat et devant l’Assemblée nationale.
Il est inconcevable que l’on fasse cela sans que le Parlement puisse s’exprimer : ce n’est pas acceptable !
Sur ce papier, j’ai écrit un seul mot, car je ne veux pas me tromper : fonctionnalisation ! Quel enrichissement de la langue française ! (Rires et exclamations ironiques.) Nous allons avoir des préfets fonctionnalisés ; des diplomates fonctionnalisés…
M. Jean-Pierre Sueur. … – je le souligne, même si M. Le Drian est parti ; des corps d’inspection qui n’auront plus l’indépendance nécessaire pour exercer leurs missions.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, tout cela n’est pas sérieux : ce n’est pas conforme à l’esprit républicain ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et UC.)
lutte contre les violences à l’encontre des élus
M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Édouard Courtial. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Chaque jour apporte son lot de violence : celle-ci est dorénavant partout, aucun territoire n’est épargné. Elle touche tous les citoyens et – c’est nouveau – cible plus particulièrement ceux qui représentent l’autorité. C’est le cas des élus locaux, au premier rang desquels les maires, victimes de violences verbales et de plus en plus souvent physiques, comme il y a quelques jours encore en Côte-d’Or.
Nous ne le dirons jamais assez : agresser un maire ou, plus largement, un élu, c’est attaquer la République.
Ceux qui sont au service des autres deviennent donc une cible. Cette banalisation et cette impunité sont intolérables. Pour nos concitoyens, la lassitude le dispute à l’impuissance, car l’État semble avoir perdu le contrôle de la situation.
Depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, les coups et blessures volontaires ont augmenté de près de 20 % malgré le confinement : ce bilan est sans appel.
Pour mettre fin à cette spirale dangereuse, il n’y a qu’une seule réponse possible – vous le savez tous –, c’est la fermeté. Or lorsqu’on regarde ce qu’il est advenu des agresseurs d’élus, nous sommes loin du compte, et c’est révoltant !
Dans l’Isère, un maire frappé au visage et brûlé à une main a vu ses agresseurs condamnés à une peine de prison avec sursis et à quelques travaux d’intérêt général ; dans les Yvelines, un maire dont l’agression s’est traduite par cinq jours d’incapacité totale de travail (ITT) a vu ses agresseurs condamnés à 200 et 300 euros d’amende ; dans le Pas-de-Calais, un maire agressé violemment et hospitalisé a vu ses trois agresseurs écoper d’un avertissement solennel et d’une peine assortie d’un sursis.
Mme Catherine Procaccia. Scandaleux !
M. Édouard Courtial. Monsieur le garde des sceaux, pensez-vous que ces peines qui évitent toute incarcération soient à la hauteur de la gravité des délits commis ? Pensez-vous que c’est ainsi que nous protégerons vraiment nos élus ? Il y a d’un côté les beaux discours et, de l’autre, la triste réalité ; d’un côté l’intransigeance de façade et, de l’autre, la complaisance coupable.
Monsieur le garde des sceaux, vous vous indignez, vous rendez hommage, mais je vous le dis, pour les maires, ce n’est plus suffisant. Ne pensez-vous pas qu’il est temps d’abroger les lois et les circulaires Belloubet qui font tout pour éviter la prison, c’est-à-dire une vraie peine, aux voyous ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Pour reprendre un mot qui a été utilisé dans cette enceinte il y a de cela quelques semaines, je devrais avoir « honte », monsieur le sénateur ? Il est vrai que lorsque vous étiez au pouvoir, vous avez réglé toutes ces questions de délinquance ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Permettez-moi un aparté : depuis une trentaine d’années, nous déplorons environ 1 000 crimes de sang par an dans notre pays peuplé de 65 millions d’habitants.
Mme Sophie Primas. Donc tout irait bien ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Allez donc voir ce qui se passe à l’étranger ! Avec trois crimes de sang par jour, le filon est inépuisable pour vous. Vous pouvez considérer la justice au seul prisme d’une analyse « fait-diversière ». La question est : qu’avez-vous fait et que proposez-vous ?
