M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Monsieur le secrétaire d’État, ma question concerne le certificat vert, qui pose encore beaucoup de questions. Je veux plus particulièrement vous interroger sur le sujet de la protection des données personnelles.
Le premier problème concerne la nature des données qui figureront dans le certificat.
Le texte évoque le nom, le prénom, la date de naissance et, bien sûr – c’est l’objectif –, la réalisation d’un test ou d’un vaccin et la guérison. Surtout, il prévoit dans son annexe que puissent être ajoutées des données sous forme d’acte délégué, ce qui constituerait un quasi-pouvoir d’ordonnance, compte tenu de notre pratique législative. Pour notre part, nous pensons que la possibilité de ces actes délégués doit être encadrée dans le règlement.
Le second problème tient à la conservation et à la centralisation des données et de leur traitement.
Le texte dresse la liste de ceux qui y auront accès : les autorités compétentes des États membres de destination, ce qui est logique, les prestataires de services de transport de voyageurs transfrontaliers… Des contrôles sont prévus, mais rien n’est précisé à sujet. Je pense notamment à la possibilité de faire héberger le QR code sur les applications de traçage.
Quelle est la position du Gouvernement dans les négociations qui vont s’engager ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, le certificat vert est un exemple de coordination européenne améliorée. Il est en bonne voie, et j’espère qu’il aboutira.
Je veux répondre très précisément à vos différentes questions.
Pour ce qui concerne la conservation des données, c’est très clair : le texte européen prévoit que l’ensemble des éléments seront conformes au règlement général sur la protection des données européen. En France, nous mettrons en place une déclinaison nationale de ce pass, qui sera soumise à l’avis de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) avant toute mise en œuvre.
Plusieurs dispositions du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, que vous examinerez bientôt, concerneront ce pass. L’ensemble des questions relatives à la conservation des données pourra alors être soulevé et précisé.
Les pays européens ont mis en place différentes applications. Ce n’est pas parce qu’il sera adossé à notre application TousAntiCovid que le pass obtenu en France ne sera pas lisible par les douaniers ou les forces de l’ordre d’un autre pays.
Que ce soit sur notre téléphone ou en format papier, l’idée est de partager le même code numérique, lisible par les forces de l’ordre ou les autorités sanitaires de l’ensemble des pays de l’Union européenne. Le règlement que l’Union est en train d’adopter vise à garantir ce standard commun.
Savoir où ce code sera stocké dans votre téléphone est une question assez secondaire. L’essentiel est que nous partagions tous le même format, ce qui permettra de garantir la libre circulation de nos frontaliers.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.
Mme Laurence Harribey. Ce qui se passe avec le certificat vert numérique s’apparente à une répétition générale avant la création de l’espace européen des données de santé, plateforme numérique qui centraliserait, à l’échelle européenne, les données de santé. Cette perspective soulève les mêmes types de questions – c’est donc un bon exercice.
Il faut être très vigilant sur la question du consentement des patients, sur celle de l’encadrement des hébergeurs privés, sur les transferts de données d’un hébergeur à un autre et sur les outils d’hébergement. Ces questions, qui se posent à l’aube de ces changements, supposent de mener un travail très important.
Je voudrais y insister, le règlement permet aux États d’ajouter des obstacles. Nous sommes donc loin de l’objectif initial de libre circulation. Il faudra également se montrer vigilant sur cet aspect.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 9 janvier 2020, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies publie sa première note au sujet du covid-19, dans laquelle il relève que trois aéroports européens ont des connexions avec Wuhan.
Le 22 janvier suivant, le Centre alerte sur un risque épidémique élevé. Les conseils de constituer des stocks de tests et de masques FFP2 et FFP3 ne sont pas suivis. Les frontières internes et externes de l’Union européenne sont laissées ouvertes.
Il a fallu implorer la Chine pour avoir des stocks. Un an plus tard, le Gouvernement a enfin entendu Marine Le Pen, en fermant les frontières.
