M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice Colette Mélot, vous me posez quatre questions : je vous en remercie, car elles vont au cœur des enjeux de cette réforme, dont le mot clé est liberté. C’est précisément pourquoi elle est appréciée des lycéens : les enquêtes d’opinion le prouvent, leur taux de satisfaction s’établit autour de 60 % à ce stade.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Ah oui ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Pourquoi ? Parce qu’ils en constatent déjà les premiers bénéfices, notamment avec la disparition des séries, qui leur permet d’avoir beaucoup plus de choix. Au total, 90 % des élèves se concentrent sur quinze combinaisons : c’est évidemment beaucoup plus que les trois séries antérieures dans la voie générale.
Ainsi, la philosophie de la réforme est à l’œuvre et produit déjà des effets.
Une autre de ses caractéristiques, c’est la modularité, que je retrouve dans vos quatre questions. Cette modularité permet une souplesse, et donc des évolutions. C’est pourquoi nous disposons d’un comité de suivi du baccalauréat, dont la prochaine réunion aura lieu le 11 juin prochain : nous nous adaptons sans cesse aux situations que nous observons.
Dès lors, comment répondre rapidement à vos quatre questions ?
Premièrement, le comité de suivi doit effectivement regarder si, pour mars 2022, nous devons prévoir un programme légèrement moins ambitieux afin d’être réellement prêts lors des examens terminaux : il faut nous pencher sur cette question, sachant que les élèves continuent de travailler de mars à juin et que leurs enseignements de spécialité sont au cœur du grand oral qu’ils auront à passer. Ils pourront donc accomplir la totalité du programme.
Deuxièmement, on peut entendre ici ou là que l’on a perdu des heures de sciences, mais ce n’est pas exact. Aujourd’hui, un élève peut totaliser au maximum dix-sept heures d’enseignements scientifiques. Autrefois, en terminale S, il en avait seize : deux fois six heures d’enseignement de spécialité, deux heures de maths expertes et deux heures d’enseignement scientifique dans le tronc commun.
Madame la sénatrice, dix-sept heures, c’est beaucoup. Bien entendu, l’une de nos priorités a été de renforcer l’enseignement des sciences et d’avoir des élèves mieux préparés. Ainsi, le programme de physique-chimie est beaucoup plus ambitieux qu’antérieurement.
Troisièmement, vous vous demandez si le fait d’abandonner un enseignement de spécialité en première pose problème. À mon avis, c’est au contraire le moyen d’assurer une orientation progressive, en entonnoir, dont les élèves se disent satisfaits.
Évidemment, ces différents points ont vocation à être discutés dans la perspective des prochaines évolutions ! (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)
avenir du corps préfectoral
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Gérard Longuet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Cher Jean Castex, vous avez commencé par annoncer, de manière surprenante, que vous vouliez supprimer les préfets et les sous-préfets…
M. Gérard Longuet. Puis, vous vous êtes ravisé en disant : « Pas du tout : c’est le statut que je veux supprimer. »
Il se trouve que vous êtes énarque : moi aussi ; que vous avez servi le Président Sarkozy : moi aussi (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) ; que vous êtes membre de la Cour des comptes : pas moi. (Rires et exclamations sur les mêmes travées.) Je suis membre du corps préfectoral et je peux vous dire que votre initiative vient détruire l’un des piliers de la République sur le terrain. (Mme Sophie Primas acquiesce.)
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Gérard Longuet. Pourquoi ?
Tout d’abord, le corps préfectoral exige une compétence interministérielle. Cela ne s’improvise pas ; cela demande de la durée. Or qui dit « durée » dit « carrière » et, donc, « statut ». (M. François Calvet opine.)
Ensuite, l’exercice des fonctions préfectorales suppose de l’autorité ; cette autorité se fonde, elle aussi, à l’épreuve des faits. Elle demande de la durée, une carrière et, donc, un statut.
