M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. La recherche est d’ores et déjà une réussite européenne, en raison non seulement du tissu de recherche des différents États, mais aussi du financement de l’Union européenne. Nous avons ainsi augmenté de plus de 50 % le budget du programme de recherche et développement pour la période allant de 2021 à 2027.
Le parent pauvre de notre recherche commune était le soutien à l’innovation en matière de santé. Or, vous avez raison, nous devons accepter de prendre des risques. Financer l’innovation, c’est accepter que des financements publics soutiennent des recherches qui n’aboutiront pas, ou pas tout de suite. Si nous ne l’avions pas fait en matière vaccinale, nous n’aurions pas aujourd’hui des vaccins efficaces à ARN messager.
Je le signale, des quatre vaccins aujourd’hui homologués par l’Agence européenne des médicaments – BioNtech, Moderna, AstraZeneca et Johnson & Johnson –, trois sont européens et ont reçu des financements, soit par leurs chercheurs, soit lors de la phase d’essais cliniques, de l’Union européenne.
C’est bien sur la création de l’agence HERA, qui nous a fait défaut au début de la crise, que nous devons porter nos efforts, pour faire de la science européenne une source d’innovations d’excellence, reconnue partout dans le monde.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.
Mme Catherine Deroche. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué les vaccins, mais la question des traitements se pose aussi.
Nous parlons aujourd’hui du covid, du traitement de la maladie et de la prévention vaccinale, mais, une fois la pandémie disparue, il faudra continuer de soutenir l’innovation en santé – je pense notamment à l’oncologie, où les besoins sont énormes.
Il ne faudrait pas tout oublier à l’issue de la crise. La recherche française, il faut bien l’avouer, n’est pas en excellent état ; la chercheuse française prix Nobel de chimie de 2020 avait été obligée de quitter notre pays pour pouvoir poursuivre ses travaux…
Je compte sur cet élan pour mettre en place une recherche de qualité à l’échelle européenne, au bénéfice des citoyens.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous avez d’abord orienté votre présentation, monsieur le secrétaire d’État, sur les aspects économiques de la réponse européenne face à la pandémie, en donnant acte de la présence de l’Union européenne sur ce premier volet.
En ce qui concerne le volet consacré à la vaccination, votre propos a été plus nuancé, et vous avez admis comprendre l’insatisfaction de certains de nos concitoyens.
Vous mesurez, comme chacun de nous, le mécontentement et les réserves des citoyens européens à l’égard de l’action de l’Union.
Les deux plus grandes démocraties européennes tiendront bientôt leur principal rendez-vous électoral, au second semestre 2021 et au premier semestre 2022. L’état d’esprit des citoyens européens n’est donc pas une question mineure.
J’aimerais connaître votre priorité en matière de lutte contre la pandémie, à l’échelle européenne, pour ce second semestre 2021. Par ailleurs, quelle pourrait être la priorité de la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022 ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. En ce qui concerne le court terme, et avant même le second semestre 2021, je n’aurai que trois mots : produire, produire et produire. Nous avons besoin, aujourd’hui encore, de produire davantage de vaccins en Europe.
Nous sommes passés d’une quinzaine à cinquante-trois sites européens de production du vaccin. Nous serons, d’ici au début de l’été prochain, la première zone de production de vaccins au monde et nous atteindrons, d’ici à la fin de l’année, une capacité annuelle de production de 3 milliards de doses.
Il s’agit de l’objectif central de la campagne de vaccination actuelle, qui nous permettra également à la fois d’anticiper tout éventuel complément de vaccination ou tout besoin d’adaptation des vaccins et de financer nos innovations.
Au-delà de la question de la Covid, permettez-moi d’insister également sur le financement de la recherche médicale, que nous avons plusieurs fois évoqué cette après-midi, pour les traitements et pour d’autres menaces sanitaires. Il paraît absolument essentiel de développer ce financement dès le deuxième semestre. Cette très concrète Europe de la santé sera l’une des priorités de la présidence française de l’Union.
Pour finir, j’évoquerai la souveraineté industrielle. Nous l’avons vu durant cette crise, au-delà de la question vaccinale et de la question sanitaire, les Européens sont parfois trop dépendants en matière de technologie de pointe, mais aussi pour ce qui concerne les masques ou certains principes médicaux très simples.