Vous nous vendez l’Union européenne comme l’échelon efficace pour gérer les défis modernes et internationaux, mais ce sont les États – et en France, les collectivités locales –, qui se sont retroussé les manches pour pallier les carences graves de ce Moloch impuissant : une Union de faiblesses européennes qui aura mis en danger des millions de Français.
Dans notre pays, qui reste un acharné enchaîné de l’Union, quelque 14 millions de personnes, soit 27 % de la population, ont reçu une première dose de vaccin contre 34 millions au Royaume-Uni, soit 64 % de sa population, pays qui s’est libéré du carcan européen.
C’est une preuve incontestable de l’échec et du naufrage de l’Union européenne, comparé à la puissance d’un État volontaire. La vérité, c’est que nous avons deux mois de retard sur les États-Unis et le Royaume-Uni. Et chaque jour de retard, ce sont des vies perdues.
Face à la lenteur du processus de certification des vaccins, l’Allemagne a entrepris de passer commande en son nom propre, tandis que la Hongrie s’est tournée vers la Russie et la Chine avec succès et une avance déterminante sur nous.
Josep Borell, haut représentant de l’Union européenne, s’est vu moqué par Moscou et n’a pas réussi à négocier le vaccin russe. L’humiliation est désormais collective.
Enfin, l’opacité sur les négociations – contrats, montants et délais – au niveau européen a entaché durablement la transparence démocratique et la confiance des Français dans le vaccin.
Pour toutes ces raisons, n’est-il pas temps, monsieur le secrétaire d’État, d’impulser une réponse nationale, française en l’occurrence, à cette pandémie, pour enfin s’en sortir efficacement, en commençant par se pencher sur les traitements, plutôt que sur le tout-vaccin ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Ravier, je ne sais par laquelle de vos approximations commencer.
En ce qui concerne les frontières, nous avons entendu Marine Le Pen régulièrement, mais nous ne l’avons pas attendue pour fermer, dès le 17 mars 2020, les frontières de l’espace Schengen, ce qui n’était jamais arrivé. C’est donc un bon exemple de coordination européenne.
Vous me répondrez qu’il ne s’agissait pas d’une véritable fermeture : il était possible d’entrer sur notre territoire pour certains motifs, ce que nous devons d’ailleurs à nos ressortissants de par notre Constitution.
Toutefois, observez, par exemple, les chiffres du trafic aérien ; certains de vos amis s’étaient d’ailleurs plaints que nous n’ouvrions pas assez vite nos frontières au tourisme international : nous avons bien fermé les frontières Schengen et durci les dispositifs de contrôle au fur et à mesure que la situation sanitaire l’exigeait.
En ce qui concerne la Chine, nous avons suspendu les vols dès janvier 2020 – vous avez cité le bon mois.
Vous avez dit que 14 millions de Français avaient reçu une première dose de vaccin ; en fait, 17 millions de premières injections ont d’ores et déjà été réalisées.
Ce qui se passe au Royaume-Uni n’a aucun rapport avec le Brexit.
Vous citez vos amis russes, mais je n’ai pas compris s’il s’agissait d’une critique ou d’un éloge… Toujours est-il que la Russie n’a honoré que 1 % de ses promesses de livraison. Ce vaccin n’est pas produit massivement. Si la Russie avait une solution miracle, elle aurait un taux de vaccination au moins équivalent au nôtre. Or il est aujourd’hui deux fois inférieur.
Pour éviter les humiliations que vous évoquez, cessons de répéter des contre-vérités sur ce vaccin russe et produisons – il me semble que vous défendez la souveraineté et l’autonomie – nos propres vaccins en Europe.
Vous voulez des solutions nationales ? Mais, avec de telles solutions, nous n’aurions pas eu la moindre dose de vaccin ni en janvier, ni en février, ni en mars. Nos doses viennent de Belgique et des Pays-Bas. Cette coopération européenne nous est utile.
