Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 126, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 69, après la deuxième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
À cette fin, la France augmentera massivement son apport financier aux initiatives ACT-A et COVAX et promeut, aux côtés de l’Union européenne, la signature d’un traité international sur la préparation et la riposte aux pandémies qui consacre les vaccins comme bien public mondial et la levée des brevets.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. La seule levée des brevets n’est pas suffisante pour compenser les inégalités vertigineuses d’accès aux vaccins. Elle est toutefois nécessaire pour démultiplier les capacités de production de doses.
On peut saluer le fait que la France envoie en Afrique de l’Ouest un demi-million de doses de vaccins d’ici à la mi-juin. Cet acte de solidarité est d’autant plus bienvenu que la France accusait un certain retard dans la mise en œuvre d’initiatives qu’elle avait pourtant largement initiées, comme ACT-A.
Sauf à ce que les pays européens offrent gracieusement les doses de vaccins aux pays les moins avancés, on ne voit pas comment la campagne vaccinale pourrait s’organiser dans ces territoires.
Comme le soulignait mon collègue Pierre Laurent, la France doit augmenter massivement son apport financier aux initiatives ACT-A et Covax et promouvoir, aux côtés de l’Union européenne, la signature d’un traité international sur la préparation et la riposte aux pandémies, qui consacre les vaccins comme biens publics mondiaux et permette la levée des brevets.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rachid Temal, rapporteur. L’alinéa 69 mentionne déjà l’initiative ACT-A, ainsi que la promotion d’un traité international.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je me suis déjà exprimé sur ces questions. Le Gouvernement ne peut être favorable à un amendement qui tend à demander la signature d’un traité qui n’existe pas encore.
Hier, un orateur a dit que Covax n’existait pas, ne marchait pas. (Protestations sur les travées du groupe SER.) Le Président argentin, que je viens de rencontrer, a pourtant remercié la France d’avoir pris cette initiative. Ce dispositif lui a permis de recevoir un million de doses, alors même qu’il dirige un pays capable de produire des doses de vaccins.
Lors de notre entretien, nous avons discuté du G20, qui se tiendra à l’automne et qui pourrait déboucher sur des orientations communes. Il souhaiterait mobiliser la communauté internationale en faveur de la libre circulation des principes actifs.
Il en parlerait beaucoup mieux que moi, mais l’exemple de l’Argentine vaut pour tous les pays qui ont connu des difficultés d’approvisionnement des principes actifs, dont les exportations ont été bloquées par les États-Unis. L’Union européenne, quant à elle, a exporté autant qu’elle a consommé.
Aujourd’hui, 57 millions de doses ont déjà été distribuées dans le cadre de Covax, projet initié voilà un an par le Président de la République.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix cet amendement, j’appelle en discussion l’amendement n° 267, qui fait l’objet d’une discussion commune, présenté par Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :
Alinéa 69, après la troisième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
La France soutient la proposition de dérogation temporaire aux droits de propriété intellectuelle touchant au commerce définis dans l’accord ADPIC de l’OMC afin de faciliter le partage au niveau mondial de ces droits pour la recherche, la production et l’accès aux vaccins et traitements contre la Covid-19.
La parole à Mme Marie-Arlette Carlotti.
Mme Marie-Arlette Carlotti. C’est la troisième fois que je m’exprime ici sur la levée des brevets – j’espère que ce sera la bonne.
Monsieur le ministre, je n’ai entendu personne dire que Covax n’existait pas. Nous avons seulement dit qu’il faudrait peut-être aller plus loin, à savoir lever les brevets.
Hier, vous avez souligné que le mécanisme existait déjà – nous le savions. En 1953, le gouvernement français, comprenant que les brevets sur les produits pharmaceutiques pouvaient poser problème, notamment en cas d’épidémie, a créé la licence d’office, dans l’intérêt de la santé publique. Ce dispositif existe aujourd’hui dans 156 pays. En 2001, l’OMC a adopté une déclaration sur l’application des aspects des Adpic dans le domaine de la santé publique. Cette déclaration permet expressément aux États de recourir à ce type de licence en cas d’épidémie.