Pour être souverains, nous devrons accroître notre capacité de production dans de nombreux domaines. J’en suis certain, cette notion de souveraineté européenne sera au cœur de l’actualité des prochains mois.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour la réplique.
M. Philippe Bonnecarrère. Je vous donne acte de vos indications, monsieur le secrétaire d’État.
Je voudrais cependant terminer, pour ce qui concerne la souveraineté, par un volet franco-français.
Je suis élu du département du Tarn, où se trouve le siège de l’un des plus importants laboratoires français indépendants, à savoir le groupe Pierre Fabre, qui nous a plusieurs fois réunis, avec l’institut Mérieux et le laboratoire Servier, sous les quinquennats de M. Sarkozy, de M. Hollande et de M. Macron, pour nous dire que la logique budgétaire française de réduction du déficit de la sécurité sociale conduisait à rechercher, pour les médicaments, le prix le plus bas, ce qui ne permettait pas aux industriels d’investir.
Je me permets de transmettre de nouveau ici leur message, qui pointe l’une des causes de nos difficultés actuelles.
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la pandémie de covid-19 a contraint la Commission européenne, comme la plupart des États membres, à changer de paradigme, en acceptant d’abandonner pour un temps les politiques libérales et d’austérité et les règles budgétaires de l’Union européenne.
De plus, après l’accord entre la France et l’Allemagne, elle a préparé et présenté un plan de 750 milliards d’euros, dont une partie est financée par la dette. Cette nouvelle approche face à un défi commun ouvre une nouvelle étape d’approfondissement de l’Union. Cette dette européenne est en fait l’affirmation d’une autonomie stratégique européenne.
On ne peut nier les résistances internes face à cette évolution. Dans les États membres, plusieurs parlements tardent à ratifier la décision relative aux ressources de l’Union européenne. À l’échelon européen, la lenteur de la mise en œuvre du plan européen et son caractère très bureaucratique laissent perplexes nombre d’observateurs.
La pandémie contraint de surcroît l’Union européenne à repenser ses priorités et les bases de cette autonomie stratégique. Cela a été souligné pour l’ensemble de l’industrie pharmaceutique et de la santé, mais il ne faut pas oublier des secteurs industriels plus traditionnels, gros employeurs durement affectés par la pandémie, notamment les industries liées au transport.
Comment seront soutenues et accompagnées, dans leur mutation, ces industries, et dans quelle direction ?
Pour nos pays, l’autonomie stratégique de moyen terme, c’est aussi le soutien de la rénovation énergétique. Mais pourquoi la France destine-t-elle si peu de moyens à la rénovation énergétique du logement social ?
Enfin, comment justifier, dans le plan France Relance, des mesures structurelles frappant les plus faibles ? Je pense en particulier à la réforme du calcul de l’assurance chômage et des retraites, dont les bénéficiaires ont pourtant été durement touchés par la pandémie.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, s’agissant du plan de relance – vous avez souligné le caractère essentiel de cette initiative franco-allemande –, je partage votre impatience.
Tout d’abord, un temps démocratique était nécessaire pour trouver un accord au niveau européen entre le Conseil et le Parlement européen. Cela a été fait au mois de décembre dernier. Ensuite, le financement de ce plan de relance doit être ratifié par les vingt-sept États membres. Aujourd’hui, presque vingt États ont autorisé cette ratification, puisque la Pologne doit achever bientôt une procédure d’autorisation de ratification.
J’espère que, d’ici au mois de juin prochain, les sept États restants auront procédé à cette ratification. Quoi qu’il en soit, nous devons articuler l’urgence et ce temps démocratique.
S’agissant du soutien aux différentes industries que vous avez citées, je prendrai simplement quelques exemples.
Dans tous les plans de relance nationaux éligibles aux financements européens, y compris celui que la France a soumis la semaine dernière, figure l’obligation de cibler la transition énergétique et la transition numérique, avec les industries qui y sont associées.
Vous avez pris l’exemple de la rénovation énergétique des logements. Dans le plan de relance français, 7 milliards d’euros y sont consacrés. Quelque 7 autres milliards d’euros sont consacrés à des énergies et à des industries de transition comme l’hydrogène.