Oui, l’Union européenne a exporté un certain nombre de doses, car la solidarité internationale est utile pour notre propre situation sanitaire. En effet, si le virus continue de circuler au Brésil, en Inde ou dans d’autres pays européens à nos portes, les variants se multiplieront et nous ne serons pas protégés.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État. Améliorons le cadre européen. Monsieur le sénateur, aucune de vos solutions n’est viable.
M. le président. Il faut respecter davantage votre temps de parole, monsieur le secrétaire d’État. Grâce aux compteurs disposés dans l’hémicycle, je suis sûr que vous y arriverez ! (Sourires.)
La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la progression du nombre de vaccinés en France et en Europe ne cesse de s’accélérer. Je m’en réjouis, et ce d’autant plus après les difficultés d’approvisionnement que le continent a connues.
La gestion des contrats d’achats anticipés par la Commission européenne doit être évaluée dans ses aspects positifs et négatifs. Ces derniers ont mis en évidence l’importance pour l’Union et ses États membres d’adapter les compétences liées à la santé et de se doter d’outils solides et plus efficaces de réaction rapide. Je pense notamment à la future Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire.
Le travail effectué par la task force menée par Thierry Breton sur le renforcement de la production de vaccins est loin d’être terminé. Je salue la capacité industrielle européenne déployée, qui devrait permettre une production annuelle de 3 milliards de doses. C’est crucial pour les Européens et pour le reste du monde. La solidarité sera la clé de la sortie de cette pandémie.
Nous le savons, car nous y sommes exposés, les variants sont de plus en plus nombreux à circuler. En février dernier, l’Union européenne a présenté l’incubateur HERA, pour se préparer à proposer des réponses rapides face à ces variants et pour anticiper les prochaines évolutions de la pandémie de covid-19.
À l’heure où nous amorçons un nouveau déconfinement, nous apprenons que le variant dit « indien » est arrivé sur notre territoire. L’idée qui se dessine est l’évolution du vaccin en fonction des mutations du virus, comme pour celui de la grippe.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer comment l’incubateur HERA s’implante dans la stratégie industrielle européenne consacrée aux vaccins à court et moyen terme ?
Par ailleurs, quelle est la nature de la coopération des équipes de l’incubateur avec d’autres agences dans le monde, comme l’agence biomédicale américaine, la Barda ? Enfin, quelle part prend la France dans le travail de cet incubateur européen ? (M. Franck Menonville applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, l’incubateur HERA que vous évoquez doit être la préfiguration d’une véritable agence européenne de financement de la recherche médicale.
Nous avons vu combien l’agence américaine Barda était efficace. Je crois que nous devons mettre en place un modèle similaire, doté des mêmes moyens financiers, capable de prendre des risques et de financer parfois des recherches qui n’aboutiront pas. C’est ainsi que nous serons à la pointe de l’innovation.
Les moyens financiers alloués à ce projet pilote sont aujourd’hui limités : un peu plus de 200 millions d’euros. Si nous voulons une agence européenne utile et efficace, il faudra significativement augmenter cette dotation, sans doute en utilisant le budget de santé, désormais inscrit dans le budget européen. Il faudra probablement aller au-delà et porter notre effort à plusieurs milliards d’euros dans les prochaines années pour développer la recherche vaccinale.
Des équipes de recherche françaises seront bien évidemment associées à ces travaux. Nous sommes impliqués dans la création de cette agence, qui n’a pas encore pris toute sa mesure et dont il faudra augmenter les moyens sans hésitation. Sa mise en place constituera une réelle avancée européenne. C’est l’une des leçons que nous aurons tirées de la crise.
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « Le nationalisme, c’est la guerre », affirmait François Mitterrand. Face à la pandémie, monsieur Ravier, le nationalisme, c’est la défaite pour tout le monde. (M. Stéphane Ravier proteste.)