Cette possibilité de dérogation doit être utilisée, puisqu’elle existe. Il s’agit donc avant tout d’une décision politique. Nous souhaitons que la France soutienne cette dérogation lors de la prochaine réunion de l’OMC sur les Adpic, les 8 et 9 juin prochain.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rachid Temal, rapporteur. Je partage les propos de Mme Carlotti sur la question des vaccins et de leur diffusion à travers le monde. C’est aussi de cette manière que l’on viendra à bout de la pandémie. Toutefois, je m’exprime en tant que rapporteur. Je me dois donc de rappeler que le texte mentionne déjà l’initiative ACT-A, ainsi que la promotion d’un traité international.
Inscrire dans un projet de loi une initiative temporaire, liée à un moment particulier, ne semble pas pertinent. Mieux vaut un engagement ou une parole forte de la France, à travers la voix du chef de l’État ou du ministre ici présent. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je suis très heureux que Mme Carlotti reconnaisse l’intérêt de mes propos d’hier sur la propriété intellectuelle et sur la possibilité de faire fonctionner le dispositif de la licence ouverte dans le cadre de l’OMS et de l’OMC. C’est ce que nous voulons faire, mais pour les pays qui en ont besoin et qui le demandent.
Je l’ai dit hier – mais je ne suis pas certain d’avoir été bien entendu –, nous allons ajouter un cinquième pilier à ACT-A, consacré à la production, ce qui posera inévitablement la question de l’adaptation des normes des licences et des brevets, en particulier en ce qui concerne les principes actifs.
Nous nous inscrivons dans cette logique, que nous avons lancée voilà un an avec l’Union européenne, et qui a permis d’aboutir à ces initiatives.
Comme vous tous, j’espère que nous allons sortir de cette période difficile. Mais le problème des variants demeure à moyen terme. Il faut donc s’assurer de la pérennité de l’action des organismes de recherche sur les vaccins, partout dans le monde. Vos déclarations, madame Carlotti, me confortent dans cette position.
Le Gouvernement partage vos préoccupations, mais ne peut être favorable à votre amendement pour les raisons de normes, de référence et de réglementation évoquées par le rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le rapporteur, pourquoi ne pourrait-on pas inscrire la levée des brevets dans la loi ?
Depuis le début de cette pandémie, nous avons voté bien des lois spécifiques pour faire face à la crise sanitaire que nous traversons. Je rappelle qu’il s’agit d’une pandémie mondiale. Cette disposition serait donc tout à fait exceptionnelle. J’espère d’ailleurs que nous n’en vivrons plus à l’avenir. Dès lors, pourquoi ne pas prévoir à titre exceptionnel dans la loi la levée des brevets en cas de crise mondiale ?
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Roger, pour explication de vote.
M. Gilbert Roger. Nous voulons insister, car cette crise pandémique marque dans les esprits, dans les chairs, dans les vies, partout dans le monde.
La production générique de vaccins doit devenir réalité. Comme le souligne le rapporteur, il faut une prise de parole forte du Gouvernement. Sur ce point, sans être taquin, sachez que nous serons d’accord avec vous, monsieur le ministre.
Vous disiez à l’instant que le dispositif de licence ouverte pouvait fonctionner à la condition que les pays concernés le demandent. Or le président de la Tanzanie, qui ne croyait pas au covid et qui pensait que l’on pouvait s’en sortir avec des prières, a laissé des foules de touristes français, russes et autres se rendre à Zanzibar, ce qui permettait à son pays de faire rentrer des devises. Aujourd’hui, il est mort du covid, et son pays est en grande souffrance.
Il ne faut pas se contenter d’attendre, mais pousser l’ensemble des dirigeants à prendre conscience de la situation. Je pourrais aussi parler de ce qui s’est passé au Brésil ou, pendant un temps, aux États-Unis avec le Président Trump. Nous ne pouvons, à travers nos paroles gouvernementales ou parlementaires, nous contenter d’attendre que les volontés se fassent jour. Il faut aller plus loin, car ce sont souvent les plus pauvres qui paient l’addition.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Nous avons déjà eu ce débat hier. Tout ne pourra sans doute pas être mis dans la loi, même si je vais soutenir ces amendements, mais il est ici question de la cohérence de nos politiques publiques.