Enfin, pour occuper de tels postes, il faut du sang-froid. Les expériences très récentes de mes collègues le montrent : gérer l’ordre public, ce n’est pas faire un grand oral de sortie de Sciences politiques !
Il faut donc de la durée ; il faut de la carrière ; il faut du statut.
En agissant avec désinvolture, vous semblez totalement mépriser cette réalité. Pourtant, vous en avez été bénéficiaire pendant la crise des gilets jaunes comme pendant la pandémie actuelle ; d’ailleurs, vous mobilisez à présent les préfets et les sous-préfets pour mettre en œuvre le plan de relance et vous êtes bien content de les trouver.
Ma question est d’une grande simplicité.
Parmi les préfets, on peut nommer n’importe qui – d’ailleurs, certains gouvernements ne s’en sont pas privés. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Parmi les sous-préfets, il y a une minorité d’énarques et une immense majorité de magistrats, de cadres de préfecture, de policiers et de militaires : voilà un corps ouvert, voilà un élément de promotion, voilà un truc qui marche et votre seule idée c’est de le foutre en l’air ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et SER.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le sénateur Gérard Longuet, je vous ai senti très sincère…
M. Gérard Longuet. C’est ma vie !
M. Jean Castex, Premier ministre. C’est la mienne aussi. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
Avant tout, je n’ai jamais dit que je voulais supprimer les préfets et les sous-préfets. (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Jean Castex, Premier ministre. Jamais ! Je veux, au contraire, les renforcer et les conforter… (Exclamations ironiques sur des travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)
M. Vincent Éblé. On y croirait presque !
M. Jean Castex, Premier ministre. Vous riez : vous considérez que cela passe forcément par un statut et par un corps.
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. Jean Castex, Premier ministre. Soyons précis : vous avez parlé des sous-préfets. La plupart d’entre eux – les deux tiers, pour être exact – préfigurent déjà, et depuis longtemps, la réforme que nous voulons faire : ce sont des administrateurs civils détachés dans le corps des sous-préfets.
Demain, tous seront des administrateurs de l’État, mieux formés et mieux payés…
M. Bruno Sido. Ah !
M. Jean Castex, Premier ministre. … compte tenu des responsabilités qu’ils vont exercer, affectés au métier de sous-préfet. Ces personnes auront donc toutes un statut et un corps : toutes !
Je l’ai déjà dit dans cet hémicycle et je le répète : peut-être la crainte d’une politisation est-elle le fruit d’une ambiguïté. Soyons très clairs : ce que nous voulons, c’est la fonctionnalisation, c’est-à-dire la gestion des ressources humaines (GRH) autour d’une filière et d’un métier. Je vais y revenir à propos de l’expérience accumulée, question majeure que vous avez relevée à fort juste titre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la fonctionnalisation n’est en aucun cas la contractualisation, qui – vous le savez – existe dans 80 % des pays. Bien des États disposent d’une haute fonction publique, préfectorale ou non, entièrement constituée de contractuels – en bon français, cela s’appelle le spoil system – que l’on change régulièrement.
M. Jean Castex, Premier ministre. Ce n’est pas du tout notre modèle ; ce n’est pas du tout ce vers quoi nous allons !
Monsieur Longuet, je vous en supplie, prenez le temps de relire les travaux préparatoires à l’ordonnance de 1945, qui est l’œuvre de Michel Debré et du général de Gaulle : leur nom, ici ou ailleurs, n’a certainement rien d’infamant. Ils voulaient que le corps des administrateurs civils soit le plus interministériel possible et ce principe restera : les administrateurs de l’État iront dans des filières, par exemple la diplomatie ou l’administration préfectorale.
Cette assemblée réunit beaucoup d’élus locaux qui ont occupé des fonctions exécutives.
M. Bruno Sido. Oui !
M. Jean Castex, Premier ministre. Ils le savent très bien : cela s’appelle des cadres d’emplois – ce n’est pas nous qui l’avons inventé ! –, au sein desquels on procède par affectation.