Voilà plus d’un an, le directeur général de l’OMS nous avertissait que nous étions confrontés à une menace commune, que nous ne pourrions vaincre qu’avec une approche commune.
Un an après, nous avons tous appris d’expérience que nul ne peut espérer s’en tirer durablement sans les autres et que l’arrogance de certains dirigeants peut peser plus lourdement sur des libertés et des droits que sur la circulation d’un virus et de ses variants – on pense à l’Inde, au Brésil, à Donald Trump… Notre pays lui-même n’est pas à l’abri d’une mauvaise trajectoire qui ferait de lui une fabrique de variants en Europe.
La solidarité européenne, c’est le choix d’un mécanisme commun de commande et de distribution des vaccins, ainsi que le choix de l’endettement commun pour engager la relance. On voit les difficultés d’exécution, de cohésion et les tracas – en particulier pour les bassins transfrontaliers.
La mise en place du certificat européen, cet été, en harmonisant les règles qui autrement partiraient dans tous les sens, peut contribuer à un équilibre entre santé publique et liberté de mouvement. Le Parlement européen a clairement posé les conditions nécessaires pour cela. Nous sommes particulièrement vigilants sur cette question.
La solidarité, c’est aussi et surtout notre capacité à faire toute notre part pour faire respecter les droits de chacune et de chacun dans le monde à être protégé de la pandémie.
L’effroyable évolution de la situation en Inde, l’écart vertigineux de vaccination, d’équipements d’urgence et de respirateurs entre les pays riches et les pays pauvres montre que l’élan de solidarité mondiale est à la peine.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que l’Union européenne a bloqué toute demande relative à la levée des droits de propriété intellectuelle sur les vaccins, qui permettrait aux pays émergents de produire eux-mêmes des vaccins génériques, alors que l’accélérateur ACT et le mécanisme Covax assureront au mieux la vaccination de 20 % de la population des pays pauvres à terme, l’Union européenne a-t-elle la capacité et la détermination nécessaires pour relancer fortement l’élan solidaire, qui contribuera à donner de véritables perspectives d’espoir partagé ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, je partage en tout point votre exigence de solidarité internationale, non seulement parce qu’elle répond à nos valeurs et à notre devoir d’humanité, mais aussi parce qu’il s’agit de notre intérêt le plus direct, je le répète. Nous n’en aurons jamais fini avec cette pandémie, quelle que soit notre couverture vaccinale, si nous ne vaccinons pas le reste du monde le plus vite possible.
Pour ce faire, nous passons par l’accélérateur que vous avez évoqué et par l’initiative Covax, qui commence à fonctionner et dont les pays européens sont les premiers contributeurs en doses et en financements.
Les commandes de l’Union européenne, honorées désormais à un rythme accéléré, atteignent déjà plus de 2,5 milliards, ce qui est largement suffisant pour couvrir notre population d’ici à la fin de l’été, même avec des vaccins à double dose.
Dans un second moment, dont nous souhaitons qu’il soit le plus proche possible du premier, nous vaccinerons le reste du monde, à commencer par l’Afrique, qui en a le plus grandement besoin. C’est ainsi que nous avons rendu prioritaires les doses envoyées aux soignants du continent africain.
Nous négocions déjà de nouveaux contrats. Dans nos prochains achats, nous devrons sans doute toujours prévoir des doses pour les autres pays du monde. C’est l’honneur, le devoir et l’intérêt de l’Europe, me semble-t-il. Je partage cette exigence de solidarité, qui nous est également bénéfique.
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la pandémie à laquelle nous sommes confrontés depuis plus d’un an met l’Europe à rude épreuve, érodant parfois des libertés que l’on imaginait il y a peu de temps encore inébranlables ou intouchables, comme la libre circulation.
Cette crise est un test de crédibilité et d’efficacité pour l’Europe, en ce qui concerne à la fois la gestion coordonnée entre les États membres et la réponse européenne à apporter pour la relance économique du continent. Sur ce dernier point, l’accord trouvé en juillet 2020 pour un plan de relance massif est une réussite.
