Sommaire
Présidence de Mme Nathalie Delattre
Secrétaires :
MM. Daniel Gremillet, Jean-Claude Tissot.
2. Mise au point au sujet d’un vote
3. Coût pour les collectivités territoriales de la crise sanitaire et économique. – Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains
M. Daniel Chasseing ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
M. Daniel Salmon ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Daniel Salmon.
M. Didier Rambaud ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
M. Christian Bilhac ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Christian Bilhac.
M. Pascal Savoldelli ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Pascal Savoldelli.
M. Bernard Delcros ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Bernard Delcros.
M. Jérôme Durain ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
Mme Alexandra Borchio Fontimp ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
M. Jean-Marie Mizzon ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Michel Houllegatte ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Jean-Michel Houllegatte.
M. Bernard Fournier ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
M. Hussein Bourgi ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Hussein Bourgi.
M. Daniel Gueret ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
M. Philippe Mouiller ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Philippe Mouiller.
M. Bruno Rojouan ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
Mme Elsa Schalck ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains
4. Modification du règlement du Sénat. – Adoption d’une proposition de résolution dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois, rapporteur
Clôture de la discussion générale.
Articles 1er, 2 et 3 – Adoption.
Amendement n° 7 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 35 rectifié bis de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Amendement n° 37 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel avant l’article 5
Amendement n° 15 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 8 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 34 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 7
Amendement n° 4 de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendements nos 30 et 31 de M. Alain Richard. – Non soutenus.
Amendement n° 6 rectifié de Mme Nathalie Goulet. – Rejet.
Articles additionnels après l’article 8
Amendement n° 39 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 16 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 17 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 19 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 13 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 27 rectifié de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 21 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 23 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 5 rectifié de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 22 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 52 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 40 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 46 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 20 rectifié de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 38 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 18 rectifié de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 42 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 41 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 44 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 43 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Article additionnel avant l’article 9
Amendement n° 14 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 10 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 1 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 48 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 49 de Mme Éliane Assassi. – Rectification.
Amendement n° 49 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Adoption.
Amendement n° 3 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Rejet.
Amendement n° 32 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 11
Amendement n° 51 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Article additionnel après l’article 13
Amendement n° 12 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 24 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Amendement n° 26 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 33 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 14
Amendement n° 25 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.
Articles 14 bis, 14 ter et 14 quater (nouveaux) – Adoption.
Article additionnel après l’article 14 quater
Adoption de la proposition de résolution dans le texte de la commission, modifié.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Nathalie Delattre
vice-présidente
Secrétaires :
M. Daniel Gremillet,
M. Jean-Claude Tissot.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 27 mai 2021 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Lors du scrutin public n° 126, Mme Joëlle Garriaud-Maylam souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Coût pour les collectivités territoriales de la crise sanitaire et économique
Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur le coût pour les collectivités territoriales de la crise sanitaire et économique.
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comment ne pas commencer ce propos par un plaidoyer en faveur de nos collectivités, singulièrement de nos communes ? Avec l’agilité qu’on leur connaît, elles ont utilement accompagné l’État dans la gestion de cette crise sanitaire, lui permettant d’être au rendez-vous et à nos concitoyens de bénéficier d’un dispositif complet comprenant notamment, désormais, la vaccination à grande échelle.
Au moment où nous nous apprêtons à examiner le projet de loi 4D – nous le ferons ici même dans quelques semaines –, nous devons réaffirmer la confiance dans nos collectivités, en particulier dans nos communes. De Brest à Biarritz et de Strasbourg à Privas, aucune d’entre elles n’a échappé à l’exercice nécessaire, utile à l’ensemble de nos concitoyens, que j’évoquais à l’instant.
Si l’examen de ce projet de loi sera l’occasion de mettre l’accent sur les thèmes de la décentralisation et de la déconcentration, d’ores et déjà, l’État se doit d’être aux côtés de l’ensemble de nos collectivités ; et cela veut dire les accompagner financièrement. En prenant des décisions au plus haut sommet de l’État, le Gouvernement a invité nos collectivités, singulièrement – je le répète – nos communes, à engager des dépenses, même si nous n’en contestons pas le caractère nécessaire.
Je veux remercier notre collègue Jean-François Husson, ainsi que l’ensemble de notre groupe, d’avoir souhaité mettre cette discussion à l’ordre du jour de nos travaux. Ainsi la possibilité nous est-elle offerte de rappeler combien les collectivités ont su faire œuvre utile durant cette crise sanitaire.
Les chiffres sont là : un rapport émanant de l’Assemblée nationale évalue leurs pertes imputables à la crise à 4 milliards d’euros. L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) estime quant à elle à 6 milliards d’euros les pertes brutes du bloc communal. En tout état de cause, ces chiffres nous montrent combien les collectivités ont besoin d’être assistées. Or, pour qu’elles puissent être réellement accompagnées par l’État, les coûts qu’elles supportent doivent faire l’objet d’une évaluation.
Ces pertes de 4 milliards d’euros – c’est considérable – se traduisent par une baisse de 9 % de l’autofinancement net du bloc communal et par une diminution de plus de 15 % de l’investissement, ce qui est inédit. Cela a des conséquences particulièrement préjudiciables : comme nous le savons tous, les collectivités participent pleinement au développement de notre économie locale par le biais de la commande publique. Pour être au rendez-vous, l’État doit donc mettre, si j’ose dire, la main à la poche.
Concernant la création et l’organisation des centres de vaccination ainsi que la livraison de matériels de soins – masques, blouses, tout ce qui a fait que nous avons pu lutter contre le virus et ses conséquences de la meilleure des façons –, les décisions prises ont dû l’être en urgence, et les collectivités ont dû faire preuve d’une réactivité absolue. J’en profite pour dire que certaines collectivités nous ont interpellés et continuent de nous interpeller, parce qu’elles n’ont toujours pas perçu la totalité des moyens qui leur avaient été promis au moment des premières annonces d’accompagnement financier de la part de l’État, s’agissant des masques notamment. Ces situations se font relativement rares, mais, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le secrétaire d’État, beaucoup de nos collectivités – vous me permettrez d’être trivial – sont à l’os.
Dans mon département, une petite commune de 300 habitants – je sais que vous connaissez particulièrement bien la ruralité –, Le Béage, sur la montagne ardéchoise, a dû recruter un employé dont l’embauche va générer une augmentation de 12 000 euros de ses coûts de fonctionnement. L’État se doit d’accompagner les communes lorsqu’elles assument des coûts qui ne sont rien d’autre que la conséquence de la crise sanitaire que nous traversons.
D’autres dépenses que j’ai en vue sont de natures diverses. J’en citerai quelques-unes qui passent parfois assez inaperçues.
Je viens d’un département à vocation très touristique ; la disparition de nombreux emplois saisonniers et la baisse de certains revenus ont eu un impact considérable. Je pense notamment aux recettes de la taxe de séjour, qui ont baissé de 15 % dans un département comme le mien, aux recettes de billetterie des grands sites touristiques comme l’aven d’Orgnac ou l’espace de restitution de la grotte Chauvet, aux recettes perçues par les communes qui accueillent un casino, comme celle de ma collègue Anne Ventalon : à Vals-les-Bains, 3 500 habitants, 400 000 euros de recettes annuelles en moins – imaginez ! En pareil cas, comment un maire peut-il monter un budget sans avoir de lourdes difficultés à gérer ?
Vous mesurez bien, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’importance de ce débat. Il ne s’agit pas de pointer quiconque du doigt : si l’État a demandé aux collectivités d’être en quelque sorte son bras armé dans la crise, c’est à juste titre. Mais, aujourd’hui, nous devons évaluer au mieux et de façon exhaustive l’ensemble des dépenses qu’elles prennent à leur charge : beaucoup de ces dépenses passent inaperçues, et il nous faut les lister afin que l’indemnisation se fasse au réel et non au forfait. Je citerai un exemple tiré de la communauté de communes de la Montagne d’Ardèche, qui compte 5 000 habitants : à lui seul, l’hébergement des personnes qui font fonctionner le centre de vaccination coûte quelque 20 000 euros.
Il y a là dans de tels exemples autant de sujets d’inquiétude, qui ne manqueront pas d’animer le débat. Mes collègues ici présents illustreront mon propos en présentant beaucoup d’autres cas ; ainsi pourrons-nous bien cibler les besoins et faire en sorte qu’un juste accompagnement financier soit alloué par l’État aux collectivités.
Je conclurai en évoquant un sujet qui me semble essentiel : l’État compte sur les collectivités, singulièrement sur les communes, dans la mise en œuvre de son plan de relance – je dis au passage que les départements et les régions ont eux aussi été particulièrement impactés. Pour ce qui est des communes et de la commande publique, il ne faudrait pas que le plan de relance soit mis à mal à cause d’un défaut d’accompagnement des collectivités, au-delà même des dotations. Je le dis d’ailleurs très clairement : l’État a fait en sorte que les pertes inhérentes à la crise soient prises en compte dans la détermination des montants de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Reste qu’il faut, dans certains cas, aller encore plus loin afin que l’ensemble des coûts induits par la crise soient vraiment pris en compte. C’est à cette condition seulement que les collectivités pourront être au rendez-vous de la relance dès cette année 2021, jouant le rôle d’aiguillons qui permettront à notre pays de se relever de cette période de crise.
Monsieur le secrétaire d’État, nous comptons sur votre sagacité, sur votre pugnacité et sur votre détermination pour faire entendre la voix de nos communes et de nos collectivités. Nous ne voudrions pas qu’in fine les collectivités soient vaccinées des promesses de l’État ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme la présidente. Merci, mon cher collègue, pour la pertinence de votre intervention.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être aujourd’hui parmi vous pour débattre du coût de la crise pour les collectivités territoriales. À mon tour de saluer leur réactivité face à la crise ! Cette question est au cœur de vos préoccupations, puisque vous êtes la chambre des territoires. Il s’agit également d’une préoccupation majeure du Gouvernement.
J’ai conservé de mes anciennes fonctions, de maire tout d’abord, puis de rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, un attachement tout particulier à ce que le suivi des finances locales, loin de faire l’objet d’une attention seulement épisodique, au gré de l’actualité, soit mené en permanence et en toute transparence avec le Parlement. Le débat de ce jour me semble donc bienvenu, d’autant que nous disposons maintenant d’un état des lieux quasi définitif des effets de la crise sur les budgets locaux en 2020, ainsi que des premiers éléments concernant 2021. Il est intéressant, donc, que nous puissions les partager.
Je voudrais commencer par vous confirmer que l’année 2020, certes difficile, n’a pas été l’annus horribilis annoncée. Les collectivités dans leur ensemble ont mieux résisté à la crise que ce que nous imaginions voilà un an. Si je reprends les notes de conjoncture dont nous disposions au milieu de l’année dernière, tout indiquait que l’impact financier de la crise serait massif. Ainsi le rapport de Jean-René Cazeneuve évaluait-il les conséquences pour 2020 à 5 milliards d’euros en recettes et à 2,2 milliards d’euros en dépenses, soit une diminution de l’épargne brute des collectivités de 7,2 milliards d’euros en raison de la crise.
Ces hypothèses étaient fondées sur des projections pessimistes concernant un grand nombre d’impôts locaux, à commencer par les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), dont on pensait alors que les recettes diminueraient de 25 % par rapport à 2019. En y ajoutant la dynamique des dépenses ordinaires, l’épargne brute des collectivités aurait dû diminuer de 26 % entre 2019 et 2020 ; en réalité, l’exécution au 30 avril 2021 nous montre que ladite épargne brute diminuerait de 3,9 milliards d’euros, soit un repli de 11,4 % entre deux exercices. C’est peu ou prou deux fois mieux que ce que nous escomptions ; nous devons tous nous en réjouir.
Bien entendu, on observe des différences entre les diverses catégories de collectivités locales. Le bloc communal est celui qui a le mieux résisté : son épargne brute est en recul de 6,5 %. Cette tendance est bien marquée pour les intercommunalités, dont la capacité d’autofinancement n’enregistre qu’une diminution de 4,1 %, ainsi que pour les petites communes, celles de moins de 3 500 habitants, qui voient même globalement leur épargne augmenter de 2,4 %. Ce phénomène s’explique par des économies de fonctionnement et par le fait que les recettes de ces communes sont largement composées de fiscalité locale et de dotations complètement imperméables à la crise.
Les départements essuient pour leur part une dégradation plus nette de leur épargne brute, de 14 %, sous l’effet d’un alourdissement des charges sociales. En revanche, leurs recettes continuent de progresser en 2020, en large partie parce que les DMTO n’ont pas diminué autant que prévu – la baisse se limite en définitive à 1,6 %.
Quant aux régions, elles perdent 21,6 % d’épargne brute du fait d’une progression significative de leurs dépenses d’intervention, alors que leurs recettes ont été relativement bien préservées grâce aux garanties de l’État.
Ces résultats bien meilleurs qu’escomptés ont pu être obtenus grâce à des mesures inédites que nous avons prises et qui ont protégé les budgets locaux en traitant leurs points de fragilité.
Dès le mois de juin 2020, en projet de loi de finances rectificative et à la suite des premières recommandations émises par Jean-René Cazeneuve dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée, nous avons mis en place la clause de sauvegarde des recettes fiscales et domaniales, garantissant à chaque commune, à chaque intercommunalité et à chaque syndicat de transport ou de loisirs de pouvoir percevoir une aide si le montant de ses recettes fiscales en 2020 tombe en deçà de la moyenne 2017-2019.
Nous avons également mis en place des avances aux départements sur le produit des DMTO, comme l’avait demandé l’Assemblée des départements de France (ADF). Nous avons ouvert 1 milliard d’euros de DSIL en cours d’exercice pour permettre aux nouvelles équipes municipales de lancer des projets d’investissement dès leur installation sans attendre 2021. Parallèlement, nous avons offert aux collectivités des facilités comptables leur permettant d’étaler des charges liées à la crise sur cinq budgets.
J’ajoute que la loi de finances pour 2021 a fait la part belle aux collectivités locales, notamment grâce aux accords trouvés dans le cadre du débat parlementaire. Nous avons reconduit le filet de sécurité et garanti les fonds départementaux de péréquation des DMTO pour les petites communes.
Pour ce qui est des départements, nous avons ouvert un fonds de stabilisation de 200 millions d’euros, lesquels s’ajoutent aux 115 millions d’euros de 2020. Nous prévoyons également de garantir leur fonds de péréquation à son niveau habituel.
Concernant les régions, nous avons fait d’une pierre deux coups en supprimant leur CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), afin d’épauler les entreprises, et en la remplaçant par une fraction de TVA, ce qui permet aux régions d’être protégées de la baisse de CVAE attendue en 2021. Enfin, nous avons ouvert 1,5 milliard d’euros de dotations d’investissement de relance supplémentaires, ces dotations s’ajoutant à d’autres aides spécifiques.
Bien entendu, nous ne sommes pas au bout de la crise ; nos efforts doivent se poursuivre. Ces efforts doivent être guidés par quatre principes.
Premier principe : il faut suivre en continu – vous avez eu tout à fait raison de le préciser – la situation financière des collectivités locales et en rendre compte devant le Parlement. C’est un travail sur lequel les services que je dirige avec Jacqueline Gourault ainsi que ceux d’Olivier Dussopt sont en permanence mobilisés. Un groupe de travail spécifique a été constitué avec les associations représentant le bloc communal pour partager les données au fur et à mesure. Il se réunit toutes les six semaines environ, et les comptes rendus de réunions sont transmis aux commissions des finances des deux assemblées.
Deuxième principe : il faut rassurer, car les perspectives pour 2021 sont loin d’être sombres. Selon les premières estimations, les recettes des collectivités devraient augmenter en 2021. À notre connaissance, les seuls produits fiscaux qui devraient diminuer sont ceux de la CVAE, de la taxe d’aménagement et de la taxe sur les remontées mécaniques. Ce n’est pas rien, mais c’est aussi très rassurant : cela signifie que l’immense majorité des recettes sont à l’abri. Rassurantes, au demeurant, sont les premières données pour 2021 : la CVAE ne devrait diminuer que de 1,1 %, le versement mobilité a progressé de 3,8 % sur le premier trimestre et les DMTO encaissés sur la même période augmentent de 10 % par rapport au premier trimestre de 2020.
Troisième principe : ne pas hésiter à proposer des aides supplémentaires quand la situation l’exige. C’est ce que nous allons faire dès demain en ouvrant, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, un fonds de 200 millions d’euros pour aider les collectivités confrontées à des pertes de recettes tarifaires ayant entraîné des difficultés budgétaires. Cette aide – c’est important – concernera aussi bien les services publics industriels et commerciaux que les services publics administratifs, afin de couvrir un large panel de situations.
Quatrième principe : il faut rester vigilant quant à l’exécution de France Relance. Nous avons dressé un premier état des lieux début mai, date à laquelle 80 % des dotations d’investissement ouvertes dans le plan de relance étaient programmées ou notifiées par les préfets. Nous vous rendrons compte en temps réel de l’actualisation de ce chiffre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le constater, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour que le coût de la crise reste soutenable pour les finances locales et laisse aux collectivités la possibilité d’investir pour l’avenir du pays. (M. Didier Rambaud applaudit.)
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Depuis le début de la crise sanitaire, en mars 2020, nos finances publiques sont prises en étau : d’un côté, le ralentissement de l’activité économique a provoqué et va provoquer une diminution des recettes fiscales ; de l’autre, les mesures de soutien, évidemment appréciées, ont entraîné une augmentation importante des dépenses publiques. C’est vrai bien sûr pour le budget de l’État : avec le soutien aux entreprises, aux salariés, à l’ensemble du secteur sanitaire, le déficit a dépassé les 200 milliards d’euros. Mais les difficultés existent aussi au niveau des collectivités locales et des services dont elles ont la charge.
Je veux évoquer ici le cas particulier des lieux d’accueil pour enfants gérés par des collectivités. En effet, les recettes dépendent de leur fréquentation effective. Or, pendant la crise, cette fréquentation a baissé ; les recettes ont donc baissé elles aussi, qu’il s’agisse de la participation des familles ou des aides de la CAF. Il en va de même de la cantine scolaire, le service, en outre, se faisant à table plutôt qu’au self. Pourtant, dans le même temps, les coûts des ressources humaines sont restés les mêmes : élevés. En effet, même lorsque les personnels étaient placés en autorisation spéciale d’absence, les collectivités ont dû assumer la continuité des charges salariales. De surcroît, les frais d’entretien des locaux ont doublé avec l’augmentation du nombre d’interventions et des achats de produits de désinfection, et il a bien sûr fallu acheter des masques et des blouses et organiser les vaccinations.
Il faut remercier les collectivités, communes, départements, qui ont effectué avec beaucoup de dévouement, pendant la crise du covid, un travail de proximité important et nécessaire.
Vous nous avez certes un petit peu rassurés, monsieur le secrétaire d’État, mais beaucoup d’élus s’inquiètent de l’impact de cette situation sur les finances publiques locales. Quels sont les dispositifs nouveaux qui permettront aux collectivités de faire face, d’une part, à la baisse des recettes et, d’autre part, à l’augmentation des dépenses ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Chasseing, comme je viens de l’annoncer, le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté demain en conseil des ministres comporte un dispositif d’aide au profit des communes, plus précisément des services qui sont gérés en régie et ont été confrontés à une baisse des recettes tarifaires en 2020. Je rappelle qu’il s’agit là d’un engagement pris par le Premier ministre au mois de mars, sur lequel Jacqueline Gourault, Olivier Dussopt et moi-même travaillons depuis plusieurs semaines.
Le constat que nous avons fait est celui d’une baisse nette de 30 %, en 2020, des recettes dites « liées à la fourniture de prestations de services à caractère social, périscolaire ou culturel » pour le bloc communal, alors même que les recettes de fonctionnement ne diminuent globalement que de 1 %. Ces pertes de recettes sont assez localisées ; elles touchent un nombre limité de communes, en particulier des communes très peuplées dotées de nombreux équipements ou de petites communes où se trouve un équipement très spécifique, par exemple des thermes, un centre thermoludique ou un centre aqualudique géré en régie.
Concernant le dispositif lui-même, je tiens à préciser qu’il s’agira d’une dotation budgétaire et non d’un système d’avance remboursable. Le montant qui sera inscrit au budget – je l’ai dit précédemment – s’élèvera à 200 millions d’euros, ce qui est une somme substantielle. Il sera décliné en deux volets, comme je l’ai indiqué.
Un premier volet compensera les pertes d’épargne brute auxquelles sont confrontés les services publics industriels et commerciaux en s’inspirant de la logique de compensation qui avait été retenue pour les entreprises privées – le but du système est l’équité.
Un second volet consiste à créer un fonds d’urgence au profit des communes et des groupements de communes à raison de leurs pertes de recettes tarifaires et de la fragilisation de l’équilibre de leurs services publics administratifs, selon des critères que nous devrons préciser au cours du débat parlementaire afin de cibler l’argent public sur les collectivités qui connaissent de réelles difficultés tarifaires. Il faudra évidemment regarder comment se sont comportées les recettes des services scolaires et périscolaires et des services de cantine, que vous signalez à mon attention, pour déterminer par quels moyens il sera possible d’aider ces collectivités en difficulté.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Lorsque, le 16 mars 2020, l’ensemble des structures scolaires et périscolaires et des équipements publics ont été amenés à fermer, nombre d’agents territoriaux ont été placés en autorisation spéciale d’absence ou en télétravail, quand d’autres sont restés en présentiel.
Beaucoup de collectivités ont eu du mal à anticiper la gestion de leur personnel lors de cette crise exceptionnelle.
L’enquête intitulée La crise sanitaire et ses impacts en matière de gestion des ressources humaines réalisée par les associations de collectivités a révélé que les mesures d’accompagnement prises en matière de ressources humaines avaient eu un impact financier significatif pour la majorité des communes.
Les collectivités et les établissements publics ont démontré une véritable capacité d’adaptation là où il s’est agi d’assurer leurs missions de service public. Il n’en demeure pas moins que beaucoup d’agents territoriaux ont fréquemment exercé des fonctions inhabituelles par rapport à leur cadre d’emploi, les collectivités ayant dû intervenir dans des domaines outrepassant leurs compétences habituelles.
Pour honorer cet engagement sans faille, un dispositif de primes pouvait être institué, mais tous les agents n’ont pu en bénéficier, toutes les collectivités ne pouvant se le permettre. Selon l’étude précitée, 100 % des communes de plus de 50 000 habitants ont délibéré d’instituer une prime, contre seulement 23 % des communes de moins de 2 000 habitants.
Vous en conviendrez, il était difficile pour ces petites communes, dont l’équilibre budgétaire est fragile, de verser des primes tout en supportant les surcoûts liés à l’acquisition de matériel de protection ou destiné au télétravail, au paiement des heures supplémentaires, à la prise en charge du coût du remplacement des agents placés en ASA ou du coût inhérent à l’élaboration d’un plan de continuité d’activité.
La crise sanitaire n’est pas encore derrière nous et d’autres crises de ce genre pourraient survenir.
Monsieur le secrétaire d’État, comment comptez-vous renforcer les moyens des collectivités, notamment des plus petites, afin de limiter les disparités entre les agents territoriaux ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Salmon, je voudrais tout d’abord m’associer à l’hommage que vous rendez aux agents publics, qui n’ont pas ménagé leur peine pendant cette crise – j’en suis moi-même le témoin, ayant bénéficié des services du centre de vaccination d’une intercommunalité de 6 000 habitants.
Pour récompenser les agents méritants, la loi de finances rectificative d’avril 2020 a prévu la possibilité d’attribuer une prime exceptionnelle d’un montant maximal de 1 000 euros. Cette prime s’adresse aux agents qui se sont particulièrement mobilisés pour assurer la continuité de l’activité de la collectivité au prix d’un surcroît de travail, que ce soit en présentiel ou en télétravail.
Conformément aux règles qui organisent la libre administration des collectivités territoriales, celles-ci avaient toute latitude pour fixer le montant qu’elles souhaitaient attribuer. Bien entendu, le coût de la prime est à la charge de l’employeur. Je vois mal, au demeurant, quelle serait l’alternative : nous n’allons pas demander au contribuable national de payer des décisions qui relèvent de la gestion des ressources humaines d’une collectivité locale.
Cette question se pose d’ailleurs, en réalité, depuis 1982 : elle n’est pas spécifique à cette crise. Le constat que vous établissez, selon lequel les petites collectivités recourent moins que les autres à ce système de prime, vaut depuis toujours pour le montant des indemnités de droit commun versées par les collectivités selon leur taille. Je ne crois pas qu’il faille pour autant mélanger les responsabilités en matière de décisions de politique salariale.
À noter toutefois que le législateur a décidé d’exonérer la prime d’impôt sur le revenu ainsi que de cotisations et de contributions sociales, ce qui représente tout de même une économie pour les employeurs territoriaux, dont une partie de la charge s’est retrouvée en fait payée par l’État.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.
M. Daniel Salmon. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse, dans laquelle je sens poindre néanmoins un certain fatalisme concernant la persistance d’une disparité entre agents territoriaux. En la matière, il n’est certes pas facile de lutter, mais il faut y réfléchir.
Cette période aura au moins permis de souligner l’importance des services publics, ces derniers constituant une force en tout temps, a fortiori en période de crise. Il est fondamental de conserver, je dirais même de fortifier, la vigueur de notre service public, bien commun s’il en est, à rebours des politiques actuelles.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. La réalité financière doit être observée avec pragmatisme. Nos mandats de parlementaires nous le rappellent : les collectivités locales ont fourni des efforts colossaux, de même que l’État et que les Français. Mais – cela a déjà été dit – le coût de la crise est particulièrement élevé pour les collectivités territoriales de notre pays, et il l’est d’autant plus pour les collectivités situées en montagne.
En tant qu’élu du département de l’Isère, j’ai à cœur l’avenir de la montagne, comme vous, monsieur le secrétaire d’État, qui venez des Hautes-Alpes. L’économie en montagne a été particulièrement affectée, avec une année blanche pour la saison hivernale. Pourtant, la montagne est un secteur clé de la relance économique française. Souvenons-nous que le tourisme en montagne représente 20 milliards d’euros de retombées économiques, dont 10,5 milliards d’euros pour nos 350 stations de ski !
En pleine urgence, le Gouvernement a agi pour soutenir les acteurs locaux. Plus de 5 milliards d’euros ont été déployés durant la crise. Mais les collectivités locales de montagne ont plus que jamais besoin du soutien de l’État.
La semaine dernière, en Savoie, le Premier ministre a annoncé le lancement du plan Avenir montagnes. Avec ce plan concret et prometteur, le Gouvernement entend répondre aux attentes de ces territoires.
Dotations d’investissements, contrats de plan interrégionaux État-région de massif, soutien à l’ingénierie : autant de dispositifs concernés par les mesures de relance, qui s’élèvent à plus de 480 millions d’euros, destinées à soutenir nos singuliers territoires de montagne.
Comme de nombreux élus de ces collectivités, je suis convaincu que nous devons agir pour redonner une impulsion à celles-ci. Je suis également convaincu que les acteurs locaux sauront tirer profit de ce plan Avenir montagnes.
Cela dit, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous poser deux questions : comment ces 480 millions d’euros seront-ils répartis entre les six régions concernées ? Quel est le calendrier envisagé pour leur versement ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, cher Didier Rambaud, votre question me donne l’occasion de parler du plan Avenir montagnes, que je veux saluer non seulement parce qu’il répond véritablement aux enjeux qu’affrontent aujourd’hui les montagnards, mais aussi parce qu’il s’agit du premier plan d’investissement pour la montagne depuis le plan Neige des années 1960. Je tenais à le préciser, au nom de notre attachement commun à la montagne.
Le Premier ministre a rappelé, la semaine dernière, que 5,4 milliards d’euros avaient été déployés en faveur des territoires de montagne, soit pour gérer l’urgence, soit pour mettre en œuvre la relance. Sur ce total, 480 millions d’euros étaient dédiés au soutien aux collectivités locales de montagne.
Pour connaître plusieurs pays étrangers où l’on pratique le ski, je puis vous assurer que ce plan est sans commune mesure avec ce qui a pu être mis en place dans ces États. On nous a souvent reproché la fermeture des remontées mécaniques en France, alors qu’elles étaient ouvertes ailleurs. Certes, mais il convient de préciser que, dans de nombreux pays d’Europe, le chômage partiel n’existe pas. Ainsi les systèmes d’indemnisation font-ils défaut en Suisse, en Italie, en Autriche. Il faut donc raison garder…
Sur ces 480 millions d’euros dédiés au soutien aux collectivités locales, 36 millions d’euros correspondent à la garantie apportée par l’État aux communes et intercommunalités pour les pertes de recettes fiscales et domaniales, 201 millions d’euros représentent la dotation d’investissement dans le cadre du déploiement de France Relance, 242 millions d’euros sont consacrés à l’abondement des contrats de plan interrégionaux État-région de massif. Il faut y ajouter la compensation, à hauteur de 38,5 millions d’euros, qui sera versée directement aux régies de remontées mécaniques. Sur cette question importante, nous avons dû batailler avec Bruxelles pour obtenir ce résultat.
Sur les nouveaux crédits qui ont été annoncés par le Premier ministre, 300 millions d’euros sont dédiés à l’investissement, à parité avec les régions, que je salue pour cet effort considérable, et 31 millions d’euros sont consacrés à l’ingénierie dont les plus petits territoires ont besoin pour que la montagne, demain, puisse être résiliente.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac.
M. Christian Bilhac. Les collectivités territoriales ont pris leurs responsabilités pendant cette crise sanitaire. Face à la pénurie de masques, elles n’ont pas ménagé leurs efforts pour approvisionner la population. Aujourd’hui, elles contribuent aussi, en partenariat avec l’État, à l’organisation du dépistage et à la vaccination à grande échelle. Enfin, elles continuent d’assurer les services courants, moyennant une adaptation rapide mais coûteuse aux contraintes imposées par les restrictions sanitaires.
Toutes ces actions ont un coût, et les collectivités locales ont fait face à des pertes inédites de recettes, alors même qu’est entrée en vigueur la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. Selon l’Association des maires de France, les communes et intercommunalités subiraient 6 milliards d’euros de pertes sur trois ans, liées à la crise sanitaire. Pour l’ensemble des collectivités territoriales, le coût devrait dépasser les 10 milliards d’euros.
Ces pertes ont été, il est vrai, en partie compensées dans le cadre des lois de finances. Nombre d’attentes reposent désormais sur la territorialisation du plan de relance.
Si l’on en croit le ministre délégué Olivier Dussopt – vous l’avez vous-même souligné, monsieur le secrétaire d’État –, les collectivités locales auraient été les acteurs publics les plus résistants budgétairement face à la crise, par comparaison avec l’État et la sécurité sociale. Dans ces conditions, le risque existe que les collectivités soient, une fois de plus, sollicitées lorsque viendra le moment de rembourser la dette covid.
Dans son rapport, Jean Arthuis a proposé de pérenniser et d’étendre le pacte de Cahors, en contradiction avec le principe de libre administration des collectivités territoriales. Ce serait, me semble-t-il, un retour en arrière de quarante ans et un abandon des grands principes des lois Defferre de 1982. Envisagez-vous, monsieur le secrétaire d’État, de suivre les préconisations de M. Arthuis ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Bilhac, la lutte contre les conséquences de la crise sanitaire a imposé une augmentation massive des dépenses publiques, tandis qu’en parallèle les recettes publiques diminuaient. Cet effort était indispensable pour maintenir les emplois et le tissu économique du pays.
Le besoin de financement qui en résulte a été couvert par une augmentation de la dette, dont le montant a progressé de 270 milliards d’euros aujourd’hui. Cependant, la progression de cette dette est très inégalement répartie entre les différentes catégories d’administrations : 65 % de la dette supplémentaire a été acquise par l’État, 28 % par la sécurité sociale et 7 % par les collectivités locales – plus de la moitié de ces 7 % résulte de l’endettement de la Société du Grand Paris. Autrement dit, les collectivités elles-mêmes n’ont contracté que 8,5 milliards d’euros de dette supplémentaire.
Vous avez raison, il conviendra malgré tout de rembourser cette dette covid, tout comme les autres dettes préexistantes. Or, en la matière, il n’existe pas de solution miracle – ce n’est pas à un radical que je vais l’apprendre. (Sourires.) Cela a d’ailleurs été rappelé par la commission des finances il y a une dizaine de jours.
Nous l’avons dit, nous n’augmenterons pas les prélèvements obligatoires. Nous avons donc deux solutions non exclusives pour faire en sorte que les dépenses augmentent moins vite que les recettes : d’une part, stimuler notre croissance, et donc nos recettes, et, d’autre part, maîtriser notre dépense, ce que préconise le rapport Arthuis en présentant les voies à emprunter pour stabiliser notre endettement.
La règle proposée par Jean Arthuis a le mérite de la simplicité. Elle consiste à poser le principe que les dépenses augmentent tendanciellement moins vite que les recettes, avec un objectif pluriannuel de dépenses pour cinq ans, en veillant à ne pas dépasser ce plafond sur le quinquennat. Je constate que plusieurs parlementaires ont déposé des propositions de loi organique prévoyant des règles qui ressemblent beaucoup à celle-ci.
Une telle règle est compatible avec notre souhait d’isoler une fraction de la dette de l’État, afin de lui appliquer un schéma d’amortissement spécifique. En l’occurrence, le Gouvernement a proposé, dans le programme de stabilité présenté à la Commission européenne, d’amortir 140 milliards d’euros de dette covid au rythme de la croissance.
C’est donc une stratégie qui peut tout à fait être appliquée par les collectivités sur leur dette : elles peuvent piloter leur stratégie de désendettement en identifiant une fraction de la dette covid. Cette identification est facilitée par la mise à disposition par les collectivités d’annexes budgétaires dédiées aux comptes administratifs pour 2020, 2021 et 2022.
La commission Arthuis préconise de maîtriser la dépense locale en s’inspirant des contrats de Cahors. Il faut avoir ce débat, car il est sain. En effet, qu’elle relève des collectivités locales ou de l’État, notre dette ne saurait dépasser les capacités de notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bilhac, pour la réplique.
M. Christian Bilhac. Il ne faudrait pas demander aux collectivités locales, qui gèrent comme des fourmis, de rembourser la dette de la cigale qu’est l’État ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Un constat ressort des travaux des associations d’élus, du Sénat, de la mission Cazeneuve : les collectivités subissent de plein fouet la crise sanitaire. L’impact sur leurs budgets s’évalue à plusieurs milliards d’euros sur plusieurs années, avec des pertes de recettes et des hausses de dépenses alimentant un effet ciseau.
Les départements assument une hausse de 7,3 % de dépenses sociales liées au RSA, jusqu’à 13 % dans le département du Val-de-Marne ! Face aux baisses de recettes, leur capacité d’autofinancement chute de 14 % par rapport à 2019.