S’agissant des élus, je vais vous répondre.
M. Édouard Courtial. Ah oui !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Eh oui. Nous avons fait beaucoup de choses, voyez-vous. Dès le 7 septembre 2020, en concertation avec les associations d’élus – certains d’entre vous le savent –, j’ai signé des instructions claires et précises.
Savez-vous que, entre 2019 et 2020, nous avons doublé le nombre de condamnations dans ce champ infractionnel ? Savez-vous que le taux d’incarcération, en hausse de près de dix points en 2020, s’élevait à 62 % ? Via une circulaire du 15 décembre 2020, j’ai demandé la mise en œuvre de la justice de proximité que nous avons instituée, et j’ai encouragé un dialogue avec les élus locaux.
Dans votre département – vous devez le savoir, monsieur le sénateur –, les parquets de Beauvais, de Senlis et de Compiègne ont mis en place un certain nombre de dispositifs qui n’existaient pas, notamment un référent au parquet qui est à la disposition des élus. Allez donc les rencontrer !
Un protocole entre les maires et les parquets a déjà été signé par près de soixante communes de votre département, et des réunions régulières ont lieu avec les maires.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Ce n’est pas vrai !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Comme je l’avais indiqué à Mme Gatel, j’ai créé un dispositif qui n’existait pas : j’ai demandé le mois dernier que, via les services judiciaires, nous obtenions une remontée semestrielle des violences. Les parquets que j’évoquais tout à l’heure, comme tous les parquets de France, demandent aux forces de l’ordre d’être immédiatement informés pour pouvoir sanctionner. (Marques d’impatiences sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’ai terminé, monsieur le président. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)
nouvelle stratégie nationale pour un « cloud » de confiance
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Au moment où un nouveau scandale éclate sur l’espionnage de dirigeants européens par la National Security Agency (NSA), ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire, et porte sur les incohérences du Gouvernement vis-à-vis des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), qui sont aussi le bras armé de la puissance américaine en Europe.
La protection des données de santé des Français reste, à cet égard, notre préoccupation première.
En juillet dernier, dans cet hémicycle, je m’étonnais que ce soit Microsoft qui ait été chargé d’héberger la plateforme des données de santé, et ce sans appel d’offres spécifique. Le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques me répondait alors, au mépris des acteurs technologiques européens, que c’était « la meilleure et la seule société ».
Le président de Dassault Systèmes s’en était ému. Il avait rappelé à Emmanuel Macron que lui-même avait acquis une des plus importantes sociétés mondiales de traitement de données de santé, Medidata, et qu’il n’avait même pas été approché !
On a, depuis lors, découvert que plusieurs millions de serveurs de Microsoft, prétendument incontournables, ont été espionnés par la Chine partout sur la planète pendant des mois.
Comme l’a révélé Élise Lucet, l’architecture de la plateforme a, par ailleurs, été conçue par le responsable du plus gros revendeur de données médicales au monde : la société américaine IQVIA.
Que penser, dès lors, de votre annonce, le 17 mai dernier, d’une nouvelle stratégie pour un cloud dit « de confiance », incitant des sociétés françaises à utiliser les technologies des Gafam pour traiter nos données les plus sensibles ? Vous conférez ainsi un blanc-seing à Microsoft ou à Google pour entrer dans le saint des saints de nos administrations, au moment même où la Commission européenne lance une enquête sur l’usage d’Amazon et de Microsoft par les institutions européennes.
Assumez-vous vraiment ces choix qui mettent encore plus en péril notre sécurité et qui, surtout, torpillent nos propres entreprises ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice Morin-Desailly. Oui, le cloud est partout, il est devenu un outil incontournable pour héberger et traiter les données des entreprises, des administrations et des citoyens.