Des mesures ont été prises, notamment l’assouplissement par la Commission de l’orthodoxie budgétaire européenne et l’annonce d’un plan d’investissement pour lutter contre les effets économiques de la pandémie. La Banque centrale européenne a, elle aussi, réagi rapidement, en lançant un vaste plan de rachat d’actifs pour alimenter l’économie en liquidités et aider les entreprises européennes mises en difficulté par la pandémie et les mesures de confinement.
L’Union européenne et ses États membres ont développé une approche commune et solidaire pour des vaccins sûrs et pour coordonner les stratégies de dépistage dans toute l’Europe.
Des coopérations bilatérales transfrontalières se sont également mises en place, comme celle, par exemple, qui a permis le transfert de patients français des hôpitaux du Grand Est vers des pays frontaliers.
Afin de mener à bien ces objectifs et d’améliorer les systèmes de santé nationaux, l’Union européenne doit favoriser la coordination des politiques et des systèmes sanitaires entre les États tiers et les États membres, en particulier dans les régions frontalières.
Cette pandémie a révélé l’importance de la recherche et de l’innovation dans la lutte contre la crise sanitaire et économique actuelle, ainsi que les possibilités qu’offre ce domaine pour prévenir les vulnérabilités lors de crises futures.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les actions que mène l’Union européenne en matière de recherche contre le virus et quelles sont ses ambitions pour la suite ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, nous avons besoin, comme je l’ai déjà souligné, de renforcer nos capacités de recherche et de financement de l’innovation, à l’échelle européenne, en matière de santé.
Dès le début de la crise, l’Union européenne a mobilisé un certain nombre de moyens, probablement insuffisants, faute de compétence de cette nature.
Toutefois, 176 millions d’euros ont été alloués au financement d’une quarantaine de projets de recherche sur des vaccins ou des traitements. La France participe à vingt de ces projets et en coordonne deux. Notre organisme de recherche médical, l’Inserm, est le plus impliqué dans ces projets européens.
En ce qui concerne l’avenir, nous devons amplifier cet effort. L’agence de recherche médicale HERA me semble la piste la plus prometteuse, avec 150 millions d’euros consacrés à la recherche et aux essais cliniques et 75 millions d’euros à la question essentielle du séquençage.
À plus long terme, nous devrons financer davantage cette agence par des moyens intergouvernementaux ou européens. Il s’agit d’un investissement absolument essentiel.
Nous disposons de bons programmes de recherche européens. Le vaccin dit « britannique », à savoir AstraZeneca Oxford, a largement été financé par les fonds européens, de même que celui de BioNtech. Nous devons maintenant financer à plus grande échelle notre capacité d’anticipation et d’innovation.
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye, pour la réplique.
M. Ludovic Haye. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
Ma voix s’ajoute à celle de mes collègues pour l’implantation à Strasbourg de l’agence HERA ! (Sourires.)
M. le président. Merci de ce lobbying efficace, mon cher collègue. (Nouveaux sourires.)
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’idée du certificat vert numérique a été validée le 29 avril dernier par le Parlement européen à une très large majorité, ouvrant ainsi les discussions avec le Conseil européen. Nous nous en réjouissons.
Au regard des difficultés de circulation que la pandémie de covid a pu créer, en particulier dans les régions transfrontalières que je connais bien et dont je suis élue, on peut souhaiter que ce pass facilite les choses, pourvu que les règles soient claires, facilement applicables, non discriminatoires et adaptées aux réalités de terrain.
Comme l’ont souligné les débats au Parlement européen, le pass doit apporter une véritable plus-value en matière de circulation.
La justification d’une vaccination contre la covid-19, d’un test PCR négatif ou encore d’une immunité à la suite d’une infection me semble offrir la souplesse nécessaire pour assurer rapidement un déploiement relativement large du dispositif, ce que le critère de la seule vaccination ne permettrait pas.