Au total, pour chacun de ces plans, un tiers du financement devra soutenir la transition écologique. La France a même proposé, dans le plan qu’elle a soumis à ses partenaires européens, d’affecter 50 % du financement à la transition écologique et 20 % aux questions de transition numérique.
Voilà quelques exemples du soutien concret apporté, par la relance, à ces industries d’avenir.
M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour la réplique.
Mme Florence Blatrix Contat. L’urgence sociale ne doit pas être, une fois de plus, ignorée.
Je vous alerte sur les risques d’un plan de relance conditionné à des réformes structurelles, qui auraient encore pour conséquence la destruction de l’État social. Ce serait alors un échec !
M. le président. La parole est à M. Alain Cadec. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Cadec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise du covid a en effet été le révélateur des forces et des faiblesses de l’Union européenne.
La force, c’est celle de la solidarité envers les pays défavorisés et, surtout, entre les pays membres, qui ont négocié unis pour éviter une concurrence mortifère concernant l’approvisionnement en équipements de protection personnelle et en vaccins.
Toutefois, cette crise a surtout souligné la naïveté des gouvernements, qui ont laissé à l’Europe les clés de la gestion de la pandémie, oubliant que l’Union n’était pas seule au monde et que la concurrence internationale s’exercerait sans pitié pour obtenir les vaccins au plus vite.
Bien sûr, il s’agit ici non pas de se perdre en conjectures, mais de regarder les chiffres en face. Comment expliquer que les pays de l’Union, avec un poids de négociation de près de 450 millions d’habitants, n’aient pas fait mieux, ou du moins pas aussi bien, que les États-Unis, le Royaume-Uni ou encore Israël ?
Négocier à vingt-sept avec les grands laboratoires aurait dû être une force pour se procurer les produits au meilleur prix et dans les meilleurs délais. Or nous sommes définitivement à la traîne, monsieur le secrétaire d’État, avec un pourcentage de personnes vaccinées deux à trois fois plus faible que dans les pays que je viens de citer.
Personne ne peut dire que l’Europe est restée les bras croisés pendant cette période. C’est une réalité, dont nous devons nous réjouir. Mais les gouvernements des pays européens, notamment le gouvernement français, qui devrait pourtant être moteur de l’Union, avec l’Allemagne, n’ont pas su lui donner la souplesse et la réactivité que justifiait pourtant cette pandémie exceptionnelle.
Nous devons donc tirer les enseignements de cette situation, pour nous préparer aux futures crises sanitaires qui se produiront immanquablement et nécessairement.
Si, pour ce qui concerne la santé, l’Union européenne ne dispose que des compétences réduites que les traités lui donnent et que les États membres veulent bien lui laisser exercer, ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d’État, qu’il est crucial de repenser cette politique, en dotant les organes décisionnels européens d’une capacité de réponse audacieuse, rapide et, au besoin, innovante en cas d’événement sanitaire majeur ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous avez comparé la situation de la France avec celle des trois grands pays démocratiques qui vont plus vite que nous.
Ces données sont exactes, mais, selon moi, nous rattraperons une large partie de notre retard d’ici à l’été. Les objectifs de vaccination de la population adulte affichés par le gouvernement britannique et ceux qui concernent la population européenne sont aujourd’hui très similaires. Le fait que nous ayons agi ensemble nous a apporté un certain nombre d’avantages ; je ne reviendrai pas sur la question des prix.
Pour ce qui concerne la quantité de doses, y compris au regard de la solidarité internationale, qui est, à terme, dans notre intérêt, nous avons commandé plus de 2,5 milliards de doses. Alors que l’Union européenne représente environ 5 % de la population mondiale, elle a commandé 25 % des doses du monde. Même si celles-ci ont tardé, elles arrivent désormais le plus vite possible.
Je le redis, je ne crois pas que des commandes nationales auraient permis d’accélérer les choses.
Nous devrons d’ailleurs faire encore mieux pour anticiper les futurs contrats. C’est la raison pour laquelle la Commission négocie un contrat de près de 2 milliards de doses en vue d’éventuels rappels vaccinaux dans les mois qui viennent.