Lors des lois de finances rectificatives, nous avons tenté de sauver ce qu’il leur restait d’autonomie : dans notre proposition de loi de soutien aux collectivités, puis dans la loi de finances pour 2021, avec un véritable appui faisant d’elles les actrices de la relance. Le Gouvernement a préféré apporter des solutions tardives, laissant les collectivités dans une position précaire. Les départements sont exclus du « filet de sécurité », déjà très limité, du bloc communal. Le dispositif d’avances remboursables pour compenser les pertes de droits de mutation à titre onéreux est passé de 2,7 milliards à 119 millions d’euros ! Pourquoi ne pas avoir réorienté cet argent vers les collectivités ?
Dans le même temps, les prêts garantis par l’État atteignent 135 milliards d’euros. Le coût pour les dépenses publiques serait au moins de 6 milliards d’euros. Cet argent bénéficie à des entreprises telles que Renault, qui a reçu un prêt de 5 milliards d’euros mais a décidé, sans concertation avec les élus, de fermer son usine de Choisy-le-Roi dans le Val-de-Marne.
Monsieur le secrétaire d’État, comment justifier une gabegie d’une telle ampleur, quand le Gouvernement ne compense pas correctement les 4 milliards d’euros de surcoût accusés par les collectivités pour 2021 ? Allez-vous corriger le tir dans le projet de loi de finances rectificative présenté demain en conseil des ministres ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Savoldelli, les départements n’ont pas été oubliés par le Gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire, puisqu’ils ont également bénéficié de mesures spécifiques dans le cadre de la loi de finances rectificative de juillet 2020, la LFR 3, et dans la loi de finances pour 2021.
La loi a d’abord permis à chaque département qui en faisait la demande de bénéficier d’une avance de l’État remboursable sur trois ans, si le montant des droits de mutation à titre onéreux était en 2020 inférieur à celui perçu en moyenne entre 2017 et 2019. Ce sont huit départements qui pourront in fine être bénéficiaires de cette avance, pour un montant de 119 millions d’euros. Bien entendu, nous avions provisionné davantage, mais c’était à l’époque où nous pensions que les DMTO diminueraient de 25 % ; or, au final, ils se sont repliés de 1,6 % et ont même augmenté dans deux tiers des départements.
Pour faire face à la progression des allocations individuelles de solidarité, les lois de finances pour 2020 et 2021 ont maintenu ou amplifié plusieurs dispositifs de soutien exceptionnel. D’une part, la loi de finances pour 2021 a maintenu le fonds de stabilisation versé aux départements en 2021 et l’augmente même à hauteur de 200 millions d’euros. D’autre part, la loi de finances pour 2020 octroie aux départements chaque année, à compter de 2021, une fraction dynamique de la TVA de 250 millions d’euros, qui s’ajoutera à celle qui vient en compensation de leurs pertes de taxe foncière sur les propriétés bâties. En outre, la loi de finances pour 2021 institue une enveloppe de 300 millions d’euros pour soutenir les investissements des départements en faveur de la rénovation thermique de leurs bâtiments.
L’ensemble de ces mesures traduit en tout état de cause l’ampleur du soutien et de l’attention apportés par le Gouvernement aux départements.
Nous continuerons, bien sûr, à travailler avec les départements sur les questions financières ; Jacqueline Gourault et Olivier Dussopt ont d’ailleurs tenu une réunion avec l’ADF voilà deux semaines. Il a été convenu d’étudier des améliorations possibles des mécanismes de clause de sauvegarde : je veux parler des règles qui permettraient de lisser les recettes départementales afin d’en provisionner une partie les bonnes années pour les réinjecter lors des années plus difficiles budgétairement.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous sommes depuis quatre ans à l’écoute des départements, et nous continuerons de l’être, particulièrement en cette période de sortie de crise.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai entendu égrener les dispositions que vous avez prises en faveur des départements. Mais, ici, chacun a sorti sa calculette… Vous avez beau additionner quelques centaines de millions d’euros, de deux choses l’une : soit je suis un menteur, et cela ne me vexe pas qu’on me le dise à condition que l’on avance des arguments, soit j’ai donné les bons chiffres.
Le dispositif d’avances remboursables permettant de compenser les pertes sur le produit des DMTO est-il bien passé de 2,7 milliards à 119 millions d’euros ? Je réponds oui, et c’est aussi ce que vous venez de reconnaître.
M. Pascal Savoldelli. Comment les départements peuvent-ils se projeter ? La question est d’importance.
Alors que nous sommes à quelques semaines d’un scrutin, vous nous faites siéger ici pour faire passer des lois et des réformes : le projet de loi 4D, puis le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté en conseil des ministres… Il ne faut pas s’étonner que nos concitoyennes et nos concitoyens s’éloignent du politique quand on les traite ainsi ! Car, ce qu’on leur dit, c’est : « Vous avez le droit de voter, mais on décidera avant, et on décidera aussi après ! »
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Pascal Savoldelli. J’ai trouvé votre réponse très évasive, monsieur le secrétaire d’État !
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros.
M. Bernard Delcros. Dès le début de la crise sanitaire, le Gouvernement a pris les mesures qui étaient nécessaires pour maintenir le pays debout sur les plans économique et social. Dans un second temps, à partir du PLFR de juillet dernier, une série de dispositions ont été adoptées en faveur des collectivités locales. Mais il demeure des angles morts, des zones non couvertes. Je voudrais revenir sur la question des régies, déjà évoquée.
Les mesures prises en 2020 ont créé une disparité entre les collectivités qui ont choisi de gérer leurs services au travers d’une DSP, auquel cas le délégataire a pu bénéficier de toutes les aides en faveur du secteur privé mises en place par le Gouvernement, et celles qui ont fait le choix, tout à fait respectable, des régies et qui n’ont bénéficié d’aucune aide. Cette situation devrait trouver une réponse dans le projet de loi de finances rectificative que nous examinerons prochainement. J’ai moi-même participé au groupe de travail mis en place par le ministère de la cohésion des territoires et par celui chargé des comptes publics.
Ma question porte sur les critères qui pourraient être retenus pour accompagner les collectivités. En effet, la fragilité d’une commune ou d’une intercommunalité ne se mesure pas au montant de la perte subie, mais à la part que représente cette perte dans les recettes de fonctionnement de la collectivité, et donc à sa capacité à l’assumer. Par exemple, une perte de seulement 20 000 ou 30 000 euros consécutive à la fermeture d’un gîte d’étape dans une petite commune, disons de montagne, dont la recette fiscale totale est inférieure à 100 000 euros, peut mettre cette collectivité en situation difficile et justifie qu’elle soit aidée.
Monsieur le secrétaire d’État, seriez-vous prêt à retenir comme l’un des critères de compensation de la fermeture des services gérés en régie la perte de recettes de la collectivité rapportée à ses recettes de fonctionnement, autrement dit la perte de recettes relative de cette collectivité ?
M. Jean-Paul Prince. Très bonne question !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, cher Bernard Delcros, je vous l’ai annoncé, un fonds de soutien de 200 millions d’euros est prévu dans le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté demain en conseil des ministres. Ce travail était considérable, car nous devions trouver des solutions pour l’ensemble des modes de gestion des collectivités.
Dans le plan Avenir montagnes, nous avons trouvé une solution qui a fait l’objet d’une notification à la Commission européenne : il s’agit des régies relatives aux remontées mécaniques, un dispositif très spécifique et très massif.
Pour autant, il fallait aussi trouver des solutions pour l’ensemble des points auxquels vous avez fait allusion. Par exemple, si un gîte communal subit une perte de recettes significative au regard du budget de la commune, nous appliquerons une logique de compensation. Cette logique s’appliquera, à la fois, aux services publics industriels et commerciaux et aux services publics administratifs, sachant que les nomenclatures comptables ne sont pas forcément homogènes d’un département à l’autre. Ce travail est donc particulièrement complexe.
Je veux vous rassurer sur un point. Pour ce qui concerne les problèmes de pertes tarifaires, lorsque j’étais encore parlementaire, j’avais avec plusieurs collègues attiré l’attention du Gouvernement sur les risques appelés à perdurer si la crise se prolongeait. Nous ne savions pas, à l’époque, ce qui allait se passer en matière de reconfinement, de nouvelles fermetures d’établissements, de maintien prolongé de ces fermetures. Aujourd’hui, nous disposons de chiffres – à cela près qu’il faut les examiner de très près, car ils ne sont pas toujours comparables d’un point de vue comptable.
Vous avez eu raison de souligner que ce sont souvent les collectivités les plus fragiles qui ont fait le choix de la mise en régie. En effet, la gestion de ces services n’intéresse pas les opérateurs privés.
Encore une fois, tous ces éléments sont pris en compte au travers du fonds de 200 millions d’euros prévu dans le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté demain en conseil des ministres.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour la réplique.
M. Bernard Delcros. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour cette réponse qui va dans le sens que nous souhaitons.
Vous l’avez rappelé, les petites communes ont globalement plutôt bien résisté à la crise. Pour autant, les disparités sont très fortes, y compris à l’intérieur d’une même strate de collectivités.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cette séance est pour moi l’occasion d’évoquer l’un des échelons les plus touchés par l’impact de la crise : la région.
En tant qu’élu de Bourgogne-Franche-Comté, je reviendrai sur les pertes de ressources constatées par notre région et je m’interrogerai sur les compensations apportées par l’État.
La crise, c’est avant tout des dépenses en plus.
La région Bourgogne-Franche-Comté, comme d’autres, a joué son rôle pour accompagner nos concitoyens sur notre territoire. Nous avons parfois été trop efficaces d’ailleurs, puisqu’il est arrivé que l’État réquisitionne nos commandes de masques sur le tarmac de l’aéroport de Bâle-Mulhouse.
Notre action ne s’est pas limitée à cette urgence ; nous avons aussi déployé des dispositifs de soutien économique d’envergure : 38,8 millions d’euros pour les commerçants, artisans et TPE ; 12,6 millions d’euros pour les structures de l’événementiel, de la culture et des acteurs du tourisme ; 10 millions d’euros pour les équipements dans les hôpitaux et une aide financière aux indemnités de stages pour les élèves aides-soignants et infirmiers ; 5,6 millions d’euros pour les associations ; 4 millions d’euros pour les étudiants. Il s’agit de choix politiques, qui ont été différents selon les régions, mais aussi de nécessités pour répondre à la crise.
Au total, ce sont des aides à hauteur de 540 millions d’euros que nous avons votées, parfois en complément des aides d’État, pour soutenir la reprise économique et les emplois.
Mais la crise, c’est surtout des recettes en moins.
Mes chers collègues, dans vos régions aussi, l’exploitation ferroviaire a été, logiquement, bouleversée par la crise, avec une fréquentation réduite de moitié. Les recettes sont ainsi passées dans notre région de 83 millions à 40 millions d’euros. Même en réduisant le trafic de 25 %, nous n’avons pu réduire nos dépenses que de 5 % ou 6 %, notamment en raison de la stabilité des charges d’amortissement du matériel et des frais de personnel. La situation est même plus grave en 2021 qu’en 2020, année lors de laquelle le plan de transport avait été réduit de 90 %.
Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’État : quelle sera la compensation de l’État sur ce volet ? Les agglomérations qui touchaient le versement transport ont pu bénéficier de compensations par l’État ; qu’en est-il des collectivités régionales ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, je vais tenter de répondre à votre question et de vous donner un éclairage d’ensemble sur la région Bourgogne-Franche-Comté.
Pour ce qui concerne les régions, un certain nombre de garanties ont été mises en place. Par exemple, le switch TVA-CVAE, que j’ai évoqué dans mon propos liminaire, a permis de compenser les pertes des collectivités régionales à hauteur de 215 millions d’euros. Une garantie relative aux pertes de recettes de TVA et de TICPE a également été prévue.
Par ailleurs, nous avons la dotation régionale d’investissement, à hauteur de 600 millions d’euros, dont 25 millions d’euros sont fléchés vers votre région.
Ces mesures prises par le Gouvernement en faveur des régions sont importantes.
En Bourgogne-Franche-Comté, 541 communes ont reçu une aide à hauteur de 5,1 millions d’euros pour compenser leurs pertes de recettes fiscales et domaniales. Cette aide vient combler la totalité de l’écart entre les recettes fiscales et domaniales entre 2020 et la moyenne de référence. Les communes de Chalon-sur-Saône ou de Bourbon-Lancy ont ainsi reçu 160 000 euros ; ce montant me semble significatif.
S’agissant des AOM, l’une d’entre elles a reçu une compensation fiscale au vu de la baisse importante de son versement mobilité et cinq ont reçu des avances remboursables à hauteur de 21 millions d’euros.
Par ailleurs, les collectivités de la région vont recevoir, ou ont déjà reçu, notification d’une dotation de relance de 117 millions d’euros, qui vient s’ajouter aux moyens ordinaires comme la DSIL. Pour votre région, cette dotation s’élève à 25 millions d’euros par an.
L’histoire ne s’arrête pas là. Des aides complémentaires vont permettre de soutenir certaines régies en difficulté financière.
Toujours sur les AOM, nous avons confié une mission à Philippe Duron ; son rapport, qui sera rendu au mois de juin, nous permettra de faire des ajustements.
Au-delà de la collectivité régionale, qui a bénéficié d’un certain nombre de compensations, c’est l’ensemble du territoire de la Bourgogne-Franche-Comté qui a bénéficié d’un système particulièrement résilient en termes de compensations.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Il est acquis que cette crise sanitaire a enfanté une crise économique n’épargnant ni les finances locales ni les finances publiques. Ce débat essentiel pour nos élus locaux, et proposé par Les Républicains, montre bien l’intérêt irréductible porté par notre groupe aux enjeux en lien avec nos territoires.
Les collectivités ont affronté, vous le savez, cette crise avec dynamisme, ne lésinant pas sur les dépenses afin de satisfaire les besoins nécessaires exprimés par leurs administrés, et pas uniquement leurs habitants. Soignants, enseignants, commerçants : tous ont bénéficié et bénéficient encore de leur aide, et ce depuis le début de la crise. Les dépenses sont estimées par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité à environ 6 milliards d’euros.
L’État avait pourtant annoncé un soutien financier aux collectivités locales, un plan d’accompagnement qui devait être massif, extrêmement ambitieux, et toucher entre 12 000 et 14 000 communes et intercommunalités. Au final, 2 300 à 2 500 communes et une centaine d’EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) sont concernés, avec un plafond nettement diminué.
Les collectivités, monsieur le secrétaire d’État, ressortent exténuées, et le budget de la plupart d’entre elles est épuisé.
L’AMF redoute que la baisse de recettes tarifaires soit compensée par une hausse de la taxe foncière, car c’est l’un des seuls leviers, finalement, dont les collectivités territoriales disposent pour compenser cette situation.
Une fois de plus, l’État fait porter la responsabilité de l’augmentation de la pression fiscale aux collectivités, en n’assumant pas jusqu’au bout les missions qui lui incombent. Ce n’est pas aux contribuables de payer cette facture.
Le Gouvernement ne cesse de se retrancher derrière un argument consistant à répondre aux élus que des économies ont été faites en raison du ralentissement de certaines activités. C’est vrai, par exemple, dans ma commune d’Antibes Juan-les-Pins, où ces économies représentent 1,5 million d’euros. Mais faisons preuve de rigueur et, surtout, de sincérité : les pertes de recettes de la ville sont estimées à 9,5 millions d’euros, et des dépenses supplémentaires à hauteur de 2 millions d’euros se sont imposées. Vous en conviendrez, malgré ces économies, ma ville déplore près de 10 millions d’euros de pertes nettes, soit 5 % du budget de la commune pour lesquels il n’y a pas de compensation.
Ma question est simple : pourquoi refusez-vous de compenser les dépenses des collectivités territoriales, afin qu’elles puissent continuer de s’investir pour faire face à cette crise sanitaire et économique que le pays traverse ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, j’aurais pu vous donner des chiffres très précis, notamment sur le département des Alpes-Maritimes et les différentes collectivités qui le composent, si j’avais connu la thématique générale de votre intervention.
Vous devez le reconnaître : lorsque l’on veut compenser, notamment des pertes tarifaires, il faut avoir une vision claire de l’équilibre des recettes et des dépenses. Je l’ai déjà dit en répondant à votre collègue qui me posait une question sur les départements : lorsque vous provisionnez 2,7 milliards d’euros en prévoyant un effondrement des DMTO et que la réalité est tout autre – dans un certain nombre de départements, il y a eu au contraire une augmentation des DMTO –, il y a peu de choses à compenser…
Je suis très conscient de l’effort fait par les collectivités locales, qu’il s’agisse de communes ou d’intercommunalités, ne serait-ce que pour l’accompagnement des personnes.
Depuis le 30 avril dernier, nous sommes en mesure de faire un bilan et nous voyons quelle est la réalité de l’effort conjoint que doivent consentir l’État et les collectivités locales. En effet, lorsqu’une crise survient, il y a toujours une proportionnalité entre les différentes collectivités. Je le disais précédemment, la part de la dette prise en charge par l’État est extrêmement importante.
J’entendais l’un d’entre vous dire que l’État n’avait pas été vertueux… S’il l’avait été, beaucoup de gens n’auraient aujourd’hui plus d’emploi !
Le département des Alpes-Maritimes a bénéficié de 14 millions d’euros, dont 9 millions d’euros pour la seule commune de Cannes. Vous le voyez, l’État a donc joué son rôle et continuera à le faire au travers du PLFR qui sera présenté demain, notamment sur les problématiques de régies.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Sans surprise, le coût de la pandémie que notre pays vient d’essuyer est particulièrement lourd pour nos finances locales.
Avant toute chose, il convient de souligner ici la réactivité remarquable de nos collectivités face à une épidémie dont la soudaineté et la violence sont sans égales dans l’histoire. Il nous faut également rendre hommage à leurs élus et à leurs personnels, qui ont pris en charge l’organisation de l’accès aux soins et l’achat de la distribution d’équipements de protection. Ils ont également tenté de pallier les effets de la fracture numérique, assurant coûte que coûte la continuité du service public. Ils ont surtout innové. Ainsi, le Grand Est a créé le fonds Résistance, mobilisant 44 millions d’euros afin de soutenir l’économie locale.
Nos collectivités ont, pour cela, engagé des dépenses exceptionnelles consistant, pour l’essentiel, en la rémunération de personnels remplaçants ou encore dans le versement de primes exceptionnelles, comme celle attribuée aux aides à domicile. Toutes dépenses que les économies réalisées sur certains postes, tels que les frais de déplacement, de restauration, de formation ou encore la non-reconduction de certains contrats, n’ont compensées qu’en partie.
Par conséquent, même si aujourd’hui tout n’est pas noir, il apparaît clairement que l’État doit combler les déficits entraînés par ces différentes opérations que les collectivités territoriales seules ne peuvent supporter. Aussi, pouvez-vous nous indiquer ce que le Gouvernement entend faire pour leur fournir toute l’aide financière dont elles ont besoin, en particulier pour ce qui est de la compensation des pertes de recettes tarifaires, y compris pour les EPCI compétents en matière de mobilité qui exploitent des services de transport en commun ? J’ai bien compris l’ouverture tardive, mais réelle, du Gouvernement sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Mizzon, je salue également l’implication des collectivités, notamment des conseils régionaux, non seulement dans l’appui aux entreprises, mais également dans d’autres dispositifs. Ainsi, dans le cadre du plan Avenir montagnes, l’ADF et l’ensemble des régions concernées ont été proactives afin que, pour 1 euro versé par l’État, 1 euro soit investi par les régions.
Vous avez cité le fonds Résistance mis en œuvre par la région Grand Est : c’est un très bon exemple de l’agilité des collectivités lorsqu’il s’agit de réagir aux difficultés. Mais je souhaite aussi rappeler que l’État n’a pas été moins agile et a joué tout son rôle, notamment auprès des entreprises.
Dans le Grand Est, à l’heure où je vous parle, nous avons déjà versé 1,8 milliard d’euros au titre du fonds de solidarité, mais aussi garanti 8 milliards d’euros de prêts aux entreprises. Ces montants sont très massifs !
L’État a aussi joué son rôle auprès des collectivités : 439 communes et 13 EPCI de votre région ont ainsi reçu 4,3 millions d’euros pour compenser leurs pertes de recettes fiscales et domaniales. Cette aide vient combler la totalité de l’écart entre les recettes fiscales et domaniales entre 2020 et la moyenne de référence de votre département. Par exemple, la métropole de Metz a reçu 1,2 million d’euros.
Concernant les AOM, quatre d’entre elles ont déjà reçu une compensation fiscale pour pallier une baisse très importante du versement mobilité et quatorze ont reçu des avances remboursables à hauteur de 30 millions d’euros. Par ailleurs, les collectivités de votre région vont recevoir, ou ont déjà reçu, une notification de 224 millions d’euros de dotation de relance, qui viennent s’ajouter aux moyens ordinaires, comme la DSIL, c’est-à-dire 50 millions d’euros par an.
Encore une fois, l’histoire ne s’arrête pas là : des aides complémentaires vont arriver pour soutenir les régies en difficulté financière.
Je le répète, s’agissant des SPIC (services publics industriels et commerciaux), des SPA (services publics administratifs) – je comprends les inquiétudes qui ont été exprimées à cet égard, ayant été maire pendant vingt-sept ans – et des AOM (autorités organisatrices de la mobilité), des ouvertures ont été faites. Le rapport que Philippe Duron doit nous remettre d’ici au mois de juin nous permettra ainsi de cadrer les choses le mieux possible.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous avez dit, dans votre propos liminaire, que les recettes des collectivités ne se portaient pas si mal que cela, j’ai eu peur que vous ajoutiez que c’était grâce à l’augmentation de la DGF. (Sourires sur les travées du groupe UC.) Vous auriez fait preuve d’un humour vraiment décapant…
Avec les 200 millions d’euros que vous évoquez, on est très loin du compte ! Pour les collectivités et leurs associations nationales, les montants sont bien supérieurs, dépassant les 2 milliards d’euros. Je ne sais pas comment vous arrivez à 200 millions, mais sachez que les associations d’élus, notamment l’AMF, estiment que le montant est plutôt dix fois supérieur.
Enfin, j’insiste sur la mobilité s’agissant des régies. Bénéficier d’une avance ou d’une dotation, ce n’est pas la même chose. J’espère que vous trouverez les voies et moyens, car je crois en votre bonne foi, permettant de compenser ces opérateurs qui le méritent fortement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.
M. Jean-Michel Houllegatte. En ce mois de juin qui commence, on ne peut évidemment pas s’empêcher de penser à la prochaine saison touristique qui s’engage. Or, si les perspectives sont plutôt positives en termes de fréquentation, bon nombre de collectivités sont inquiètes, car, le tourisme, c’est une multitude d’acteurs privés, associatifs et publics qui sont en grande difficulté.
Les offices de tourisme sont fortement fragilisés par la crise. D’une part, seuls les offices qui sont subventionnés à moins de 50 % ont pu bénéficier du chômage partiel ; d’autre part, la taxe de séjour, qui a été une recette dynamique entre 2012 et 2019 puisqu’elle est passée de 239 millions à 503 millions d’euros durant cette période, devrait, une fois tous les comptes administratifs consolidés, enregistrer une baisse qui pourrait aller, pour certaines communes, jusqu’à 40 %.
Or la taxe de séjour transite par les budgets des collectivités, et la compensation de sa perte est liée à la situation budgétaire des recettes fiscales et domaniales des derniers exercices de l’ensemble de la collectivité. Il peut s’avérer qu’une collectivité qui a eu de fortes dépenses liées au surcoût de la crise n’ait reçu aucune compensation, car ces recettes se sont globalement maintenues, alors que les recettes fléchées pour être reversées à l’office de tourisme se sont, elles, effondrées.
Monsieur le secrétaire d’État, cette situation ne mérite-t-elle pas une attention particulière ? Pouvez-vous nous confirmer que la compensation aux EPIC de tourisme figure bien dans le PLFR qui sera examiné demain en conseil des ministres.
De la même façon, dans un tout autre domaine, pouvez-vous m’assurer que les communes qui possèdent un casino, souvent très modeste mais dont les revenus de la taxe sur les jeux sont d’une importance vitale pour le budget communal, ont bien fait l’objet, cette fois-ci, d’une compensation intégrale ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Houllegatte, vous avez parfaitement raison de souligner que les communes touristiques font partie des communes les plus affectées par la crise sanitaire. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de compenser, et d’intégrer dans les mécanismes de compensation, les recettes perçues par ces communes. Je pense d’abord à la taxe de séjour, mais aussi au produit des jeux dans les communes qui accueillent des casinos.
Je précise que la taxe de séjour est compensée sur une base qui est celle de 2019 en raison des modalités d’évolution de perception de cette taxe. Je me rappelle fort bien avoir porté cet amendement lorsque j’étais rapporteur général à l’Assemblée nationale : la compensation devait se faire sur la base d’une moyenne qui ne représentait pas la réalité du dynamisme de la taxe.
En effet, nous avions élargi la base d’un certain nombre de contribuables supplémentaires qui ne payaient pas toujours la taxe de séjour, notamment dans les régions très touristiques. Par ailleurs, il fallait prendre en compte la problématique de la montée en puissance de nombreuses intercommunalités sur ce sujet. L’amendement que j’évoque nous permet aujourd’hui d’avoir une base beaucoup plus intéressante que celle qui avait été initialement prévue : la moyenne de 2017 à 2019.
Maintenant, si on regarde les résultats, on constate que 77 millions d’euros de dotations sur les 200 millions sont allés à des communes classées station de tourisme. Plus de la moitié des communes accueillant un casino ont bénéficié de la dotation pour un montant de 62 millions d’euros. Dans votre région, je peux citer Deauville, Bagnoles-de-l’Orne, mais également Ouistreham ou Trouville. Je signale, pour être tout à fait complet, que la commune de Cherbourg-en-Cotentin n’est pas éligible : en effet, ses produits fiscaux de 2020 dépassent de 1 million d’euros les mêmes produits entre 2017 et 2019 – la ville n’est pas dans une situation de perte de recettes.
En ce qui concerne les offices de tourisme, ceux-ci perçoivent en règle générale une partie de la taxe de séjour qui est reversée par la commune. Dans ce cas, la compensation se fait au niveau de la commune, et il n’y a pas de problème.
Quand l’office de tourisme – votre question porte sur ce point – perçoit directement la taxe, ce qui est un cas assez rare mais qui existe, une compensation n’est pas prévue à ce stade. Mais le mécanisme de compensation des SPIC que nous avons prévu dans le PLFR, lequel sera discuté dans quelques jours, apportera une réponse aux offices de tourisme dont l’épargne brute se serait dégradée fortement. La réintégration des pertes se fera par ce biais.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour la réplique.
M. Jean-Michel Houllegatte. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse. On voit que le filet de sécurité est à larges mailles… Comme le dit Mme Gourault, il faut faire du cousu main. Ce qu’on vous demande simplement, c’est de sortir le filet à crevettes pour régler les cas particuliers : vous vous rendez compte, au travers des exemples qui nous sont présentés aujourd’hui, qu’il y a de nombreuses situations à régler.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fournier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Fournier. Il est très difficile d’avoir une analyse globale du coût économique de la crise de la covid-19 pour les collectivités, tant les situations de nos communes sont hétérogènes. Dans le temps qui m’est imparti, je voudrais m’attarder sur la situation des communes rurales.
En effet, ces dernières ont été particulièrement touchées lorsqu’elles disposent d’une école ou de structures d’accueil et de loisirs. L’impact des protocoles sanitaires sur les dépenses de fonctionnement « ressources humaines » a été très important pour certaines d’entre elles.
Nous pouvons aussi évoquer le cas des communes rurales touristiques, qui n’ont pu que constater la baisse substantielle de leurs recettes de produits d’exploitation.
Les communes qui louaient des équipements n’ont pas été épargnées non plus.
Même si nous ne pouvons que saluer l’ensemble des mesures de soutien de l’État aux collectivités, ces mesures restent encore insuffisantes pour le moment. Une des manières les plus efficaces pour les aider à sortir le plus rapidement de la crise sanitaire réside dans l’aide que l’État pourrait apporter à leurs projets d’investissements. Ces investissements permettraient d’irriguer les entreprises de nos territoires et participeraient à la relance de l’économie française.
Cependant, les élus des petites communes sont souvent découragés par la complexité et la quantité des dispositifs qui sont proposés lors des différents appels à projets dans le cadre des dotations d’investissement. Ils ne disposent pas de l’ingénierie nécessaire pour monter les dossiers.
Après un an de mandat et alors que la France se déconfine progressivement, il est primordial que l’État soit aux côtés des élus des territoires ruraux pour participer à la relance de notre économie. Aussi, je souhaiterais que vous nous précisiez, monsieur le secrétaire d’État, les financements que le Gouvernement a mis en place pour soutenir la relance de l’investissement des communes rurales et simplifier leurs démarches. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Fournier, vous m’interrogez plus spécifiquement sur le soutien de l’État à l’investissement des collectivités les plus rurales. Je voudrais insister sur trois points.
D’abord, il y a l’accroissement du soutien à l’investissement local dans le cadre du plan de relance, avec la majoration de 950 millions d’euros de la DSIL qui a été votée l’été dernier et qui est destinée à financer des projets s’inscrivant dans la transition écologique, la résilience sanitaire et la préservation du patrimoine.
Avec Jacqueline Gourault, nous avons veillé dans les circulaires d’application à ce que les choses soient très claires pour les préfets de région quant à la possibilité de cumuler DETR et DSIL, ce qui permet à des communes rurales d’en bénéficier. J’inaugure un certain nombre de lieux situés dans des communes très rurales qui en ont bénéficié.
Une enveloppe a été votée en loi de finances pour 2021 pour financer les travaux de rénovation énergétique des bâtiments des collectivités, dont 650 millions d’euros sont destinés au bloc communal et gérés de manière analogue à la DSIL.
Jacqueline Gourault et moi-même avons demandé aux préfets d’être vigilants à l’équilibre territorial des subventions, en laissant davantage de temps aux communes rurales qui en auraient besoin pour déposer leurs dossiers. Nous comprenons bien les problèmes d’ingénierie que rencontrent les communes rurales et les aidons à constituer, si besoin, ces dossiers : c’est le rôle des sous-préfets territoriaux.
Dans votre département de la Loire, 41 projets communaux ont d’ores et déjà été financés en 2020 avec cette tranche de DSIL. Or 25 projets sur ces 41 sont portés par des communes rurales.
Ensuite, nous mobilisons des moyens exceptionnels en ingénierie. C’est le sujet que vous évoquez et qui me semble extrêmement important. Je vous rappelle, parce qu’il faut toujours insister sur ce point, que les marchés d’ingénierie de l’ANCT, qui représentent 20 millions d’euros en 2021, sont gratuits pour l’ensemble des communes de moins de 3 500 habitants et les EPCI de moins de 15 000 habitants. Vous pouvez donc émarger gratuitement à ces marchés d’ingénierie.
Par ailleurs, nous avons bâti un système avec les programmes nationaux. Dans certains départements, le programme Petites Villes de demain comprend de très petites communes : nous descendons jusqu’au seuil de 200 habitants pour des bourgs-centres en difficulté. Cette ingénierie doit être partagée avec les autres communes au sein de l’intercommunalité de façon à ce que l’ensemble du territoire soit couvert.
D’autres programmes nationaux sont également importants.
Enfin, vous mentionnez les écoles et les structures d’accueil. Sur ce point, je vous confirme ce que j’ai répondu à M. Chasseing : nous allons regarder de près cette question dans le cadre des compensations de recettes tarifaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. La crise sanitaire a eu un impact direct sur les finances des collectivités locales en raison des dépenses exceptionnelles et des pertes de recettes occasionnées par la covid-19 et par les confinements successifs. Elle a aussi eu un impact indirect sur les collectivités territoriales. Je veux évoquer les difficultés que rencontrent de nombreuses associations sportives, culturelles ou de loisirs.
Nos clubs sportifs ont perdu une part importante de leurs licenciés et nos écoles de musique et de danse une part significative de leurs adhérents. Certaines organisations qui, chaque été et tout au long de l’année, organisent des manifestations culturelles, en particulier des festivals, sont aujourd’hui en sursis. Bref, nos associations ont vu leur trésorerie fortement dégradée. Plus de 30 000 d’entre elles ne survivront pas à la crise ; des dizaines de milliers d’autres sont en très grande difficulté, singulièrement depuis le deuxième confinement.
Les mesures gouvernementales, que nous avons saluées, ont prioritairement concerné les associations ayant des salariés, par exemple avec le chômage partiel. Mais les associations constituées exclusivement de bénévoles sont restées dans un angle mort : peu ou pas d’aides leur sont destinées. Celles-ci se tournent aujourd’hui vers les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, pour leur demander des subventions exceptionnelles afin de renflouer leur budget et honorer leurs charges courantes. C’est un cruel dilemme auquel sont confrontés les élus locaux. En aidant ces associations, ils alourdissent la facture déjà lourde et longue de la crise sanitaire pour les collectivités.
Monsieur le secrétaire d’État, de quelle manière le Gouvernement peut-il aider les collectivités territoriales, particulièrement les communes rurales, à sauver les associations qui créent du lien social et contribuent à l’attractivité de nos territoires ? Quelles mesures spécifiques dédiées à ces associations le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Bourgi, votre question comporte deux points.
D’abord, vous avez évoqué la situation des collectivités locales et leur capacité à financer des associations. Je viens de répondre à un certain nombre de questions, notamment à la problématique des pertes de recettes tarifaires, une problématique centrale qui a même conduit certaines collectivités à attendre pour élaborer leur budget de savoir à quelle sauce elles allaient être mangées…
Pour autant, les services qui sont gérés en SPIC ou en SPA vont bénéficier de la « cagnotte » de compensation de 200 millions d’euros prévue dans le PLFR. Il appartiendra au Parlement, s’il le souhaite, de faire bouger les lignes sur ce sujet. En tout état de cause, le travail mené depuis des semaines avec Olivier Dussopt et Jacqueline Gourault permet aujourd’hui de prendre en compte la problématique extrêmement importante que vous évoquez. Je le disais précédemment, ce sont les plus petites collectivités qui, en général, ont des services gérés non pas en DSP mais directement. Cela concerne aussi les SPA « support », qui permettaient aux collectivités locales de soutenir des associations de proximité, notamment celles constituées de bénévoles que vous avez évoquées.
Ensuite, les associations peuvent bénéficier des aides accordées aux entreprises sous certaines conditions.
Les associations qui exercent une activité économique peuvent parfaitement bénéficier du fonds de solidarité. Le prêt garanti par l’État est – il ne faut pas l’oublier – également accessible aux associations. Vous l’avez dit, les associations employeuses ont pu bénéficier de l’activité partielle, ce qui était pour elles extrêmement important. Mais je rappellerai que des mesures spécifiques ont aussi été prises en faveur des associations. Un amendement du Sénat sur le deuxième PLFR a ouvert la possibilité aux collectivités de maintenir la subvention attribuée à une association en cas d’annulation d’événements ou de manifestations pour lesquels des crédits avaient été attribués, ce qui a conduit à faire, pour la première fois, une dérogation au service fait.