Nous venons d’adopter un amendement visant à encourager la coopération des milieux de la recherche afin de créer des laboratoires nationaux dans les pays en développement. Ici, il est question de l’application concrète du principe de bien public mondial. Monsieur le ministre, vous venez également d’évoquer la création d’un cinquième pilier à ACT-A, consacré à la production.
Si l’on veut traduire dans les faits des politiques d’accès à la santé à l’échelle mondiale – c’est aussi l’objet des politiques d’APD –, nous avons besoin à la fois de cohérence et de beaucoup de politique. Sans doute faudrait-il aussi débattre de la stratégie de certains acteurs français, notamment de Sanofi, en ce qui concerne la production de médicaments. Est-elle conforme à cette mise en cohérence qui permettrait d’avancer pour faire de la santé un bien public mondial ?
J’espère que nous pourrons échanger sérieusement sur ces problèmes de cohérence, à l’occasion de futurs débats ou à partir des travaux de la commission d’évaluation. En réalité, les stratégies des acteurs français privés et publics divergent beaucoup des principes que nous affirmons dans la loi. Ce problème de cohérence, entre autres choses, nous empêche de progresser vers la réalisation de nos objectifs.
Mme la présidente. L’amendement n° 56, présenté par M. Yung, Mme Duranton, MM. Gattolin, Haye, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mme Evrard, M. Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Alinéa 69, cinquième phrase
Remplacer les mots :
, visant une meilleure coordination des bailleurs et agences multilatérales pour permettre à tous de vivre en bonne santé
par les mots :
pour permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous, qui vise une meilleure coordination des bailleurs et des agences multilatérales
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement rédactionnel vise à reprendre la dénomination officielle du plan d’action mondial pour permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous de l’Organisation mondiale de la santé.
Cela me permet de souligner que l’Organisation internationale du travail a rejoint ce plan d’action voilà trois mois, aux côtés de douze autres organisations multilatérales, afin d’aider les pays à atteindre les objectifs de développement durable liés à la santé d’ici à 2030.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rachid Temal, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 57, présenté par M. Yung, Mme Duranton, MM. Gattolin, Haye, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mme Evrard, M. Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Alinéa 71
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans ce cadre, le sport constitue un levier pour la réalisation de l’ODD 3.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Dans son discours de Ouagadougou de novembre 2017, le Président de la République a affirmé que le sport constitue un « levier d’action pour la jeunesse et le développement économique et social en Afrique ».
Nous proposons, par cet amendement, de souligner le rôle essentiel du sport dans la réalisation de l’ODD 3, à savoir santé et bien-être.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rachid Temal, rapporteur. Plusieurs amendements ont déjà été adoptés sur le sport et l’intérêt du sport.
Cet amendement me semble mal positionné, puisqu’il vise un alinéa consacré à la réduction des inégalités d’accès aux soins, à la protection sociale et à la prévention des épidémies. Pour ces raisons, la commission y est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Toute la question est de savoir comment assurer la cohérence des formulations à l’issue de la commission mixte paritaire, dont j’espère qu’elle sera conclusive. En attendant, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 170 rectifié, présenté par MM. Savin, D. Laurent, Regnard, Fialaire, Sol, Pellevat et Somon, Mme Deromedi, M. Burgoa, Mme Chauvin, MM. Lefèvre, Mandelli et Rapin, Mmes Di Folco, Deroche et Micouleau, MM. Laugier, Darnaud et Kern, Mmes L. Darcos et Joseph, M. Henno, Mme Puissat, MM. A. Marc, Meurant, Laménie, Mouiller, Hingray, Charon et B. Fournier, Mmes M. Mercier, Lassarade et Belrhiti, M. Savary, Mme Boulay-Espéronnier, M. Guerriau, Mme Raimond-Pavero, MM. Brisson et Gremillet, Mme de La Provôté, MM. E. Blanc, Belin, Genet, P. Martin et Wattebled, Mmes Ventalon et Schalck, MM. Allizard et Klinger, Mme Gosselin, MM. Bouchet et Moga, Mme Borchio Fontimp et MM. Husson et Folliot, est ainsi libellé :
Alinéa 71
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’activité physique et sportive, qui contribue à la réalisation de ces objectifs, est intégrée dans l’action bilatérale de la France en matière de santé.