Nous devrons réfléchir collectivement aux questions suivantes, qui relèvent de la culture européenne : pourquoi les Britanniques ont-ils gagné un certain nombre de jours et de semaines sur nous ? Pourquoi les Américains ont-ils également pris de l’avance ? Parce qu’ils ont pris plus de risques au départ pour financer l’innovation, les essais cliniques et les dernières phases de développement des vaccins.
Il s’agit non pas d’une question de compétences européennes, françaises ou allemandes, mais d’un choix collectif que nous avons fait. Peut-être devrons-nous avoir un débat ouvert sur ce sujet et accepter de prendre plus de risques.
Par ailleurs, pour ce qui concerne les autorisations données à certains vaccins en urgence, des pays comme la Grande-Bretagne ont accepté de prendre plus de risques. Pour l’instant, ce pari s’est révélé gagnant. Il ne correspondait pas au consensus français et européen au début de la pandémie.
Nous devrons discuter de cet aspect des choses. Pour le reste, le cadre européen nous a protégés et nous protège encore.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Union européenne a fermé officiellement ses frontières depuis le 17 mars 2020. Depuis lors, chaque État membre a fait comme il a voulu, sans coordination excessive avec ses partenaires, même si aucun pays, sauf la France à la fin du mois de janvier, n’a fermé ses frontières à ses propres ressortissants.
Depuis maintenant plus d’une année, la liberté de circulation dans l’Union européenne et, singulièrement, dans l’espace Schengen n’existe plus. Chaque pays impose contrôles et conditions d’entrée à ses frontières, parfois même avec des quarantaines pour des déplacements intracommunautaires, parfois même entre voisins.
Pour sortir de cette situation, un règlement européen est en cours de négociation. Il créera de fortes discriminations entre ceux qui vivent dans des pays européens où les tests sont gratuits et ceux pour qui les coûts de ces tests dépassent les 120 euros, ou bien entre ceux qui auront des vaccins homologués en Europe et ceux qui recevront Spoutnik ou Sinovac, parfois en Hongrie, mais parfois aussi hors de l’Union européenne. Je pense aux ressortissants européens à l’étranger.
Il y aura également une discrimination entre ceux qui auront pu être vaccinés et les autres.
Le pass sanitaire a vocation à refaire vivre l’espace Schengen. Mais s’il est discriminatoire et qu’il est systématiquement demandé aux frontières intérieures de l’Union européenne, ne sera-t-il pas une négation de la liberté de circulation ?
Monsieur le secrétaire d’État, nous le savons, cela fait des années que l’espace Schengen doit être renforcé, avec une gouvernance plus mutualisée pour être efficace. Au cours de l’année dernière, tout a démontré de nouveau ce besoin. Pourtant, c’est exactement le contraire qui se produit.
Ma question est simple : Schengen et le symbole qu’il représente seront-ils des victimes de la covid-19 ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, je ne le crois pas et je ne le souhaite pas !
Je veux répondre au premier point que vous avez formulé, pour ne pas laisser penser que nous avons abandonné nos ressortissants.
Pendant quelques jours, des motifs impérieux ont pu être exigés pour certains d’entre eux – jamais pour les résidents permanents – qui regagnaient le territoire. Ce dispositif a été annulé par le Conseil d’État. Nous avons désormais un dispositif plus souple, qui permet de garantir les contrôles sanitaires.
Nous avons toujours été au rendez-vous pour nos ressortissants, y compris quand il a fallu, au tout début de la crise, en rapatrier plus de 300 000. Nous avons également aidé nombre de pays européens à organiser le rapatriement de leurs propres ressortissants. Je sais que nous avons été le pays le plus organisé et le plus ambitieux pour assurer le retour et la protection de nos ressortissants.
Je ne puis donc laisser penser que nous aurions, à un quelconque moment de cette crise, laissé tomber les ressortissants français, où qu’ils se trouvent dans le monde.
S’agissant de la libre circulation, je partage votre avis, ne considérons pas qu’il s’agissait d’un luxe dont nous pourrions faire l’économie à l’avenir. Je sais notamment à quel point ce sujet est important dans les régions frontalières et pour nos ressortissants.
Le certificat sanitaire signifie non pas une plus grande fermeture, mais une plus grande ouverture. Aujourd’hui, pour des raisons sanitaires, la situation est telle que vous la décrivez. J’espère que cela durera le moins longtemps possible.