Je crois que l’ensemble de ces dispositions, qui s’ajoutent à celle que nous venons de prendre sur la problématique des régies des collectivités, permettra de voir l’avenir avec beaucoup plus d’optimisme.
Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour la réplique.
M. Hussein Bourgi. Monsieur le secrétaire d’État, je pensais plutôt à un autre type de réponse, notamment à un chèque qui pourrait inciter à adhérer à des associations ou à renouveler des licences.
Aujourd’hui, de nombreuses associations nous disent qu’elles appréhendent l’avenir avec beaucoup d’inquiétude : des enfants qui ont perdu l’habitude d’aller à un club de sport, une école de musique ou de danse vont retrouver très difficilement le chemin de ces structures. C’est pour l’avenir que je vous demandais des propositions structurelles, avec – je le redis – un chèque qui pourrait servir d’amorce pour le paiement d’une adhésion ou d’un abonnement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gueret. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gueret. Monsieur le secrétaire d’État, face à la crise sanitaire, les collectivités se sont affichées très clairement. Très souvent, trop souvent, les élus ont servi de tampon entre les préfets et nos concitoyens inquiets face à cette pandémie et aux non-dits de l’État. Oui, les élus que nous représentons ici au Sénat ont répondu à votre appel !
Dans mon département, l’Eure-et-Loir, un travail absolument admirable d’organisation et de gestion, en parfaite coordination avec le préfet, a été réalisé dans les centres de vaccination, pérennes ou éphémères, à Chartres, Dreux, Nogent-le-Rotrou, Châteaudun, Maintenon, Épernon, Senonches, La Loupe, Brou, Toury… Ce sont toutes des communes et des intercommunalités qui, pour mémoire, ne sont ni des professionnels de santé ni des experts en tout genre qui passent beaucoup de leur temps sur les plateaux de télévision.
Les maires et les présidents, urbains comme ruraux, mettent à disposition leurs personnels, organisent des transports en zone rurale, assurent une veille auprès des plus fragiles, recensent les exclus auxquels le système internet est totalement étranger ou inaccessible, administrent leur centre de vaccination avec des personnels des Ehpad, des ADMR, des libéraux, des pompiers, des soignants… Tout cela en répondant aux exigences de l’État sur la montée en puissance du nombre de vaccinations.
Depuis des mois, ces collectivités assurent une mission de santé publique. Mais à quel prix ?
Chartres Métropole a déjà payé plus de 280 000 euros. Un bras de fer s’engage sur la signature d’une convention de refacturation, puisque l’ARS remet maintenant en cause le remboursement de la location et le gardiennage du site. Quant à la ville de Dreux, elle a déjà versé plus de 267 000 euros, sans compter les personnels communaux mis à disposition sur leur temps de travail habituel.
Ma question porte sur les mesures financières concrètes qui seront prises par le Gouvernement pour aider les maires et les présidents d’intercommunalité à faire face à une dépense exceptionnelle financée sur leur propre budget pour une compétence qui, au départ, est la vôtre. Vous avez, pour partie, apporté des réponses, mais donnez-nous la garantie d’une application rapide sur le terrain avec le moins de verticalité possible des décisions prises par vos administrations.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Gueret, les collectivités locales, en particulier les communes et les intercommunalités, ont, comme vous l’avez rappelé, spontanément soutenu l’État dans la mise en œuvre de la politique de vaccination, dont le déploiement est un succès et nous permet d’entrevoir la sortie de crise.
Nous savons que la contribution matérielle des collectivités a bien évidemment un coût. Cette question a fait l’objet d’échanges réguliers en février et en mars derniers avec les représentants des associations d’élus. À la suite de ces échanges, un groupe de travail dédié a été mis en place par le ministère des solidarités et de la santé avec les associations d’élus qui a abouti à l’adoption d’une doctrine de financement des centres de vaccination portée par Olivier Véran.
Une partie des coûts de fonctionnement des centres est intégralement financée par l’assurance maladie ou par les établissements de santé : c’est le cas des professionnels de santé qui sont mobilisés en dehors de l’exercice normal de leur activité pour leur employeur et des vaccins eux-mêmes.
S’agissant des coûts supportés par les collectivités, le Fonds d’intervention régional (FIR) des ARS est mobilisé dans le cadre d’une convention pour prendre en charge les dépenses engagées par les collectivités, au-delà de ce qu’aurait produit une activité normale du site. Ces dépenses peuvent notamment inclure la mobilisation des agents en plus de leur temps de travail habituel, par exemple les heures supplémentaires, les week-ends, les nuits, les astreintes ; le recrutement de personnel supplémentaire spécifique pour les centres de vaccination, hors personnel soignant, qui, lui, est pris en charge par l’assurance maladie ; et, lorsqu’ils constituent une charge inhabituelle, les frais de fonctionnement liés à l’accueil, la logistique et la coordination. Le forfait de 50 000 euros pour six mois évoqué en février dernier était non pas un plafond, mais un fonds d’amorçage – qu’il n’y ait pas de confusion sur ce point.
Nous restons fidèles à notre idée de départ de compensation des surcoûts en prenant en compte les coûts liés à l’ouverture des centres les week-ends. Les discussions que mèneront les municipalités et les intercommunalités se poursuivront à l’échelle des ARS, dans le cadre de ces conventionnements.
Par ailleurs, la possibilité de solliciter l’appui du FIR a été ouverte à tous les types de centres, qu’ils soient ou non labellisés. C’est vraiment, je le crois, la preuve de l’engagement de l’État aux côtés des collectivités locales, qui font preuve d’une volonté remarquable en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. En raison de la crise sanitaire et économique due au covid-19 depuis 2020, un certain nombre de communes accusent des pertes de recettes importantes concernant les locaux qu’elles gèrent, un point qui a déjà été évoqué par un certain nombre de mes collègues. En effet, dans les zones rurales, de nombreuses petites communes disposent de commerces, de restaurants, dont elles ont confié la gestion à des structures privées. Compte tenu de la situation économique difficile subie par ces commerces, les communes ont été amenées à modérer, voire annuler, les loyers de ces commerces, ce qui a entraîné d’importantes pertes de recettes eu égard à la taille de ces communes, l’État ayant peu compensé ces pertes de recettes.
L’autre situation que je souhaite évoquer concerne les sites touristiques et « événementiels » gérés par les communes sous la forme de régie. Là aussi, les pertes de recettes pour les communes sont importantes ou totales, et aucun moyen de compensation par l’État n’a été prévu.
Dans mon département des Deux-Sèvres, de toutes petites communes qui gèrent des gîtes touristiques se retrouvent dans une situation financière critique et voient leur budget de fonctionnement fortement touché par ces pertes de recettes.
Les structures privées gestionnaires de sites touristiques ont été soutenues par l’État, mais pas les régies municipales.
Face à cette situation, l’État a-t-il prévu de nouveaux outils ou des mesures de soutien spécifiques pour ces petites communes, étant donné le recul dont vous disposez maintenant pour analyser la situation ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Mouiller, j’ai répondu sur ce même sujet à beaucoup de vos collègues. Il y aura donc bien 200 millions d’euros dans le PLFR dont nous délibérerons demain, destinés à répondre aux interrogations qui sont les vôtres.
Vous avez raison, les recettes en diminution sont parfois localisées dans un certain nombre de communes. J’ai évoqué précédemment les communes extrêmement importantes disposant de nombreux équipements, ou les petites communes qui ont des équipements très spécifiques : j’ai cité les thermes, mais j’aurais pu mentionner d’autres activités, telles que celles que vous avez citées dans votre question. Je pense aux gîtes communaux, qui sont relativement importants par rapport au budget de fonctionnement de la commune.
Ce dispositif repose, je le dis et je le répète, sur une dotation budgétaire et non sur un système d’avances remboursables. Il concernera aussi bien les SPIC que les SPA – autrement dit, les services publics administratifs, ne croyez pas que je vous incite à faire de la balnéothérapie ! (Sourires.) Il s’agit de faire en sorte que les deux formes juridiques, dont les différences en termes de réalité économique sont d’ailleurs quelquefois ténues, soient prises en compte.
Ensuite, sur le problème spécifique des loyers que vous avez évoqué dans votre question, je vous rappelle que la loi de finances initiale pour 2021 a prévu un prélèvement exceptionnel sur les recettes de l’État de 10 millions d’euros au profit des collectivités et des groupements de communes qui procèdent à l’abandon ou à la renonciation définitive des loyers de novembre 2020, dans les mêmes conditions que le crédit d’impôt. Ce dispositif est strictement identique à celui qui a été mis en place pour le privé, ni plus ni moins : on reste dans un système parfaitement équitable. Mais, soyez rassuré, les cas que vous avez cités relèvent du dispositif que nous mettons en place.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.
M. Philippe Mouiller. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai entendu la réponse que vous aviez déjà faite à mes collègues. Je veux simplement apporter deux précisions.
Concernant les pertes de loyer, je pense que les 10 millions d’euros prévus ne sont pas forcément à la hauteur des besoins au niveau national. Vous avez fait un geste, mais si l’on fait l’état des lieux – vous avez maintenant les outils pour mesurer ce qui s’est passé –, on constate un décalage : dans de nombreux territoires, notamment dans mon département, on nous dit qu’il n’y a pas de fonds disponibles. L’outil juridique existe, mais les moyens financiers ne sont pas au rendez-vous.
S’agissant des prévisions, notamment pour ce que nous allons voter, je l’espère, dans les jours qui viennent, l’idée est de faire preuve de réactivité, c’est-à-dire de disposer très rapidement des mécanismes de prise en considération et de fonctionnement. Il faut notamment indiquer qu’il ne faut pas, par facilité, traiter en priorité les plus grands territoires, parce qu’il faut revenir à la petite commune rurale. En effet, les plus grandes collectivités sont habituées à traiter de tels dossiers et disposent de services financiers et juridiques qui préparent les éléments.
Il faut donc faire preuve d’une double vigilance, en prévoyant, à la fois, des moyens financiers complémentaires pour les loyers et une forte capacité de réactivité vis-à-vis des plus petites communes.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Rojouan. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Rojouan. Dans la lutte contre la double crise sanitaire et économique, les collectivités ont pris leur part à l’effort national de protection des Français. Pour n’en citer qu’une, la mienne, la région Auvergne-Rhône-Alpes s’est fortement mobilisée pour protéger ses habitants sur le plan sanitaire et sur le plan économique, avec près de 1 milliard d’euros investis pour protéger l’emploi.
Pour traverser cette crise, les communes, intercommunalités, départements et régions ont fait beaucoup pour suppléer l’État. Cependant, leur engagement n’a été que très peu compensé sur le plan financier. Le PLFR pour 2020 et le projet de loi de finances pour 2021 ont certes permis de faire des gestes à leur égard, mais cela reste globalement insuffisant. Comme mes collègues, j’espère que des mécanismes complémentaires seront mis en œuvre par le Gouvernement.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, je veux appeler votre attention sur un point particulier en me faisant le porte-parole de mon département de l’Allier, terre de thermalisme.
La crise sanitaire et économique a plongé l’ensemble de la filière thermale dans une situation sans précédent. Les zones rurales sont particulièrement touchées, 70 % des établissements thermaux français se trouvant dans une commune de moins de 5 000 habitants.
Les secteurs d’activité complémentaires et fortement dépendants du thermalisme ont, eux aussi, beaucoup souffert de cette crise. À titre d’exemple, les seuls casinos drainent plus de 400 millions d’euros par an de recettes fiscales vers les collectivités territoriales, sans compter l’effet d’entraînement sur les loyers, la taxe de séjour ou encore les ressources liées aux animations.
Aussi, vous l’imaginez bien, la fermeture des établissements thermaux, des hôtels, des casinos, des restaurants a eu un impact considérable sur le budget des villes d’eau. Pourtant, les spécificités du thermalisme n’ont pas suffisamment été prises en compte dans le plan de relance pour fournir à ce secteur une aide adaptée.
Monsieur le secrétaire d’État, que comptez-vous faire pour accompagner ces communes qui doivent, peut-être plus durement que d’autres, traverser cette crise économique consécutive aux mesures sanitaires qui ont été décidées ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Bruno Rojouan, je ne prévoirai pas de dotation spécifique pour l’Allier, même si votre département est cher à mon cœur. (Sourires.)
Au-delà de ce que je viens de dire à vos collègues sur des sujets connexes, la LFR de juillet 2020 a instauré un mécanisme garantissant à chaque commune et à chaque EPCI à fiscalité propre que ses recettes fiscales et domaniales ne seront pas inférieures en 2020 à celles perçues en moyenne entre 2017 et 2019 : l’État versera une dotation égale à la différence entre les recettes de 2020 et cette moyenne.
Ce mécanisme a été reconduit en 2021 pour les recettes fiscales, parmi lesquelles figurent le produit des jeux et la taxe de séjour, des éléments extrêmement importants pour les communes que vous avez citées.
L’arrêté interministériel qui établit les montants définitifs de la dotation sera publié dans quelques jours. Je peux déjà vous indiquer que 4 168 communes et 51 EPCI à fiscalité propre ont perçu cette dotation pour un montant total de 200 millions d’euros. Les communes touristiques ont été bien évidemment les principales bénéficiaires de ce dispositif, notamment pour compenser les pertes de recettes fiscales qui sont liées à la taxe de séjour, au produit brut des jeux des casinos et également à la taxe sur les remontées mécaniques – un autre sujet, qui concerne néanmoins une commune de votre département.
Ainsi, plus de la moitié des communes qui accueillent un casino ont bénéficié de la dotation pour un montant de 62 millions d’euros. Dans l’Allier, par exemple, nous avons les villes thermales de Néris-les-Bains et Bourbon-l’Archambault, qui sont des bénéficiaires du dispositif. La ville de Vichy, en revanche, a perçu des recettes fiscales supérieures en 2020 à la moyenne de référence : elle n’est donc pas dans le dispositif.
Ce dispositif n’est que le principal d’une liste qui n’est pas exhaustive, puisque l’État a par exemple remboursé 215 millions d’euros aux collectivités locales au titre de l’achat des masques réutilisables ou à usage unique. Le Gouvernement a apporté un soutien inédit aux collectivités pour subventionner les dépenses d’investissement que j’ai évoquées précédemment.
En ce qui concerne plus spécifiquement les stations thermales, le Gouvernement est très conscient des difficultés que rencontrent les équipements, notamment ceux qui sont exploités en régie. C’est pourquoi il proposera au Parlement, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2021, qui sera débattu à l’Assemblée nationale la semaine prochaine puis au Sénat, un dispositif de soutien face aux baisses de recettes tarifaires, dont bénéficieront les stations thermales.
En outre, beaucoup de ces dernières se trouvent en zone de montagne, donc elles disposeront, au travers du plan Avenir montagnes, d’éléments complémentaires extrêmement intéressants pour elles. Certes, ce n’est pas toujours le cas dans le département de l’Allier, je vous le concède, mais c’est quand même le cas dans beaucoup de départements de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Ainsi, avec tout cela, nous arriverons à quelque chose de très équilibré pour ces communes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Elsa Schalck. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Elsa Schalck. Voilà un an que les collectivités sont fortement investies pour faire face à la crise sanitaire.
À l’heure où la campagne de vaccination bat son plein, les élus locaux sont à nouveau en première ligne.
Dans le Bas-Rhin, pas moins de 26 centres de vaccination, dont 18 portés par les collectivités territoriales, ont vu le jour, grâce à l’engagement de toutes les parties prenantes. Lors de chacune de mes visites dans des centres de vaccination, par exemple dans ceux d’Illkirch, de Saverne, de Sélestat ou encore de La Wantzenau, une réalité s’est imposée à moi : le travail colossal mis en œuvre par les élus locaux, accompagnés des agents, des équipes médicales et de très nombreux bénévoles. Tous s’investissent avec beaucoup de dévouement et ne comptent pas leurs heures pour que cette campagne de vaccination soit une réussite.
Ainsi, les communes et les intercommunalités ont dû mobiliser des agents afin d’aménager et d’entretenir les lieux, de prendre des rendez-vous et d’organiser la prise en charge des personnes. Des recrutements sont actuellement nécessaires pour faire face à la montée en puissance de la vaccination et pouvoir agir dans la durée. Tout cela engendre des coûts.
Vous avez mentionné le Fonds d’intervention régional, mais le montant de celui-ci paraît très éloigné des charges réelles de fonctionnement d’un centre de vaccination. Vous évoquez une compensation allant jusqu’à 50 000 euros pour six mois de fonctionnement, mais les informations remontant du terrain font état d’un coût bien supérieur, selon l’estimation de la DGS.
Les collectivités locales sont déjà fortement asphyxiées par les baisses de dotations et de recettes, qui ne sont jamais entièrement compensées, mais, malgré ce contexte difficile, elles ont directement répondu présentes dans cette crise et ont agi de manière volontaire et réactive.
Monsieur le secrétaire d’État, les élus locaux ont besoin de visibilité ; ils ont également besoin d’être rassurés à propos des engagements financiers de l’État. Interrogé en mars dernier, le ministre de la santé indiquait qu’un travail était mené sur l’élargissement et l’assouplissement du financement des centres et que ce fonds serait réabondé autant que nécessaire ; qu’en est-il ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous préciser aujourd’hui les modalités précises de remboursement du Fonds d’intervention régional ? Sous quel délai cette compensation sera-t-elle versée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice Elsa Schalck, j’ai répondu précédemment à votre collègue, le sénateur Daniel Gueret, sur ces questions.
Nous représentons ici le ministère de la cohésion des territoires ; nous n’avons donc pas forcément toutes les réponses sur la façon dont un fonds est mis en œuvre par le ministère de la santé, vous le comprendrez bien.
Simplement, puisque vous avez évoqué ce sujet, je rappellerai que, effectivement, le montant de 50 000 euros pour six mois, évoqué en février, correspond à un fonds d’amorçage ; cela n’est, en aucun cas, complètement définitif. Des discussions se poursuivent actuellement sur ce sujet, de façon à ce que la prise en compte soit différente.
Pour autant, le FIR, dont je ne connais pas les détails de la programmation ni de la mise en œuvre, existe et il permet d’instaurer un dialogue entre les ARS, les collectivités locales et, nécessairement, les associations d’élus ainsi que le ministère de la santé, afin que les dépenses engendrées au-delà de ce qui est estimable – je citais notamment la mobilisation du personnel en heures sup’ et d’agents recrutés spécifiquement à cette fin, ainsi que des charges de fonctionnement liées à une logistique extrêmement importante – puissent être prises en compte.
Je puis donc vous confirmer que l’État ne sera pas absent de ce défi majeur ; nous serons aux côtés des collectivités pour relever ensemble le défi de la campagne de vaccination.
En outre, il faut être très clair ; ces centres de proximité ont été extrêmement efficaces. On y trouve souvent des gens que l’on connaît : son médecin ou son médecin à la retraite, bref du personnel de proximité que l’on peut rencontrer tous les jours. Par ailleurs, je constate souvent que ces centres sont un peu chargés par la venue de personnes arrivant de grandes villes, où elles n’ont pas la même qualité d’accueil, ce qui provoque quelquefois, notamment dans les petites communes rurales, des dépenses complémentaires de personnel.
Cela dit, soyez sûre d’une chose, madame la sénatrice, le ministre de la santé, Olivier Véran, a bien pris en compte la spécificité des centres, notamment ruraux, où est mis en œuvre le processus de vaccination, très important pour nous parce qu’il faut aller « jusqu’au dernier kilomètre ».
Conclusion du débat
Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il me revient de conclure ce débat, demandé par le groupe Les Républicains. Cela me permet de remercier Mathieu, Bernard, Alexandra, Daniel, Bruno, Philippe et Elsa ; vous n’aurez plus qu’à mettre, derrière ces prénoms, les noms de ceux qui sont intervenus afin de présenter leurs conclusions sur le coût de la crise sanitaire et économique pour les collectivités territoriales.
Cela a été rappelé, monsieur le secrétaire d’État, les communes ont été en première ligne pour répondre à la crise. Elles ont été des partenaires loyales de l’État et ont même, parfois, pallié certaines des insuffisances ou carences de celui-ci. Elles ont également consenti un effort très important pour soutenir les publics les plus précaires, que la crise a d’ailleurs fragilisés. Les communes et leurs groupements ont souvent augmenté leurs subventions aux centres communaux ou intercommunaux d’action sociale, voire ont mené des politiques nouvelles en faveur des publics cibles.
Cela a été indiqué, les départements ont vu leurs dépenses de RSA augmenter de près de 8 % en 2020, ce qui a des conséquences sur la situation financière d’un tiers de ces collectivités. D’autres collectivités territoriales – les intercommunalités, les communes, les régions – ont fourni un soutien important, notamment en matière économique.
Au total, le coût pour les collectivités locales a représenté de l’ordre de 4 milliards d’euros en 2020 – c’est le rapport Cazeneuve –, dont plus de 3 milliards d’euros seraient imputables à des dépenses supplémentaires. L’impact financier de la crise sur les dépenses des collectivités est, à cette heure, loin d’être définitif, puisque les collectivités continuent de mobiliser des dépenses, notamment – cela vient d’être abordé – dans les centres de vaccination.
Face à ce constat se pose nécessairement la question de la compensation, par l’État, de l’impact de la crise pour les collectivités territoriales, lesquelles n’ont pas, contrairement à l’État, la possibilité de s’endetter massivement. Elles ne le font d’ailleurs pas puisque, vous le savez, leurs comptes sont restés dans des normes tout à fait acceptables.
La position de la commission des finances du Sénat à ce sujet est constante : nous préférons privilégier la compensation des pertes de recettes plutôt que des dispositifs généraux et/ou automatiques de compensation des dépenses supplémentaires. Cette position ne nous empêche pas de regretter les dysfonctionnements. Les plus importants ont été et sont encore relatifs aux masques ; honnêtement, entre un discours qui a longtemps cherché le bon équilibre, la bonne voie, et la compensation, l’État a vraiment failli, là où la confiance devrait être solide.
Le Sénat a contribué au renforcement des mesures de compensation, notamment en introduisant le filet de sécurité pour les recettes du bloc communal en 2021 ; il a également obtenu la baisse, à 5,5 %, du taux de TVA sur les équipements de protection, ce qui réduit la facture pour les collectivités.
Si j’analyse avec lucidité la situation, je pense qu’il y a deux écueils à éviter.
Le premier est celui du catastrophisme. C’est vrai – vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État –, certains, dont nous étions, avaient des craintes ; la situation a finalement été moins dramatique que ce que l’on aurait pu craindre.
Le second consisterait à croire que le problème est quasiment réglé, alors que restent encore devant nous bien des difficultés et que l’impact de cette crise est bien différent selon les collectivités. Ainsi, au sein du bloc communal – je le répète, même si cela a été beaucoup souligné –, les communes touristiques font partie des collectivités les plus affectées. C’est également vrai pour les régies.
Nous en avons souvent parlé ici, au Sénat, lors de l’examen du projet de loi de finances ; on nous avait promis que le problème serait résolu dans les deux mois. Vous avez pris quelques engagements, monsieur le secrétaire d’État, mais vous avez également compris que les 200 millions d’euros dont vous avez parlé seront manifestement insuffisants.
Il faudra donc être attentif, car le Gouvernement avait initialement affirmé que la compensation des pertes de revenus était techniquement impossible. Vous revenez sur cette affirmation, et c’est une bonne chose.
Il nous reviendra de nous assurer collectivement que l’impact de la crise n’obérera pas la capacité de nos collectivités locales à investir pour l’avenir ; ce serait vraiment regrettable, d’autant que 70 % de l’investissement public local procède des collectivités.
Enfin, nous devrons veiller à ce que la prochaine loi de programmation des finances publiques intègre, sans rien céder à l’impératif du sérieux budgétaire qui doit nous animer, le rôle décisif que les collectivités auront à jouer dans l’investissement. Les collectivités locales doivent pouvoir participer prioritairement à la relance et à l’aménagement équilibré de et pour tous nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le coût pour les collectivités territoriales de la crise sanitaire et économique.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Modification du règlement du Sénat
Adoption d’une proposition de résolution dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution visant à améliorer le suivi des ordonnances, rénover le droit de pétition, renforcer les pouvoirs de contrôle du Sénat, mieux utiliser le temps de séance publique et renforcer la parité, présentée par M. Gérard Larcher, président du Sénat (proposition n° 545, texte de la commission n° 629, rapport n° 628).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, rapporteur. Madame la présidente, mes chers collègues, la proposition de résolution visant à améliorer le suivi des ordonnances, rénover le droit de pétition, renforcer les pouvoirs de contrôle du Sénat, mieux utiliser le temps de séance publique et renforcer la parité fait suite au groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat, qui a réuni tous les groupes politiques, de décembre 2020 à mars 2021, sous la présidence de Gérard Larcher.
Sur le rapport de Pascale Gruny, vice-président du Sénat, ce groupe de travail a adopté trente-neuf propositions, dont quatorze nécessitaient une modification de notre règlement. Tel est l’objet de la proposition de résolution, déposée par le président du Sénat, qui a cinq objectifs.
Le premier est d’améliorer le suivi des ordonnances prises sur le fondement des dispositions de l’article 38 de la Constitution. La proposition de résolution ajoute aux missions des commissions permanentes le suivi des ordonnances, consacre la compétence de la commission saisie au fond pour déclarer irrecevables les amendements présentés par les sénateurs et contraires à l’article 38 de la Constitution et renforce l’information du Sénat sur les intentions du Gouvernement en matière de publication et de ratification d’ordonnances.
Le deuxième objectif est de rénover les modalités d’exercice du droit de pétition. S’inspirant des modalités expérimentales mises en œuvre depuis janvier 2020, la proposition de résolution rénove les modalités d’exercice de ce droit. Toute pétition déposée par principe sur une plateforme électronique qui atteindrait un seuil de signatures fixé par le bureau du Sénat serait évoquée en conférence des présidents, laquelle déciderait des suites à lui donner. Par dérogation, cette instance pourrait également se saisir d’une pétition n’ayant pas atteint ce seuil, au vu de certains critères définis par le bureau.
Le troisième objectif est de renforcer les pouvoirs de contrôle du Sénat. À cet effet, la proposition de résolution prévoit la désignation d’un rapporteur pour les nominations dont les commissions sont saisies en application de la procédure de l’article 13 de la Constitution, la simplification de l’attribution des prérogatives de commission d’enquête à une commission permanente ou spéciale, lorsque le Sénat ne siège pas, la fixation à vingt-trois du plafond des membres des commissions d’enquête et missions d’information, tout en permettant d’y déroger sur décision de la conférence des présidents pour les structures créées hors droit de tirage des groupes politiques, et l’accélération de l’examen en séance d’une question écrite restée sans réponse, alors transformée en question orale.
Le quatrième objectif est de mieux utiliser le temps de séance publique ; c’est peut-être là que les choses se gâtent un peu…
La proposition de résolution réduit de deux minutes et demie à deux minutes la durée de droit commun des interventions des sénateurs et de dix à trois minutes la durée de présentation des motions de procédure qui n’émanent ni du Gouvernement, ni de la commission, ni d’un groupe politique, ainsi que celle de l’intervention de l’orateur d’opinion contraire.
Le texte supprime en outre le renvoi en fin de « tourniquet » de l’orateur du groupe auquel appartient le rapporteur lors de la discussion générale et institue une procédure allégée d’examen du texte élaboré par une commission mixte paritaire.
Par ailleurs, la proposition de résolution crée une motion de procédure ad hoc, « tendant à ne pas examiner une proposition de loi déposée en application de l’article 11 de la Constitution », afin de permettre au Sénat d’obtenir l’organisation d’un référendum d’initiative partagée, les motions existantes ne répondant pas complètement à cette exigence.
Enfin, le cinquième objectif est d’assurer la parité au sein du bureau du Sénat. L’article 14 de la proposition de résolution prévoit que les listes établies par les groupes en vue de l’élection des membres du bureau du Sénat « s’efforcent d’assurer une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes pour chacune de ces fonctions ».
L’ensemble de ces dispositions seraient susceptibles d’entrer en vigueur pour l’ouverture de la prochaine session ordinaire, le 1er octobre 2021, après avoir été, naturellement, soumises au contrôle du Conseil constitutionnel.
La commission des lois a approuvé cette démarche présentée par le président Larcher et n’a apporté que quelques précisions et compléments à la proposition de résolution.
Nous avons ainsi prévu que la transmission du calendrier de publication des ordonnances par le Gouvernement porte sur le semestre, sans se limiter à la session ordinaire. Nous avons également intégré, par cohérence, au sein de l’article 44 bis de notre règlement, la compétence de la commission saisie au fond pour déclarer irrecevables les amendements présentés par les sénateurs et contraires à l’article 38 de la Constitution.
En ce qui concerne les pétitions, la commission des lois a approuvé l’exclusion de toute automaticité liée à un seuil de signatures pour préserver, en dernier ressort, le pouvoir d’appréciation des instances du Sénat. Elle a clarifié les compétences entre, d’une part, le bureau du Sénat, habilité à déterminer les règles de recevabilité, de caducité et de publicité des pétitions, et, d’autre part, la conférence des présidents, seule juge de l’opportunité des suites à leur donner. Ainsi, le rôle de chacune de ces instances serait parfaitement déterminé.
Pour ce qui concerne les pouvoirs de contrôle du Sénat, la commission a modifié la procédure prévue à l’article 6 de la proposition de résolution, relatif à l’approbation tacite, par le Sénat, de l’attribution des prérogatives de commission d’enquête à une commission permanente ou spéciale, lorsque le Sénat ne siège pas. Dans cette hypothèse, il reviendrait au seul président de la commission des lois – indépendamment de la personnalité qui occupe cette fonction (Sourires.) – d’examiner la conformité de cette demande avec l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, après consultation des autres membres de la commission.
Enfin, la commission a adopté trois amendements tendant à insérer des articles additionnels clarifiant ou corrigeant diverses dispositions du règlement, notamment sur le dépôt et l’examen des questions orales, l’objectif étant de simplifier les choses.
Dans le cadre de ma mission, j’ai reçu un certain nombre de contributions de collègues – présidents de groupe ou de commission – et j’ai reçu d’autres collègues en rendez-vous, afin d’échanger sur le texte. Néanmoins – je le dis très gentiment –, d’autres n’ont rien demandé, ni à être reçus ni à contribuer par écrit. Je le dis sincèrement et sans aucune acrimonie, c’est dommage, car cela aurait permis d’approfondir la discussion.
Un peu plus d’une cinquantaine d’amendements ont été déposés sur ce texte. La très grande majorité d’entre eux vont à l’encontre de la position de la commission ; nous aurons l’occasion de nous en expliquer lors de leur examen. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, mes chers collègues, cette proposition de résolution est le fruit de plusieurs réunions de travail, conduites sous la houlette du président Larcher et de notre rapporteur, Mme Pascale Gruny.
Si nous saluons l’initiative et la volonté de faire évoluer notre règlement, notamment au regard de l’épisode sanitaire que nous venons de traverser, nous regrettons le manque d’ambition et d’ouverture. Disons-le, la présente proposition de résolution ne bouleversera pas le fonctionnement de notre institution. Nous y voyons une occasion manquée d’ouvrir davantage le Sénat vers l’extérieur et de garantir les droits de l’opposition, gages d’une démocratie vivante.
Ce texte comporte, certes, quelques avancées.
Je ne reviendrai pas sur les mesures techniques et de bon sens, présentées par M. Buffet. Nous saluons les dispositions renforçant le suivi des ordonnances législatives ; que ce soit au travers des missions des commissions, de leurs moyens ou des obligations à l’endroit du Gouvernement, tout cela va dans le bon sens. Pandémie ou non, l’explosion de la législation par ordonnance est le mal démocratique de notre temps. La loi ne se fait pas dans l’urgence et à l’abri des regards, dans les administrations ministérielles. C’est donc une révision complète de l’article 38 de notre Constitution qu’il faudrait entreprendre, mais ce n’est pas le débat du moment. En attendant cette échéance, nous soutenons cette proposition, et nous en profitons pour inviter le Sénat à cesser de se dessaisir si souvent de son pouvoir législatif.
Les mesures renforçant les pouvoirs de contrôle sont également intéressantes, même si elles ne révolutionneront rien. Simplifier la constitution de commissions d’enquête pour faire face à une nouvelle « affaire Benalla » en plein été, tout cela est naturellement souhaitable, mais nous demeurons très loin de la mission de contrôle du pouvoir exécutif dévolue aux assemblées d’un régime parlementaire digne de ce nom.
Prenons un exemple d’actualité : alors que doit paraître demain le rapport du Gouvernement sur les exportations d’armes de la France, nous n’avons absolument aucun droit de regard sur la chose. En matière de contrôle, il faudrait que nous nous penchions un jour sur les décrets d’application des lois que nous adoptons. Trop souvent, le Gouvernement défait, par son pouvoir réglementaire, la loi que nous adoptons, sans que nous ayons ni droit de regard ni moyen d’action.
Pour en revenir au présent texte, je dirai que renforcer le droit de pétition pour tenir compte de l’expérimentation conduite depuis dix-huit mois est une bonne chose, mais cela est bien timide. Nos concitoyennes et nos concitoyens sont avides de participation démocratique. Or, ce que nous leur proposons, c’est, si 100 000 d’entre eux le demandent, d’envisager, peut-être, un jour, d’examiner leur texte… Nous allons créer plus de frustration qu’autre chose !
Il faut systématiser l’inscription à l’ordre du jour de toutes les propositions recevables, quitte à relever le seuil. De quoi avez-vous peur, mes chers collègues ? Le Parlement reste souverain pour rejeter le texte in fine ! Sur ce point, nous regrettons vivement que l’on s’arrête au milieu du gué. C’est pourquoi nous ferons des propositions au travers d’un amendement.
J’en viens au point le plus problématique : la réduction du temps de parole en séance.
Pour favoriser la vitalité démocratique, le groupe écologiste proposait d’augmenter le temps de parole réservé aux groupes d’opposition et d’allonger les explications de vote sur les motions de procédure. Loin de nous entendre, vous souhaitez réduire notre temps de parole en séance. C’est incompréhensible ! Cessons d’accélérer en permanence la fabrication de la loi ! On adopte près d’un texte par semaine ; c’est la garantie d’un travail mal fait. Nous n’avons pas à nous plier à un calendrier qui n’est pas le nôtre ; nous n’avons pas à nous presser encore davantage pour examiner les lois de circonstance et ainsi servir de faire-valoir à la communication politique des gouvernements !
Particulièrement dans cette maison, où l’obstruction n’existe pas et où chacun est respectueux de la bonne tenue des débats, cette mesure est arithmétiquement plus pénalisante pour les petits groupes, qui, avec un nombre d’orateurs limité, verront leur possibilité d’expression d’autant plus réduite. Elle pourrait même s’avérer contre-productive à terme ; vous prenez en effet le risque d’une multiplication du nombre d’amendements pour créer des espaces de parole. Cela me semble absurde. Cela pourrait se justifier pour les questions orales ou pour les débats de contrôle, en contrepartie d’un nombre accru d’orateurs, mais, pour le travail de la loi, c’est inacceptable.