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rachid Temal, rapporteur. Cinq amendements concernant le sport ont déjà reçu un avis favorable de la commission.
Comme l’a souligné M. le ministre, à force d’ajouter des éléments à tous les alinéas, il ne s’agira bientôt plus d’un texte, mais d’une encyclopédie.
La commission est défavorable à cet amendement, mal positionné.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Savin. Je retire l’amendement !
Mme la présidente. L’amendement n° 170 rectifié est retiré.
L’amendement n° 178 rectifié, présenté par Mmes Lepage, Meunier, Préville, Conway-Mouret et Jasmin, M. Gillé, Mme Van Heghe, MM. Tissot et P. Joly, Mmes Monier et Rossignol, MM. Antiste et Féraud et Mmes Artigalas et Billon, est ainsi libellé :
Alinéa 75
Remplacer les mots :
l’employabilité
par les mots :
l’insertion socio-économique
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. L’employabilité n’est qu’un aspect de l’insertion socio-économique, laquelle désigne un processus conduisant à l’insertion d’une personne dans son milieu social et dans un milieu de travail.
Trouver un emploi requiert une adaptation au milieu dans lequel on vit et une maîtrise des méthodes de recherche et d’obtention d’un emploi. De nombreux facteurs interdépendants influent sur l’insertion réussie, qui se traduit par une intégration satisfaisante, tant pour la personne que pour la société.
Ces facteurs, tant sociologiques qu’économiques, politiques, culturels, démographiques et géographiques, ne doivent pas être négligés. Les auteurs de cet amendement proposent donc de prendre en compte l’employabilité à travers le défi global que représente l’insertion socio-économique des populations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rachid Temal, rapporteur. Il a semblé nécessaire à la commission d’élargir le spectre et l’approche de l’insertion socio-économique : avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 273, présenté par M. Vallini, Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 76
Compléter cet alinéa par quatre phrases ainsi rédigées :
La France amplifie ses efforts face à la crise éducative majeure à laquelle sont confrontés plus de 214 millions d’enfants de 3 à 18 ans en raison de la crise multidimensionnelle de la Covid 19 qui s’ajoute aux contextes de vulnérabilités et creuse les inégalités. 75 millions d’enfants et de jeunes, dont 39 millions de filles, étaient déjà marginalisés à cause des conflits armés, des déplacements forcés et des catastrophes naturelles. Elle fait de l’éducation une priorité de sa réponse à la Covid 19 et tire des enseignements de cette crise afin de contribuer à la résilience des systèmes éducatifs et de s’assurer qu’aucun enfant et jeune ne soit privé d’éducation, et ainsi d’environnements protecteurs et d’opportunités pour se réaliser pleinement. Elle s’engage à consacrer 4 % de son aide humanitaire à l’éducation et à renforcer le nexus urgence-développement en matière d’éducation.
La parole est à M. André Vallini.
M. André Vallini. À côté de la santé, l’éducation, frappée de plein fouet par la crise sanitaire, constitue un autre sujet très important.
Selon l’Unesco, l’éducation reste globalement absente de la réponse financière à la covid-19, ne bénéficiant que de 0,78 % des plans de relance au niveau mondial. La covid-19 va donc encore aggraver le déficit de financement annuel de l’éducation dans les pays les plus pauvres, évalué à 200 milliards de dollars par an.