Il y a une certaine urgence à mettre en œuvre ce certificat, non seulement parce que nos concitoyens aspirent à plus de liberté, mais aussi parce que l’économie, notamment le tourisme, en grande souffrance, en a largement le besoin.
Une question fondamentale a été posée voilà quelques instants : celle de la protection des données personnelles. Les données authentifiées doivent être compilées et protégées par chaque État membre et ne doivent pas être détenues par un pays étranger.
La liste des entités autorisées à les traiter devrait être rendue publique, afin de permettre aux citoyens d’exercer leurs droits dans le cadre du règlement général sur la protection des données. En outre, la durée de stockage devrait être limitée à douze mois.
Monsieur le secrétaire d’État, confirmez-vous toutes ces orientations ? Si la mise en place du certificat est prévue dès le mois prochain, il faut rapidement dissiper les inquiétudes pour qu’il rencontre l’adhésion de tous.
Pouvez-vous nous préciser les précautions qui seront prises afin d’assurer la protection des données personnelles des Français ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, vous avez parfaitement raison : l’objectif de ce certificat est de permettre de retrouver, dès le début de cet été, la capacité de voyager en Europe dans des conditions sanitaires sûres. Le Parlement européen et le Conseil, représentant des États membres, doivent trouver un accord d’ici au début du mois de juin prochain.
En ce qui concerne la question sensible des données, je rappelle que le règlement est conforme au règlement général sur la protection des données.
Par ailleurs, nous avons choisi d’adosser le code français du certificat vert européen à l’application TousAntiCovid, qui est conforme – cela qui nous a parfois été reproché – aux exigences les plus strictes de protection des données, pour éviter que les grands acteurs du numérique n’y aient accès. Nous nous inscrivons dans le même type de dispositif, avec le même contrôle des données. La CNIL sera saisie pour vérifier la conformité de ce dispositif aux règles énoncées.
Enfin, votre assemblée aura à connaître du projet de loi qui comporte des dispositions sur le certificat sanitaire mis en place en France, dans ce cadre européen. Vous pourrez donc vous assurer que le processus de vérification et de contrôle des données sera le plus strict possible, comme nous y avons toujours veillé.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour la réplique.
Mme Véronique Guillotin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
Ce pass vert est essentiel dans les territoires transfrontaliers, surtout après les difficultés rencontrées entre la France et l’Allemagne. Nous devons obtenir l’adhésion des Français !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour renforcer l’adhésion de nos concitoyens, on parle souvent d’une Europe qui protège, avec cette idée que l’Union européenne serait un cadre préservé dans une mondialisation qui inquiète.
L’Union européenne n’a pas compétence en matière de santé. Toutefois, dans le cadre du marché, elle a pu mettre en place une coordination de la politique vaccinale. Si les débuts ont été un peu difficiles, les choses semblent aller mieux.
Il est un domaine où l’Europe doit être audacieuse, doit parier et faire des choix, celui de la recherche et du soutien à l’innovation – cette dernière est d’ailleurs une réelle compétence européenne.
La recherche, c’est un pari. Pour réussir, il faut faire des choix et accepter aussi des échecs. L’élan avait été prometteur, car la force de frappe européenne est indéniable. Toutefois, les choses sont vite retombées. Nous avons assisté à une multiplication désordonnée des entreprises de recherche, que ce soit à l’échelle nationale, européenne ou internationale, avec une concurrence dommageable entre États membres dont les effets ont compromis jusqu’à l’éthique même des travaux.
Toutes ces initiatives sont potentiellement financées au même niveau, avec un maximum de 70 % – dans certains cas, c’est beaucoup trop ; dans d’autres, cela peut être insuffisant pour marquer un intérêt véritable.
Dans ce domaine, la comparaison avec les Britanniques n’est pas flatteuse. À traités inchangés, comment pouvons-nous construire une force de frappe européenne pour conjuguer nos politiques de recherche ?