En l’état, si aucun des amendements à l’article 11 du texte n’est adopté, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre cette proposition de résolution. Les timides avancées de ce texte sont largement insuffisantes pour renforcer les pouvoirs de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Éliane Assassi et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Madame la présidente, mes chers collègues, la discussion qui s’ouvre cet après-midi a été préparée en concertation avec les représentants des groupes, laquelle s’est déroulée dans un climat globalement ouvert et constructif, malgré l’apparition de certains désaccords. Le travail s’est appuyé sur les contributions, soit orales, soit écrites, de tous les groupes, et, à mon tour, je veux saluer le très bon travail de synthèse et de mise en ordre de Mme Gruny, rapporteur du groupe de travail, ainsi que le travail accompli ensuite par le président Buffet pour perfectionner l’ouvrage.
Je ne souhaite mentionner que trois des sujets abordés par cette modification du règlement, qui, d’ailleurs, n’est pas de grande ampleur. Au reste, personne ne m’a semblé réclamer une transformation profonde du règlement du Sénat, qui – c’est normal – doit évoluer, modérément, avec le temps.
Le premier sujet que je souhaite évoquer est l’utilisation des pétitions.
Il est heureux que cette assemblée soit ouverte aux initiatives des citoyens, mais la variété même des thèmes abordés dans ces pétitions et la façon dont elles auront été sécrétées au sein de la société par tel mouvement ou tel phénomène de communication rendent particulièrement difficile l’adoption d’une règle de fond permanente et s’appliquant à tous les cas. C’est la raison pour laquelle les auteurs de la proposition de résolution – je rejoins leur position – préfèrent laisser un pouvoir d’appréciation à la conférence des présidents du Sénat, voire au bureau lorsqu’il y aura énonciation d’un critère numérique de nombre de signataires.
Je crois qu’il est sage de considérer qu’on ne peut pas affirmer d’avance que, dans telle catégorie, les pétitions justifieraient forcément une arrivée jusqu’à la séance publique. Il me semble donc préférable de respecter ce pouvoir d’appréciation.
Permettez-moi de rappeler un souvenir qui se perd dans le temps, mais qui a gardé son importance dans les débuts de l’application de la Constitution : c’est le refus, par le général de Gaulle, au titre de l’article 27 de la Constitution, de convoquer une session extraordinaire de l’Assemblée nationale, pourtant réclamée par une pétition des syndicats agricoles. Peu utilisé, cet article, qui dispose que « tout mandat impératif est nul », n’en est pas moins partie intégrante de la tradition républicaine.
Le deuxième sujet a trait à l’examen « en cours de vie » des ordonnances, qui me semble être une bonne création.
La modification du règlement du Sénat ne peut pas avoir pour effet de limiter le pouvoir du Gouvernement de demander – et d’obtenir, si le vote est positif – des habilitations à légiférer par ordonnance. Elle clarifie donc le processus. Elle permettra ainsi au Sénat de bien connaître la sortie des différentes ordonnances et à ses commissions d’en analyser le contenu. Par conséquent, les commissions pourront suggérer des initiatives.
Si une ordonnance ne représente pas un bouleversement et respecte loyalement l’objet de l’habilitation consentie par le Parlement, il n’y a pas sujet à querelles. En revanche, s’il y a un débordement ou une mauvaise interprétation par l’exécutif de l’habilitation, il est important que le Parlement soit informé suffisamment tôt pour pouvoir prendre une initiative législative propre à corriger ce dérapage. Cette nouvelle procédure de vigilance sur les ordonnances me paraît donc de nature à assurer la bonne concertation entre l’exécutif et nos assemblées.
Le troisième sujet concerne la réduction à deux minutes de nos créneaux d’expression.
Je souhaite souligner que cette mesure s’appliquera en séance publique, laquelle succède donc au travail en commission. Nous savons tous que, dans le processus de fabrication de la loi, le pluralisme et le temps de réflexion s’appliquent d’abord au travail en commission, qui comporte des délais, certes souvent quelque peu contraints, mais qui permettent de bien préparer le travail, de s’informer et de dialoguer parmi les groupes. Par conséquent, la limitation du temps de parole ne pèse que sur l’examen final, en séance publique, d’un travail déjà concerté et approfondi.
Dans tous les parlements, des dispositifs aboutissent à faire tenir dans le temps disponible les travaux parlementaires, notamment législatifs. Bien souvent, ces mécanismes de contrainte portent sur le droit d’amendement lui-même. Dans de nombreux parlements, le nombre d’amendements soutenables n’est pas aussi largement calculé que dans notre Constitution.
Au fond, la limitation du temps de parole individuel en séance publique est la contrepartie d’un pluralisme qui veut que nous soyons nombreux à souhaiter intervenir sur tel ou tel article. Si chacun prend un temps un peu plus long, l’effet est évidemment, soit de prolonger abusivement les séances avec le risque de perdre une partie de l’attention des membres de cette assemblée, soit de priver des collègues de leur propre temps de parole.
Il me semble donc que ce n’est pas un mauvais compromis, d’autant plus qu’est précisé dans le règlement que cela se fait toujours sous l’appréciation du président de séance. Or nous savons bien que nos présidents de séance font preuve de discernement et ne coupent pas la parole à l’orateur qui dépasse d’une seconde. Il me semble donc que cette modeste réforme contribuera plutôt au dynamisme de nos débats.
Telles sont les raisons pour lesquelles notre groupe apportera son soutien à ces mesures de modification de notre règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Bernard Fournier et Mme Pascale Gruny applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, mes chers collègues, pendant plus d’un an, la vie de notre assemblée a perdu de sa vigueur : jauge réduite dans l’hémicycle, multiplication parfois ad nauseam des visioconférences ou encore ces tristes boîtes en carton pour manger… Ces bouleversements nous ont tout de même offert l’occasion d’engager une réflexion sur l’organisation de notre travail parlementaire, réalisée par le groupe de travail rapporté par Pascale Gruny, dont j’étais membre, et duquel découle cette proposition de résolution.
Parmi les dispositions que comporte ce texte, un certain nombre d’entre elles sont soutenues par le groupe du RDSE. Je pense à celle qui est relative au suivi des ordonnances. Il est en effet nécessaire et souhaitable de s’assurer que les commissions permanentes disposent des outils leur permettant un suivi plus efficace de l’application des ordonnances, surtout dans un contexte où le Gouvernement a particulièrement sollicité le Parlement pour qu’il l’habilite à légiférer, parfois même dans des proportions excessives, tant sur la forme que sur le fond.
Il en va de même de l’article 4, qui vient consacrer la mise en place d’une plateforme numérique en vue du dépôt et de la centralisation des pétitions. Ce dispositif nous paraît équilibré : il favorise l’exercice du droit de pétition sans pour autant porter atteinte à la liberté du Sénat dans l’organisation de son travail. En effet, il n’est pas question d’être hostile au droit de pétition. Il permet de formaliser l’expression d’une opinion et l’exercice d’une démocratie plus directe par nos concitoyens. Toutefois, il demeure essentiel que l’exercice de ce droit soit encadré et ne vienne pas brouiller les mécanismes traditionnels de la démocratie parlementaire.
En revanche, nous sommes beaucoup plus réservés sur certaines dispositions relatives aux règles de discussion en séance publique.
Tout d’abord, l’article 10 précise que l’examen en séance des textes élaborés par une commission mixte paritaire pourrait faire l’objet – sauf décision contraire de la conférence des présidents – d’une procédure simplifiée conférant à la commission saisie au fond et à chaque groupe politique un temps de parole identique de cinq minutes. Nous comprenons la nécessité d’optimiser l’utilisation du temps de séance publique. Toutefois, pourquoi réserver à la seule conférence des présidents le droit de renoncer à l’usage d’une procédure simplifiée ? Cela peut paraître excessif. À l’image de la procédure simplifiée utilisée pour l’examen des conventions internationales ou de la procédure de législation en commission, nous pourrions prévoir qu’un président de groupe puisse demander le retour à la procédure normale pour l’examen des conclusions d’une commission mixte paritaire.
Ensuite et surtout, la proposition de résolution voudrait réduire à deux minutes, au lieu de deux minutes trente, la durée de droit commun des interventions des sénateurs. Je crois que cela constituerait une atteinte excessive à notre liberté de parlementaire. C’est encore plus vrai s’agissant des groupes numériquement moins importants comme le nôtre, pour lesquels le temps alloué dans la discussion générale est déjà assez limité.
L’objectif d’une meilleure organisation du temps de séance ne doit en aucune manière conduire à contraindre excessivement le débat, au risque de le limiter ou de le caricaturer. Une telle mesure constitue donc pour nous une réduction excessive du temps de parole des membres de notre assemblée, alors que le débat est l’essence du Parlement. Sur ces deux points, des amendements ont été déposés avec l’espoir qu’ils puissent corriger ces biais.
Je conclurai en évoquant la question de la parité. Chacun souscrit évidemment au besoin qu’au Sénat, comme plus généralement dans notre société, la parité soit mieux respectée. Toutefois, pour des groupes de petite taille tels que le nôtre, cet objectif risque de porter indirectement une atteinte à notre liberté de choix. Lorsqu’un groupe n’a la faculté de ne désigner qu’un seul membre au sein d’un organe collégial, dans quelle mesure peut-il envisager que la parité soit observée dans la désignation de ce seul membre ?
La bonne solution doit être trouvée, et c’est par nos débats que nous y accéderons. Notre groupe reste naturellement volontaire pour avancer sur ces questions, même lorsqu’elles se heurtent à des difficultés pratiques réelles.
Au regard de ces différents éléments, notre groupe attendra l’issue de l’examen des amendements pour se positionner sur le texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, mes chers collègues, pour la troisième fois en six ans, notre assemblée remet son règlement sur le métier. Je le dis d’emblée, notre déception est grande, car nous aurions pu penser que l’affaiblissement constaté par tous du Parlement, du législatif face à l’exécutif, en particulier lors de la crise sanitaire, aurait débouché sur une réflexion relative à ses moyens d’intervention. Je pense à ses moyens d’action, et pas seulement de contrôle, les missions de contrôle ressemblant trop souvent à un lot de consolation pour un Parlement abaissé du point de vue législatif.
M. le président du Sénat ne cesse de répéter que « notre cœur de métier », c’est de faire la loi. En quoi cette proposition de résolution améliorera-t-elle les pouvoirs du Sénat et des parlementaires ? En rien, ou en si peu de chose…
Depuis des années, nous répétons inlassablement une évidence : pour renforcer une institution, il ne faut pas amoindrir ses prérogatives essentielles. La prérogative essentielle du parlementaire est de faire la loi et, à ce titre, de pouvoir susciter le débat, d’exposer des arguments. C’est, en un mot, le droit à la parole, le droit à l’expression.
Ce temps d’expression est systématiquement rogné depuis trente-cinq ans au nom de la rationalisation du travail parlementaire. Ce concept, que nous considérons comme profondément antidémocratique, vise à convaincre que débattre, mais aussi amender – j’y reviendrai –, ne serait pas raisonnable.
Nous manquons de temps pour traiter avec rigueur le nombre considérable de textes qui nous sont soumis. Mais qui en porte la responsabilité ? Pourquoi n’est-il pas dit une fois pour toutes que le pouvoir exécutif suscite, depuis des années, une formidable inflation législative et une frénésie de réformes bien souvent imposées, voire obligées, par les normes européennes ? Les responsables d’une éventuelle surchauffe du Parlement ne sont certainement pas les parlementaires eux-mêmes, mais bien ceux qui abreuvent l’ordre du jour de textes trop souvent mal préparés ou de circonstance.
Mes chers collègues, nous avons déjà beaucoup cédé, et nos interventions sont parfois si courtes sur des sujets qui pourraient susciter des thèses que le sens même du débat peut se perdre. Ce sont des échanges, du travail et de la confrontation pluraliste des idées que peuvent naître les équilibres chers à beaucoup d’entre vous.
Aujourd’hui, de manière presque incongrue, sinon provocatrice, la majorité souhaite réduire de deux minutes trente à deux minutes le temps de parole des interventions en dehors d’une discussion générale ou d’une motion de procédure. Pourtant, en 2015 et en 2019, le Conseil constitutionnel avait émis une réserve d’interprétation sur cette volonté dogmatique de contraindre le droit d’expression des parlementaires. Pourquoi prendre une telle mesure ? Quelle leçon tirez-vous de l’affaiblissement renforcé de notre pouvoir depuis mars 2020 ? Quelles leçons tirez-vous de la crise politique en cours ? Souhaitez-vous laisser le débat aux seules chaînes d’information en continu et aux seuls réseaux sociaux ? La démocratie est intimement liée au temps. Sans ce temps, ce sera l’avènement de la dictature de l’instant.
Cette proposition de résolution ne retient aucunement les propositions d’un débat sur l’état du droit d’amendement, émanant au moins de deux groupes. Depuis des années, chacun ici se plaint – souvent hors micro, malheureusement – des excès d’application des irrecevabilités constitutionnelles concernant les amendements. Nous avons déposé volontairement plusieurs propositions pour tenter d’obtenir des réponses, afin d’améliorer ce droit essentiel pour l’existence du Parlement.
L’exemple du débat budgétaire est frappant. La réduction considérable du droit d’amendement depuis l’application de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances), qui a amplifié les effets de l’article 40, tue la discussion et annihile les échanges sur des propositions alternatives. Peut-on parler de démocratie parlementaire si la confrontation des projets ne peut avoir lieu ?
Cette proposition de résolution passe donc, selon nous, à côté de l’essentiel : riposter au projet constitutionnel d’Emmanuel Macron visant justement les prérogatives des assemblées, en critiquant le manque d’efficacité ou le temps perdu. Avec M. le président du Sénat, nous avons toutes et tous combattu cette tentative dangereuse pour la démocratie. Pourquoi, aujourd’hui, ne pas agir pour redonner au débat toute sa force au sein du Sénat ?
La proposition de résolution met en avant une amélioration du contrôle des ordonnances. Bien ! Mais vous savez tous ici que, tant que l’article 38 de la Constitution ne sera pas supprimé ou encadré, la force des ordonnances pourra difficilement être contrainte.
Enfin, vous aménagez le droit de pétition. Cela pourrait être une action utile pour l’exercice de la citoyenneté. Mais pourquoi avoir placé l’exercice de ce droit utile sous le contrôle de la majorité sénatoriale, puisque c’est elle qui décidera de la vie ou de la mort d’une pétition ? Nous proposerons par amendement de desserrer cet étau.
Nous avons du mal à saisir le sens de cette énième réforme de nos méthodes de travail, qui ne répondra certainement pas aux besoins démocratiques que j’ai évoqués. Au bout du compte, nous assistons à une réaffirmation du fait majoritaire, assorti d’une nouvelle réduction des prérogatives parlementaires.
Le groupe CRCE votera donc contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé. Madame la présidente, chers collègues, le groupe Union Centriste salue l’initiative du président Gérard Larcher d’avoir constitué un groupe de travail réunissant tous les groupes politiques, afin de réfléchir à la modernisation des méthodes de travail de notre assemblée. Le texte que nous examinons aujourd’hui est le résultat de travaux auxquels chacun des groupes politiques a pu contribuer ; le groupe Union Centriste s’en félicite.
Nous saluons le travail réalisé par le groupe de travail. Nous estimons qu’il apporte des réponses utiles et concrètes à des problématiques récurrentes de notre travail parlementaire. Je pense notamment à l’objectif d’améliorer le suivi des ordonnances prises sur le fondement de l’article 38 de la Constitution. C’est un fait, le nombre d’ordonnances adoptées est en constante progression, notamment depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Avec la crise sanitaire, un cap supplémentaire a été franchi dans la présidentialisation de notre régime par le recours récurrent à cette pratique.
Si les ordonnances peuvent parfois être utiles, leur usage massif, qui confine à un gouvernement par ordonnance, renforce considérablement le poids du pouvoir exécutif en matière législative, au détriment du Parlement. C’est pourquoi renforcer les compétences de nos commissions permanentes, à travers le suivi des ordonnances et la capacité de pouvoir déclarer irrecevables les amendements présentés par les sénateurs ayant pour objet de créer, d’étendre ou de rétablir une habilitation à légiférer par ordonnances, nous semble aller dans le bon sens.
Par ailleurs, en tant que membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, vous l’imaginez bien, mes chers collègues, je ne peux que saluer la disposition qui vise à assurer la parité au sein du bureau du Sénat. L’égalité femme-homme est une cause qui passe par une mobilisation de tous, et le Sénat doit faire partie de ces institutions qui donnent l’exemple. Bien que cette disposition vienne inscrire dans notre règlement une pratique déjà bien réelle, notre institution doit garantir cette égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Mes chers collègues, je vais désormais, en moins de deux minutes, vous dire pourquoi la réduction du temps de parole de deux minutes trente à deux minutes est une bonne chose.
Je dois vous avouer que, de prime abord, j’ai été quelque peu interrogatif devant la disposition visant à réduire le temps de parole de droit commun. Je pense tout particulièrement aux explications de vote, à la prise de parole sur un article et à la présentation d’un amendement. Toutefois, à la réflexion, je crois que cette proposition de résolution ne fait que poursuivre une évolution qui me semble inéluctable au fil des dernières réformes de notre règlement.
Cette évolution présente en creux un bénéfice : conforter de facto l’importance des débats en commission. Il a été rappelé à juste titre que ces derniers ne sont pas soumis à une limitation de temps. Espérons que cela perdure, notamment s’agissant des travaux de la commission des lois, au sein de laquelle le temps de parole est libre, même si le rythme d’examen des amendements est souvent rapide.
Au-delà de cette réflexion personnelle sur le temps de parole et sur la nécessité d’avoir une discussion générale vivante, je tiens à saluer le travail de Pascale Gruny ainsi que celui du rapporteur, François-Noël Buffet.
Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste, membre de la majorité sénatoriale, votera en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Éric Kerrouche. « Cette proposition de résolution n’est pas un bouleversement de notre règlement intérieur. Il s’agit plutôt d’une suite d’ajustements. » Telle est la déclaration, faite sur un ton patelin, du président de la commission des lois, pour résumer l’ambition de la réforme du règlement. Ces ajustements trahissent, selon nous, une tout autre volonté.
S’agissant de la méthode, nous avons eu la concertation, mais sans le compromis. Si l’objectif de cette réforme était partagé, les mesures qui en résultent ne font pas consensus. Si ce n’est la mesure relative au référendum d’initiative partagée, aucune de nos propositions n’a été retenue.
Quel était donc l’intérêt d’organiser cinq réunions de travail transpartisanes pour finalement ne plus aborder le fonctionnement du Parlement en temps de crise, sans pour autant cautionner l’idée d’un Parlement à distance, mais tout simplement garantir la continuité du Parlement, pour renvoyer la discussion sur la mission de contrôle parlementaire à la délégation du bureau chargée du travail parlementaire – si ce n’est les quelques ajustements déjà présentés par quelques autres orateurs – et pour, in fine, transcrire dans la proposition de résolution les propositions initiales soumises au groupe de travail ?
J’aime assez peu les menus uniques au restaurant, car il y a toujours de fortes probabilités d’être déçu dans la suite des plats. En l’occurrence, nous avons quelques accords sur l’entrée, mais pas sur la suite du menu.
Les mesures relatives au suivi des ordonnances font consensus. Elles étaient d’autant plus nécessaires après la décision du Conseil constitutionnel. Pour autant – il est important que le Gouvernement l’entende –, ces mesures ne viennent pas cautionner le véhicule des ordonnances, que nous souhaitons plutôt endiguer en encadrant l’article 38 de la Constitution. À cet égard, je citerai quelques chiffres.
Vous le savez, mes chers collègues, la part des ordonnances au sein de l’ensemble des textes intervenant dans le domaine de la loi dépasse désormais systématiquement 50 %. Or le délai d’adoption d’une loi est inférieur de 200 jours au délai moyen qui existe entre le dépôt de la demande d’habilitation et la publication de l’ordonnance. Ces chiffres sont le symbole d’une dépossession inefficace du Parlement. En outre, la pratique de ratification des ordonnances enregistre un recul significatif : 70 % en moyenne depuis 2007, contre 28 % durant ce quinquennat. Les ordonnances sont de plus en plus nombreuses et les ratifications de plus en plus rares ! Ces chiffres sont également symptomatiques de la considération accordée au Parlement et montrent donc la nécessité collective de préserver son rôle.
Nous partageons également les mesures liées au renforcement des pouvoirs de contrôle, dont la réflexion reste à poursuivre dans le cadre de la délégation du bureau relative au travail parlementaire. Dans une perspective constructive, nous avons déposé un amendement relatif au débat de contrôle en commission, que nous avions évoqué au sein du groupe de travail.
Bien entendu, nous sommes d’accord avec la création d’une motion ad hoc pour permettre au Sénat d’obtenir l’organisation d’un référendum d’initiative partagée, mesure que nous avions proposée.
Venons-en au plat de résistance, que nous goûtons peu, voire pas du tout.
Les points de désaccord tournent autour du fait que, contrairement à ce que j’ai entendu précédemment, nous nous dirigeons vers un affaiblissement de la place du Parlement et des droits de l’opposition. Deux mesures cristallisent notre opposition : la réduction du temps de parole et la suppression du renvoi en fin de tourniquet. Si ces mesures sont, pour la majorité sénatoriale, des « ajustements », que l’on ne nous fasse pas croire qu’elles sont anodines. Elles traduisent un affaiblissement des droits de l’opposition et, donc, du Parlement.
Selon nous, cette réforme se fait au détriment de la qualité de la loi. Faut-il devenir le Parlement de la vitesse ? Faut-il s’inscrire, sans cesse, dans la course au temps législatif, dans les pas de l’exécutif ? Cette évolution ne fait que confirmer les dires d’Harmut Rosa : notre société a un rapport pathologique au temps, et c’est une aliénation dont il faut se défaire.
L’évolution proposée entre en contradiction avec ce qui nous importe et que le Sénat défend d’ordinaire : la qualité de la loi et la place du Parlement face à un exécutif qui abuse des procédures accélérées.
Alors que nous sommes déjà l’un des parlements les plus faibles des démocraties occidentales, la majorité nous propose encore de l’affaiblir. La limite de temps de parole au Bundestag est de quinze minutes. Au Sénat américain, qui compte certes moins de sénateurs que le nôtre, la limite est de vingt minutes. Néanmoins, à la Chambre des représentants, qui compte 435 parlementaires, la limite est de cinq minutes. À Westminster, il n’y a pas de limite de temps de parole pour le chef de l’opposition.
La majorité sénatoriale nous propose de parler toujours moins, alors même qu’il n’y a, au Sénat, aucune possibilité de filibustering, c’est-à-dire de prise de parole dévoyée. Le débat est essentiel pour que les idées s’affrontent, ce qui contribue à l’élaboration d’une loi de qualité tout autant qu’à la santé démocratique.
Cette mesure traduit en fait l’intériorisation de plusieurs idées que nous combattons.
Premièrement, le Parlement prendrait trop de temps. Ce serait du temps perdu, inefficace, donc trop cher, devenant ainsi inutile. Avec ce raisonnement, on pourrait toujours rationaliser jusqu’à disparaître.
Deuxièmement, le Parlement devrait être subordonné aux désirs de célérité de l’exécutif, seul métronome de la vie politique, au détriment de la fabrication de la loi.
Troisièmement, les oppositions devraient être les moins audibles possible en réduisant leurs droits et, en l’occurrence, leur temps global d’intervention. Cette mesure et cette impression sont renforcées par la modification mesquine de la règle du tourniquet.
Pour nous, il s’agit d’une modernisation de façade au bénéfice de la majorité, pour qui la réforme est calibrée. D’une certaine façon, cette modernisation est un village Potemkine : elle renforce la majorité et affaiblit l’opposition.
J’ai évoqué la modification de la règle du tourniquet. Le plus souvent, le président de la commission et le rapporteur sont issus de la majorité. Ce sera donc un long tunnel d’interventions si l’on enchaîne immédiatement avec les orateurs de la majorité.
Nous ne sommes pas dupes : le groupe Les Républicains se ménage des marges de manœuvre à des fins qui le concernent en interne. Cela doit-il conduire à inscrire de nouvelles règles qui trahissent quelque part l’esprit de l’institution sénatoriale d’un respect du pluralisme et de nos différences, même si les affrontements peuvent parfois être rudes ? Nous ne le pensons pas.
Par ailleurs, les droits de l’opposition sont oubliés, alors qu’ils devraient être renforcés, notamment en allongeant les espaces réservés ou en attribuant la présidence de la commission des finances à l’opposition.
M. Loïc Hervé. C’est déjà le cas !
M. Éric Kerrouche. Actuellement, cette mesure dépend uniquement de la bonne volonté du président du Sénat.
Par souci d’équité également, nous proposons que les irrecevabilités soient justifiées ainsi qu’un horodatage des amendements pour que le rapporteur, comme cela a été précisé dans le groupe de travail, respecte le délai limite de dépôt des amendements en commission.
Pour terminer, je voudrais évoquer les reculs.
La rénovation du droit de pétition est timide, voire moins-disante par rapport à l’existant en rehaussant de fait le seuil de signatures. La trop grande latitude donnée à la conférence des présidents et le recul de la délibération et de la transparence des décisions ne vont pas dans le sens d’une démocratisation. C’est d’autant plus curieux que, en 2019, un autre groupe de travail présidé par Gérard Larcher avait formulé des propositions ambitieuses pour revivifier le droit de pétition lorsqu’Emmanuel Macron tentait de relancer sa révision institutionnelle, qui n’aboutira finalement jamais. Nous avons repris certaines dispositions, qui n’ont pas été acceptées.
Nous proposons au moins d’abaisser le seuil de signatures et de rendre responsables les commissions compétentes. Nous proposons, encore et toujours, que les travaux en commission, de manière générale, soient publics et retransmis. Cela nous semble un minimum démocratique.
La parité nous semble être la cerise sur le mauvais gâteau. En l’occurrence, c’est de l’affichage et peu de contraintes, avec le risque que le groupe majoritaire « externalise » la parité vers les autres groupes. Ce n’est pas parce qu’il y a une multiplication des listes locales des forces de droite qui affaiblissent la parité en amont qu’il ne convient pas d’y remédier en aval au Sénat. Nous proposerons ainsi que les présidences de commission soient complètement paritaires, ce qui nous semble assez facile à mettre en œuvre.
Vous l’aurez compris, notre perspective est démocratique. Si des correctifs sont utiles, nous nous opposons à des mesures qui abaissent le Parlement et font le jeu du pouvoir exécutif. Nous avons proposé des droits renforcés pour l’opposition, des pétitions citoyennes mieux considérées et une parité effective dans les instances du sénat. Dans la mesure où ces propositions n’ont pas été acceptées, nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – M. Guillaume Gontard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin.
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la présidente, mes chers collègues, le texte que nous examinons constitue l’un des trois instruments d’une réforme qui vise à modifier nos méthodes de travail.
Pendant plusieurs mois, un groupe de travail dédié a mené une concertation. Il a arrêté trente-neuf propositions, dont quatorze nécessitaient une modification de notre règlement. Ce sont ces dernières qui font l’objet de cette proposition de résolution : consensuelles pour la plupart, elles visent à rendre plus efficace le travail de notre assemblée.
L’amélioration du suivi des ordonnances renforce les pouvoirs de contrôle du Parlement. Même si leur nombre a tendance à augmenter significativement au fil des ans, il s’agit de véhicules législatifs qui n’ont pas vocation à être banalisés. Notre chambre se dote ainsi des moyens d’information qui lui permettront d’exercer sa vigilance à leur égard.
Par ailleurs, nous sommes favorables à ce que la commission saisie au fond puisse déclarer irrecevables les amendements parlementaires qui habiliteraient le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance. Nous devons en effet veiller à exercer pleinement notre compétence de législateur.
Pour renforcer encore les pouvoirs de contrôle du Sénat, le texte prévoit notamment de faciliter la transformation des questions écrites restées sans réponse en questions orales. Cette disposition est tout à fait pertinente à nos yeux : de trop nombreuses questions restent sans réponse, et il est important de contraindre le Gouvernement à remédier à cette situation.
Afin de rapprocher nos travaux des préoccupations de la population, la proposition de résolution a également pour objet d’entériner le système des pétitions : celles qui dépasseront un seuil de signatures seront systématiquement examinées par la conférence des présidents. Nous sommes favorables à ce que le Sénat conserve la pleine maîtrise des suites à donner à ces pétitions, mais aussi à ce qu’il puisse évoquer celles qui n’ont pas atteint ce seuil, sans se laisser enfermer, de part et d’autre, dans une quelconque automaticité qui serait inopportune.
Dans le même objectif de modernisation, la proposition de résolution vise à renforcer la parité au sein du bureau du Sénat. Nous soutenons cette disposition, laquelle implique toutefois que nous comptions davantage de femmes dans nos rangs.
Enfin, la proposition de résolution entend raccourcir la durée des interventions des sénateurs de deux minutes trente à deux minutes. Au fil des ans, l’activité parlementaire n’a cessé de croître. Afin de suivre ce rythme, la proposition de résolution vise à accélérer nos débats en réduisant notre temps de parole.
Nous convenons du fait que la quantité de textes que nous avons à examiner rend le travail législatif de plus en plus difficile. Toutefois, nous nous interrogeons sur le moyen de résoudre ce problème.
Le temps du débat nous permet d’alimenter les réflexions et souvent de trouver des accords. Sa réduction fait courir un risque à la qualité de nos travaux. En outre, il nous apparaît qu’une telle disposition va à l’encontre de l’essence même de notre fonction de parlementaire, à savoir faire entendre la parole de ceux qui nous ont élus. Nous sommes donc très réservés sur cette disposition, qui nous semble mettre en danger l’équilibre existant sans pour autant produire l’effet attendu d’accélération significative de nos débats.
Un autre équilibre doit impérativement être préservé, celui qui détermine actuellement l’ordre des prises de parole. Aujourd’hui, afin de ne pas hiérarchiser la valeur de la parole des sénateurs, l’ordre de passage des orateurs dans le cadre de la discussion générale est fixé par tirage au sort. Or le texte de la proposition de résolution nous propose de ne plus renvoyer en fin de tourniquet l’orateur appartenant au même groupe que le rapporteur. Cette disposition s’inscrit dans une tendance plus large visant à favoriser, dans les prises de parole, les orateurs issus des deux groupes dont émanent quasiment tous les présidents de commission et les rapporteurs.
Six groupes politiques – dont celui des Indépendants – sur huit ont manifesté leur hostilité à cette proposition. Nous considérons que l’ordre des prises de parole ne doit pas favoriser les groupes les plus nombreux, qui bénéficient déjà d’un temps proportionnel à leur taille. Dans la lignée des traditions du Sénat, nous devons veiller au respect de la parole de tous les sénateurs. Nous vous proposerons donc de voter un amendement de suppression de la modification de la règle du tourniquet.
Chers collègues, souvenons-nous de ces mots de Camus : « La démocratie, ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. » (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Madame la présidente, mes chers collègues, il est bon que notre assemblée se penche régulièrement sur son mode de fonctionnement et ses méthodes de travail et qu’elle y apporte les aménagements nécessaires pour mieux exercer ses missions. Le président Gérard Larcher y a toujours été très attentif. C’est le sens de la démarche qu’il a une nouvelle fois engagée avec la mise en place, en fin d’année dernière, d’un groupe de travail pluraliste dont j’ai eu le grand honneur d’être le rapporteur.
Je peux témoigner de la richesse des échanges intervenus en son sein. Ils ont abouti à près d’une quarantaine de propositions, dont certaines peuvent être mises en œuvre sur simple décision du bureau ou de la conférence des présidents. D’autres, que nous examinons aujourd’hui au travers de cette proposition de résolution, nécessitent une modification du règlement.
J’insisterai sur quelques points qui me paraissent particulièrement significatifs.
Le premier concerne les ordonnances. Le recours à ces instruments s’est notablement accru ces dernières années. Il a pris une ampleur inédite au cours de cette législature, et cela ne tient pas exclusivement à la gestion de la crise sanitaire et de ses conséquences. Il y a là une tendance de fond, qui n’est pas particulièrement reliée à des considérations de technicité ou d’urgence des sujets. On observe en effet que les délais entre une demande d’habilitation et la parution de l’ordonnance sont en moyenne très supérieurs à ceux constatés pour l’adoption d’un projet de loi.
On a plutôt le sentiment que l’exécutif, face au manque de maturité de certaines réformes, cède trop souvent à la facilité d’une habilitation législative qui lui laisse du temps pour arrêter ses choix tout en le dispensant du débat parlementaire. Une procédure qui devrait rester exceptionnelle se banalise ainsi sans véritable justification. Cette dérive est d’autant moins acceptable que le Parlement n’est plus autorisé à légiférer sur la matière législative déléguée durant toute la durée d’une habilitation.
Au sein du groupe de travail, beaucoup de nos collègues ont souhaité un encadrement plus strict du recours aux ordonnances dans la Constitution. En 2018, en vue de la révision constitutionnelle annoncée, un précédent groupe de travail du Sénat avait d’ailleurs proposé d’inscrire dans l’article 38 des délais stricts pour la durée de l’habilitation et celle de la ratification.
En attendant de pouvoir aborder cette question dans un texte constitutionnel, il est important que le Sénat marque sa volonté de reprendre la main en opérant un contrôle plus étroit de la législation déléguée. D’ores et déjà, conformément aux propositions du groupe de travail, un tableau de bord des habilitations accordées, des délais fixés par la loi, des ordonnances publiées et des ratifications a été mis en ligne sur le site du Sénat, et une première synthèse à vocation trimestrielle, retraçant l’actualité des ordonnances, a été adressée à tous les sénateurs.
Ces éléments, désormais facilement accessibles aux sénateurs, aux groupes politiques et au public, constituent une bonne base pour mieux assurer l’indispensable suivi des habilitations accordées. C’est une mission qu’exercent déjà les commissions permanentes. Leur responsabilité en la matière doit figurer explicitement dans le règlement, avec un rôle spécifique pour les rapporteurs des textes législatifs, comme cela est déjà prévu pour l’application des lois.
Concrètement, le groupe de travail a suggéré que les commissions identifient, dès le débat d’habilitation, les ordonnances dont le suivi exige une vigilance particulière et que le Sénat puisse prendre l’initiative de soumettre leur ratification à l’examen parlementaire, avec le dépôt et l’inscription de propositions de loi. Un débat en séance, de même type que celui sur l’application des lois, pourrait également être organisé chaque année afin que le Gouvernement soit tenu de rendre compte régulièrement de l’usage fait des habilitations demandées.