Si des engagements ne sont pas pris, avec une programmation financière précise et adéquate, les risques de voir une génération entière sacrifiée demeurent immenses, notamment dans les pays les plus pauvres. Pour ces raisons, nous proposons de mettre l’accent sur l’éducation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rachid Temal, rapporteur. La commission partage totalement les propos de M. Vallini sur le rôle essentiel de l’éducation. Toutefois, l’avis est défavorable sur cet amendement, mais sera favorable sur le suivant.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Cicid, auquel j’ai déjà fait référence et auquel ce texte fait également référence, a fait de l’éducation une des cinq premières priorités de notre politique de développement.
Notre APD en faveur de l’éducation a progressé de 15 % depuis le début du quinquennat et notre contribution au Partenariat mondial pour l’éducation (PME) a été multipliée par dix. Notre engagement se poursuivra dans ce secteur très prioritaire, raison pour laquelle le cadre de partenariat global (CPG) comporte un chapitre consacré aux priorités de notre action, en particulier les alinéas 75 à 80.
Toutefois, comme je l’ai souligné voilà quelques instants, nous ne souhaitons pas créer de nouvelles cibles d’APD, sinon nous ne pourrons pas toutes les atteindre en même temps. Imaginons un projet pour l’éducation dans un pays prioritaire qui devra atteindre 15 % de l’aide dans ce pays ; il faudrait s’assurer que cela entre dans les 30 %, que la part de prêts et de dons est correcte par rapport au critère des 80 %, que la part du multilatéral et du bilatéral soit correcte, qu’il reste assez de crédits pour les 10 % consacrés à la santé… Bref, si l’on additionnait tous les ciblages proposés depuis le début de cette discussion, seul un mathématicien extrêmement pointu pourrait faire les arbitrages.
Il faut affirmer l’importance de l’éducation et du Partenariat mondial pour l’éducation, comme le souhaite M. Vallini, mais la multiplication des cibles rendrait toute action inefficace.
Mme la présidente. L’amendement n° 268, présenté par M. Vallini, Mme Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mmes Conway-Mouret et G. Jourda, MM. M. Vallet, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mme Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 77
1° Au début
Insérer deux phrases ainsi rédigées :
La France rappelle que l’éducation est non seulement un droit humain et un droit fondamental de l’enfant et des jeunes, inscrit dans la Convention Internationale des Droits de l’Enfant ratifiée par la France. L’éducation est aussi un levier pour remédier à toutes les inégalités et favoriser l’engagement citoyen dans les processus de changements socio-économiques et politiques.
2° Première phrase
Après les mots :
égalité entre les femmes et les hommes
insérer les mots :
et les filles et les garçons
et après les mots :
cohésion sociale
insérer les mots :
, changement climatique, consolidation de la paix, exercice de la citoyenneté et défense des droits humains
II. – Alinéa 79
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La France adopte une approche multisectorielle qui promeut la collaboration et la coordination entre et à travers les ministères (de la santé, affaires sociales, famille, justice, éducation, etc.) et multipartite (bailleurs, Gouvernements, OSC et organisations de jeunes, au niveau local, national et international) au sein du secteur de l’éducation.
La parole est à M. André Vallini.
M. André Vallini. Monsieur le ministre, je vous donne acte de l’augmentation de l’APD consacrée à l’éducation depuis 2017. En réalité, le mouvement avait commencé avant, lorsque j’avais pu arracher in extremis une légère augmentation dans le budget pour 2017, voté en 2016, notamment en faveur de l’éducation des jeunes filles. Vous avez encore accentué cet effort. Nous sommes en train de reconstituer le fonds mondial pour l’éducation.
J’ai participé, l’autre jour, à une réunion en visioconférence avec des parlementaires de plusieurs pays. Vous le savez comme moi, l’éducation est à la base de tout, y compris de la santé, notamment de la santé reproductive et sexuelle – je pense à l’éducation des jeunes filles. Elle est à la base du développement de l’emploi, elle est aussi à la base de la paix.