Il ne s’agit pas d’un pass vaccinal. Il y aura toujours la possibilité de produire un test pour les personnes qui n’auraient pas accès à la vaccination ou à des vaccins homologués.
J’insiste sur ce point, d’un point de vue sanitaire, il serait impossible de reconnaître comme protecteurs des vaccins qui n’auraient pas été homologués par l’Agence européenne des médicaments. Ce n’est pas une discrimination, mais une nécessité sanitaire.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous incitons nos partenaires européens à rester dans ce cadre et à n’accepter – la Hongrie constitue une exception – que des vaccins homologués par l’Agence européenne des médicaments. Il y va de notre sécurité sanitaire collective.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour la réplique.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse m’inquiète un peu ! Quelles perspectives ouvrez-vous s’agissant de la réouverture ? Quelles propositions allez-vous formuler pour refaire vivre la liberté de circulation dans l’Union européenne ?
Vous l’avez dit, le Conseil d’État a annulé une décision du Gouvernement. Les touristes étaient rapatriés, mais on a prié les Français de l’étranger qui avaient besoin de revenir en France de rester sur place. On leur a dit : « Vous êtes mieux chez vous ; le rapatriement, c’est pour plus tard. »
Je veux bien que le Président de la République écrive à tous les Français de l’étranger pour dire que l’on s’est occupé d’eux, mais ils ont tout de même eu, pendant un an, l’impression d’être largement abandonnés et bloqués à l’étranger.
Néanmoins, tel n’était pas le sujet de ma question. Je souhaitais connaître les perspectives concernant l’espace Schengen, et vous ne nous avez pas vraiment répondu.
Nous le savons désormais, si des gens n’ont pas reçu un vaccin homologué, ils ne pourront pas rentrer. Des ressortissants français ou des touristes vaccinés à l’étranger pourront encore rencontrer des difficultés de libre circulation au sein de l’Union européenne. (M. Damien Regnard applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les Européens ont confié il y a quelques mois à la Commission européenne le soin de négocier des contrats d’achats anticipés de vaccins. Cette stratégie a permis d’éviter une concurrence néfaste entre États membres pour l’acquisition de vaccins ; elle a aussi révélé les faiblesses de notre continent.
Alors que les États-Unis investissaient dès le début de la pandémie dix milliards de dollars dans la recherche et le développement de vaccins, l’Union européenne ne mobilisait qu’un tiers de cette somme. L’Europe a aussi été plus lente, en concluant ses contrats d’achats anticipés en juin 2020, alors que les Américains les avaient déjà signés en février.
Par ailleurs, la Commission a fait le choix d’opter en priorité pour des vaccins qui seraient produits sur le territoire de l’Union, comme AstraZeneca ou Sanofi-GSK, au détriment de vaccins plus prometteurs sur le plan scientifique, comme Moderna.
À trop vouloir obtenir les prix les plus bas possible, la Commission n’a sans doute pas suffisamment encadré les délais de livraison, en s’assurant que les entreprises seraient en mesure d’honorer les commandes.
À ce propos, la Commission européenne a annoncé le 26 avril dernier qu’elle allait saisir la justice à la suite des retards de livraison de la société AstraZeneca. Le groupe pharmaceutique promet déjà de se défendre fermement, estimant avoir respecté le contrat noué avec Bruxelles et faisant valoir qu’il avait d’autres contrats à honorer avec le Royaume-Uni, où le vaccin a été autorisé un mois plus tôt que dans l’Union européenne.
Quoi qu’il en soit, cette société ne livrera vraisemblablement pas les 200 millions de doses manquantes pour atteindre les 300 millions de doses promises.
Dans ce contexte, monsieur le secrétaire d’État, comment atteindre l’objectif affiché par la Commission de vacciner d’ici à cet été 70 % des plus de 18 ans, sans compter les contre-indications médicales du vaccin d’AstraZeneca ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Concernant les vaccins que vous venez d’évoquer, les capacités sont limitées pour ce qui concerne Moderna.