Cet essor du cloud est une opportunité pour la France et pour l’Europe ; il représente aussi des risques, qu’ils soient relatifs à l’intégrité des données, à la multiplication des cyberattaques – nous l’évoquions la semaine dernière –, ou aux menaces que représentent les législations extraterritoriales donnant accès à nos données aux États étrangers, par exemple.
Pour répondre rapidement à ces enjeux, le Gouvernement a élaboré une stratégie claire reposant sur trois piliers.
Le premier est le label « cloud de confiance », qui rend possible de nouvelles combinaisons, comme la création d’entreprises alliant actionnariat européen et technologie étrangère sous licence, et permettra aux entreprises et aux administrations françaises de bénéficier des meilleurs services offerts par le cloud, tout en garantissant la meilleure protection de leurs données.
Le deuxième est la politique « cloud au centre », portée par la ministre Amélie de Montchalin au cœur de l’administration pour accélérer résolument la transformation numérique dans la manipulation de données sensibles. Celles-ci devront impérativement être hébergées sur le cloud interne de l’État ou sur un cloud industriel validé par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi).
Le troisième pilier, enfin, est une stratégie industrielle ambitieuse inscrite dans le quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA) sous l’égide de France Relance. Cette stratégie permettra d’asseoir la souveraineté française et européenne en la matière.
Sur le sujet précis du Health Data Hub que vous mentionnez, madame la sénatrice, sachez que, dans les délais annoncés par Olivier Véran, c’est-à-dire au plus tard fin 2022, nous vous apportons la garantie que la migration vers un cloud de confiance labellisé sera réalisée.
Telles sont les priorités de la politique de cloud du Gouvernement. Soyez assurée que Bruno Le Maire, mais aussi Amélie de Montchalin, Cédric O et l’ensemble du Gouvernement sont pleinement mobilisés sur le sujet du Health Data Hub. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la secrétaire d’État, je regrette vraiment cette complaisance dangereuse vis-à-vis de sociétés qui prétendent créer des technologies protectrices en accordant de coûteuses licences à des acteurs européens pour des offres de cloud « made in Europe ».
Soyons lucides, ces technologies ne seront en aucun cas protectrices vis-à-vis de la loi FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act), laquelle permet aux services de renseignement américains d’obtenir secrètement les données traitées par des sociétés américaines, où qu’elles soient. C’est d’ailleurs cette loi qui a justifié l’annulation de l’accord transatlantique de transfert de données personnelles par la Cour de justice de l’Union européenne.
Contrairement à ce qu’a affirmé Cédric O, cette stratégie à contretemps ne permettra donc pas de répondre réellement aux enjeux de souveraineté numérique. Hélas, mes chers collègues, force est de constater que la « gafamisation » de l’État est en marche. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
modalités de procuration de vote
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Procaccia. Ma question concerne les difficultés que rencontrent les habitants de plusieurs communes de mon département pour établir des procurations en vue des élections de juin.
Jusqu’à présent, dans les villes où il n’y avait ni poste de police nationale ni tribunal d’instance, il suffisait de se rendre au poste de police municipale, les jours où la police nationale y assurait ses permanences, pour faire enregistrer une procuration. Il en a toujours été ainsi, en particulier à Villeneuve-le-Roi et à Ablon-sur-Seine.
Aujourd’hui, toutefois, la police refuse de pratiquer ces enregistrements au motif qu’elle n’en aurait plus le droit. Contactée, la préfecture, qui a défini les lieux d’enregistrement des procurations l’an dernier, indique qu’elle a reçu par circulaire la consigne stricte de ne pas permettre le dépôt de procurations dans les postes de police municipale.
Pourtant, le décret du 1er juin 2020 dispose bien que les électeurs peuvent faire établir des procurations dans un lieu recevant le public autre que le commissariat ou le tribunal d’instance. Pourquoi interdire aux policiers municipaux d’exercer cette fonction ?