L’obligation faite au Gouvernement de présenter à la conférence des présidents, au début de chaque session ordinaire, un programme prévisionnel de publication des ordonnances et d’inscription à l’ordre du jour des projets de loi de ratification, prévue par l’article 2 de la proposition de résolution, complète le dispositif. Le choix de la commission de passer au semestre me semble bienvenu.
Aux yeux de notre groupe, les modifications apportées au règlement et les autres mesures préconisées par le groupe de travail permettront des avancées importantes, de nature à assurer un meilleur contrôle et, il faut l’espérer, un meilleur usage du recours aux ordonnances.
Le deuxième volet important de cette réforme du règlement concerne les pétitions.
Le droit de pétition auprès du Parlement s’inscrit dans une tradition ancienne. Il avait cependant perdu sa traduction concrète. Et les dispositions le concernant, dans notre règlement, paraissaient largement obsolètes.
On pouvait s’interroger sur l’intérêt de maintenir une telle procédure : les citoyens, les associations, les organisations et groupements d’intérêts disposent aujourd’hui de bien d’autres moyens de saisir directement les parlementaires et de donner écho à leur démarche dans les médias, sur internet ou sur les réseaux sociaux. Pourtant, le droit de pétition auprès du Parlement fonctionne dans un certain nombre de démocraties. J’en ai fait moi-même l’expérience en siégeant durant plusieurs années au sein de la commission des pétitions du Parlement européen. J’ai participé à l’instruction de questions soulevées par les pétitions qui lui étaient adressées.
Je me félicite que le Sénat s’engage dans une rénovation du droit de pétition. L’article 4 de la proposition de résolution en pose les bases et en fixe les grands principes. Il reviendra au bureau de définir ses modalités d’exercice, notamment les conditions de recevabilité des pétitions et les suites qui pourront leur être données par les instances du Sénat. Ce partage entre règlement et instruction générale du bureau apporte la souplesse nécessaire dans le cas où des ajustements mériteraient d’être apportés au dispositif.
À cet égard, des positions très diverses se sont exprimées au sein du groupe de travail. Le groupe Les Républicains considère que les options retenues sont équilibrées. La séparation claire entre bureau et conférence des présidents, proposée par la commission, est également bienvenue.
Il est proposé de maintenir à 100 000 signatures le seuil au-delà duquel une pétition est obligatoirement évoquée en conférence des présidents. Nous avons constaté, avec la proposition de loi sur l’allocation aux adultes handicapés, que ce seuil peut être atteint si l’intérêt et le soutien sont réels.
En tout état de cause, l’article 4 de la proposition de résolution prévoit que la conférence des présidents pourra se saisir de certaines pétitions, quand bien même ce seuil ne serait pas atteint, au vu de leur intérêt ou du nombre de signatures.
Le groupe de travail a également souhaité mieux identifier, parmi les procédures relevant de l’initiative législative ou du contrôle, les suites pouvant être réservées aux pétitions, ce qui est important pour donner à ce droit un prolongement concret dans nos travaux. Pour autant, en dernier ressort, le nécessaire pouvoir d’appréciation des instances du Sénat sera préservé en excluant toute automaticité liée à un seuil de signatures.
La refonte du droit de pétition prévue par la proposition de résolution permet au Sénat de se doter d’un outil de dialogue avec les citoyens à la fois moderne, simple et facilement accessible, dans le prolongement de l’expérimentation menée depuis l’an dernier.
Le groupe Les Républicains soutient bien évidemment les autres dispositions de cette réforme du règlement, qui améliorent les conditions d’exercice du contrôle et apportent des ajustements destinés à mieux utiliser le temps de séance publique.
À ce propos, je ne vois pas dans la modification des temps de parole une mesure de contrainte, mais plutôt un moyen de mieux organiser nos discussions, dont nous savons qu’elles sont souvent comprimées en fin de discussion des textes. En outre, une présentation concise est bien souvent plus efficace que la lecture d’un texte rédigé. L’intérêt des débats tient aussi à leur vivacité.
Je terminerai en soutenant l’article 14 de la proposition de résolution, qui fixe un objectif de parité dans la composition du bureau du Sénat pour chacune des fonctions de vice-président, de questeur et de secrétaire.
Nous avons constaté, en octobre 2020, que les groupes se sont organisés pour tendre à cette parité. Elle demeure cependant imparfaite puisque, à ce jour, aucune femme n’a accédé à la fonction de questeur du Sénat – contrairement à l’Assemblée nationale, qui désigne une femme à ce poste depuis 2007, sans discontinuer. Je souhaite que la formulation précise – bien qu’incitative – retenue par l’article 14 permette à notre assemblée de franchir cette étape lors du prochain renouvellement.
Le groupe Les Républicains considère que cette réforme du règlement comporte des avancées importantes, notamment sur le contrôle des ordonnances et sur les pétitions et qu’elle apporte des améliorations utiles au fonctionnement et à l’organisation du travail de notre assemblée. C’est la raison pour laquelle il votera en faveur de cette proposition de résolution, dans le texte adopté par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, mes chers collègues, depuis quatorze ans que je siège dans cette maison j’ai régulièrement constaté l’atrophie du débat en séance publique. L’examen du projet de loi de finances tourne même à la caricature : trois minutes pour les rapporteurs, deux minutes par-ci, deux minutes par-là… Ce débat, absolument ridicule, ne rime à rien au regard du travail réalisé par nos rapporteurs au sein de la commission des finances et de ce qu’il en reste en séance publique. Nous n’arrivons pas à le rationaliser ni à le rendre efficace.
En ce qui concerne la question des deux minutes trente, il ne faut pas confondre le débat en commission et celui en séance publique. Le public n’est pas le même, monsieur le président de la commission des lois : la séance publique s’adresse à ceux de nos collègues qui n’appartiennent pas à la commission saisie au fond et qui ont envie de s’exprimer sur le texte concerné. La réduction de leur temps de parole n’est donc pas compensée par celui des membres de la commission saisie au fond. Cette légère inflexion de la réflexion ne me semble pas très logique.
Le pouvoir de contrôle devrait être l’ADN du Parlement. Je soutiens qu’il faut augmenter le droit de tirage pour les commissions d’enquête et les missions d’information. Il s’agit du cœur de notre métier, et nous le faisons très bien. Las, cet excellent travail est immédiatement enterré une fois les commissions terminées. Et quand le sujet rejaillit quelques années plus tard, tout le monde a oublié que le Sénat avait travaillé sur cette question. Je pense notamment aux deux commissions d’enquête demandées par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste sur la fraude fiscale : nous n’avons jamais pu obtenir de suivi, alors qu’il s’agit d’un vrai sujet. Il a fallu se battre pour la mise en place d’un groupe de travail au sein de la commission des finances, mais l’instauration d’une délégation dédiée permettrait de mettre en valeur la modernité du Sénat autrement qu’un temps de parole réduit. On montrerait alors l’exemple à l’Assemblée nationale sur un sujet éminemment citoyen et éminemment important, surtout en cette période de crise.
Par ailleurs, certaines de nos commissions d’enquête ont été absolument formidables. Je pense notamment à celles sur le Mediator et sur le Vioxx : chaque fois que nous avons un débat sur la sécurité sanitaire, on en revient aux préconisations retenues par ces deux commissions d’enquête.
Il me semble préférable de réfléchir au suivi de nos travaux plutôt que de les enterrer. Cela pourrait sans doute profiter à beaucoup d’autres commissions d’enquête. C’est à la mise en place d’un tel dispositif qu’il faut tendre.
Il faut être deux pour danser le tango : l’ordre du jour partagé, qui ressemblait à une très bonne idée sur le papier en 2008, devient un problème totalement inextricable quand on l’applique de façon rigoureuse. Cet ordre du jour saucissonne nos débats jusqu’à les rendre parfois complètement inintelligibles : des discussions très importantes sont interrompues par des débats de contrôle ou d’initiative parlementaire, faute de souplesse.
La réflexion sur la modernisation de notre travail doit se poursuivre, mais pas au détriment de la séance publique, ni des groupes minoritaires ni des parlementaires minoritaires au sein de leur groupe, lesquels sont alors deux fois minoritaires !
J’attendrai le sort qui sera fait à mes amendements pour me prononcer sur la proposition de résolution. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP, SER et CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Madame la présidente, mes chers collègues, je ne vais pas revenir point à point sur les nombreuses modifications apportées à notre règlement par cette proposition de résolution et qui ont déjà été brillamment exposées par Mme le rapporteur du groupe de travail et par M. le président de la commission des lois. Je souhaiterais m’attarder tout particulièrement sur un phénomène inquiétant pour notre démocratie parlementaire et dont le texte que nous examinons aujourd’hui essaye d’en maîtriser les écueils, à savoir le recours parfois abusif aux ordonnances prévues à l’article 38 de notre loi fondamentale.
Force est de reconnaître que le gouvernement par ordonnance est devenu, au fil des dernières années, une marque de fabrique de l’exécutif : nous en sommes à 264 ordonnances en quatre ans. Je crains fort que le record détenu par le Président Hollande de 273 ordonnances ne soit battu dans les prochaines semaines.
M. Jean-Pierre Sueur. Oh oui !
M. Stéphane Le Rudulier. Nous en arrivons même à la désagréable impression que la loi n’apparaît plus comme le processus normal de législation. En somme, le caractère exceptionnel que devait revêtir cette procédure dans l’esprit initial de la Ve République s’est quelque peu étiolé. Les ordonnances sont devenues, au cours des décennies, un moyen, une manière de contourner le Parlement, de lui confisquer le pouvoir législatif. Cela est d’autant plus inquiétant que le régime juridique de ces ordonnances a été bouleversé par un revirement récent de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
M. Jean-Pierre Sueur. Hélas !
M. Stéphane Le Rudulier. Dorénavant, les ordonnances dont le projet de ratification a été déposé, mais non examiné par les deux chambres dans les délais d’habilitation impartis, acquièrent force de loi. Voilà, mes chers collègues, qui vient renforcer une nouvelle fois la dépossession du pouvoir parlementaire ! Dès lors, il suffit à l’exécutif de déposer ses projets de ratification sur le bureau de l’Assemblée nationale, laquelle n’aura qu’à les remiser en attendant l’expiration du délai d’habilitation afin d’éviter tout examen par nos deux chambres.
Alors, si personne n’a proposé, au sein des majorités qui se sont succédé depuis la naissance de la Ve République, d’abroger ce fameux article 38 de notre loi fondamentale, c’est qu’il a forcément son utilité, notamment en cas d’urgence. Un argument est souvent avancé : la célérité de la procédure. Le recours aux ordonnances serait donc un outil de gestion du temps normatif. Mais cet argument mérite grandement d’être relativisé : savez-vous que le délai moyen pour prendre l’ordonnance, une fois la loi d’habilitation promulguée, est d’environ 450 jours, contre 177 jours pour la fabrique de la loi.
Pour retrouver une forme d’équilibre des pouvoirs chère à Montesquieu, il était urgent d’agir. C’est ce premier pas qui nous est proposé, avec la mise en place d’un outil de suivi dédié permettant de retracer les habilitations accordées, les délais fixés par la loi, les ordonnances publiées, ainsi que l’état des ratifications, et de renforcer notre rôle de contrôle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de résolution visant à améliorer le suivi des ordonnances, rénover le droit de pétition, renforcer les pouvoirs de contrôle du sénat, mieux utiliser le temps de séance publique et renforcer la parité
TITRE Ier
AMÉLIORER LE SUIVI DES ORDONNANCES PRISES SUR LE FONDEMENT DE L’ARTICLE 38 DE LA CONSTITUTION
Article 1er
Le Règlement est ainsi modifié :
1° Après le mot : « publiques », la fin de la première phrase de l’alinéa 1 de l’article 19 bis A est ainsi rédigée : « , le suivi de l’application des lois et celui des ordonnances. » ;
2° À la première phrase de l’alinéa 1 de l’article 19 bis B, le mot : « ; il » est remplacé par les mots : « , y compris les ordonnances publiées sur son fondement. Il ».
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
L’alinéa 4 de l’article 29 bis du Règlement est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Il informe la Conférence des Présidents des projets de loi de ratification d’ordonnances publiées sur le fondement de l’article 38 de la Constitution dont il prévoit de demander l’inscription à l’ordre du jour du Sénat au cours de la session. Il informe également la Conférence des Présidents des ordonnances qu’il prévoit de publier au cours du semestre. » – (Adopté.)
Article 3
Après l’alinéa 3 de l’article 44 bis du Règlement, il est inséré un alinéa 3 bis ainsi rédigé :
« 3 bis. – Les amendements présentés par les sénateurs ne sont pas recevables s’ils tendent à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures qui sont normalement du domaine de la loi, à rétablir ou à étendre une telle autorisation. » – (Adopté.)
TITRE II
RÉNOVER L’EXERCICE DU DROIT DE PÉTITION
Article 4
Le Règlement est ainsi modifié :
1° Les articles 87 et 88 sont ainsi rédigés :
« Art. 87. – 1. – Les pétitions sont adressées au Sénat sur une plateforme en ligne ou, à défaut, par courrier électronique ou papier.
« 2. – Le Bureau détermine les règles de recevabilité, de caducité et de publicité des pétitions, ainsi que les modalités de signature et d’authentification des auteurs des pétitions et de leurs signataires.
« 3. – Il détermine également les conditions de traitement et d’examen par les organes du Sénat des pétitions jugées recevables.
« Art. 88. – 1. – La Conférence des Présidents examine toute pétition ayant atteint un seuil de signatures dans un délai, fixés par le Bureau, et décide des suites à lui donner.
« 2. – Par dérogation, elle peut également se saisir d’une pétition ne remplissant pas les critères fixés à l’alinéa 1, dans des conditions définies par le Bureau. » ;
2° Les articles 89 et 89 bis sont abrogés.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 7, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 5, 6 et 7
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. 88. – 1. – Toute pétition ayant atteint un seuil de 50 000 signatures dans un délai de six mois est présentée à la Conférence des Présidents qui vérifie sa recevabilité.
« 2. – Toute pétition valide est transmise à la commission permanente compétente. Celle-ci désigne un rapporteur chargé d’en présenter le contenu et les enjeux et de proposer les suites à lui donner, sur lesquelles la commission permanente se prononce par un vote.
« 3. – Par dérogation, la Conférence des Présidents ou la commission permanente compétente peuvent décider de se saisir, dans des conditions définies par le Bureau, des pétitions n’ayant pas atteint le seuil défini par le Bureau. » ;
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Un choix est à faire en termes de démocratisation : soit on en donne l’apparence, soit on fait en sorte qu’elle soit effective. Les choix opérés dans cet article tendent vers l’apparence de la démocratisation, sans réelle opérationnalisation.
Nous ne pensons pas qu’il faille douter de la capacité de nos concitoyens à s’exprimer sur des sujets particuliers et à porter leur parole jusqu’au Parlement pour inscrire certaines thématiques à l’agenda législatif. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’abaisser le seuil de signatures, tout en permettant à la commission concernée de contrôler la recevabilité de la pétition.
Ce changement de périmètre nous permettrait de disposer d’un outil réellement utilisable par nos concitoyens, contrairement au dispositif actuel que cet article vise à pérenniser. Comme cela a été souligné, seule une pétition a franchi le seuil – largement inaccessible – des 100 000 signatures.
Je comprends la défiance que l’on peut avoir vis-à-vis de certaines minorités actives, mais le Sénat conservera une latitude de contrôle. Soit nous nous ouvrons aux citoyens, soit nous ne le faisons pas, mais nous ne pouvons rester dans la demi-mesure actuelle, que la majorité sénatoriale souhaite visiblement reconduire.
Mme la présidente. L’amendement n° 35 rectifié bis, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
II – Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 88. – 1. Toute pétition atteignant un seuil de 300 000 signatures est automatiquement inscrite à l’ordre du jour d’une semaine sénatoriale dans un délai de trois mois.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement vise également à préciser notre mécanisme de pétition citoyenne.
Le système actuel est peu satisfaisant, raison pour laquelle nous proposons l’inscription automatique à l’ordre du jour de notre assemblée, dans un délai de trois mois, de toute pétition ayant atteint le nombre suffisant de signatures sur le site du Sénat. En échange de cette automaticité, nous proposons un relèvement du seuil.
Cette inscription automatique à l’ordre du jour assurerait aux citoyennes et aux citoyens un droit de pétition renforcé. Ce serait aussi l’occasion de les rapprocher de notre institution en répondant à leur aspiration à un renouveau démocratique.
Le système actuel est peu lisible. Nous nous devons de ne pas trahir la confiance de nos électeurs par de fausses promesses, en leur faisant miroiter l’inscription de leur pétition à l’ordre du jour, alors qu’elle est filtrée par le passage obligatoire en conférence des présidents.
Réunir des milliers de signatures a beau être coûteux et chronophage, un manque de certitude entoure encore l’issue d’une pétition, l’inscription à l’ordre du jour n’étant aucunement assurée.
Nous proposons de supprimer ce mécanisme flou et désincitatif pour nous inscrire dans la logique d’une démocratie plus collaborative. Notre attachement au principe de la démocratie représentative nous pousse en effet à nous satisfaire pleinement de propositions émises par nos concitoyennes et nos concitoyens et à leur offrir cette niche dans notre ordre du jour, charge à nous, élus du peuple, de débattre et de trancher. En fin de compte, nous conservons le dernier mot.
Nous sommes bien évidemment en accord avec les amendements nos 7 et 37 de nos collègues socialistes et communistes, mais notre proposition nous semble plus propice à un compromis.
Mme la présidente. L’amendement n° 37, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Seule une majorité des quatre cinquièmes en son sein peut s’opposer à l’examen par le Sénat d’une pétition.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, nous sommes favorables au développement du droit de pétition. Toutefois, il nous faudrait tout de même examiner les conditions de mise en œuvre de ce droit pour savoir si la réalité des propositions correspond bien à la volonté affichée.
Il est regrettable de débattre aujourd’hui de cette proposition de résolution sans connaître les conditions de recevabilité qui seront appliquées par le bureau du Sénat.
Le champ du droit de pétition pose problème et suscite débat, à l’instar de la question du référendum. Pourquoi exclure les questions constitutionnelles, et donc souvent institutionnelles, de ce champ ?
Nous regrettons fortement que la proposition de résolution confie le pouvoir d’appréciation à la conférence des présidents, et donc à la majorité sénatoriale – mais ce serait la même chose si cette décision revenait à la commission concernée… In fine, c’est donc toujours la majorité qui décide.
Ce filtre majoritaire apparaît pleinement conditionné par l’idée d’ouverture démocratique découlant du droit de pétition. Cela pourrait même devenir une forme nouvelle d’initiative majoritaire : la conférence des présidents, c’est-à-dire la majorité, pourra repêcher une pétition n’ayant pas atteint le nombre de signatures requis.
Nous proposons donc d’inverser la règle en prévoyant qu’une pétition ne pourra être écartée qu’en cas de quasi-consensus en ce sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je rappelle le principe proposé par le président Larcher.
Le bureau détermine les conditions de recevabilité des pétitions. Lorsque le seuil de signataires est atteint – le chiffre de 100 000 a été évoqué –, la pétition est automatiquement renvoyée à la conférence des présidents, qui décide de la suite à y apporter. Il n’y a aucune automaticité en deçà de ce seuil. Néanmoins, la conférence des présidents peut éventuellement donner une suite favorable à une pétition qui, certes, n’aurait pas recueilli suffisamment de signatures, mais qui lui paraîtrait présenter un intérêt certain. Le dispositif envisagé par le président du Sénat laisse donc une totale liberté à la conférence des présidents.
Les propositions des auteurs de ces trois amendements sont différentes.
M. Kerrouche suggère d’inscrire le seuil dans le règlement – pour notre part, nous considérons que c’est au bureau du Sénat de le fixer – en retenant le chiffre de 50 000 pétitionnaires. Les pétitions remplissant cette condition seraient systématiquement renvoyées à la conférence des présidents, qui déciderait des suites à y apporter. Le seuil proposé est très bas ; c’est un choix.
M. Gontard prône l’organisation automatique d’un débat dès lors qu’une pétition a atteint un seuil de 300 000 signatures.
Mme Assassi souhaite conditionner le refus d’examiner une pétition à la réunion en ce sens d’une majorité des quatre cinquièmes des membres de la conférence des présidents.
Ces trois propositions ne correspondent pas au choix que le président du Sénat a retenu à l’issue des travaux organisés depuis le mois de décembre jusqu’au mois de mars dernier. La commission des lois, qui souhaite laisser une totale liberté de décision à la conférence des présidents, a émis un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je voudrais apporter un éclairage.
Lorsque la conférence des présidents a décidé de se saisir de la pétition relative à l’allocation aux adultes handicapés, après un échange avec la présidente de la commission des affaires sociales, le nombre de pétitionnaires devait se situer quelque part entre 60 000 et 70 000. Mais il lui est apparu que l’importance du sujet justifiait une telle décision.
Cet exemple illustre bien l’intérêt de laisser à la conférence des présidents la possibilité de se saisir à titre dérogatoire d’une pétition n’ayant pas atteint le seuil des 100 000 signatures.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 35 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
TITRE III
RENFORCER LES POUVOIRS DE CONTRÔLE DU SÉNAT
Article additionnel avant l’article 5
Mme la présidente. L’amendement n° 15, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’alinéa 4 de l’article 13 du Règlement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …. – Ne peut être élu à la présidence de la commission des finances qu’un sénateur appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. L’article 39 du règlement de l’Assemblée nationale dispose : « Ne peut être élu à la présidence de la commission des finances […] qu’un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition. »
Nous proposons de consacrer dans notre règlement l’usage qui prévaut à l’Assemblée nationale depuis 2007 et au Sénat depuis 2011 : l’attribution de la présidence de la commission des finances à un membre de l’opposition. En l’état actuel des choses, une telle pratique repose exclusivement sur la bonne volonté du président du Sénat, qu’il faut saluer. Il est sans doute nécessaire de faire comme à l’Assemblée nationale et d’inscrire le principe dans notre règlement.
Vous le savez, un tel usage, qui découle d’une proposition de Nicolas Sarkozy, tend à se généraliser de plus en plus, et ce au sein de multiples institutions. Il n’est donc pas très compréhensible qu’il ne figure pas dans notre règlement. Au demeurant, nous sommes bien placés pour savoir que la « majorité » et l’« opposition » peuvent être amenées à évoluer dans le temps.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le principe de confier la présidence de la commission des finances à un membre d’un groupe d’opposition date de 2007. Il s’était agi d’une initiative du président Christian Poncelet. Depuis lors, la pratique a été maintenue par les présidents Gérard Larcher, Jean-Pierre Bel, puis, de nouveau, Gérard Larcher. Voilà quatorze ans que nous fonctionnons ainsi. Personne ne songe aujourd’hui à remettre en cause cet usage, qui est devenu une évidence.
Sauf erreur de ma part – je parle sous le contrôle de Mme Gruny –, le sujet n’a pas été évoqué au sein du groupe de travail. Il nous paraît nécessaire de préserver une telle pratique, gage de bon comportement dans le fonctionnement de notre institution.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Verba volant, scripta manent… Mieux vaut écrire les règles. En droit, notamment en droit constitutionnel, la coutume se maintient dans le temps, mais elle n’est pas à l’abri de modifications potentiellement unilatérales.
Honnêtement, si vous pensez qu’un tel principe doit s’appliquer automatiquement, que chacun doit le respecter et que nul ne saurait le remettre en cause, qu’est-ce qui vous empêche de l’inscrire dans le règlement ? À croire que vous pourriez avoir des doutes quant à sa pérennité…
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voulais féliciter M. le rapporteur François-Noël Buffet, qui a très bien défendu l’amendement de M. Kerrouche. Je pense même que son intervention aurait pu être retenue comme objet de l’amendement : notre collègue a indiqué tout le bien qu’il pensait d’une telle pratique, soulignant que nul ne songeait à la remettre en cause.
Par conséquent, il me semble que le propos de M. le rapporteur devrait nous conduire à adopter à une très large majorité, voire à l’unanimité l’amendement de M. Kerrouche.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je comprends le sens de cet amendement, mais nous ne sommes pas une institution administrative.
Personnellement, j’ai présidé la commission des finances de la région Île-de-France sous le mandat de Jean-Paul Huchon alors que je siégeais dans l’opposition. Valérie Pécresse a maintenu cette pratique, et la commission des finances du conseil régional est aujourd’hui présidée par une élue socialiste que vous connaissez bien.
Nous sommes des assemblées politiques, avec des équilibres politiques. Certes, je préférerais que l’usage de confier la présidence de la commission des finances à un élu de l’opposition soit préservé, mais nous ne savons pas ce que l’Assemblée nationale ou le Sénat seront dans dix ans. Tant que la composition des deux chambres garantira le respect des règles, les choses se feront naturellement. Mais quid si, un jour, ce n’était plus le cas ? Faisons attention à ne pas imposer une situation qui ne serait pas acceptée par tout le monde.
M. Loïc Hervé. C’est une évidence !
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je vous l’avoue, je ne comprends pas bien que la commission rejette cet amendement.
Certes, j’entends les arguments de M. Karoutchi. Il est vrai que l’accord entre la majorité et l’opposition sur l’attribution de la présidence de la commission des finances existe également dans d’autres collectivités ou institutions. Mais vous semblez faire comme si la majorité d’aujourd’hui devait rester majoritaire pour toujours. Or, et même si je ne le souhaite pas – je ne parle évidemment pas de l’hypothèse où nous serions nous-mêmes majoritaires –, il peut se passer des choses dans notre pays…
Mme Nathalie Goulet. Il s’en passe déjà !
Mme Éliane Assassi. En effet, ma chère collègue ! Et, de mon point de vue, certaines pourraient être nuisibles à la démocratie.
Il me paraît donc préférable de retenir la proposition de nos collègues socialistes et d’inscrire un tel principe dans notre règlement. Ne nous contentons pas du fait que la pratique existe de longue date ; elle pourrait être bouleversée par des événements malheureusement susceptibles de se produire dans les années, voire les mois à venir.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 15.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 5
L’alinéa 2 de l’article 19 bis du Règlement est ainsi modifié :
1° Le mot : « auditionnée » est remplacé par le mot : « entendue » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’elle est consultée selon la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, la commission désigne un rapporteur chargé de préparer l’audition. » – (Adopté.)
Article 6
L’article 22 ter du Règlement est ainsi modifié :
1° Après l’alinéa 2, il est inséré un alinéa 2 bis ainsi rédigé :
« 2 bis. – Le Président du Sénat peut décider, en dehors des jours où le Sénat tient séance, de remplacer l’annonce en séance de cette demande par un affichage et une notification au Gouvernement et aux présidents de groupes et de commissions. La demande est considérée comme adoptée si, dans un délai expirant à minuit le lendemain de cette publication, il n’a été saisi d’aucune opposition par le président d’une commission permanente ou le président d’un groupe. Le Président en informe le Sénat lors de la plus prochaine séance. » ;
2° (nouveau) L’alinéa 3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans le cas prévu à l’alinéa 2 bis, cet avis est donné par le président de cette commission après consultation de ses membres. »
Mme la présidente. L’amendement n° 8, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
En dehors des jours où le Sénat tient séance, le Président du Sénat fait procéder à l’affichage de cette demande et la notifie au Gouvernement et aux présidents de groupes et de commissions.
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Cet amendement vise à prévoir qu’une demande de création d’une commission d’enquête donne systématiquement lieu à un affichage et à une notification au Gouvernement, aux présidents de groupe et aux présidents de commission en dehors des jours où le Sénat tient séance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous souhaitons que le président du Sénat reste compétent pour porter l’accord ou le désaccord. La création d’une commission d’enquête ne saurait avoir un caractère automatique. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 est adopté.)
Article 7
Le Règlement est ainsi modifié :
1° À l’alinéa 2 de l’article 6 ter, la référence : « 3 à » est remplacée par les références : « 3, 4 et » ;
2° Le chapitre II est complété par un article 6 quater ainsi rédigé :
« Art. 6 quater. – Les alinéas 2, 3 et 4 de l’article 21 sont applicables à la création d’une mission d’information en application de l’article 6 bis. » ;
3° L’article 8 ter est ainsi modifié :
a) À la fin de l’alinéa 4, les mots : « vingt et un » sont remplacés par le mot : « vingt-trois » ;
b) Après le même alinéa 4, il est inséré un alinéa 4 bis ainsi rédigé :
« 4 bis. – Toutefois, lors de l’inscription à l’ordre du jour de l’examen de la proposition de résolution, la Conférence des Présidents peut décider de déroger à ce plafond, dans la limite de l’effectif minimal d’une commission permanente mentionné à l’article 7. » ;
4° L’article 21 est ainsi modifié :
a) L’alinéa 2 est complété par les mots : « , qui ne peut excéder vingt-trois » ;
b) Après le même alinéa 2, il est inséré un alinéa 2 bis ainsi rédigé :
« 2 bis. – Par dérogation à l’alinéa 2, la Conférence des Présidents peut décider de déroger au plafond de vingt-trois membres, dans la limite de l’effectif minimal d’une commission permanente mentionné à l’article 7. »
Mme la présidente. L’amendement n° 34, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian et M. Salmon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. 6…. – Toute commission d’enquête, mission d’information ou groupe de travail doit comporter au minimum un membre de chaque groupe parlementaire. »
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement a pour objet de renforcer les droits de l’opposition, ce qui est cher à la Haute Assemblée. Il s’agit de prévoir la présence d’au moins un membre de chaque groupe d’opposition au sein de tous les groupes de travail mis en place au Sénat. C’est généralement le cas, mais certaines exceptions récentes invitent à préciser ce point dans notre règlement.
Ignorer la pluralité politique en n’incluant pas certains groupes parlementaires dans les groupes de travail n’est pas envisageable. Pourtant, dans la foulée du renouvellement sénatorial, certains groupes politiques, dont celui que j’ai l’honneur de présider, ont été exclus de plusieurs groupes de travail ou de suivi mis en place par la commission des affaires économiques : Égalim, nouvelles formes de commerce, agriculteurs en situation de détresse, assurance récolte… Nous nous en sommes émus sans succès. Il nous a été rétorqué que la faiblesse numérique de ces groupes ne permettait pas de leur accorder une place.
Il convient de garantir que de telles situations ne se reproduisent plus et que la représentation des groupes d’opposition dans le travail parlementaire soit respectée en toutes circonstances.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Une telle demande est satisfaite pour les commissions d’enquête : l’ordonnance de 1958 impose que celles-ci soient composées de manière à assurer la représentation proportionnelle des groupes politiques. Elle l’est également pour les missions d’information, aux termes de l’article 21 de notre règlement et de l’article 7 de la présente proposition de résolution.
Pour les groupes de travail des commissions, l’usage est de désigner un binôme de rapporteurs, l’un de la majorité, l’autre de l’opposition. Bien entendu, les auditions sont ouvertes à l’ensemble des commissaires.
La commission considère donc que la demande est satisfaite et sollicite le retrait de l’amendement, faute de quoi l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Gontard, l’amendement n° 34 est-il maintenu ?
M. Guillaume Gontard. Je suis d’accord avec M. le rapporteur pour ce qui concerne les commissions d’enquête et les missions d’information, mais, s’agissant des groupes de travail, les exemples que j’ai mentionnés illustrent la nécessité de prévoir une telle disposition dans notre règlement.
C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7.
(L’article 7 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 7
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l’alinéa 1 de l’article 6 bis du Règlement, le mot : « ou » est remplacé par le mot : « et ».
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il convient d’accorder à chaque groupe politique un droit de tirage par an pour une commission d’enquête et une mission d’information. Cela répond bien à l’objectif visé au titre III de la proposition de résolution : renforcer les pouvoirs de contrôle du Sénat. Certes, je ne me fais guère d’illusions : une telle mesure serait, paraît-il, coûteuse…
Je profite de l’occasion pour saluer le travail des administrateurs du Sénat, qui nous assistent au sein des commissions d’enquête et des missions d’information, comme ils le font au sein des autres organes de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ma chère collègue, vous avez raison de ne pas vous faire beaucoup d’illusions…
Nous n’avons évidemment pas d’hostilité de principe à votre proposition. Simplement, au sein du groupe de travail, tout le monde a déploré le nombre trop important de missions de contrôle ou de groupes en tous genres : figurez-vous qu’il y en a eu 120 en 2020 ! Conservons donc le droit constant, afin de rester dans des proportions correctes.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 4 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, mais je souligne tout de même qu’il existe des différences de périmètre, d’objectifs et de moyens entre un groupe de travail, une mission flash, une commission, une commission d’enquête ou une mission d’information. Je trouve donc la position de la commission un peu regrettable.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 est retiré.
Les amendements nos 30 et 31 ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 8 ter du Règlement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …. - Lorsqu’une commission parlementaire dotée des prérogatives des commissions d’enquête fait procéder lors de ses auditions à une prestation de serment, le bureau de ladite commission peut être saisi et est compétent pour engager des poursuites sur la base de l’article 434-13 du code pénal. Si les faits donnant lieu au déclenchement des poursuites sont découverts postérieurement à la fin des travaux de la commission d’enquête et à la remise de son rapport, le président et le rapporteur de ladite commission d’enquête peuvent saisir le bureau du Sénat aux fins de poursuites. Si la découverte des faits est postérieure à un renouvellement du Sénat, le bureau du Sénat est compétent pour déclencher des poursuites éventuelles. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un sujet extrêmement important.
Certaines personnes auditionnées dans le cadre des commissions d’enquête ont purement et simplement violé le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité qu’elles avaient prêté. Par conséquent, et afin de renforcer les pouvoirs de contrôle du Sénat, je propose d’inscrire dans le règlement la possibilité pour le président et le rapporteur d’une commission d’enquête d’engager des poursuites pour faux témoignage. Cela me paraît extrêmement important. Tous deux pourront être réactifs, car ils connaîtront bien le dossier et les travaux de la commission d’enquête.
Dans l’hypothèse où les faits donnant lieu au déclenchement des poursuites seraient découverts postérieurement aux travaux de la commission d’enquête, le président et le rapporteur resteraient compétents. En revanche, si les faits étaient découverts après un renouvellement du Sénat, ce serait au bureau de la Haute Assemblée d’engager des poursuites pour faux témoignage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La proposition de notre collègue est contraire aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires : « Les poursuites […] sont exercées à la requête du président de la commission ou, lorsque le rapport de la commission a été publié, à la requête du bureau de l’assemblée intéressée. »
En d’autres termes, si les travaux de la commission d’enquête ne sont pas achevés, c’est son président qui peut engager les poursuites ou, en tout cas, informer le procureur de la République ; s’ils sont terminés, c’est le bureau de l’assemblée concernée, dans notre cas le bureau du Sénat, qui peut effectuer un signalement au procureur de la République. Ce n’est jamais au bureau de la commission de le faire.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 8
L’alinéa 3 de l’article 75 du Règlement est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le mot : « ci-dessus » est remplacé par la référence : « à l’alinéa 2 » ;
2° À la fin de la seconde phrase, les mots : « cette demande de conversion » sont remplacés par les mots : « sa publication ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 8
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 39, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’alinéa 5 de l’article 16 du Règlement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’une proposition de loi est examinée dans le cadre d’un ordre du jour réservé à un groupe de l’opposition ou minoritaire, le rapporteur en est membre, sauf décision contraire du groupe. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Voilà une proposition que je qualifierais de « bon sens constitutionnel ».