Toutefois, nous avons augmenté les capacités de livraison, y compris par rapport au contrat initial que nous avions conclu au nom de l’Union européenne avec ce laboratoire. Si l’on examine le bilan du premier trimestre, on s’aperçoit que Moderna fait partie des laboratoires qui ont respecté, parfois avec quelques décalages, sur les trois premiers mois de l’année, leurs engagements de livraison.
Je tiens également à tordre le cou à l’idée selon laquelle les décalages de livraison que nous avons subis seraient dus à une négociation trop dure des prix par l’Europe. En effet, nous avons signé un contrat avec AstraZeneca vingt-quatre heures avant le Royaume-Uni. La vraie différence, c’est le financement de l’innovation et la prise de risques.
En ce qui concerne l’action en justice qui a été engagée contre l’entreprise AstraZeneca, la Commission européenne, que nous avons soutenue, s’est engagée dans une procédure contentieuse, même si les discussions se poursuivent. En effet, ce laboratoire n’a pas respecté ses engagements de livraison au premier trimestre 2021 et il a annoncé des livraisons moindres que celles qui étaient initialement prévues pour le deuxième trimestre. Cette situation a été prise en compte dans les calendriers de vaccination.
Malgré tout, l’ensemble des livraisons sur le périmètre de l’Union européenne représente plus de 400 millions de doses au deuxième trimestre, soit trois fois plus que ce que nous avons reçu au premier trimestre, ce qui nous permet de continuer à fixer les objectifs que vous connaissez en France et en Europe.
Nous avons en effet compensé un certain nombre de mauvaises nouvelles par de bonnes nouvelles, que nous avons obtenues grâce à la négociation collective. Je pense notamment au contrat supplémentaire avec le laboratoire Pfizer-BioNTech, qui nous permet de bénéficier, au sein de l’Union européenne, de 50 millions de doses supplémentaires par rapport aux prévisions que nous avions affichées pour le deuxième trimestre. Cela représente près de 8 millions de doses supplémentaires pour notre seul pays.
Grâce à la mobilisation et au choix européen d’une diversification, nous sommes capables de compenser certaines difficultés.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny.
Mme Pascale Gruny. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de ces informations. Toutefois, vous le savez, avec ma collègue Laurence Harribey, j’ai participé à des auditions sur ce sujet. Sans doute conviendrait-il de recevoir des réponses identiques de la part de la Commission européenne…
Quoi qu’il en soit, je souhaite également insister sur le domaine de la recherche, pour lequel nous nourrissons des inquiétudes à la suite des auditions que nous avons menées.
En effet, même si les financements sont présents, les délais qui sont imposés sont sans doute trop courts. Comme vous l’avez dit à ma collègue Catherine Deroche, la recherche s’inscrit dans le temps long. Or, au sein de l’Union européenne, après trois, quatre ou cinq ans de recherche, les financements cessent.
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne.
M. Bernard Bonne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les eurodéputés ont validé à la fin du mois d’avril la mise en place d’un certificat vert numérique proposé par la Commission européenne et ayant pour objectif de faciliter les déplacements au sein de l’Union européenne.
Ce passeport sanitaire ou certificat vert permettra de justifier d’une vaccination contre le covid-19 ou d’un test PCR négatif, mais également d’une immunité à la suite d’une infection.
Si le but affiché est d’obtenir un cadre européen harmonisé permettant de circuler librement au sein de l’Union européenne, certaines ambiguïtés et questions demeurent.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez répondu à Mme Laurence Harribey concernant le maintien du secret des données personnelles, et je ne reposerai donc pas la question.
Ce certificat ne serait pas obligatoire pour voyager, afin de ne pas créer de discrimination entre les citoyens. Par ailleurs, les États membres auront toujours le droit d’ouvrir leurs frontières aux personnes non vaccinées ou de ne pas exiger de test négatif.
Le certificat ne devrait pas empêcher les pays d’imposer les restrictions qu’ils souhaitent, en particulier des quarantaines.
Enfin, si ce passeport est présenté comme n’étant destiné qu’aux voyages, les organismes chargés de la protection des données alertent sur son utilisation pour accéder à certains lieux tels que les musées ou les restaurants.
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, préciser la position de la France sur ces différents points et vous avancer sur le calendrier de sa mise en place ?
Enfin, pourriez-vous nous donner le coût unitaire moyen, pour la France, des vaccins nécessitant une double dose ?