Madame la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, comment pouvez-vous déclarer inciter les Français à voter, et, en même temps, supprimer cette possibilité dans des lieux où tout se déroulait bien ? Auriez-vous un peu peur, à l’image d’un ancien président des États-Unis, que trop de procurations soient défavorables à vos candidats ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. Ma question est double. Pourquoi est-ce interdit ? Par ailleurs, comptez-vous revenir sur l’arrêté de la préfecture du Val-de-Marne, et sur ceux d’autres départements, qui interdisent l’enregistrement de procurations dans ces locaux, auparavant utilisés à cette fin ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Catherine Procaccia, pour répondre à la fin de votre question, nous n’avons peur de rien, et certainement pas de la démocratie, bien au contraire ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous avons débattu, au sein de cet hémicycle, pour fixer les dates des prochaines élections. Celles-ci se tiendront les 20 et 27 juin, dans un contexte pandémique particulier que chacun connaît. Nous avons enrichi ensemble le projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux et régionaux pour faire en sorte que les mesures sanitaires soient appliquées.
M. Vincent Éblé. Quel est le rapport ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. La politique du Gouvernement vise à mettre en place les conditions de la plus grande participation possible, notamment par la e-procuration.
M. Vincent Éblé. Et en diffusant de la propagande avant l’ouverture officielle de la campagne électorale, vous facilitez les choses ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Votre collègue m’a posé une question, monsieur le sénateur. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je vais lui répondre.
M. le président. Poursuivez !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. J’en viens au sujet plus précis sur lequel vous m’avez interrogée. Les policiers nationaux en permanence occasionnelle dans les services de police municipale n’enregistrent pas les procurations. Cela s’inscrit dans une démarche constante qui va dans le sens d’un allégement de la charge des agents. En effet, dans le contexte sanitaire que chacun connaît, nous souhaitons que les agents de la police nationale puissent se recentrer sur leur métier. Tel est le sens de cette consigne.
Pour autant, nous ne réduisons pas le périmètre des lieux où les procurations peuvent être enregistrées. Je veux le dire très clairement : les commissariats de police nationale demeurent disponibles pour faire valider des documents dans le cadre d’une procédure qui allège cette charge.
S’agissant des personnes qui ont des raisons objectives de ne pas pouvoir se déplacer, telles que la maladie ou un handicap, les services de police continuent, partout sur le territoire, d’assurer la prestation de déplacement à domicile.
Enfin, le site maprocuration.gouv.fr permet à chacun d’effectuer la majeure partie des démarches en ligne pour réduire les délais d’attente dans les commissariats.
Je remercie, à cette occasion, l’ensemble des élus et des électeurs qui se mobilisent à chaque scrutin pour tenir les bureaux de vote et qui participent ensuite au dépouillement. Ils font vivre la démocratie ; c’est un rôle essentiel.
Soyez assurée, madame la sénatrice, de la détermination du Gouvernement aux côtés des élus, des assesseurs, des bénévoles et des électeurs pour faire en sorte que ces élections se tiennent dans les meilleures conditions possible et avec la plus grande participation possible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Vous affirmez vouloir favoriser la participation, et en même temps vous supprimez, de fait, un certain nombre de lieux d’enregistrement des procurations. Vous proposez une loi visant à développer les polices municipales, et en même temps vous interdisez dorénavant à la police nationale qui exerce dans les locaux de ces dernières de faire son métier. Vous affirmez vouloir lutter pour le climat et, en même temps, vous obligez les gens à prendre leur voiture pour se déplacer.
À mes yeux, ce quinquennat multiplie les incohérences du « en même temps » pour ne faire que de la communication. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
projet hercule
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Jacques Michau. L’annonce soudaine, en mai dernier, du report de la réorganisation d’EDF, dite « projet Hercule », est venue siffler la fin de la partie d’une affaire bien mal engagée.
Entre menace de privatisation, démantèlement de ce géant de l’électricité et désarroi des salariés, ce plan aura finalement fait long feu. Tant mieux !