Dès lors que la Constitution offre la possibilité à des groupes minoritaires ou d’opposition d’inscrire à l’ordre du jour de nos travaux des propositions de loi dans le cadre d’un espace réservé, il paraît logique que le rapporteur ou la rapporteure de ces textes puissent être issus des groupes ayant pris une telle initiative. En pratique, plusieurs commissions appliquent ce raisonnement. Pourquoi la majorité s’arcboute-t-elle autant alors qu’elle a toujours la possibilité, que nous ne contestons pas, d’adopter ou de rejeter in fine les propositions de loi examinées ?
Mme la présidente. L’amendement n° 16, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’alinéa 5 de l’article 16 du Règlement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les propositions de loi inscrites à l’ordre du jour à l’initiative d’un groupe d’opposition ou d’un groupe minoritaire, le rapporteur est désigné parmi les membres du groupe de l’auteur du texte, si le Président de ce groupe en fait la demande. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Je rejoins les propos de Mme Assassi. Nous ne comprenons pas qu’un tel principe ne figure pas dans notre règlement. Je note d’ailleurs que plusieurs commissions l’appliquent déjà en pratique. Nous en proposons simplement la généralisation. Personne ne conteste la latitude ultime de la majorité s’agissant du vote.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Mieux vaut éviter de faire désigner par les commissions des rapporteurs qui seront systématiquement battus au banc sur des textes ayant peu de chances d’aboutir. En revanche, sur des propositions de loi susceptibles de prospérer, les présidents de commission veillent à confier le rapport au fond à des collègues issus du même groupe que l’auteur du texte. Évitons de rigidifier le système.
Je rappelle tout de même que les commissions ne modifient pas les textes issus des propositions de loi sans l’accord des auteurs. C’est un gentleman’s agreement. Conservons cette manière de procéder.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 17, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 15 ter du Règlement est ainsi rédigé :
« Art. 15 ter. - 1. – Les travaux des commissions sont publics.
« 2. – Un compte rendu détaillé des réunions des commissions est publié chaque semaine.
« 3. – Les auditions des rapporteurs sur les projets ou propositions de loi sont ouvertes à l’ensemble des commissaires.
« 4. – Chaque commission peut décider de déroger à l’alinéa 1 à la demande du Premier ministre, de son président ou d’un dixième de ses membres, à l’exception des travaux prévus au chapitre XIV bis. Elle peut ensuite décider de la publication du compte rendu de ses débats au Journal officiel. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Nous souhaitons que la publicité des travaux des commissions soit de droit, et non, comme aujourd’hui, une exception. Cela paraît la moindre des choses en termes de fonctionnement démocratique.
Mme la présidente. L’amendement n° 19, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’alinéa 1 de l’article 15 ter du Règlement est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Tout sénateur membre d’une commission peut demander au Président de la commission une rectification du compte rendu dans les soixante-douze heures suivant sa publication. Tout refus est motivé par écrit. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les auteurs de l’amendement n° 17 souhaitent que les réunions des commissions soient systématiquement publiques et filmées. Actuellement, c’est l’exception. Les commissions se réunissent le plus souvent à huis clos. Bien entendu, certains travaux peuvent être diffusés, par exemple dans les cas d’auditions ou de tables rondes, mais c’est aux responsables des commissions d’en décider.
Par ailleurs, il est déjà possible de faire rectifier un compte rendu de commission lorsqu’un sénateur considère que ses propos ont été mal retranscrits, à condition évidemment de ne pas en changer radicalement le sens sur le fond.
La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Effectivement, il est le plus souvent possible de faire rectifier un compte rendu de commission, mais ce n’est pas le cas en commission mixte paritaire. Pour y avoir déjà été confronté, je peux vous certifier que c’est un véritable problème.
Mme la présidente. L’amendement n° 13, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 13 ter du Règlement, il est inséré un article 13 … ainsi rédigé :
« Art. 13 …. – Lorsque le président de la commission décide que la réunion de la commission se tient pour tout ou partie par visioconférence ou, à défaut, en audioconférence, le quorum ainsi que les votes sont appréciés par appel nominal, en fonction de la présence des membres dans le lieu de réunion mais également de ceux présents à distance. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Je le rappelle, à l’origine, la révision de notre règlement découlait d’une volonté d’adapter notre fonctionnement pour tenir compte de la période que nous avons traversée. C’est ce que nous proposons en l’occurrence.
Si des réunions de commission doivent se tenir en visioconférence, il nous semble tout à fait possible de faire procéder au vote par appel nominal, ce qui ne pose aucune difficulté en termes de sincérité du scrutin. Cela se pratique d’ailleurs dans les assemblées délibérantes des collectivités territoriales. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle, pour des cas exceptionnels, comme ceux que nous avons d’ores et déjà vécus et expérimentés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Depuis le début de la crise, nous avons toujours écarté le vote à distance, préférant le système, plus classique, des procurations.
Je rappelle que le président du Sénat s’est toujours opposé à l’idée d’un « Parlement virtuel ». Or l’adoption d’une telle mesure nous ferait nous engager sur cette voie, ce qui n’est pas souhaitable. Au demeurant, personne n’avait formulé une telle demande au cours de nos débats.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Sueur et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Bourgi, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Règlement est ainsi modifié :
1° La première phrase de l’alinéa 7 de l’article 29 bis est complétée par les mots : « ou une proposition de résolution se rapportant au débat de contrôle en commission défini au chapitre XV bis » ;
2° Après le chapitre XV, il est inséré un chapitre XV bis ainsi rédigé :
« Chapitre XV bis
« Débat en commission
« Art. …. – 1. – À la demande d’un groupe politique, d’une commission, de la commission des affaires européennes ou d’une délégation, la Conférence des Présidents peut proposer au Sénat d’organiser un débat d’initiative sénatoriale avec questions, uniquement en commission.
« 2. – Les sénateurs et le Gouvernement sont immédiatement informés de la date de réunion consacrée au débat.
« 3. – L’ensemble des sénateurs peut participer à la réunion et interroger le Gouvernement.
« 4. – Le débat fait l’objet d’un compte rendu détaillé publié au Journal officiel.
« Art. …. – 1. – Le débat se déroule sous la présidence du président de la commission compétente.
« 2. – Le débat est ouvert par le représentant de l’auteur de la demande de débat en commission. Son intervention ne peut excéder cinq minutes.
« 3. – Chaque sénateur peut prendre la parole autant de fois qu’il le souhaite. Chacune des prises de parole ne peut excéder deux minutes et demie, réplique comprise.
« 4. – La parole est donnée à tous les orateurs en appelant successivement un orateur de chaque groupe ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe dans l’ordre du tirage au sort prévu à l’alinéa 5.
« 5. – Au début de chaque session ordinaire, les présidents des groupes et le délégué des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe déterminent, par voie de tirage au sort, l’ordre dans lequel seront classés leurs orateurs au sein de chaque série, pour le premier débat en commission faisant l’objet d’une organisation. Lors de chaque débat en commission organisé ultérieurement, cet ordre est décalé d’un rang, de telle sorte que chaque groupe soit classé au rang immédiatement supérieur, le groupe placé antérieurement en tête prenant la dernière place.
« Art. …. – 1. – À la suite de ce débat, l’auteur de la demande de débat en commission peut proposer d’inscrire à l’ordre du jour une proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution. Elle se rapporte au thème du débat tenu en commission.
« 2. – Cette proposition de résolution est soumise aux règles de recevabilité prévues au chapitre XVI du présent Règlement.
« 3. – Son examen se déroule lors des semaines de séance réservées par priorité au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Dans le cadre du groupe de travail, nous avons évoqué la possibilité d’un débat de contrôle en commission. Mme Gruny travaille sur le sujet. M. le président du Sénat semblait ouvert à cette proposition.
Cet amendement vise à mettre en musique la manière dont de tels débats pourraient se dérouler, sur le modèle de la législation en commission. Il serait ensuite possible d’inscrire à l’ordre du jour du Sénat une proposition de résolution issue des travaux de ces débats, qui seraient sans doute plus interactifs et satisfaisants que nos actuels débats de contrôle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. En l’espèce, cela reviendrait à avoir en commission les débats que nous avons en séance.
En réalité, les présidents de commission peuvent convoquer – ils le font d’ailleurs en pratique – les ministres ou personnalités qu’ils souhaitent entendre et organiser des débats de contrôle dans ce cadre. De surcroît, cela s’effectue sans limite de temps. Et tout se passe bien.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Mon groupe ne votera pas cet amendement.
Vous le savez, nous sommes opposés à la législation en commission. Certes, j’avoue que j’utilise assez peu souvent mon droit de veto. Néanmoins, par cohérence, mais pas seulement, nous ne sommes pas favorables à la proposition de nos collègues socialistes.
Je rebondis sur les propos que Mme Goulet a tenus précédemment. Si nous légiférons en commission, si nous organisons nos débats de contrôle en commission, à quoi va servir à terme la séance publique ?
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Soyons lucides : nos débats de contrôle actuels n’intéressent que ceux qui y participent.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Roger Karoutchi. Lors des questions orales, il y a même moins de présents en séance que d’auteurs de question ; chacun vient poser sa question, puis s’en va.
En réalité, c’est le mode même de contrôle de l’action du Gouvernement qu’il faut revoir. Or le fait de le transférer en commission ne le rendra pas meilleur. Au demeurant, permettre à tout sénateur d’intervenir autant de fois qu’il le souhaite deux minutes trente, comme le suggèrent les auteurs de cet amendement, rendrait les séances insupportables.
Réfléchissons donc à un autre mode de contrôle, mais ne transférons pas le problème.
Mme la présidente. L’amendement n° 21, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’alinéa 7 de l’article 29 bis du Règlement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Au début de chaque session ordinaire, la Conférence des Présidents détermine les règles relatives à l’inscription à l’ordre du jour des débats d’initiative sénatoriale de sorte à garantir un traitement équitable entre les groupes politiques. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. L’article 29 bis du règlement prévoit que la conférence des présidents peut inscrire à l’ordre du jour un débat d’initiative sénatoriale à la demande d’un groupe politique, d’une commission, de la commission des affaires européennes ou d’une délégation.
Cet amendement vise à prévoir que la conférence des présidents fixera au début de chaque session ordinaire les règles et les critères encadrant le choix des débats de contrôle afin d’assurer un traitement équitable entre les différents groupes politiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement me semble d’ores et déjà satisfait.
Vous venez, mon cher collègue, de rappeler très justement les dispositions de l’alinéa 7 de l’article 29 bis du règlement. La conférence des présidents peut inscrire à l’ordre du jour tout débat d’initiative sénatoriale et, en pratique, elle répond favorablement aux demandes des groupes politiques. En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Kerrouche, l’amendement n° 21 est-il maintenu ?
M. Éric Kerrouche. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 23, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 6 ter du Règlement, il est inséré un article 6… ainsi rédigé :
« Art. 6…. – Chaque groupe a droit à la mise en ligne sur le site Internet du Sénat d’une consultation des élus locaux par année parlementaire. Au début de chaque session ordinaire, la Conférence des présidents en détermine les modalités.
« La demande est formulée au plus tard une semaine avant la réunion de la Conférence des Présidents qui doit en prendre acte. En cas de demandes concurrentes portant sur un même sujet, priorité est donnée au groupe ayant transmis en premier sa demande.
« À l’issue de la consultation, le groupe politique à son initiative décide des suites à lui donner. Si la consultation donne lieu, dans les trois mois, à une proposition de loi ou à une proposition de résolution, son inscription à l’ordre du jour du Sénat est de droit si le groupe le demande. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Le Sénat s’est doté d’un outil intéressant de consultation des élus locaux en ligne.
Aux termes de cet amendement, la conférence des présidents définirait au début de chaque session ordinaire les modalités d’un droit de tirage permettant à chaque groupe politique de mettre en ligne sur le site internet du Sénat l’une de ces consultations.
Nous proposons également, en complément, que, lorsque cette consultation donne lieu au dépôt d’une proposition de loi ou de résolution, celle-ci soit inscrite de droit à l’ordre du jour du Sénat à la demande du groupe qui en est à l’initiative.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La plateforme de consultation des élus locaux est un outil institutionnel au service du Sénat, et non des partis ou des groupes politiques, qui disposent de leurs propres moyens de communication à destination des citoyens. C’est la raison pour laquelle l’avis est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. L’explication du rapporteur ne tient pas.
Nous souhaitons simplement que chaque groupe puisse lancer une consultation des élus locaux. Je ne vois pas quel problème cela pourrait poser, sauf à considérer que cet outil de consultation est à la disposition exclusive de la majorité sénatoriale, et non du Sénat dans son ensemble.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un outil institutionnel interne à la maison, au service notamment des commissions et des délégations. Son but est d’assurer la communication du Sénat, et non celle d’un parti politique.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je dois dire que je ne comprends même pas l’amendement. Toutes les collectivités, toutes les institutions disposent d’un site internet. Cela n’empêche pas les groupes politiques d’avoir leurs propres systèmes de consultation et leurs propres outils de communication.
Les groupes socialiste, centriste ou LR du Sénat peuvent très bien organiser une consultation des élus via un site internet dédié. Si on permet au site officiel de l’institution d’être chaque année « politisé » par un groupe, on va sacrément compliquer la tâche. À mélanger ainsi les genres, on ne saura plus in fine qui fait quoi. Laissons donc l’institution fonctionner et chaque groupe politique prendre la responsabilité de ses consultations et de sa communication.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 50 quater du Règlement est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« … – Lors du débat, la Conférence des Présidents s’assure que toutes les opinions peuvent être entendues, y compris les positions défavorables à la résolution.
« … – S’ils n’ont pu s’exprimer lors de la discussion générale, les orateurs opposés à la résolution disposent d’un temps d’explication de vote de deux minutes et demie chacun. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement vise à assurer le pluralisme des opinions.
Lors de l’examen des propositions de résolution, il n’est pas rare que la discussion générale vaille explication de vote et il n’est pas rare non plus qu’un seul orateur par groupe puisse s’exprimer. Si jamais l’un de ses membres ne partage pas la position majoritaire, il ne dispose donc d’aucun temps de parole.
Nous avons examiné, jadis, une proposition de résolution sur l’indépendance de la Palestine : la discussion générale avait valu explications de vote, mais des rappels au règlement avaient été ouverts pour remplacer ces dernières.
Plus récemment, lors du débat sur l’indépendance du Nagorno-Karabakh, au mois de novembre dernier, aucune explication de vote n’avait été possible. Pourtant, certains parmi nous n’étaient pas d’accord avec ce texte – c’était mon cas.
M. Patrick Kanner. Il me semble que vous étiez la seule…
Mme Nathalie Goulet. J’étais peut-être la seule de mon espèce, mais j’avais le droit d’avoir une opinion divergente !
M. Patrick Kanner. Bien sûr !
Mme Nathalie Goulet. Le problème ne se pose pas seulement pour les conflits dégelés du Caucase…
Pour permettre l’expression des opinions divergentes, le présent amendement vise à prévoir la possibilité d’explications de vote à la fin de la discussion générale, ce qui ne porte pas atteinte selon moi à l’équilibre des débats ni au temps réservé aux groupes minoritaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Conformément aux dispositions de l’article 34-1 de la Constitution, la conférence des présidents peut décider que les interventions des orateurs dans la discussion générale valent explications de vote. Nous souhaitons laisser la liberté aux groupes politiques, qui sont tous représentés au sein de cette instance, de désigner leurs intervenants. Reste qu’il est possible que plusieurs orateurs d’un même groupe s’expriment, ce qui permet le cas échéant de traduire des opinions différentes ou divergentes.
Je le répète, il revient aux groupes d’organiser les interventions de leurs membres comme ils le souhaitent. En conséquence, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je rappelle qu’on peut avoir raison contre tous… Néanmoins, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié est retiré.
L’amendement n° 22, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Règlement du Sénat est ainsi modifié :
1° L’alinéa 1 de l’article 17 bis est complété par une phrase ainsi rédigée : « Chaque amendement ou sous-amendement mentionne la date et l’heure auxquelles il a été transmis au secrétariat de la commission compétente. » ;
2° Après l’alinéa 2 de l’article 44 bis, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 2…. – Chaque amendement ou sous-amendement mentionne la date et l’heure auxquelles il a été transmis à la direction de la Séance. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Cet amendement vise simplement à vérifier le respect des dispositions relatives aux délais de dépôt des amendements au moyen d’un horodatage.
Des problèmes sont régulièrement signalés, notamment pour les amendements déposés par les rapporteurs. Il semblerait, par exemple, que certains amendements sur le projet de loi Climat soient apparus durant le week-end, alors que le délai limite était fixé à jeudi midi.
Les règles doivent être respectées par tous, rapporteurs y compris !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Tout d’abord, une telle mesure ne relève pas du règlement. Ensuite, il existe déjà un dispositif d’horodatage des amendements. Votre demande est donc satisfaite : avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 52, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’alinéa 3 de l’article 44 bis du Règlement est ainsi modifié :
1° Les mots : « effectivement au texte » sont remplacés par les mots : « au projet de loi ou à la proposition » ;
2° Après le mot : « visent », la fin de cet alinéa est ainsi rédigé : « . Ils sont recevables en première lecture s’ils présentent un lien, même indirect, avec le projet ou la proposition en discussion. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Des procédures d’irrecevabilité
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Depuis plusieurs années, nous assistons à une dérive inquiétante de l’utilisation des irrecevabilités constitutionnelles à l’égard des amendements. Je le rappelle une nouvelle fois : le droit d’amendement constitue une prérogative constitutionnelle majeure. En voulant le rogner, on s’attaque au pouvoir du Parlement.
Ce thème a été volontairement écarté par le groupe de travail à l’origine de la proposition de résolution, alors qu’il aurait dû, selon nous, être au centre du débat. C’est pourquoi nous avons souhaité déposer plusieurs amendements sur le sujet.
Cet amendement porte sur l’application de l’article 45 de la Constitution. Quel est le champ du droit d’amendement sur un projet ou une proposition de loi ? D’année en année, les règlements des assemblées et le Conseil Constitutionnel ont restreint la recevabilité des amendements au nom du combat contre les cavaliers législatifs. Or la question du lien d’un amendement avec le texte en discussion est subjective, comme en témoigne la très grande diversité d’approche des consignes qui parviennent aux groupes pour l’application de l’article 45.
Pourquoi réduire drastiquement, depuis des années, la possibilité de déposer des propositions alternatives, qui s’écartent certes de la lettre du texte, mais portent parfois sur le même objet ? Nous proposons par cet amendement d’être précis, afin de garantir le droit d’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. On peut engager un débat sur l’application de l’article 45, mais ce n’est pas l’objet du texte que nous examinons cet après-midi.
Par ailleurs, la différence entre cet amendement et la rédaction actuelle du règlement ne semble pas évidente. En conséquence, la commission en sollicite le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, ayons ce débat sur l’article 45 !
M. Roger Karoutchi. Pas maintenant !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous pouvons en discuter à une autre occasion, mais ce débat est éminemment nécessaire.
Le groupe communiste propose finalement d’écrire dans le règlement ce que dit la Constitution : sont recevables les amendements qui ont un rapport « même indirect » avec le texte.
On demande actuellement au pauvre rapporteur d’un texte de commencer par nous infliger un laïus sur le périmètre au sein duquel nous aurons le droit de proposer des amendements. Cette pratique n’est pas absolument conforme à la Constitution. En effet, un amendement ayant un rapport « même indirect » avec le texte devrait être recevable, même en dehors du périmètre qui nous est désormais imposé.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je reconnais la subtilité du questeur Sueur, qui nous dit que cet amendement ne vise finalement qu’à écrire dans le règlement l’article 45 de la Constitution. En fait, non ! On inscrirait dans le règlement une interprétation de l’article 45 de la Constitution, ce qui n’est pas exactement la même chose. (Sourires.) Or ce n’est pas par un article du règlement intérieur du Sénat qu’on peut interpréter ou modifier la Constitution.
Comme je suis aussi de ceux qui voient leurs amendements frappés par l’article 45, je ne demanderai pas mieux que de réfléchir à une nouvelle rédaction de cet article à l’occasion d’une réforme constitutionnelle, voire à une nouvelle rédaction de l’article 40, afin d’élargir les pouvoirs du Parlement. En attendant, ce n’est pas du tout l’objet de notre débat, qui porte sur le règlement intérieur du Sénat.
Mme la présidente. Monsieur Lahellec, l’amendement n° 52 est-il maintenu ?
M. Gérard Lahellec. Non, je le retire, madame la présidente. Mais le débat sur l’article 45 de la Constitution devra avoir lieu un jour.
Mme la présidente. L’amendement n° 52 est retiré.
L’amendement n° 40, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 44 bis du Règlement est ainsi modifié :
1° Après les mots : « d’irrecevabilité », la fin de l’alinéa 9 est ainsi rédigée : « soumise à la décision du Sénat. Seul l’auteur de la demande d’irrecevabilité, un orateur d’opinion contraire, la commission et le Gouvernement peuvent intervenir. Aucune explication de vote n’est admise. » ;
2° L’alinéa 10 est abrogé.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Des procédures d’irrecevabilité
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Cet amendement reprend une proposition ancienne, dont la nécessité est renforcée par la multiplication des irrecevabilités, en particulier financières.
L’arbitraire qui prévaut parfois exige qu’un débat ait lieu lorsque l’irrecevabilité, en l’occurrence fondée sur l’article 45 de la Constitution, est soulevée en séance publique.
Si l’irrecevabilité n’a pas été soulevée au moment du dépôt de l’amendement – je ne parle pas des amendements du Gouvernement, bien évidemment –, c’est qu’elle n’est pas évidente. Le doute rend donc le débat nécessaire dans ce cas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Adopter cet amendement reviendrait à supprimer à la commission saisie au fond la possibilité d’appliquer les dispositions de l’article 45 de la Constitution, comme le prévoit l’alinéa 3 de l’article 44 bis du règlement du Sénat.
Je relève par ailleurs que le nombre d’amendements déclarés irrecevables est extrêmement limité au regard du volume d’amendements déposés, et que ces derniers sont publiés et connus de tous.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 46 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la deuxième phrase de l’article 44 ter du Règlement, les mots : « aux amendements de la commission saisie au fond ou du Gouvernement, ni » sont supprimés.
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Nous entendons restreindre la possibilité pour les rapporteurs et le Gouvernement de déposer à tout moment des amendements en séance publique.
Notre débat est exceptionnel à plus d’un titre, notamment en raison de l’absence de tout représentant du Gouvernement. Le Sénat est en effet souverain pour modifier son règlement. Pourtant, nous nous délestons bien aisément de ces bribes de souveraineté, comme le prouve cette capacité octroyée au Gouvernement de déposer des amendements, à n’importe quel moment, sur les projets ou propositions de loi.
Cette pratique consacre un déséquilibre important entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Lors de ses vœux de 2020, le président Gérard Larcher déclarait fort justement : « Le Sénat continuera à être, je l’espère, un contre-pouvoir sans lequel aucune démocratie ne peut exister. »
Avec de telles pratiques totalement injustifiables, et qui ne cessent de s’accroître, comment ne pas considérer que la bonne tenue de nos travaux est entravée ?
Nous avons tous, un jour, assisté à la présentation d’un amendement du Gouvernement dont nous n’avions pu prendre connaissance en amont et qui aurait mérité un temps d’examen approfondi. Nous ne pouvons légiférer ainsi au « doigt mouillé ».
Nous proposons donc que le Gouvernement soit astreint aux mêmes règles que tous les membres du Parlement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est contraire à l’article 13 de la loi organique du 15 avril 2009, qui prévoit expressément que le délai limite de dépôt des amendements de séance ne s’applique pas aux amendements déposés par le Gouvernement ou la commission saisie au fond. Une telle limitation du droit d’amendement du Gouvernement serait en outre contraire à la Constitution.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Règlement est ainsi modifié :
1° L’article 17 bis est ainsi modifié :
a) L’alinéa 2 est ainsi rédigé :
« 2. – La commission est compétente pour se prononcer sur la recevabilité des amendements et sous-amendements. Vingt-quatre heures au moins avant la réunion de la commission, le Président de la commission communique la liste des amendements dont il propose l’irrecevabilité au regard de l’article 40 de la Constitution et des dispositions organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, le cas échéant après communication au président de la commission des finances qui rend un avis motivé, et des autres irrecevabilités, à l’exception de celle fondée sur l’article 41 de la Constitution. À titre exceptionnel, le Bureau de la commission peut décider de déroger à ce délai. Toute proposition d’irrecevabilité est motivée. La commission se prononce par un vote sur la recevabilité des amendements. » ;
b) L’alinéa 4 est ainsi rédigé :
« 4. – La commission détermine son avis sur les amendements déposés sur le texte qu’elle a proposé avant le début de leur discussion par le Sénat. Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41 de la Constitution, des dispositions organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que de l’article 45 du présent Règlement, vingt-quatre heures au moins avant la réunion de la commission saisie au fond, le Président de la commission communique la liste des amendements dont il propose l’irrecevabilité. À titre exceptionnel, le Bureau de la commission peut décider de déroger à ce délai. Toute proposition d’irrecevabilité est motivée. La commission se prononce par un vote sur la recevabilité des amendements. » ;
2° Après l’alinéa 4 de l’article 45, il est inséré un alinéa 4… ainsi rédigé :
« 4…. – Tout sénateur peut contester en séance, à propos d’un amendement dont il est l’auteur, une déclaration d’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution, sur la loi organique relative aux lois de finances ou sur l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. En cas de désaccord entre la commission des finances ou la commission des affaires sociales et le Gouvernement, l’assemblée se prononce sur la déclaration d’irrecevabilité. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Cet amendement est à la hauteur de la frustration générée par les irrecevabilités. Nous souhaitons durcir les règles qui les encadrent en prévoyant que le président de la commission saisie au fond communique la liste des amendements dont il propose l’irrecevabilité au moins vingt-quatre heures avant la réunion de la commission, en motivant bien entendu son avis.
Par ailleurs, tout sénateur pourrait contester en séance une déclaration d’irrecevabilité fondée sur l’article 40. Il reviendrait alors à l’assemblée de se prononcer, sauf en cas d’accord entre la commission des finances et le Gouvernement sur ladite déclaration d’irrecevabilité.
L’idée est donc simplement d’encadrer ces irrecevabilités, qui entravent l’exercice du travail parlementaire et amputent toujours un peu plus notre capacité d’initiative.
Mme la présidente. L’amendement n° 38, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 17 bis du Règlement est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase de l’alinéa 1, les mots : « applicable, ni aux amendements du Gouvernement, ni » sont remplacés par les mots : « pas applicable » ;
2° À la troisième phrase de l’alinéa 2, le mot : « ne » et le mot : « pas » sont supprimés.
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour le Gouvernement de déposer à tout moment des amendements en commission.
Dans Le Prince, jusqu’au chapitre XV, Machiavel montre dans quelles conditions le pouvoir s’acquiert ou se conserve dans les principautés. Plus que dans les républiques, il dépend des vertus propres du gouvernant. Par « vertus », il faut ici entendre les capacités d’exercice de la décision, qu’elles soient morales ou non.
Laisser au Gouvernement la possibilité, en droit, de déposer à tout moment des amendements lors de l’examen en commission, c’est vouloir faire reposer bien grande conséquence sur les vertus de nos gouvernants…
Comme pour le dépôt illimité en séance publique, que nous contestions au travers de l’amendement n° 46 rectifié, nous estimons que l’examen d’un texte est un exercice démocratique qui ne peut souffrir d’un tel déséquilibre, surtout lorsqu’on connaît la disproportion de moyens entre la majorité et l’opposition : entre les 1,9 million de fonctionnaires susceptibles, dans les ministères, de contribuer à l’élaboration des textes, auxquels il faut ajouter les 324 collaborateurs des cabinets ministériels – un effectif qui ne cesse de repartir à la hausse –, le décalage est criant.
Au-delà des moyens matériels, le décalage repose aussi sur le modelage de l’ordre du jour par le Gouvernement et sur les outils constitutionnels qui permettent d’en accroître la portée, ainsi que sur le temps de parole incroyablement élevé dont il peut se prévaloir.
Il est pourtant des avantages dont les puissants n’ont pas besoin. Même lorsqu’ils sont maigres, ces privilèges, injustes, suscitent de la frustration. La volonté des gouvernants s’impose ainsi aux gouvernés et à leurs représentants, bien loin des yeux de nos concitoyennes et concitoyens, sans que ces derniers puissent les contester ou les discuter…
Nous nous trouvons ainsi pris dans un flot législatif, avec des salves d’amendements qui tombent au dernier moment sans aucun autre motif que la précipitation, voire l’actualité médiatique. Il est impératif que le Gouvernement attende la navette pour introduire de nouvelles propositions ou, a minima, qu’il respecte les règles communes de dépôt en commission et en séance.
Mme la présidente. L’amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Règlement est ainsi modifié :
1° La troisième phrase de l’alinéa 2 de l’article 17 bis est supprimée.
2° La seconde phrase de l’alinéa 1 de l’article 45 est supprimée.
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Cet amendement vise simplement à mettre en distribution les amendements déclarés irrecevables, de telle sorte que les citoyens puissent prendre connaissance du travail accompli.
Mme la présidente. L’amendement n° 42, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase de l’alinéa 1 de l’article 45 du Règlement est supprimée.
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Des procédures d’irrecevabilité
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 41, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase de l’alinéa 1 de l’article 45 du Règlement est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Le Président de la commission, par un avis écrit et précisément motivé, avertit l’auteur de l’amendement potentiellement irrecevable. Une nouvelle rédaction conforme à l’article 40 de la Constitution peut être présentée soit une heure avant l’examen du rapport en commission, soit à l’ouverture de la discussion générale en séance publique. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Des procédures d’irrecevabilité
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Cet amendement vise à améliorer concrètement la procédure d’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution.
Les plus anciens sénateurs ou sénatrices se rappelleront qu’au début de l’application de la LOLF, un texte qui a fortement durci les irrecevabilités, il était proposé aux auteurs d’amendements de les modifier pour échapper aux fourches caudines de l’article 40. C’était une bonne chose, car cela permettait parfois de déposer l’amendement modifié.
Nous proposons un dispositif simple permettant de revenir à un fonctionnement souple des prérogatives parlementaires. Nul doute toutefois que la rédaction de cet amendement peut être perfectionnée. Nous attendons vos propositions en ce sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La jurisprudence du Conseil constitutionnel impose un contrôle de la recevabilité financière « effectif et systématique » au moment du dépôt des amendements. En conséquence, les amendements nos 20 rectifié, 18 rectifié et 42, qui visent à distribuer et à publier les amendements déclarés irrecevables, iraient à l’encontre de cette jurisprudence. Ce serait également le cas de la procédure prévue dans l’amendement n° 20 rectifié, qui remplacerait le contrôle du président de la commission par un vote de celle-ci et qui autoriserait la contestation en séance d’une déclaration d’irrecevabilité financière. En pratique, le président de la commission adresse un courrier à l’auteur de l’amendement déclaré irrecevable à ce titre.
Le dispositif proposé pour l’article 45 de la Constitution par ce même amendement n° 20 rectifié – envoi des amendements susceptibles d’être déclarés irrecevables avant la tenue de la commission – est satisfait en pratique. Aucune exigence constitutionnelle n’impose la motivation des décisions d’irrecevabilité.
L’amendement n° 41 vise à ce que le président de la commission des finances avertisse l’auteur d’un amendement avant de le déclarer irrecevable, afin de lui laisser le temps de le rendre conforme à la Constitution. En pratique, une certaine souplesse est d’ores et déjà de mise. Il ne nous paraît donc pas utile de rigidifier le processus prévu dans le règlement.
Enfin, l’amendement n° 38 vise à soumettre le Gouvernement au délai limite de dépôt des amendements en commission. Je le répète, une telle proposition n’est pas conforme à la Constitution.
L’avis de la commission est donc défavorable sur tous ces amendements.
J’en profite pour vous communiquer quelques chiffres sur les amendements déclarés irrecevables au titre de l’article 45 : on en a dénombré 103 au cours de la session 2015-2016, 146 en 2016-2017, 80 en 2017-2018, 388 en 2018-2019 et 144 en 2019-2020, pour un volume d’amendements déposés oscillant entre 8 000 et 10 000 par an.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Toutes ces propositions, à l’exception de l’amendement n° 41, adressent finalement un message assez clair au Gouvernement, l’invitant à réformer la Constitution pour revoir l’équilibre des articles 40 et 45 relatifs au fonctionnement même du Parlement. Nous partageons ce souhait, mais, comme le règlement du Sénat n’a pas vocation à modifier la Constitution, le débat tourne quelque peu à vide…
L’amendement n° 41 est légèrement différent. Même si je ne souhaite pas rigidifier à ce point le dispositif, il pourrait relever du bon sens et du bon travail parlementaire que le président de la commission des finances, avant de déclarer un amendement irrecevable sur le fondement de l’article 40, contacte l’auteur de l’amendement pour lui expliquer dans quelles conditions celui-ci pourrait être recevable. Mais cela relève davantage d’un mode de fonctionnement « normal » du président de la commission des finances que d’une modification du règlement du Sénat.
S’agissant des autres amendements, sincèrement, ce n’est pas au règlement du Sénat de remettre en cause l’équilibre des relations entre le Gouvernement et le Parlement.
Mme la présidente. L’amendement n° 44, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase de l’alinéa 7 de l’article 45 du Règlement, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Si l’irrecevabilité est constatée, elle doit être présentée à l’auteur de l’amendement par courrier comportant une argumentation. Cette irrecevabilité est susceptible de recours. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Des procédures d’irrecevabilité
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Toujours dans la même logique, nous proposons de renforcer le respect de l’initiative parlementaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Aucune exigence constitutionnelle n’impose un recours : avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 43, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deux premières phrases de l’alinéa 8 de l’article 45 sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’irrecevabilité est invoquée en séance publique, un débat a lieu auquel peut prendre part l’auteur de la demande ou son représentant, un orateur d’opinion contraire et, éventuellement, le Gouvernement. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Titre …
Des procédures d’irrecevabilité
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Par cet amendement, nous proposons une nouvelle fois de rétablir le débat contradictoire concernant les demandes d’irrecevabilité fondées sur l’article 40 de la Constitution.
La chape de plomb de cet article, renforcée par la LOLF et directement issue des exigences de la Commission européenne en matière de procédure budgétaire, doit être levée au moins partiellement.