Ces administrateurs conserveront un corps et disposeront d’un statut beaucoup plus interministériel. Cela ne pose aucun problème, d’autant que le corps préfectoral a déjà largement ouvert la voie ! Il est sans doute l’un des grands corps les plus interministériels et les plus « accueillants »,…
M. Gérard Longuet. Un peu trop…
M. Jean Castex, Premier ministre. … sans être pour autant le seul.
Si j’osais – je parle sous le contrôle de la ministre de la transformation et de la fonction publiques –, je vous dirais même : le but de la réforme, c’est d’étendre ce qui existe pour le corps préfectoral à l’ensemble de la haute fonction publique !
Il s’agit de raisonner, désormais, sur la base des métiers et des fonctions.
Aujourd’hui, dans la logique de corps, vous avancez à l’ancienneté. De préfet du Gers, vous passez préfet de l’Isère, puis de la Seine-Saint-Denis. C’est comme cela.
Or l’intérêt de l’État employeur serait de dire : « En ce moment, il y a de graves problèmes en Guyane : il est absolument nécessaire d’y affecter telle personne, qui a le grade de préfet de région, eu égard à la situation sanitaire et économique de ce territoire. » Mais la GRH actuelle ne le permet pas : on considérerait que l’intéressé rétrograde, car on adopte une approche statutaire.
Bien entendu nous allons conserver les préfets et les sous-préfets : la République a besoin d’eux. Mais nous allons améliorer leur gestion…
Mme Sophie Primas. Pas du tout convaincant !
M. Jean Castex, Premier ministre. Surtout – c’est la vraie question, je l’ai déjà dit ici –, nous allons renforcer leurs moyens d’action et leur autorité, car l’État s’est démembré sur le plan territorial. C’est ce que nous allons faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
réforme de la haute fonction publique (i)
M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. Jean Hingray. « M. le sous-préfet est en tournée. Cocher devant, laquais derrière, la calèche de la sous-préfecture l’emporte majestueusement au concours régional de la Combe-aux-Fées. […] Sur ses genoux repose une grande serviette en chagrin gaufré qu’il regarde tristement. »
Et si M. le sous-préfet regarde si tristement sa serviette, c’est parce qu’il sait qu’il va être la victime collatérale de la crise des gilets jaunes et des errements de l’administration pendant la période du covid. (Sourires sur plusieurs travées.)
Victime par ricochet, M. le sous-préfet est d’autant plus triste après vos dernières annonces, monsieur le Premier ministre. Comme nous, vous avez certainement lu la lettre d’Alphonse Daudet avec beaucoup de plaisir. Vous vous souvenez qu’emporté par sa passion le sous-préfet faisait des vers. Je ne suis pas sûr qu’il s’en contente après votre réforme : faute de statut, il ira pantoufler, il entrera dans le grand mercato des hauts cadres dirigeants. (M. le Premier ministre manifeste son exaspération.)
Peu à peu, l’État sera vidé de son armature et privé de la stabilité qui fait sa marque : ou alors il faudra que nous acceptions une haute fonction publique qui succombe aux chants des sirènes, ceux sonnants et trébuchants de rémunérations comparables à celles du privé. (M. le Premier ministre lève les yeux au ciel.)
Sont-ce les prémices d’un système des dépouilles à la française ? Est-ce ainsi que vous voulez dessiner la France ?
Le problème, ce n’est pas la qualité du corps préfectoral : c’est ce que l’on attend de lui comme serviteur d’un territoire ; c’est le cadre qu’on lui offre pour accomplir sa mission.
Monsieur le Premier ministre, la France n’a-t-elle pas besoin du corps préfectoral, à l’heure où le monde rural souffre ?
La France n’a-t-elle pas besoin d’un système qui a montré toute son efficacité depuis deux cents ans ?
La France n’a-t-elle pas besoin d’une école aussi prestigieuse que l’ENA pour étendre son influence à l’international ? (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Monsieur le sénateur, ce matin en conseil des ministres, j’ai effectivement présenté une ordonnance qui réforme l’encadrement supérieur de l’État.