Aujourd’hui encore, nous n’avons aucune information sur les raisons qui ont conduit à l’échec de ces négociations avec Bruxelles. Quels sont les points d’achoppement ? Quelles contraintes n’ont pu être levées ? Nous n’en savons rien.
Ce manque de transparence, auquel vous nous habituez, pose un véritable problème démocratique. Beaucoup se demandent d’ailleurs s’il ne s’agit pas là d’une de vos habiletés pour permettre au chef de l’État d’enjamber l’élection présidentielle sans subir les contrecoups d’une réforme très contestée.
La France possède, avec EDF, l’un des plus grands groupes énergétiques européens intégrés et le premier opérateur nucléaire au monde. Pourtant, ce géant public ne cesse de pâtir de choix désastreux réalisés dans le passé ; des décisions qui, sous prétexte d’ouverture des marchés, ont conduit EDF à vendre à perte à ses concurrents, au rang desquels de grands groupes énergétiques, l’électricité qu’il produit.
De plus, comme l’admettait il y a peu M. le ministre Bruno Le Maire, une telle réforme ne peut se faire contre le corps social d’une entreprise.
Cette scission porterait un coup fatal à notre grand opérateur public, qui a pourtant un rôle majeur à jouer dans la transition énergétique face à l’urgence climatique et qui, dès lors, devrait être conforté.
À nouveau, le chemin que dessine le Gouvernement est trop flou et ne répond pas, pour l’heure, aux interrogations de fond qui se posent pour le groupe.
Madame la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable, pouvez-vous nous confirmer qu’EDF restera bien un groupe intégré non soumis au morcellement ? Comment sortir de l’impasse de l’endettement pour sécuriser le nucléaire et continuer à investir dans les énergies renouvelables ? Quid de la préservation du parc hydroélectrique français, si cher à nos territoires ?
Il est grand temps de nous donner une feuille de route claire et un calendrier précis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. Monsieur le sénateur Michau, votre question porte sur le projet industriel stratégique d’EDF et son rôle clé dans la transition énergétique, mais aussi sur la transparence du Gouvernement sur ce dossier très important.
Vous le savez, le Gouvernement, en lien étroit avec EDF, a engagé des discussions avec la Commission européenne pour mettre en œuvre une réforme ambitieuse de cette entreprise stratégique. Nous sommes de votre avis : c’est parce qu’EDF est un très grand groupe et que nous entendons le pérenniser et le rendre plus fort que nous souhaitons mettre en œuvre une réforme ambitieuse, laquelle doit sécuriser EDF sur le long terme. Nous sommes encore, à cette heure, en pleine négociation.
Cette réforme doit aussi sécuriser la place que nous donnons au nucléaire dans le mix énergétique. Ceci emporte la reconnaissance que l’activité nucléaire n’est pas une activité comme les autres et justifie la mise en œuvre d’une régulation.
Cette réforme doit, enfin, ancrer durablement EDF comme entreprise publique, mais aussi sécuriser les concessions hydroélectriques et garantir le statut des industries électriques et gazières, les IEG, ainsi que de leurs personnels.
Soyons très clairs. Premièrement, monsieur le sénateur Michau, cette réforme est nécessaire, dans l’intérêt du groupe EDF ; deuxièmement, le Gouvernement a une ligne rouge : le maintien, par cette réforme, d’un groupe EDF totalement intégré. Cela fait l’objet de discussions. En un mot, nous n’accepterons pas un accord qui conduirait à l’éclatement du groupe.
J’espère être aussi claire et transparente que possible et répondre ainsi à votre questionnement.
Des consultations sont également en cours avec les syndicats pour améliorer le projet et créer un consensus autour de cette réforme. Rien ne s’oppose à ce que le Parlement se saisisse du débat sur l’avenir d’EDF si ce projet aboutit. (M. François Patriat applaudit.)