Rappelons à quel point l’élaboration des budgets nationaux est désormais contrainte par les règles bruxelloises. L’application stricte de l’article 40 est le pendant du carcan imposé au Gouvernement pour l’élaboration même du projet de loi de finances, lequel doit recevoir l’aval de la Commission européenne avant même le début du débat parlementaire.
Si le Gouvernement a si peu de marges de manœuvre, pourquoi le Parlement en aurait-il ? Tout cela doit changer ; c’est une question de survie démocratique.
La crise de la covid a bien fait voler en éclats les critères des déficits publics, qui, jusqu’en 2020, étaient très contraignants. Pourquoi n’en serait-il pas de même de la chape de plomb que j’évoquais précédemment ?
Nous proposons, au travers de cet amendement, de contribuer modestement à ce retournement de situation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Vous visez au travers de cet amendement une compétence constitutionnelle confiée au président du Sénat, qui a seul le pouvoir d’exercer un recours.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 43.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE IV
MIEUX UTILISER LE TEMPS DE SÉANCE PUBLIQUE
Article additionnel avant l’article 9
Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’alinéa 5 de l’article 29 bis du Règlement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation à l’article 32, alinéa 3, la durée globale du temps dont disposent les groupes d’opposition et groupes minoritaires est calculée selon le principe suivant : un jour de séance équivaut à la somme des heures correspondant aux séances du matin, de l’après-midi et du soir. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Lors de nos débats en commission, M. le rapporteur a présenté cet amendement de manière tout à fait spécieuse.
Je rappelle que la Constitution prévoit qu’un jour de séance par mois est réservé à l’initiative des groupes d’opposition ainsi qu’à celle des groupes minoritaires. Cet amendement pose finalement une question simple : que signifie de ce point de vue « un jour de séance » ? Dans l’état actuel des choses, le Sénat considère que cela correspond à un matin et à un après-midi.
Cet amendement vise à prendre aussi en considération la séance du soir. Cela ne signifie pas qu’une niche parlementaire durera une journée ; cela veut simplement dire que le calcul du temps de l’espace réservé aux groupes d’opposition et minoritaires prendra en compte une enveloppe globale plus importante, puisqu’il intégrera la séance du soir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à modifier de façon importante le fonctionnement actuel de notre institution en ce qui concerne le temps consacré aux espaces réservés aux groupes d’opposition ou minoritaires.
Aujourd’hui, nous fonctionnons sur un quota représentant un volume de quatre heures. M. Kerrouche propose de changer cette règle, en comptabilisant dans le jour de séance l’éventuelle séance du soir, ce qui laisserait plus de quatre heures pour examiner les points inscrits à l’ordre du jour.
Sans porter de jugement de fond sur cette proposition, je constate simplement qu’elle constitue un changement profond de notre fonctionnement, qui mériterait une concertation plus large des groupes politiques et un travail préparatoire de la part du bureau du Sénat. Je ne crois pas qu’un tel changement puisse être adopté à l’occasion de nos débats de cet après-midi.
C’est la raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement, ce qui me paraît le plus raisonnable. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je comprends bien, monsieur le rapporteur, qu’il faille prendre le temps de réfléchir, mais c’est un sujet important.
En effet, il arrive souvent qu’un texte occupe quasiment toute une niche – nous l’avons constaté récemment à propos d’une proposition de loi sur l’élevage –, ce qui désespère les auteurs du texte inscrit ensuite, parce qu’on ne réussit pas à terminer son examen dans les temps impartis – c’est très injuste pour leur travail !
Avec un temps si limité, les niches parlementaires ne sont qu’une fausse démocratie. Il serait donc très utile de revoir leur format en termes d’horaires. Cela éviterait que des textes importants se télescopent et que des parlementaires qui veulent intervenir sur un texte poussent leurs collègues intervenant sur celui qui est inscrit avant à aller plus vite. Chacun sait bien comment les choses se passent !
Nous devons réfléchir à cette question de manière sérieuse et je trouve la proposition qui nous est faite tout à fait intéressante.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Notre groupe a fait cette proposition au sein du groupe de travail – elle lui a même été adressée par écrit.
Alors, on ne va pas se voiler la face : si on veut limiter les droits de l’opposition et l’initiative sénatoriale, il faut évidemment conserver le système actuel, dont les effets pervers viennent d’être développés fort à propos par Mme Goulet.
En ce qui nous concerne, nous proposons un autre mode de calcul qui ne change pas substantiellement la façon de faire. Accessoirement, ce nouveau mode de calcul nous permettrait de respecter la Constitution à la lettre.
Le système actuel limite nécessairement la capacité d’initiative des parlementaires. Si c’est ce que vous souhaitez, autant le dire !
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Franchement, on ne peut pas laisser dire cela !
M. Éric Kerrouche. Mais si !
M. Roger Karoutchi. Vous avez évidemment le droit de dire ce que vous voulez, mais il faut quand même savoir que les règles qu’applique le Sénat en matière de temps laissé aux groupes d’opposition ou minoritaires sont beaucoup plus favorables pour ces groupes que celles de l’Assemblée nationale.
Qui plus est, il arrive fréquemment que les présidents de séance – cela m’est arrivé – accordent quelques minutes supplémentaires pour pouvoir finir l’examen d’un texte. Nous le faisons bien volontiers.
En revanche, modifier complètement le mode de calcul nécessite autre chose qu’un simple amendement, parce que cela signifierait que les groupes d’opposition et minoritaires récupéreraient tellement de temps que les groupes de la majorité auraient en fait intérêt à se déclarer d’opposition ou minoritaires… (M. Éric Kerrouche le conteste.) Mais si, mon cher collègue : faites le calcul !
En réalité, les groupes majoritaires, quant à eux, ne disposent pas de temps, alors qu’ils représentent la majorité des électeurs – et vous ne pouvez pas supprimer par amendement les électeurs… (Sourires sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
La règle est simple et il faut la respecter. Les groupes d’opposition et minoritaires déclarés comme tels disposent d’un temps calculé d’une certaine façon et les choses se passent en pratique de manière souple – nous ne sommes pas à cinq ou dix minutes près.
Changer complètement le système serait totalement disproportionné par rapport à ce qui se fait à l’Assemblée nationale et nécessiterait une réflexion au sein de chaque groupe, parce que cela modifierait notre équilibre démocratique.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 14.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 9
L’article 29 ter du Règlement est ainsi modifié :
1° L’alinéa 7 est abrogé ;
2° Après le mot : « dans », la fin de l’alinéa 8 est ainsi rédigée : « l’ordre du tirage au sort prévu à l’alinéa 9. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 9 est présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 29 est présenté par M. Malhuret et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
L’amendement n° 45 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l’amendement n° 9.
M. Éric Kerrouche. M. Karoutchi vient de nous dire combien l’opposition est respectée au Sénat, ce dont nous nous félicitons. Mon cher collègue, nous sommes parfaitement conscients du rapport de force et des résultats électoraux – nous savons compter !
En ce qui concerne la mesure prévue à l’article 9 de cette proposition de résolution, c’est-à-dire la suppression du report, en fin de tourniquet, de l’orateur appartenant au même groupe que les représentants des commissions, je peux vous dire que ce n’est pas la mesure la plus subtile en termes de droits de l’opposition…
Cette proposition revient sur une attitude constante du Sénat depuis fort longtemps : le mieux à faire serait de ne pas l’adopter !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour présenter l’amendement n° 29.
M. Claude Malhuret. À la différence de la plupart des mesures envisagées dans ce texte, qui sont consensuelles, celle qui est prévue à l’article 9 a cristallisé une opposition nette de six des groupes de notre assemblée lors des débats au sein du groupe de travail.
Ce n’est pas étonnant, puisque cette mesure et, encore plus, la proposition n° 30 du groupe de travail qui sera étudiée en conférence des présidents et qui consiste à remplacer le tirage au sort actuellement utilisé pour fixer l’ordre des interventions en discussion générale par l’importance numérique des groupes, ce qui relèguera systématiquement les groupes les moins nombreux en fin de discussion, aboutiront à ce que les interventions de ces groupes seront désormais pénalisées et, j’allais dire, marginalisées.
La règle actuelle du tourniquet est beaucoup plus démocratique. Elle permet de faire en sorte que l’ordre des interventions n’obéisse pas à la loi du plus grand nombre. C’est le système qui est en vigueur à l’Assemblée nationale, mais il l’est également dans la plupart des parlements des pays démocratiques.
Ces propositions, qui ne figuraient pas dans les propositions de notre rapporteur, ont été introduites lors de la dernière séance du groupe de travail par le groupe Les Républicains. Aux six présidents de groupe qui s’y opposaient, le président du groupe Les Républicains a répondu qu’il s’agissait de l’application du fait majoritaire – c’est d’ailleurs ce qu’on vient de nous répéter aujourd’hui – et, donc, de la démocratie.
Il y a deux conceptions de la démocratie : celle, traditionnelle, qui donne tout le pouvoir à la majorité et celle, plus actuelle, qui consiste à protéger les droits des minoritaires, comme l’a expliqué tout à l’heure Vanina Paoli-Gagin en citant Albert Camus. C’est cette dernière conception qui règne aujourd’hui au Sénat et qui donne à celui-ci une ambiance particulière, tenant notamment au respect et à l’attention accordés aux petits groupes et aux groupes d’opposition.
Bien entendu, comme notre collègue Kerrouche vient de le dire, ce gentleman’s agreement ne remet pas en cause le fait majoritaire ; il traduit simplement l’écoute que nous portons aux sénateurs de tous les groupes, quelle que soit leur taille.
C’est un peu de cet esprit d’ouverture et de tolérance qui s’en va avec ces deux propositions, un peu de l’esprit du Sénat. C’est la raison pour laquelle six groupes sur huit s’y sont opposés.
Je demande à mes collègues des deux groupes majoritaires de préserver cet esprit d’ouverture et de tolérance et de se joindre à nous pour supprimer cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 45.
Mme Éliane Assassi. Consacré par le règlement du Sénat depuis 1971, le dispositif du tourniquet permet l’alternance des prises de parole entre les groupes politiques.
La réforme du règlement du Sénat de 2009 a introduit une exception au tourniquet, en prévoyant que les premiers orateurs désignés par les groupes appelés à intervenir après les représentants des commissions sont issus de groupes différents de ceux auxquels appartiennent ces derniers.
En pratique, cela renvoie en fin de tourniquet l’orateur issu du même groupe politique que le ou les rapporteurs d’un texte ou le président de commission. Dans les faits, cela permet une alternance des prises de parole après les longues interventions des rapporteurs, qui sont en général issus des groupes majoritaires.
Or l’article 9 de la proposition de résolution propose de mettre fin à ce système d’exception, en revenant à l’ordre classique pour tous les orateurs sans qu’aucune raison rationnelle soit avancée pour expliquer ce choix.
Pour notre part, nous voyons deux raisons de maintenir cette exception.
D’une part, l’alternance des prises de parole bénéficie au pluralisme des idées et aux groupes d’opposition, puisqu’elle permet d’entendre les orateurs desdits groupes à un stade peu avancé de la discussion générale, les orateurs intervenant en fin de discussion ne recueillant pas toujours une attention aussi assidue que les premiers.
D’autre part, cette exception peut également être favorable aux groupes majoritaires, puisqu’elle permet à leurs représentants d’intervenir à plusieurs moments de la discussion générale, parfois même en réponse à d’autres groupes qui se sont déjà exprimés. Cela semble préférable à l’option d’un discours monochrome dès le début de la discussion générale, après les dix minutes accordées au rapporteur.
Aucune logique ne vient justifier cette modification du règlement et ce retour en arrière, si ce n’est le renforcement du fait majoritaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Selon le principe actuel, le premier orateur inscrit dans la discussion générale ne peut pas appartenir au même groupe que le rapporteur du texte. La modification proposée à cet article 9 ne porte que là-dessus.
Si nous votons cet article, le principe du tirage au sort continuera de s’appliquer, si bien que le premier orateur qui s’exprimera après le rapporteur appartiendra parfois au même groupe que ce dernier, mais ce ne sera pas toujours le cas – le hasard fera son œuvre !
Rappelons, par ailleurs, qu’un rapporteur s’exprime au nom de la commission, pas au nom du groupe auquel il appartient. J’y insiste, le rapporteur représente la commission. Quelle que soit l’appartenance politique du rapporteur, on constate en pratique qu’il respecte parfaitement la position de celle-ci et que sa présentation est rarement de nature partisane.
La commission des lois a donc considéré que la modification contenue à l’article 9 était tout à fait acceptable et elle a émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Il m’est arrivé, dans des temps anciens, d’assister à des débats durant lesquels deux ou trois ministres s’exprimaient, suivis de deux ou trois rapporteurs et d’un premier orateur, tous émanant de la même tendance politique. Il fallait attendre le cinquième, le sixième ou le septième discours pour entendre un son quelque peu dissonant… C’était particulièrement monotone, pour ne pas dire mortel, quelle que soit d’ailleurs la qualité desdits orateurs.
Le règlement actuel permet donc une forme d’élégance et je tiens à souligner que cela n’enlève pas une minute, pas une seconde, de temps de parole aux groupes majoritaires, puisqu’il ne s’agit que de l’ordre de passage.
Par ailleurs, comme l’a dit Mme Assassi, il n’est pas forcément plus mal de parler à la fin, parce que vous pouvez répondre à ceux qui ont parlé avant.
Je trouve la fin de l’objet de l’amendement de M. Kerrouche particulièrement intéressante – elle rejoint d’ailleurs les propos de M. Malhuret : « les groupes majoritaires s’honoreraient en décidant, après réflexion, de s’opposer » à cet article 9.
Très franchement, cet article a été proposé, à la fin d’un travail qui a été mené en bonne intelligence, par un ou deux groupes – je ne sais pas exactement… – contre l’avis de six autres groupes. Mes chers collègues, je suis sûr que vous serez sensibles à cela et que, par souci d’élégance, vous maintiendrez le règlement en son état actuel. Naturellement, je vous parle avec le cœur !
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. François-Noël Buffet l’a indiqué, un rapporteur s’exprime au nom de la commission, tandis que l’orateur d’un groupe s’exprime au nom de celui-ci. Je vous rappelle d’ailleurs qu’il arrive que ces deux interventions soient d’une tonalité différente – pensez au projet de loi relatif à la bioéthique…
Ce n’est pas parce que six groupes sur huit s’opposent à une mesure qu’ils représentent la majorité du Sénat. En outre, comme dans les autres groupes j’imagine, tout le monde ne pense pas toujours la même chose au sein du groupe Les Républicains (Sourires ironiques à gauche.) et il arrive souvent que certains s’étonnent de toujours passer en dernier. Il n’est pas facile de leur en expliquer les raisons.
Je peux vous assurer qu’il est assez désagréable de toujours passer en dernier. (On feint de s’en désoler à gauche.) En tout cas, le tirage au sort persistera et le premier orateur ne sera pas toujours du même groupe. Chacun conservera son droit de prendre la parole.
Enfin, j’ai envie de dire au charmant président Malhuret : revenez dans le groupe majoritaire, vous y êtes le bienvenu et vous n’aurez plus de souci ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Éliane Assassi s’exclame.) Voilà mon message de cœur ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Si je peux comprendre les questions d’élégance et de qualité des débats du Sénat, il serait tout de même étrange que notre nouvel adage soit : la division fait la force ! Plus il y aurait de petits groupes, plus nous serions divisés, plus la parole serait forte ? (Mme Cathy Apourceau-Poly s’exclame.) Un tel fonctionnement serait quelque peu étonnant, d’autant que de multiples divisions permettent simplement, parfois, d’entendre plusieurs fois la même chose… (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est sûr, vous êtes moins divisés !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour explication de vote.
M. Claude Malhuret. Je voudrais répondre deux choses à Mme Gruny.
Je la remercie de me proposer de retourner au sein du groupe majoritaire, mais, très franchement, ce n’est pas avec ce type de proposition, qui consiste à pénaliser et à marginaliser les groupes minoritaires, que vous me donnerez l’envie de retourner dans un groupe qui se durcit ! (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.) C’est exactement ainsi que nous interprétons tous cette proposition.
J’ai appartenu pendant plusieurs années à ce groupe majoritaire et je n’ai jamais entendu personne parler de ce sujet : très franchement, personne, sauf peut-être quelques exceptions, ne s’offusquait de parler en dernier, d’autant que les présidents de commission et les rapporteurs, souvent issus de ce même groupe, s’expriment en premier.
Quant au rapporteur, je voudrais lui dire que ses arguments sont très intéressants, mais qu’ils ne reflètent qu’une partie de la réalité. L’article 9 de la proposition de résolution reprend en effet la proposition n° 29 du groupe de travail, mais ce n’est pas celle qui pénalise le plus les groupes minoritaires et elle doit s’articuler avec la proposition n° 30, qui, elle, vise à supprimer complètement le principe du tourniquet, ce qui relèguerait les groupes minoritaires ou d’opposition, je l’ai dit, à la fin des discussions générales. Pour des raisons d’ordre juridique, cette proposition relève de la compétence de la conférence des présidents, nous n’en discuterons donc pas en séance publique, alors même que ces deux mesures prises ensemble forment un dispositif global extrêmement pénalisant pour les groupes minoritaires ou d’opposition.
Je souhaite dire de nouveau à mes collègues du groupe majoritaire que ce dispositif global constitue un grave problème pour notre assemblée et qu’il est mal ressenti par l’ensemble des autres groupes. Comme le disait un orateur précédent, nous nous honorerions à garder le fonctionnement actuel, qui est très démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9, 29 et 45.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
L’article 29 ter du Règlement est complété par un alinéa 10 ainsi rédigé :
« 10. – Pour l’examen d’un texte élaboré par une commission mixte paritaire, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 10, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
Pour l’examen d’un texte élaboré par une commission mixte paritaire, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents,
par les mots :
Sauf opposition du Gouvernement, du président de la commission saisie au fond ou d’un président de groupe, pour l’examen d’un texte élaboré par une commission mixte paritaire,
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Nous allons essayer de continuer de profiter de la grande compréhension de la majorité sénatoriale…
L’idée de cet amendement est simple. L’article 10 prévoit de diminuer les temps de parole pour la lecture des conclusions d’une commission mixte paritaire ; nous sommes d’accord avec cette idée, parce que ce moment de la séance publique peut parfois être fastidieux.
Pour autant, nous devons prévoir la possibilité de revenir à une discussion normale, si un groupe politique le demande. Cela ne remet pas en cause le principe énoncé à cet article.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Requier, Bilhac, Gold, Artano, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
Présidents
insérer les mots :
ou demande par le président de la commission saisie au fond ou un président de groupe
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet article propose d’instituer une procédure allégée d’examen du texte élaboré par une commission mixte paritaire. Nous ne nions évidemment pas l’intérêt de ce dispositif, qui aidera à réduire le temps de la discussion générale dans ces circonstances et, ainsi, à optimiser le temps passé en séance publique.
Toutefois, nous considérons qu’il est souhaitable, comme cela existe déjà dans d’autres situations, de laisser à chaque groupe ou à la commission saisie au fond la possibilité de demander le retour à une procédure normale. Un tel aménagement est prévu, par exemple, pour l’examen des conventions internationales ou pour la procédure de législation en commission.
Aussi, en vue d’uniformiser les dispositifs applicables, je propose que ce soit également le cas s’agissant des commissions mixtes paritaires, afin de laisser une plus grande liberté tant à nos commissions qu’à nos groupes politiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 10 de la proposition de résolution met en place un dispositif que je qualifierai d’allégé pour la lecture des conclusions des commissions mixtes paritaires de façon à gagner un peu de temps – je rappelle que, dans de telles situations, l’Assemblée nationale et le Sénat se sont mis d’accord sur un texte. La charge de modifier éventuellement les temps de parole et l’organisation des débats est confiée à la conférence des présidents.
Ces amendements visent à donner un droit d’opposition au président de la commission saisie au fond et aux présidents des groupes politiques.
Je crois que nous devons laisser la conférence des présidents, qui rassemble notamment les présidents de commission et de groupe, décider en toute légitimité de l’opportunité de fixer ou non des temps de parole plus longs que ce qui sera désormais la règle.
La semaine dernière, nous avons d’ailleurs examiné les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire en un peu moins de quarante-cinq minutes. Il me semble que ces conditions sont parfaitement acceptables, dès lors que nous sommes tous d’accord.
L’avis est défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10.
(L’article 10 est adopté.)
Article 11
À la fin de l’article 35 bis, à la deuxième (deux fois) et à la troisième phrase de l’alinéa 7 de l’article 44, à la deuxième, à la troisième et à la fin de la dernière phrase de l’alinéa 5 de l’article 46 bis et à la seconde phrase de l’alinéa 2 de l’article 47 quinquies du Règlement, les mots : « et demie » sont supprimés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela n’aura échappé à personne, cet article, qui prévoit de faire passer les temps de parole de deux minutes trente à deux minutes – qu’est-ce que trente secondes ? –, est le dernier avatar d’une tendance lourde, qui tend à nier, finalement, ce qui est éminent, essentiel, dans le travail parlementaire.
Presque tous les textes que nous examinons sont dorénavant discutés selon la procédure accélérée. J’ai connu un temps, à l’Assemblée nationale et au Sénat, où la norme était qu’il y eût deux lectures, ce qui permettait de peaufiner les textes – c’est notre rôle, tout de même ! Cette ancienne norme est maintenant rayée de la carte ; je dois avouer que cela a commencé avant ce quinquennat et je déplore cette tendance.
On nous dit qu’il faut aller vite. J’ai même entendu de hauts gouvernants nous dire : le Parlement est trop long, beaucoup trop long… Certains de nos gouvernants donnent donc le sentiment qu’ils se passeraient volontiers du passage devant le Parlement, même s’ils disent aussi qu’il est évidemment nécessaire.
Je plaide ainsi pour que nous préservions la grande tradition du Parlement en France. Je ne citerai personne en particulier, mais vous savez bien que des centaines de parlementaires, connus ou non, ont passé leur temps à argumenter.
Mme Goulet nous rappelait qu’un sénateur qui a présenté un rapport pour avis long d’une quarantaine de pages sur le projet de loi de finances a aujourd’hui droit à trois minutes de temps de parole en séance.
Et nous passerions maintenant à deux minutes ? Voulons-nous vraiment d’un Parlement qui fonctionne selon l’idéologie des tweets – « très court, très vite » – ou voulons-nous laisser du temps à l’argumentation ? Telle est la question qui nous est posée au travers de cet article et il serait particulièrement symbolique que nous soyons très nombreux à refuser ce nouvel avatar, qui achèvera la destruction de toute notre tradition parlementaire.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié est présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac, Cabanel, Corbisez, Gold et Guérini.
L’amendement n° 11 est présenté par MM. Sueur, Kerrouche, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 47 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Cet article propose une réduction du temps d’intervention de droit commun, en le faisant passer de deux minutes trente à deux minutes. Je crains que, si nous adoptons une telle disposition, cela vienne engourdir nos débats, lesquels forgent l’essence même du parlementarisme et de notre assemblée.
Certains avancent l’argument que ce changement serait indolore, puisque le temps moyen d’intervention en séance ne dépasserait pas les deux minutes. Mais si ces trente secondes ne sont, dans la grande majorité des cas, pas utilisées, pourquoi s’en priver ?
Au fond, peu importe que les deux minutes trente soient effectivement utilisées, l’essentiel étant de savoir que l’on peut en disposer et que, si l’idée que l’on expose est complexe, on aura le temps de la développer suffisamment pour qu’elle soit intelligible par chacun. Un débat ne peut être fait que de slogans. C’est aussi un échange de démonstrations et d’argumentations sur des sujets souvent compliqués.
Ensuite, une telle réduction n’est pas sans effet sur les petits groupes, tels que le groupe du RDSE. Notre temps de parole étant limité durant les discussions générales, les explications de vote et la défense des amendements sont autant d’occasions pour nous exprimer et développer nos positions.
Le RDSE s’est fixé comme principe de n’imposer aucune consigne de vote à ses membres, leur laissant toujours la plus grande liberté d’opinion. Aussi, chacun des sénateurs doit pouvoir avoir l’occasion de s’exprimer dans des conditions convenables. Vous comprendrez pourquoi je regrette que nous nous engagions dans la voie d’une réduction de notre temps de parole
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l’amendement n° 11.
M. Éric Kerrouche. Je fais rarement référence à mes origines universitaires, mais, vous le savez, beaucoup d’études ont été faites en ce qui concerne le travail législatif, et toucher à ces règles n’est jamais sans conséquences.
Des travaux assez connus montrent tout simplement que, plus on touche au temps de la loi en raccourcissant le temps de parole, plus il y a de conséquences sur la qualité des textes qui sortent du Parlement. C’est aussi simple que cela !
On nous oppose comme argument la liberté des discussions en commission, où l’on dispose de beaucoup de temps de parole. Ainsi, deux minutes en séance seraient suffisantes, l’essentiel ayant été dit au préalable. Rien n’est plus faux ! Dans la façon de faire la loi, il y a deux rythmes qui sont bien connus : un rythme dit de la politique invisible et un rythme dit de la politique visible.
Le premier, c’est celui que l’on a dans les commissions. On parle de politique invisible, parce que, s’il y a des affrontements, ils sont limités justement par le fait qu’il n’y a pas de publicité et que, d’une certaine façon, on est relativement à la marge de la discussion, la plupart de nos collègues se réservant pour la politique visible, c’est-à-dire celle que l’on fait aujourd’hui dans l’hémicycle. Or ce que vous voulez remettre en cause, c’est le temps de cet affrontement politique, le temps de cette politique visible, ce qui va strictement à l’encontre de la façon de bien faire la loi.
Par ailleurs, vous acceptez, sans le contredire, le principe selon lequel la réduction du temps serait du registre de la recherche d’efficacité. Je vous mets au défi de le prouver, et je suis certain que beaucoup de ceux qui vont voter cette disposition aujourd’hui le regretteront amèrement à partir du mois de septembre.
Il y a beaucoup de raisons de refuser une telle évolution, qui n’est que de façade, pour ne pas dire éminemment superficielle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 47.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas ; nous ne comprenons pas, avec mon groupe, cette pensée dogmatique qui amène, une nouvelle fois, à réduire le temps de parole des parlementaires.
À l’origine, déjà lointaine, cette proposition de résolution avait pour objet d’adapter le travail du Sénat à une période de crise sanitaire. Au bout du compte, l’une des mesures phares de cette nouvelle réforme du règlement, c’est la réduction du temps de parole. Vous me direz, trente secondes, c’est peu, mais c’est quand même trente secondes en moins.
Cependant, le problème est ailleurs.
Premièrement, si le temps du débat est contraint, c’est du fait d’une inflation législative constante, avec des pics depuis plus de vingt ans. C’est le pouvoir exécutif qui étouffe le Parlement, et non l’inverse, comme voudraient le faire croire les partisans de ce dangereux concept de la rationalisation du travail parlementaire, dont les synonymes sont : réduction du temps de débat, recul du droit d’amendement, remise en cause de l’initiative parlementaire.
Deuxièmement, l’affaiblissement du Parlement, auquel la majorité elle-même participe puisqu’elle exige de raboter le temps de parole, va s’aggraver encore avec une mesure qui n’est pas dans la proposition de résolution, car elle relève de la conférence des présidents : il s’agit de corseter le débat de seconde partie de loi de finances dans une forme de temps programmé.
Nous constatons un certain consensus entre Emmanuel Macron, le Gouvernement et la droite sénatoriale (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) pour réduire le pouvoir législatif du Parlement, qui se fonde sur le droit d’amendement et le temps de parole. Un long débat est nécessaire pour décortiquer les raisons de choix politiques et leurs conséquences sur la démocratie. Nous sommes bien loin, dans la pratique, des propos du président du Sénat contre la révision constitutionnelle d’Emmanuel Macron.
Nous proposons donc avec détermination la suppression de cet article 11.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis défavorable.
Nonobstant cet avis négatif, ma chère collègue, je suis d’accord avec un des points que vous avez soulevés. Vous avez raison, depuis de nombreuses années, l’inflation législative est bien réelle. En 1995, le président de l’Assemblée nationale, Philippe Séguin, proposait de passer à la session unique pour supprimer les séances de nuit : la session unique a été imposée, et les séances de nuit sont toujours là.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cette inflation législative a été aggravée par tous les gouvernements, mais aussi par nous-mêmes, au travers de nos propositions de loi.
La réforme constitutionnelle de 2008 a modifié de nouveau les choses, puisque c’est non plus le texte du Gouvernement qui vient en séance, mais celui de la commission. Les commissions font librement leur texte, avec, comme le rappelait M. Kerrouche, une liberté de ton et de temps absolument totale. Une fois en séance, on travaille sur ce texte, ce qui a contribué à faire un peu bouger les équilibres, disons-le librement.
Bref, l’inflation législative s’étant poursuivie, nous avons proposé de ramener le temps de présentation d’un amendement et de l’explication de vote à deux minutes au lieu de deux minutes trente.
Pour terminer, j’illustrerai mon propos avec des exemples concrets.
La semaine dernière, mardi après-midi, nous avons examiné deux textes dans un temps relativement court, alors que nous pensions durer dans la semaine. Finalement, cela fut assez rapide, et ce pour une raison simple, au-delà du fait que nos collègues ont respecté le temps qui leur était imparti : il n’y avait pas beaucoup d’articles.
Néanmoins, nous allons avoir prochainement une expérience un peu différente avec le texte Climat, qui va arriver, et le texte 4D, qui sera examiné en juillet, avec des milliers d’amendements annoncés. Il faudra bien arriver à travailler correctement dans ces conditions. (Mme Cathy Apourceau-Poly le confirme.) Avec deux minutes trente, le débat sera compliqué. Peut-être que deux minutes suffiraient…
Au bout du compte, le bon sens doit l’emporter et chacun doit se maîtriser autant que faire se peut. Nous savons que c’est difficile, mais c’est possible. C’est en tout cas la raison pour laquelle la commission des lois a retenu la proposition faite par le président Larcher à cet égard.
J’ai dépassé de six secondes : pardon ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je veux rebondir sur ce que vient de dire le président de la commission des lois, rapporteur de cette proposition de résolution.
La réforme de 2008 était justement censée faire en sorte qu’il y ait plus de travail en commission et moins de pression sur l’hémicycle. C’est pour cela qu’elle a donné la capacité aux commissions de refaire les textes de loi. On a enlevé au Gouvernement cette initiative totale qu’il avait en matière de projets de loi en donnant plus de pouvoir au Parlement. Les débats ont donc lieu, par définition, d’abord en commission, puisque c’est le texte de la commission qui vient devant l’ensemble des sénateurs. Voilà un pouvoir considérable aux mains des parlementaires.
C’est vrai, monsieur Sueur, la discussion législative requiert beaucoup de temps, mais avec plus de 2 000 amendements en commission, comme c’est le cas pour la loi Climat, et probablement plus de 3 000 amendements en séance, comment faire ? Entre 2000 et 2020, monsieur le questeur, il y a eu, j’y insiste, un triplement du nombre d’amendements annuel.
Déjà, en commission, tous les parlementaires et leurs groupes participent activement à la rédaction du texte qui vient en séance. Si, dans le même temps, il y a ce triplement du nombre d’amendements en séance, on assiste à une sursaturation du travail parlementaire. Je suis désolé, mais ce n’est pas manquer de respect au Parlement que de dire cela.
Tous les sénateurs peuvent déposer autant d’amendements qu’ils le souhaitent, sans contrainte ni limite. C’est un droit constitutionnel individuel, qui ne s’exerce pas au travers des groupes. Pour autant, nous devons être en mesure de proposer de vrais débats en commission pour aboutir à l’élaboration d’un texte et de vrais débats en séance qui puissent être quand même suffisamment fluides pour pouvoir gérer l’ensemble des textes de loi.
Monsieur le président Buffet, je travaillais avec Philippe Séguin en 1995 quand on est passé à la session unique, ce qui apparaissait alors comme une révolution. C’est finalement, pardon de le dire, un total échec, parce qu’il y a autant de sessions extraordinaires qu’avant et que l’on siège autant la nuit, voire plus qu’avant. On siège même les lundis et les vendredis, ce qui n’était pas prévu dans la réforme.
M. Loïc Hervé. Absolument !
M. Roger Karoutchi. Cela veut dire que le temps parlementaire s’est considérablement accru. Est-ce que, pour autant, la qualité, l’ampleur, l’efficacité de nos textes ont considérablement évolué depuis vingt ans ? Je n’en suis pas sûr. Il nous faut plus de fluidité.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Je peux être d’accord avec le questeur Sueur lorsqu’il dit qu’il y a toujours eu ici, historiquement, l’expression d’un art oratoire au service d’une argumentation. L’oralité participe complètement de la démocratie.
Seulement, parfois, et je plaide coupable en premier, il est vrai que la lecture des exposés des motifs pendant deux minutes trente, durant de longues nuits, jusqu’à plus soif, par des cosignataires qui ignorent même l’objet des amendements, nuit à la qualité de nos débats.
Alors, entre les deux, il faudrait peut-être trouver une solution intermédiaire, et que l’on se mette d’accord sur l’adaptation de la règle en fonction des textes. J’entends très bien cet argument, mais, tout de même, il y a aussi, pour chacun d’entre nous, un effort de discipline à faire pour être plus concis.
Comme le rappelait notre excellent collègue Le Rudulier, il faut se référer à Boileau : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement. »
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Malhuret, pour explication de vote.
M. Claude Malhuret. J’interviens après les présidents Buffet et Karoutchi, qui ont parlé respectivement pendant deux minutes trente plus huit secondes et deux minutes trente. J’ai donc tendance à penser que ces parlementaires chevronnés estiment que deux minutes trente, c’est le temps qui paraît à peu près normal pour exprimer des positions sur des sujets assez complexes. En clair, cela ne me gêne pas qu’ils aient utilisé leurs deux minutes trente pour nous parler. (M. Roger Karoutchi proteste.)
Deux réflexions me viennent.
D’abord, je n’arrive pas à comprendre comment les parlementaires, qui sont déjà, sous la Ve République, réduits à l’impuissance et, de plus en plus, à la figuration par rapport au Gouvernement, décident, de leur propre initiative, de réduire encore leurs prérogatives, et notamment leur temps de parole.
Ensuite, je tiens à dire que je ne connais pas de parlementaire qui ne se plaigne souvent de la profusion de nos lois et de nos codes et qui n’ait songé à demander à chaque gouvernement de réduire le nombre et le volume des projets de loi présentés au Parlement. Un vœu qui ne s’est jamais réalisé.
C’est pourquoi, je le répète, je n’arrive pas à comprendre la proposition de restreindre le temps imparti de trente secondes – ce n’est pas beaucoup, mais c’est tout de même 20 % du temps de parole de chacun d’entre nous –, dont on ne peut prévoir qu’un seul résultat : pousser le Gouvernement à proposer encore plus de lois, puisque nous irons encore plus vite, et nous pousser nous-mêmes à les étudier et à en voter de plus en plus, à l’exact opposé de ce que nous réclamons depuis toujours.