Vous le savez, il s’agit non pas d’une réforme de l’ENA, mais bien d’une réforme de l’État. À cet égard, je tiens à rappeler certaines vérités : depuis quelques quinquennats, cette réforme s’est soldée par l’affaiblissement de l’État.
Ici, dans les rangs de la droite,…
Mme Laurence Rossignol. Dont vous venez !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. … certains ont défendu la révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. Avec vous !
M. Roger Karoutchi. Où étiez-vous à ce moment-là ? Avec nous, dans les cabinets ministériels !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. Qu’ont-ils fait ? Ils ont vidé les préfectures et les sous-préfectures. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.) Ils ont affaibli de 30 % l’armature des forces vives qui s’occupent réellement des Français là où ils sont.
Cette réforme n’a pas été comblée par la gauche, je vous rassure… (Exclamations à gauche.)
Aujourd’hui, notre gouvernement ne suit pas une approche comptable : il cherche à remettre sur le terrain des hommes et des femmes compétents, choisis parce qu’ils ont du métier, parce qu’ils ont reçu une formation et parce qu’ils répondent aux besoins des Français. (M. Édouard Courtial proteste.)
Comme en 1945, nous regardons notre pays en face. Nous regardons ses faiblesses, ses forces et ses défis.
Le monde a changé depuis 1945. Qu’il s’agisse des technologies, notamment du numérique, ou du climat, nous devons former autrement et recruter autrement.
Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, le spoil system que certains décrivent ne correspond pas à nos valeurs et, pour ma part, en tant que ministre de la fonction publique, j’assume le choix de remettre des fonctionnaires et des hauts fonctionnaires sur le terrain.
Je suis la première ministre de la fonction publique depuis quinze ans à avoir remis des hauts fonctionnaires dans les départements : ces hommes et ces femmes, ce sont les sous-préfets à la relance, que vous avez d’ailleurs critiqués ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
J’assume aussi de défendre le statut de la fonction publique. J’entends d’anciens ministres, notamment certains de mes prédécesseurs de droite,…
Mme Sophie Primas. Mais d’où venez-vous ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. … appeler à bazarder tout simplement le statut de la fonction publique.
M. Roger Karoutchi. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. « Plus de statut, rien que des contrats ! » Cette politique n’est pas la nôtre.
Enfin, j’assume notre choix face aux logiques de corps : préférer systématiquement les compétences, les métiers et les personnes ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Pierre Louault et Bernard Fialaire applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour la réplique.
M. Jean Hingray. Madame la ministre, je pensais que votre réforme avait été construite sans la participation des énarques : mais M. Longuet nous a rappelé que le Premier ministre était l’un d’eux. Raison de plus pour défendre l’ENA et le corps préfectoral ! (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Décidément, le courant ne passe plus entre les usagers et les compteurs Linky. Depuis leur déploiement à marche forcée, de réelles résistances se sont exprimées et, aujourd’hui, les usagers apprennent qu’ils devraient finalement rembourser les compteurs Linky !
Puisque le projet Hercule, renommé grand EDF, prévoit la privatisation du gestionnaire de réseaux Enedis, ces compteurs pourraient permettre d’effacer, voire de couper l’électricité à distance. Or il faut au contraire réaffirmer la mission de ce grand service public.
Soyons clairs. En 2011, le ministre Besson nous disait : « Linky sera gratuit. » En 2018, le ministère de l’écologie confirmait cette gratuité. Depuis, le Gouvernement n’a eu de cesse de le répéter, il n’y aura pas d’augmentation de la facture liée à Linky : gratuité de l’installation et pas d’augmentation des taxes ni du tarif de l’électricité.
Pourtant, il semble bien que les usagers et les collectivités territoriales, dont les factures ont flambé de 50 % en dix ans, pourraient encore débourser près de 130 euros par compteur. Si l’on ajoute que la durée de vie des compteurs n’est que de vingt ans, il faudra remettre la main à la poche sous peu.
Enfin, malgré les démentis d’Enedis, le Turpe 6, c’est-à-dire les taxes incluses dans les factures, augmentera bien au 1er août prochain.
Madame la secrétaire d’État, ma question est simple : allez-vous respecter les engagements pris auprès de nos concitoyens d’une gratuité totale, sans entourloupe, des compteurs Linky ? Surtout, allez-vous enfin être plus transparents au sujet des coûts réels que devront supporter les usagers ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, vous vous interrogez au sujet d’une supposée affirmation, relayée par la presse, relative à une augmentation des factures d’électricité liée au remboursement de l’installation des compteurs Linky.
Je vous le confirme : cette installation a eu un coût, que la Cour des comptes, dans son rapport, estime à 130 euros par compteur.
Ce coût d’investissement est et sera directement et intégralement assumé par Enedis. L’entreprise en assurera le recouvrement par des économies d’exploitation dans les prochaines années, grâce à un réseau plus moderne et plus flexible. Ces économies bénéficieront à la fois au réseau et aux consommateurs. (M. Fabien Gay proteste.)
Il n’y aura donc pas, comme certains ont pu l’avancer, d’augmentation de 15 euros ou d’un autre montant sur la facture annuelle d’électricité pour rembourser l’installation de ces compteurs.
Mme Éliane Assassi. Ah oui ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Au-delà des économies d’énergie, le compteur Linky permet des économies sur les budgets des ménages grâce à une meilleure maîtrise des consommations personnelles.
Cette offre participe à la fourniture de contrats plus adaptés à nos consommations…
M. Fabien Gay. La seule formule, c’est le tarif réglementé !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Elle apporte un meilleur regard, qu’il s’agisse de la détection des appareils énergivores ou des améliorations de la performance énergétique : ce faisant – j’y insiste –, elle permet à la fois d’économiser des ressources et de réduire le budget énergétique. Les fonctionnalités de Linky permettent des gains sur la facture d’électricité.
Le déploiement de ces compteurs est suivi de très près par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui a elle-même veillé au bon fonctionnement de ce marché et à sa cohérence avec nos objectifs de politique énergétique.
Je le répète, il n’y aura pas d’augmentation pour les consommateurs. La CRE l’a une nouvelle fois souligné : les économies associées au déploiement du compteur Linky compensent les coûts d’investissement. Comme vous, nous comparerons attentivement les factures…
M. Fabien Gay. Cela fait dix ans que l’on compare !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. … et je suis sûre que nous pourrons collectivement nous réjouir du bon fonctionnement de ces compteurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour la réplique.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la secrétaire d’État, vos arguments ne sont absolument pas convaincants.
Il faut des actes forts et le premier d’entre eux doit être de renoncer à la privatisation d’Enedis et au projet Hercule, devenu grand EDF : le nom change, mais pas votre volonté de casser cette entreprise.
Aujourd’hui, il faut résister aux injonctions européennes, dont les compteurs Linky donnent un avant-goût libéral bien amer ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
conférence du médicament et souveraineté en matière de santé
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Ma question porte sur le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) qui se tiendra à la fin du mois de juin.
Lors du dernier CSIS, en 2018, le Premier ministre de l’époque s’était engagé à redonner à la France l’une des premières places en matière d’innovation, tout en relevant qu’elle avait perdu ce rang au fil du temps.
Certes, des engagements ont été tenus, mais des freins demeurent. Je pense bien sûr au problème de l’innovation. Je songe également à l’enjeu de notre souveraineté en matière de médicaments, notamment pour les médicaments matures.
Monsieur le secrétaire d’État, notre commission des affaires sociales a lancé une mission flash pré-CSIS, dont Véronique Guillotin et Annie Delmont-Koropoulis sont les rapporteures. Elles remettront leurs conclusions avant le CSIS.
Néanmoins, nous souhaitons savoir dans quel état d’esprit vous abordez ce CSIS, notamment à l’aune de la crise sanitaire.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame Deroche, vous connaissez bien ces sujets. Vous connaissez aussi le rôle du Conseil stratégique des industries de santé, instance de dialogue créée en 2004 et placée sous l’égide du Premier ministre et du Président de la République.
Le Gouvernement est particulièrement attaché à ce lieu de concertation et d’échange. En effet, le dialogue qui s’y tient a toujours permis aux pouvoirs publics de mieux comprendre les contraintes, les enjeux et les ambitions de l’industrie des produits de santé. En parallèle, cela permet aux industriels de percevoir les exigences des différentes politiques publiques que nous menons. C’est cette compréhension mutuelle qui fait la force d’un tel exercice et, plus largement, de notre système de santé.
Dans le contexte global d’aggravation des tensions d’approvisionnement auquel nous avons été confrontés, la crise sanitaire a mis en exergue la nécessité de garantir la sécurité sanitaire de la France et, donc, de se doter d’outils pour assurer, sur le territoire, l’accès aux traitements dont les patients ont besoin. Le CSIS y participe pleinement.
Ce dernier a pour ambition de consolider la place de la France comme nation innovante et souveraine en santé. Dans cette perspective, cinq axes stratégiques ont été fixés. Je vous les rappelle : assurer une recherche fondamentale d’excellence et interdisciplinaire ; catalyser l’innovation en aidant les jeunes entreprises innovantes ; faciliter l’accès aux marchés des produits innovants ; soutenir l’industrialisation des produits, voire leur relocalisation – c’est un sujet que nous avons beaucoup évoqué ces derniers mois ; enfin, développer et faire émerger les formations nécessaires à disposer des compétences.
L’objectif est toujours le même : offrir aux patients un meilleur traitement et leur en garantir un accès dans la durée.
Vous le savez probablement : un travail a été mené par cinq personnalités qualifiées sur ces cinq axes. Il approche de son terme et des annonces pourraient être faites d’ici à l’été. Le ministre des solidarités et de la santé a conscience des attentes que ces travaux ont suscitées.
La politique industrielle et l’innovation au service du patient ont trop souvent été opposées dans notre pays. Cette vision n’est pas la nôtre. Nous souhaitons une industrie forte, une industrie créatrice de valeur pour les patients et le système de santé français, et je sais que ce souhait fait l’objet d’un large consensus. En effet, il participe non seulement à une meilleure sécurité sanitaire de notre pays, mais aussi à la souveraineté, que vous évoquez dans votre question et à laquelle nous sommes tous attachés !
M. Pierre Charon. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.
Mme Catherine Deroche. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez effectivement fixé des objectifs, que nous faisons nôtres. Nous attendons à présent de connaître les annonces du CSIS et de voir comment elles se traduiront dans les faits.
En effet, les attentes sont nombreuses, qu’il s’agisse de l’écosystème de la recherche dans son ensemble, du développement des filières ou des essais cliniques précoces, notamment avec le point très particulier des comités de protection des personnes (CPP). Je n’oublie pas non plus la réforme de l’évaluation, que l’on attend toujours, et les questions de financement.
La stratégie industrielle est un enjeu majeur, mais elle est pour ainsi dire inexistante dans ce domaine actuellement.
Aussi, notre commission surveillera les suites données au CSIS comme le lait sur le feu ! Nous verrons comment elles se traduiront dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ou dans les propositions de loi que nous avons déposées au sujet de la médecine personnalisée et des CPP.
Dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, le président Larcher a fixé, pour nos travaux, l’axe de la stratégie européenne en matière de santé et de recherche. Il faut faire confiance à nos chercheurs, à nos industriels et à nos thérapeutes : il faut les aider et non pas les freiner. Il faut savoir faire des paris et prendre des risques. J’espère que vous saurez tenir compte des enseignements de la crise sanitaire et procéder à un vrai retour d’expérience ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
réforme de la haute fonction publique (ii)