Je voudrais citer une interview du nouveau Président du Niger, Mohamed Bazoum, parue dans Le Figaro – vous avez assisté, je crois, à son investiture. Il a succédé au Président exemplaire Issoufou, qui a réalisé deux mandats et a laissé démocratiquement sa place en organisant des élections libres. Le journaliste lui posait la question suivante : « Nombre de Nigériens s’engagent dans le djihad. Que comptez-vous faire pour les en détourner ? Est-ce la misère qui les pousse à s’enrôler ? » Le Président Bazoum lui a répondu : « Je tiens à affirmer qu’il n’y a pas un lien direct, de cause à effet, entre la pauvreté et le terrorisme. C’est surtout le manque d’éducation, par l’école, qui explique l’enrôlement de certains jeunes. » Tout est dit ! (Applaudissements sur des travées des groupes SER et RDPI.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rachid Temal, rapporteur. Effectivement, les droits de l’enfant et l’éducation sont importants. L’amendement vise à promouvoir une approche multisectorielle et une meilleure coordination entre les différents acteurs de l’éducation dans les pays aidés.
La commission a donc émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 269, présenté par Mmes Conway-Mouret et Carlotti, MM. Temal, Kanner, Todeschini et Roger, Mme G. Jourda, MM. M. Vallet, Vallini, Vaugrenard, Antiste, Cozic et P. Joly, Mmes Lepage et Monier, MM. Stanzione, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 77, après la deuxième phrase
Insérer deux phrases ainsi rédigées :
La France encourage les pays bénéficiaires de l’aide bilatérale à refonder en toute autonomie leurs programmes scolaires. Par son concours, elle participe à la consolidation de la formation des enseignants et au renforcement du système éducatif dans les pays en voie de développement, notamment en finançant des infrastructures et des équipements scolaires en vue de favoriser l’apprentissage dans des conditions idoines et de couvrir de manière uniforme les territoires ruraux et urbains.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
Mme Hélène Conway-Mouret. Cet amendement concerne également l’éducation. Je commencerai aussi sa présentation par une citation, mais de Nelson Mandela, qui affirmait à juste titre que « l’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde ». En effet, l’éducation est le gage d’un développement durable en mesure d’apporter des effets concrets face aux défis socio-économiques, politiques et démographiques auxquels les pays en voie de développement sont confrontés.
Nous sommes tous d’accord sur le fait que l’accès à l’éducation est un objectif prioritaire ; mais, dans les faits, et bien que la France consacre 992 millions d’euros d’aide bilatérale à l’éducation dans les pays en développement, seulement 1,8 % de l’APD bilatérale est allouée à l’éducation de base et 19 % de ces fonds sont attribués aux pays les plus fragiles classés comme étant prioritaires. À titre d’exemple, seulement 5 % de l’APD bilatérale allouée à l’éducation de base est orientée vers les pays du Sahel, alors même que ces pays se trouvent à la croisée de tous les défis du développement.
Le surpeuplement des classes, le nombre réduit d’enseignants travaillant dans des conditions peu valorisantes et faiblement rémunérés par les États, l’insuffisance de manuels scolaires adaptés et actualisés, le délabrement des infrastructures ou l’obsolescence des équipements ont pour conséquence de dégrader les conditions d’études. Le présent amendement vise donc à aboutir à une meilleure répartition des crédits de l’aide publique au développement en faveur de l’éducation en les orientant vers le financement des infrastructures et des équipements scolaires.
Ces disparités sont également liées au lieu de résidence, puisque les zones rurales défavorisées bénéficient peu, sinon quasiment pas, d’initiatives publiques en faveur du développement. C’est pourquoi cet amendement tend à insister sur la nécessité de couvrir de manière uniforme l’ensemble des territoires ruraux et urbains.
In fine, ces insuffisances entravent l’effort d’un système éducatif inclusif et performant. Pourtant, il y a urgence. En effet, selon l’Unicef, en 2030, le nombre d’enfants à scolariser atteindra 619 millions, dont 444 millions pour la seule Afrique subsaharienne. Ces enfants sont la force vive qui prendra part demain au développement de leur pays.
Mes chers collègues, en adoptant cet amendement pour renforcer la qualité des conditions d’études, nous ferions le choix, je le crois, d’une politique d’aide au développement responsable, qui agit à la racine des causes premières des inégalités telles que l’analphabétisme, la déscolarisation et la fuite des forces vives vers les pays du Nord.