Comme je ne suis pas masochiste, je ne vais pas voter pour réduire mon temps de parole, ainsi que celui de tous mes collègues.
Comme je ne suis pas schizophrène, je ne vais pas voter une proposition qui consiste à renforcer ce que nous souhaitons voir disparaître.
Je voterai donc ces amendements de suppression.
M. Stéphane Piednoir. Et tout cela en deux minutes !
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Voilà un débat important. C’est vrai, depuis la révision de 2008, nous examinons en séance publique le texte issu des travaux de la commission, qui est de fait, in fine, le texte porté par la majorité sénatoriale. On ne va pas se mentir : c’est ainsi !
Par conséquent, des groupes comme le mien ont souvent deux combats à mener : contre le projet de loi initial, et contre le texte issu des travaux de la commission, même s’il nous arrive, rarement, d’être pour.
Pour des raisons tout simplement démocratiques, nous avons donc besoin d’expliciter nos positions en maniant les idées. Or j’ai l’impression que, bientôt, on n’aura plus le droit de le faire ici : il faudra être pour, contre ou s’abstenir sur tel ou tel article d’un texte, sans plus d’explications.
Je le répète, faisons attention : ce qui vaut aujourd’hui pourrait faire mal demain.
Par ailleurs, le président de la commission des lois n’a pas répondu à une question que j’ai posée, comme Cathy Apourceau-Poly, me semble-t-il. En 2015 et en 2019, le Conseil constitutionnel a édicté une réserve d’interprétation sur cette volonté de contraindre le droit d’amendement. J’aimerais bien que M. Buffet nous dise ce qu’il en pense.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Vous savez, c’est comme des étudiants aux examens : vous leur donnez cinq heures, ils ont besoin de cinq heures et demie ; vous leur donnez six heures, ils ont besoin de six heures et demie… Il y a toujours des gens qui ne peuvent pas finir dans les temps. Cela dit, j’y reviens, ces deux minutes trente concernent aussi les sénateurs membres d’autres commissions permanentes qui n’ont pas participé à l’élaboration du texte de la commission, qu’ils découvrent, et qui, de ce fait, ont peut-être besoin de s’exprimer plus longuement.
Par ailleurs, cette règle va-t-elle aussi s’appliquer lors des PLF et des PLFSS, deux textes qui requièrent un temps d’explications important ?
Ce qui est en cause, c’est moins la question des trente secondes que le principe même de la possibilité de s’exprimer.
J’étais déjà présente au Sénat lors de la réforme de 2008, pour laquelle M. Karoutchi, alors ministre des relations avec le Parlement, a beaucoup œuvré. On pensait que c’était une très bonne réforme, car l’on imaginait ne plus avoir besoin de redébattre en séance publique des amendements déjà discutés en commission. C’était l’idée, et elle était bonne sur le papier, mais il se trouve que, dans la pratique, cela ne fonctionne pas bien, à l’instar de l’ordre du jour partagé, une idée merveilleuse en théorie, mais qui fonctionne moins bien une fois mise en œuvre. De la même façon, monsieur le président de la commission des lois, je crois que, dans la pratique, ces deux minutes ne fonctionneront pas.
Enfin, on est parfaitement capable de s’arrêter quand on a fini son exposé, même s’il reste quarante-cinq secondes.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. » Il y a une grande profusion dans le corpus législatif, mais je vous assure, mes chers collègues, que, si l’on éliminait tout ce qui est déclarations d’intention, sans aucune valeur ni aucun effet législatif, ainsi que tout ce qui est réglementaire, on gagnerait beaucoup de temps.
Je plaide pour qu’il y ait sans doute moins de lois, mais que l’on passe plus de temps à travailler sur ces lois.
Par ailleurs, vous le savez, la civilisation du tweet se développe partout, y compris dans notre système scolaire. À cet égard, je fais une grande différence entre la déclaration – en une ou deux minutes, on peut énoncer quelque chose – et l’argumentation. Pour moi, le Parlement est le lieu de l’argumentation. Or vous comprenez bien qu’avec un temps aussi court nous sommes arrivés à la conclusion de l’introduction que le délai imparti a déjà expiré.
L’argumentation permet d’expliquer la valeur de telle position par rapport à celle de telle autre. Pourquoi est-ce que je retiens celle-ci et pas une autre, ou pourquoi les deux me permettent d’en élaborer une troisième ? Le temps que l’on arrive au bout de cela, l’œil rivé sur l’horloge… Pendant longtemps, d’ailleurs, il n’y avait pas de chronomètre. On nous laissait parler et je trouvais cela très bien… (Sourires.)
Maintenant, le chronomètre règne. Si vous concluez avec cinq ou dix secondes de plus, on sent qu’il y a un peu de remue-ménage, mais quid si vous ne dites rien pendant ce laps de temps ? J’y insiste, ce qui compte, c’est l’argumentation ; en dehors de l’argumentation, tout est inutile et sans valeur véritable. J’arrive au bout en ayant réussi à meubler à peu près (Rires.), parce que je ne voulais pas que l’on me reproche de ne pas utiliser les deux minutes trente. Monsieur Malhuret, vous avez raison ! (MM. Jérôme Bascher et Claude Malhuret applaudissent.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je pense que tous ceux qui souhaitaient s’exprimer ont pu le faire.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié, 11 et 47.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 48, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À l’alinéa 5 de l’article 29 ter du Règlement, les mots : « d’une heure » sont remplacés par les mots : « de deux heures ».
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Nous souhaitons rétablir la norme de durée de la discussion générale à deux heures afin d’inverser l’évolution de l’organisation des débats au Sénat vers une réduction progressive du temps de parole.
Autrement dit, l’alinéa 5 de l’article 29 ter préciserait : « À défaut de décision de la conférence des présidents, et sous réserve de dispositions spécifiques du règlement, il est attribué pour la discussion générale des textes soumis au Sénat et pour tout débat inscrit à l’ordre du jour un temps de deux heures », et non plus d’une heure.
Ce temps de parole étant réparti à la proportionnelle, avec un temps minimum identique de cinq minutes pour chaque groupe, et un temps de trois minutes pour les non-inscrits, il apparaît évident que, plus la discussion générale est courte, moins les groupes minoritaires d’opposition s’expriment.
Le travail législatif doit conserver ses lettres de noblesse, et rogner sur le temps d’expression des parlementaires n’y contribue pas.
Mme la présidente. L’amendement n° 49, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 35 bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …. – Il appartient au Président de séance d’appliquer cette limitation du temps de parole en veillant au respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. »
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 48 a pour objet de prévoir que toute discussion générale d’un texte doit être d’une durée de deux heures, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, puisque nous sommes à une heure trente, et parfois moins.
L’idée, c’est de laisser à la conférence des présidents le soin de décider si l’on reste sur le droit commun ou si l’on va jusqu’à deux heures. Cela a été fait sur le texte relatif aux valeurs de la République, la conférence des présidents, sur l’initiative de Mme Assassi, il faut le dire, ayant accepté que la discussion générale soit de deux heures, compte tenu de l’intérêt du texte. Il me semble que cette solution est satisfaisante, la conférence des présidents pouvant éventuellement décider d’elle-même d’augmenter la durée.
L’avis est défavorable.
Sur l’amendement n° 49, la commission avait initialement émis un avis défavorable, moins sur le fond que sur la forme. Je vous propose néanmoins, mon cher collègue, d’émettre un avis favorable si vous acceptez de modifier votre amendement de façon à ne pas écraser l’article 11. Je parle pour la direction de la séance, qui a parfaitement compris l’aspect technique de cette demande.
Mme la présidente. Monsieur Lahellec, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur ?
M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, nous prenons acte de la proposition de M. le rapporteur et nous y souscrivons, en retirant l’amendement 48 et en modifiant l’amendement n° 49.
Mme la présidente. L’amendement n° 48 est retiré.
Je suis donc saisie d’un amendement n° 49 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un II ainsi rédigé :
II.- L’article 35 bis du Règlement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il appartient au Président de séance d’appliquer cette limitation du temps de parole en veillant au respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire. »
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je vais voter l’amendement n° 49 rectifié, mais cela va mettre une certaine pression sur les présidents de séance. À quel moment faudra-t-il considérer que l’application est, ou non, bienveillante ? C’est un peu curieux, mais on va le faire. Par avance, je vous demande beaucoup d’indulgence et de sympathie pour les présidents de séance. (Sourires.)
Mme la présidente. J’ajouterai de la bienveillance… (Nouveaux sourires.)
Je mets aux voix l’amendement n° 49 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac, Cabanel, Corbisez, Gold et Guérini et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
À la fin de l’article 35 bis, à la deuxième (deux fois) et à la troisième phrase de l’alinéa 7 de l’article 44,
et les mots :
et à la seconde phrase de l’alinéa 2 de l’article 47 quinquies
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Il s’agit d’un amendement de repli sur les deux minutes trente. Le principe de la réduction vient d’être voté pour la défense des amendements. En revanche, nous souhaiterions conserver cette durée pour les prises de parole sur article et les explications de vote finales.
Mme la présidente. L’amendement n° 32, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
À la fin de l’article 35 bis,
et les mots :
, à la deuxième, à la troisième et à la fin de la dernière phrase de l’alinéa 5 de l’article 46 bis
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. C’est aussi un amendement de repli, qui vise à s’opposer à la diminution du temps de parole de deux minutes trente à deux minutes.
Je reviens un instant sur les débats que nous avons eus tout à l’heure. En fait, je n’arrive pas à saisir la raison de cette diminution. À quoi cela va-t-il nous servir ? Peut-être gagner du temps… On a bien vu aujourd’hui que tout le monde ne prend pas ses deux minutes trente, mais on en a parfois besoin pour expliquer un propos.
Je n’ai jamais constaté d’abus en séance. Bien au contraire, je pense que nous sommes tous raisonnables et responsables dans notre utilisation du temps de parole. On est quand même au Parlement pour discuter la loi, et diminuer ce temps du débat revient, à mon sens, à se tirer une balle dans le pied. Je ne comprends pas que nous-mêmes faisions cela. Nous avons plutôt intérêt à conserver ce temps d’expression et de discussion. S’il y a un engorgement sur un texte, ce n’est pas de notre faute ; il revient au Gouvernement de s’organiser.
J’ai, bien sûr, voté les précédents amendements de suppression, mais, avec cet amendement de repli, nous proposons de conserver au moins ces deux minutes trente pour la défense des amendements. Je donne ici la preuve que l’on n’est pas obligé de les utiliser, mais la nécessité peut se faire sentir dans certains cas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Souci de conciliation de nos deux collègues, qui poursuivent grosso modo le même objectif, mais avec des moyens inverses. En effet, l’amendement n° 3 rectifié tend à limiter la réduction du temps de parole à deux minutes pour la présentation des amendements, alors que l’amendement n° 32 fait totalement l’inverse.
La commission a souhaité rester sur la proposition faite par le président du Sénat. Avis défavorable sur les deux amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 11, modifié.
(L’article 11 est adopté.)
Article additionnel après l’article 11
Mme la présidente. L’amendement n° 51, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 47 bis-1 du Règlement, les mots : « de la discussion » sont remplacés par les mots : « des discussions générales de la première partie et de la seconde partie ».
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Cet amendement a un objet plus particulier que les précédents, à savoir l’organisation des débats budgétaires. Il vise à préserver les conditions de ce débat, en contraignant la conférence des présidents à garantir un examen des dispositions budgétaires qui soit satisfaisant pour les groupes d’opposition.
L’examen du projet de loi de finances pour 2021 a été particulièrement mouvementé, si bien que, par une contraction trop importante du temps parlementaire, les samedis ont accueilli l’examen de plusieurs missions budgétaires.
De plus, de nombreuses missions ont fait l’objet de discussions générales communes. Cette pratique permet de comprimer automatiquement le temps de la discussion par thématiques de politiques publiques. Sont parfois regroupées des missions qui, en vérité, n’ont pour similitude que le fait que vous ayez bien voulu les associer !
Il nous faut solennellement reconnaître que l’on ne peut débattre en quatre minutes de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », des crédits non répartis, de ceux du ministère de la transformation et de la fonction publiques, ou encore des régimes spéciaux de retraite.
La discussion générale est bien la seule façon de débattre des annonces et des projets politiques du Gouvernement, ainsi que de les contrôler, pour chaque poste budgétaire. En effet, la pratique des amendements de compensation expose les parlementaires que nous sommes à de l’illisibilité et à de l’incompréhension de la part des citoyens qui s’intéressent à nos débats.
C’est pourquoi le temps de parole alloué aux groupes doit être préservé et même renforcé, afin de garantir une véritable capacité à exprimer des idées sans faire l’impasse sur des pans entiers de nos politiques publiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à fixer des règles pour les prises de parole pendant la discussion des projets de loi de finances. Nous préférons nous en tenir au principe selon lequel la conférence des présidents décide de ces règles. Conservons de la souplesse, comme nous le souhaitons depuis le début de ce débat !
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 12
L’article 44 du Règlement est ainsi modifié :
1° Après l’alinéa 1, il est inséré un alinéa 1 bis ainsi rédigé :
« 1 bis. – La motion tendant à ne pas examiner une proposition de loi déposée en application de l’article 11 de la Constitution. Elle est examinée avant l’ouverture de la discussion générale. Le vote sur la motion a lieu immédiatement après le débat limité prévu à l’alinéa 7 du présent article. » ;
2° Avant la dernière phrase de l’alinéa 7, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Avant le vote de la motion mentionnée à l’alinéa 1 bis, la parole peut être accordée pour explication de vote aux sénateurs qui le demandent. » – (Adopté.)
Article 13
Après la deuxième phrase de l’alinéa 7 de l’article 44 du Règlement, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation à la deuxième phrase du présent alinéa, pour les débats portant sur l’ensemble du projet ou de la proposition de loi en discussion, lorsque l’auteur de l’initiative n’est ni le Gouvernement, ni la commission saisie au fond, ni un groupe politique, son intervention et celle de l’orateur d’opinion contraire ne peuvent excéder trois minutes. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 13
Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 46 bis du Règlement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …. – En cas de circonstances exceptionnelles de nature à affecter de façon significative les conditions de participation, de délibération ou de vote des sénateurs, la Conférence des Présidents peut décider qu’un amendement qui n’est pas soutenu par son auteur peut être repris par un sénateur qui n’en était pas signataire. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Nous avons déposé cet amendement dans la perspective d’en revenir à l’interrogation qui avait initialement présidé à notre réflexion sur le règlement de notre assemblée : comment prendre en compte les périodes particulières qui peuvent survenir ?
Une petite confusion s’est produite à ce sujet en commission ; je veux donc que les choses soient claires. Nous souhaitons simplement donner la possibilité à chaque sénateur de soutenir un amendement dont l’auteur n’est pas présent en séance, sans pour autant le forcer à signer cet amendement.
Permettez-moi d’apporter une précision : le dispositif prévu par cet amendement ne s’appliquerait qu’en cas de jauge réduite dans l’hémicycle, c’est-à-dire dans les cas où certains sénateurs consentent à se priver de séance pour des raisons sanitaires, voire y sont contraints.
La cosignature ne nous paraît pas une solution acceptable, puisqu’elle revient à forcer certains sénateurs à signer un amendement simplement pour que ce dernier puisse être défendu. Dans ces cas exceptionnels, la possibilité de reprise nous semble une solution meilleure et beaucoup plus pragmatique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le groupe de travail s’était déjà prononcé défavorablement sur cette demande. Je rappelle que chacun d’entre nous peut cosigner un amendement, s’il le souhaite, jusqu’à l’ouverture de la séance.
De la sorte, si le premier signataire ne peut être présent, l’un de ses collègues pourra toujours reprendre son amendement. Il paraît tout de même bien plus confortable de reprendre un amendement auquel on croit et pour lequel on s’est engagé que de le faire à la volée, pendant la séance.
Cette dernière solution présente d’ailleurs un risque : au bout du compte, on pourrait considérer que, n’importe qui pouvant reprendre chaque amendement, il ne serait plus utile de venir en séance. Il faut quand même s’interroger sur ce sujet. (M. Roger Karoutchi marque son approbation.)
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE V
ASSURER LA PARITÉ AU SEIN DU BUREAU DU SÉNAT
Article 14
Après la première phrase de l’alinéa 4 de l’article 2 bis du Règlement, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ces listes s’efforcent d’assurer une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes pour chacune de ces fonctions. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 24, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’alinéa 3 de l’article 2 bis du Règlement est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Les listes de candidats aux fonctions de vice-président et aux fonctions de secrétaire assurent une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. Pour la liste de candidats aux fonctions de questeurs, l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes ne doit pas être supérieur à un. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. La parité est grandement malmenée dans le texte qui nous est proposé. Cet amendement vise à garantir une parité effective au sein du bureau du Sénat.
Pour les listes de candidats aux fonctions de vice-président et de secrétaire, dont le nombre de postes est pair, la parité serait garantie. Pour la liste des candidats à la fonction de questeur, l’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes ne pourrait être supérieur à un.
Il faut être clair sur ce sujet : dans la plupart des cas, voire pour l’ensemble des règles relatives à la parité, on a trouvé une impossibilité technique permettant de s’opposer à la mise en œuvre de la parité. C’est souvent la réponse qui nous est faite ; j’imagine que ce sera encore le cas aujourd’hui.
Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais à un moment donné il faut poser les principes ; l’intendance suivra ! Soit on reconnaît que le plus important est la parité et notre capacité à la mettre en œuvre, soit on se réfugie derrière la formule très vague et peu contraignante qui nous est proposée par cette modification de notre règlement.
Mme la présidente. L’amendement n° 26, présenté par MM. Sueur, Kerrouche, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’alinéa 3 de l’article 2 bis est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Pour les groupes dont la représentation à ces fonctions est en nombre pair, les présidents de ces groupes proposent un nombre de femmes et d’hommes dans le strict respect de la parité. Pour les groupes dont la représentation à ces fonctions est en nombre impair, au-delà de trois, l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes ne doit pas être supérieur à un. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, pour le cas improbable où vous n’auriez pas été convaincus par l’argumentation de M. Kerrouche (Sourires.), je vous présente un second amendement.
Il est bien vrai que la rédaction qui nous est ici proposée, selon laquelle les listes « s’efforcent » d’assurer la parité, est un peu poussive. Tout le monde voit bien que cela ressemble plutôt à une formule de circonstance, sans forcément beaucoup d’effets.
Voici ce qui est proposé par le présent amendement : s’agissant, au sein du bureau du Sénat, de la nomination des secrétaires et des vice-présidents, si un groupe donné dispose d’un seul poste, on ne peut logiquement pas lui demander d’appliquer la parité ; s’il dispose d’un nombre pair de postes, en revanche, il est tout à fait possible d’inscrire dans le règlement qu’il présente un homme et une femme, ou une femme et un homme, à ces postes ; enfin, s’il dispose d’un nombre de postes impair plus élevé – trois ou cinq –, la répartition de ces derniers entre femmes et hommes doit être telle que le nombre de candidats d’un même sexe ne puisse être supérieur à celui des candidats de l’autre sexe que d’une unité.
Comme vous le constatez, mes chers collègues, ce dispositif présente l’avantage d’être applicable. Il n’assure pas la parité absolue, du fait notamment du nombre impair de questeurs.
On pourrait nous objecter que, aux termes de l’amendement n° 24 que vient de présenter M. Kerrouche, il faudrait que les groupes se mettent d’accord. En revanche, dans celui que j’ai l’honneur de présenter – précisons que M. Kerrouche et moi-même avons tous deux signé ces deux amendements –, un accord entre les groupes ne serait plus nécessaire : il suffirait que chaque groupe présente des candidats aux fonctions visées de manière paritaire. Cela fonctionne de toute façon !
Par conséquent, si vous voulez que l’on aille au-delà des formules vagues – « on s’efforce d’arriver à », « on fait en sorte de parvenir à » –, il vous suffit, mes chers collègues, de voter cet amendement. J’espère vous avoir convaincus. De fait, il s’agit d’un dispositif très simple.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il est défavorable sur ces deux amendements. En effet, la proposition qui est faite par le président du Sénat dans ce texte tient compte de deux facteurs : une volonté de parité, qui ne pose aucune difficulté, mais aussi des contraintes.
Ces dernières découlent des spécificités des groupes politiques : premièrement, on ne va pas s’immiscer dans leur gestion interne ; deuxièmement, tous les groupes n’ont pas, du fait de leur taille variable, la même capacité à répondre à une telle demande. Cet aspect de la question me paraît le plus important.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela ne s’applique pas à l’amendement n° 26 !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je rappelle que la parité est parfaitement respectée aujourd’hui au bureau du Sénat, pour les secrétaires et les vice-présidents. La question se pose pour la questure, mais il n’y a là que trois postes, dont chacun est offert à un groupe distinct ; la difficulté est donc différente.
Quoi qu’il en soit, il faut conserver la rédaction actuelle de la proposition de résolution, de manière à atteindre, dès qu’on est en capacité de le faire en accord avec les groupes, le respect de la parité.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. L’amendement présenté par M. Sueur est un amendement de repli par rapport à celui, absolument impraticable, qu’a présenté M. Kerrouche. Les auteurs de ce dernier amendement disent vouloir la parité, mais ce dispositif aboutirait à devoir l’imposer aux groupes.
Sous la présidence de Bruno Retailleau, le groupe Les Républicains a édicté une règle : l’une des vice-présidences auxquelles il a droit revient à un homme, l’autre à une femme. De même, les postes de secrétaires sont répartis de manière à assurer qu’il y ait autant d’hommes que de femmes. Nous sommes donc parvenus, au sein de notre groupe, à un équilibre entre hommes et femmes pour les postes qui nous reviennent au bureau du Sénat. Si je ne me trompe, le groupe socialiste, qui a également droit à deux vice-présidences, fait à peu près la même chose.
En revanche, cela devient très compliqué pour les groupes qui ne disposent que d’une vice-présidence : on ne peut pas leur dire de se débrouiller entre eux pour que, sur les quatre vice-présidences restantes, deux groupes nomment un homme et deux autres une femme ! Comment l’imposerait-on ? C’est impraticable !
Je conviens que le dispositif défendu par M. Sueur a un côté plus pratique, mais il reste – pardonnez-moi, mon cher collègue – très invasif dans la vie des groupes. Selon moi, c’est à chaque groupe qu’il revient de faire un effort en matière de parité. C’est d’ailleurs déjà le cas pour les deux groupes les plus nombreux, qui ont droit à deux vice-présidences ; quant aux groupes aux effectifs plus réduits, qui ont une seule vice-présidence ou un nombre impair de secrétaires, ils font aussi tous les efforts possibles.
Sincèrement, je ne crois pas qu’il y ait vraiment un problème de parité ostensible au Sénat, que ce soit dans son bureau ou dans la gestion des séances. Laissons les groupes se gérer eux-mêmes ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L’amendement n° 33, présenté par MM. Gontard et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Quand plusieurs membres d’un même groupe sont éligibles à la même fonction du bureau, la liste doit assurer la parité des candidats.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement de repli par rapport aux deux amendements précédents vise à préciser les mécanismes qui favorisent le plus possible une certaine parité au sein du bureau du Sénat. Il est ainsi proposé de compléter l’article 14 par l’inscription d’une obligation de parité lorsqu’un groupe doit pourvoir plusieurs postes identiques au sein du bureau.
En effet, le règlement actuel ne comporte aucune obligation de respect de la parité dans ce cas précis, bien qu’on observe dans la pratique l’installation d’une coutume allant dans ce sens. Nous proposons de consacrer cet usage dans le texte du règlement. La rédaction actuelle de l’article 14 n’est qu’une invitation sans grande portée ; il convient donc de renforcer celle-ci.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il est défavorable, pour les raisons que j’ai développées au sujet des deux amendements précédents.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14.
(L’article 14 est adopté.)
Article additionnel après l’article 14
Mme la présidente. L’amendement n° 25, présenté par MM. Kerrouche, Sueur, Kanner, Leconte et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, M. Marie et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’alinéa 1 de l’article 13 du Règlement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 1 …. – Les présidences des commissions assurent une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Pour faire plaisir à notre collègue Roger Karoutchi en matière de difficultés à faire, nous proposons d’assurer la parité, ou du moins une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes, dans les présidences de commission. Actuellement, seules deux femmes président une commission permanente du Sénat.
Là encore, il y aura toujours des difficultés à appliquer un tel dispositif, puisque ces présidents ou présidentes sont élus par chacune des commissions permanentes, mais si l’on avait continué à raisonner de cette façon quand les différentes mesures de parité ont été mises en place, on n’aurait jamais pu avancer ! On nous oppose systématiquement la même position : « Laissons le temps faire, ne soyons pas invasifs ! » On a vu le résultat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il est défavorable. L’explication est toujours la même que précédemment : on ne peut s’immiscer ni dans le fonctionnement des groupes ni dans les processus de désignation.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 25.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE V bis
SIMPLIFIER ET ACTUALISER DIVERSES DISPOSITIONS
(Division et intitulé nouveaux)
Article 14 bis (nouveau)
Le Règlement est ainsi modifié :
1° L’article 76 est ainsi modifié :
a) L’alinéa 1 est ainsi rédigé :
« 1. – Les questions orales sont déposées dans les conditions prévues à l’article 74. » ;
b) L’alinéa 2 est abrogé ;
c) Au début de l’alinéa 3, les mots : « 3. – Les questions orales » sont remplacés par les mots : « 2. – Elles » ;
2° L’article 77 est ainsi modifié :
a) À l’alinéa 2, les mots : « par la Conférence des Présidents » sont supprimés et la référence : « 3 » est remplacée par la référence : « 2 » ;
b) À l’alinéa 3, les mots : « huit jours au moins avant » sont remplacés par les mots : « au plus tard le lundi de la semaine précédant » ;
c) Sont ajoutés des alinéas 4 et 5 ainsi rédigés :
« 4. – L’auteur de la question ou l’un de ses collègues désigné par lui pour le suppléer dispose d’un temps fixé par la Conférence des Présidents pour développer sa question et, le cas échéant, répondre au Gouvernement.
« 5. – À la demande de trente sénateurs dont la présence est constatée par appel nominal, une question orale à laquelle il vient d’être répondu peut être transformée, sur décision du Sénat, en débat d’initiative sénatoriale ; celui-ci est inscrit d’office en tête de l’ordre du jour de la plus prochaine séance utile du Sénat, hors semaines réservées à l’ordre du jour du Gouvernement. » ;
3° L’article 78 est abrogé. – (Adopté.)
Article 14 ter (nouveau)
Le Règlement est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase de l’alinéa 4 de l’article 2 bis, les mots : « connaître en séance qu’il a été procédé » sont remplacés par le mot : « procéder » ;
2° La seconde phrase de l’alinéa 7 de l’article 29 bis est supprimée. – (Adopté.)
Article 14 quater (nouveau)
Le Règlement est ainsi modifié :
1° L’article 44 bis est ainsi modifié :
a) Après le mot : « Sénat », la fin de l’alinéa 1 est supprimée ;
b) À l’alinéa 7, le mot : « ci-dessus » est remplacé par les mots : « à l’alinéa 6 » ;
2° À l’alinéa 1 de l’article 47 ter, la référence : « 28 ter » est remplacée par la référence : « 17 bis » ;
3° À la première phrase de l’alinéa 1 de l’article 73 septies, les mots : « aux Communautés européennes et » sont supprimés. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 14 quater
Mme la présidente. L’amendement n° 28 n’est pas soutenu.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. J’en reprends le texte, madame la présidente !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 53, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Après l’article 14 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 73 quinquies du Règlement est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du second alinéa de l’alinéa 1 est ainsi rédigée : « Le rapport de la commission ainsi que la proposition de résolution qu’elle a adoptée ou, en cas de rejet, le résultat de ses travaux sont déposés et publiés séparément dans un délai d’un mois après sa saisine. » ;
2° L’alinéa 2 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le rapport de la commission des affaires européennes ainsi que la proposition de résolution qu’elle a adoptée ou, en cas de rejet, le résultat de ses travaux sont déposés et publiés séparément. » ;
b) La seconde phase de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « Le rapport de la commission ainsi que la proposition de résolution qu’elle a adoptée ou, en cas de rejet, le résultat de ses travaux sont déposés et publiés séparément. »
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Reprendre un amendement est l’un des pouvoirs qui restent aux présidents de commission, mes chers collègues !
Je reprends cet amendement de M. Jean-François Rapin, qui souhaite que la commission des affaires européennes, qu’il préside, puisse fonctionner de la même façon que les autres commissions en matière de publication à la fois des rapports et des textes.
En clair, les commissions qui sont habituellement saisies d’un texte législatif publient d’abord le texte qui résulte de leurs travaux, puis le rapport quelques heures ou quelques jours plus tard. Ce n’est pas le cas pour la commission des affaires européennes, qui publie le texte et le rapport le même jour. M. Rapin souhaite pouvoir travailler de la même manière que les autres commissions, ce à quoi nous sommes évidemment favorables.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de résolution, après l’article 14 quater.
TITRE VI
ENTRÉE EN VIGUEUR
Article 15
La présente résolution entre en vigueur le 1er octobre 2021. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de résolution, je donne la parole à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Sur quelques points, il me semblait qu’il eût été assez facile d’évoluer et d’aller vers quelque chose de plus consensuel. Sur les points les plus sensibles, soulignés au-delà du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain – je pense au temps de parole et à la mesure très particulière du « tourniquet » –, il n’a pas été possible d’avancer.
Cela ne fait que confirmer que, encore une fois, il ne s’agit que d’un texte de façade, qui conforte les pouvoirs de la majorité. Elle a tout à fait le droit de le faire, mais on ne peut que le regretter. C’est pourquoi nous voterons contre ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je voudrais d’abord remercier la commission des lois, son président-rapporteur et sa vice-présidente d’avoir ainsi intégré dans le règlement du Sénat les propositions qui émanent de notre groupe de travail.
Selon moi, l’essentiel de ce texte réside dans ses dispositions relatives aux ordonnances et aux pétitions. Sincèrement, je crois qu’on aboutira à un meilleur suivi des ordonnances ; quant aux pétitions, on offre un meilleur accès et une ouverture sincère à tous les Français qui voudront venir vers nous. Sur le contrôle aussi, j’estime qu’il y a des avancées.
On s’est beaucoup focalisé sur le temps de parole, mais je crois sincèrement que ce n’est pas le sujet qu’on veut en faire. L’efficacité des dispositions adoptées est certaine. Je veux bien entendre qu’on pense que nous les avons votées parce que nous sommes dans la majorité. Permettez-moi toutefois de témoigner du passage que j’ai fait au Parlement européen, où la moyenne du temps de parole dans l’hémicycle s’établit à une minute. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
C’est dans les commissions de cette assemblée qu’ont lieu les discussions, et ce sont de vrais débats, des échanges très intéressants, alors que les débats que nous avons dans notre hémicycle sont très formalisés. C’est pourquoi j’estime que c’est plutôt dans les commissions que le débat doit se tenir.
Enfin, s’agissant de la parité, je n’aime pas ce qui est obligatoire. Je sais bien que, si je suis ici, c’est peut-être grâce à la parité obligatoire, mais je trouve cela vraiment dommage. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et CRCE.) Sincèrement, j’estime que cela nous pénalise. Le texte nous appelle à favoriser la parité ; à mon sens, il est impossible de dire que l’on ne favorise pas notre accès aux divers postes du Sénat, si l’on en a envie.
Je remercie donc tous ceux qui voteront ce texte, car celui-ci permettra d’améliorer la séance publique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. Comparaison n’est pas raison. Il y a quelques mois encore, je siégeais sur les bancs de l’Assemblée nationale et je puis vous dire, mes chers collègues, que j’ai apprécié à mon arrivée ici la qualité des travaux que nous menons dans cette assemblée, que ce soit en commission ou dans l’hémicycle.
Nous avons tous ici la capacité de nous exprimer, mais aussi de nous écouter. C’est un élément important, qui caractérise peut-être notre assemblée et la différencie de l’Assemblée nationale. La quasi-totalité d’entre nous a une expérience d’élu local ; cela inspire cette façon de faire et l’importance accordée aux notions d’écoute et de respect de l’autre : à l’instar de ce qui se fait dans nos collectivités, nous faisons en sorte de nous écouter mutuellement et d’avancer le plus sereinement possible.
Je ne voterai pas ce texte, car ayant pu apprécier la qualité du travail que nous menons au Sénat, je ne suis pas certain que ces évolutions aillent dans le bon sens. Certes, j’entends les arguments selon lesquels il faudrait éviter les cas d’obstruction, qui sont réels à l’Assemblée nationale, des milliers d’amendements étant déposés sur certains textes. Certaines solutions avaient été trouvées, telles que le temps législatif programmé, sur lesquelles je ne m’étendrai pas, car ce n’est pas le sujet. En tout état de cause, nous devons être très prudents en la matière.
Par ailleurs, n’oublions jamais que la majorité d’un jour sera l’opposition de demain et vice-versa. C’est le propre de toute démocratie. Tout texte qui est adopté dans le cadre présent sera peut-être un jour regretté par ses auteurs au vu de leur capacité réduite à s’exprimer. On peut parfois regretter certaines choses, mais les temps de parole sont globalement utilisés par chacune et chacun d’entre nous avec un maximum d’efficacité et de perspicacité, de manière à défendre ses idées et ses convictions, élément essentiel de toute démocratie.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. À l’issue de ce débat, je garde le même sentiment que j’ai exprimé dans la discussion générale : j’ai toujours du mal à comprendre le sens et la nécessité de cette réforme, qui est bien loin de répondre au défi d’expression démocratique qui s’impose pourtant sur toutes nos travées et dans les couloirs de notre institution.
Je reconnais tout de même qu’une certaine courtoisie règne au Sénat, comme cela vient d’être rappelé. Il est heureux que nous ne soyons pas allés jusqu’au temps programmé qui est à l’œuvre à l’Assemblée nationale, où il tue à petit feu l’expression politique des groupes et nuit au débat démocratique.
Quant au Parlement européen, parlons-en ! Personne ne sait ce qui s’y dit ni ce qui s’y fait ! C’est peut-être ce qui explique la défiance d’un trop grand nombre de nos concitoyens à l’égard de l’Europe et de ses institutions. Ce n’est sans doute pas le meilleur exemple à prendre pour expliquer la réforme sur laquelle nous avons travaillé cet après-midi !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de résolution visant à améliorer le suivi des ordonnances, rénover le droit de pétition, renforcer les pouvoirs de contrôle du Sénat, mieux utiliser le temps de séance publique et renforcer la parité.
(La proposition de résolution est adoptée.)
Mme la présidente. En application de l’article 61, alinéa 1, de la Constitution, cette résolution sera soumise, avant sa mise en application, au Conseil constitutionnel.
5
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 2 juin 2021 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente :
Débat sur le bilan de l’application des lois ;
Débat sur le Pacte vert européen.
Le soir :
Débat sur la reprise et la relance des activités culturelles.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER