Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Jacky Deromedi, comme vous, nous avons le souci de l’efficience de l’action publique. C’est pourquoi nous nous attachons aux résultats de certains classements dont la méthodologie et les critères sont pertinents.
Que dit le classement Bloomberg ? Que la France s’est maintenue dans les vingt pays qui agissent le mieux face au virus. Que, au 25 avril dernier, c’est vrai, madame la sénatrice, la situation était difficile. Mais la dernière mesure recensée dans ce classement coïncide avec le pic de la dernière vague épidémique.
En outre, cyniquement, je vous répondrai que vous oubliez au passage les chiffres glaçants d’autres pays en termes de nombre de décès : 578 000 aux États-Unis, un pays que l’on cite toujours, et 128 000 en Grande-Bretagne, contre 105 000 en France.
La situation était difficile, elle a appelé des réponses draconiennes, mais nécessaires, de renforcement des mesures de freinage. On peut le dire, la situation s’améliore : plus aucun département ne se trouve au-dessus du seuil de 400 pour 100 000 personnes s’agissant du taux d’incidence.
Ce même classement dit aussi que la France est un pays où les habitants ont un bon accès à la vaccination. Les résultats sont là, et ce sont des faits, madame la sénatrice. Près de 16,5 millions de Français sont vaccinés : c’est presque un tiers des majeurs de notre pays. Plus de 7 millions d’entre eux auront, d’ici à ce soir, déjà reçu leur deuxième dose.
Cela se fait grâce à la mobilisation exceptionnelle, que nous devrions collectivement saluer, de nos soignants, et parce que nos concitoyens respectent les mesures sanitaires que nous avons dû prendre. La situation est en train de s’améliorer, et je pense qu’il serait de bon ton de le saluer. (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour la réplique.
Mme Jacky Deromedi. Madame la ministre, je ne suis pas surprise de votre réponse. Vous avez pourtant une belle marge de progression. Ce classement n’est pas un cas isolé, puisque l’indice de performance covid développé par l’Institut Lowy de Sydney nous classe 71e sur 102 pays au mois de mars, ce qui n’est guère mieux…
Pour l’instant, quand je me regarde je me console, quand je me compare je me désole ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation des résidents en ehpad face à la covid-19
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Ma question, à laquelle j’associe ma collègue Annick Jacquemet, sénatrice du Doubs, s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Dans notre pays, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les Ehpad, ont payé un lourd tribut à la pandémie de covid-19. Dans son dernier rapport, la Défenseure des droits pointe d’ailleurs la mise à mal des droits et libertés de leurs résidents, l’urgence de la crise sanitaire ayant conduit à mettre les Ehpad sous cloche.
C’est pourquoi la mise en œuvre prioritaire de la vaccination au bénéfice des personnes âgées en Ehpad dès le mois de janvier dernier avait suscité légitimement beaucoup d’espoir. Le Président de la République dans son allocution du 31 mars dernier se félicitait d’ailleurs de ce que les résidents des maisons de retraite, vaccinés à plus de 90 %, aient pu progressivement reprendre une vie normale.
Or, en réalité, rien n’a changé dans de nombreux Ehpad. Les contraintes appliquées aux résidents restent pratiquement les mêmes : confinement et isolement obligatoire en chambre pour une semaine après toute sortie à l’extérieur, maintien d’une seule visite par famille et par semaine, avec une durée limitée à trente minutes. Pourquoi cet excès de précaution ?
La situation, vous en conviendrez, devient kafkaïenne. On punit les personnes vaccinées, qui risquent alors de mourir dans la solitude. Le choix de telles restrictions attentatoires à la liberté d’aller et de venir ne peut être laissé à la seule appréciation des directions d’Ehpad, selon la Défenseure des droits.
Comment rompre avec cette protection accrue ? Dans quelle mesure le Gouvernement compte-t-il prendre en compte, au-delà des seuls risques viraux, les risques psychosociaux et affectifs qui pèsent dangereusement sur nos aînés en Ehpad ? Comment entend-il mettre un terme à l’isolement sans fin dans les Ehpad ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
M. Bruno Sido. Elle est à la manœuvre !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le président Jean-François Longeot, la crise sanitaire a d’abord créé des situations que nul n’aurait imaginées il y a peu.
Le virus, on le sait désormais, est particulièrement agressif, surtout pour nos aînés. Cela a nécessité d’apporter dans un premier temps des réponses fortes, sous l’autorité des directeurs d’établissements, dont je salue l’esprit de responsabilité, car personne n’est jamais prêt à faire face à une crise comme celle-ci, qui nous a plongés dans l’inconnu.
Dès ma nomination l’été dernier, j’ai tenu à écouter ces directeurs, ainsi que les familles, les résidents et les conseils de la vie sociale. Nous avons fixé un cap clair, après avoir tiré les enseignements de la première vague, consistant à concilier deux principes clés : la liberté et la protection. Protéger sans isoler, c’est ce qui a été fait dès l’été 2020.
Pour cela, il fallait s’assurer que les établissements disposent de tous les outils pour prévenir l’apparition de clusters et que les résidents puissent bénéficier en priorité de la vaccination. Je crois que nous pouvons collectivement reconnaître que ce choix a été payant. La campagne de vaccination en Ehpad est un succès, l’immense majorité des résidents étant aujourd’hui protégée.
C’est pourquoi j’ai souhaité, dès le 12 mars dernier, en lien avec le secteur, un protocole allégé, qui est progressivement mis en œuvre dans les établissements. Très concrètement, un résident bénéficiant d’une couverture vaccinale complète, c’est-à-dire qui a eu ses deux doses, soit l’immense majorité des résidents, ne doit pas être isolé lorsqu’il rentre d’une sortie en famille.
Néanmoins, vous avez raison de le rappeler, il faut rester vigilant. On me remonte aujourd’hui de nombreuses situations qui ne sont pas tolérables sur la mise en œuvre concrète de ce protocole, dont vous m’avez permis, et je vous en remercie, de rappeler les principes essentiels.
Dans les prochains jours, nous aurons l’occasion de franchir une étape supplémentaire dans ce chemin des retrouvailles attendues, avec de nouvelles recommandations – je n’ose plus parler de protocole.
J’étudierai les nombreux cas de blocage ou de situations abusives qui me sont remontés. Je souhaite que ces situations puissent, dans la majeure partie des cas, se résoudre par le dialogue avec les conseils de la vie sociale et les familles.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Plus largement, je serai très attentive à toutes les formes de médiation que nous pourrons mettre en place.
attentat à rambouillet
M. le président. La parole est à Mme Toine Bourrat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Toine Bourrat. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, face au drame de Rambouillet, qui me touche particulièrement et qui résonne comme un nouvel appel à « tuer du flic », face aux tirs de mortier visant des policiers, souvent victimes de guet-apens, face aux émeutes à Valence, à Limoges, à Romans-sur-Isère, à Villefranche ou encore à Tourcoing, nos forces de l’ordre, incrédules, tiennent le front.
Face à un nouvel incendie d’école à Lille et à l’attaque des pompiers lors de leur intervention, face à l’agression sauvage d’élus, le maire de Poissy ayant encore été pris pour cible dernièrement, nos forces de l’ordre, incrédules, tiennent le front.
Face aux Black Blocs qui s’infiltrent dans les cortèges des manifestations pour piétiner la démocratie sociale, face aux voyous arrêtés qui ricanent, sachant qu’ils seront relâchés le jour même, nos forces de l’ordre, incrédules, tiennent le front.
Quand les obligations de quitter le territoire français ne sont pas exécutées, quand vous expliquez que l’immigration n’a rien à voir avec la politique de sécurité, nos forces de l’ordre, incrédules, tiennent le front.
Quand elles aspirent à plus de reconnaissance, vous créez une plateforme de signalement des discriminations, qui stigmatise le travail de nos policiers, mais nos forces de l’ordre, incrédules, tiennent le front.
Les forces de l’ordre expriment aujourd’hui leur fatigue devant le renoncement de l’État. Une Nation qui ne soutient pas ceux qui se battent pour elle court vers l’abîme.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. N’importe quoi !
Mme Toine Bourrat. Ma question est donc simple : que comptez-vous faire pour restaurer l’autorité de l’État et réhabiliter ainsi nos forces de l’ordre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice Toine Bourrat, à l’instar de ce qu’ont fait M. le Premier ministre, lors de la cérémonie à Rambouillet, et M. le président du Sénat, il y a quelques instants, je veux évidemment rendre hommage, devant vous, à Stéphanie, cette policière sauvagement assassinée dans l’exercice de ses fonctions, alors qu’elle servait son pays, au commissariat de Rambouillet, depuis vingt-huit ans. C’était l’un des visages de notre police, l’un des visages de ceux qui, au quotidien, protègent.
Vous avez raison de le rappeler, il est de notre devoir de protéger ceux qui protègent. C’est le sens de l’action que Gérald Darmanin et moi-même menons, au ministère de l’intérieur, avec les forces de l’ordre.
C’est pour cette raison que nous avons souhaité faire adopter, ici même, un budget de la sécurité en augmentation historique ; je vous remercie d’ailleurs de l’avoir adopté, en constatant que ce budget connaissait une augmentation forte et historique.
M. Vincent Segouin. On change les voitures, et tout va bien ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. C’est également pour cela que le ministre de l’intérieur et moi-même voulons mieux doter les policiers ; en effet, respecter les policiers et les gendarmes, c’est aussi respecter leur travail et leur permettre d’avoir le matériel nécessaire, qu’il s’agisse de tenues ou encore de vidéoprotection.
Tel est l’engagement que prend le ministre de l’intérieur lors de tous ses déplacements auprès des élus, vous le savez.
M. Vincent Segouin. Répondez à la question !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Gérald Darmanin l’a rappelé avec gravité : malgré le travail exceptionnel des services de renseignement français, qui ont déjoué trente-cinq attentats depuis janvier 2017 – je veux d’ailleurs les saluer –, malgré le recrutement de 1 900 policiers supplémentaires dans les services de renseignement, malgré le doublement du budget de la direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, malgré l’adoption, quinquennat après quinquennat, de textes antiterroristes, malgré tout cela, oui, notre pays est toujours la cible du terrorisme islamiste, mais également de menaces et de violences fortes et inadmissibles contre les forces de l’ordre.
J’étais, hier, à la gare Saint-Lazare, auprès des forces de l’ordre, afin d’assurer celles-ci du plein soutien du Gouvernement.
M. Vincent Segouin. Cela ne suffit pas ! On veut des actes !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Les policiers et les gendarmes sont en première ligne ; ce sont eux qui protègent nos concitoyens.
M. Vincent Segouin. Des actes !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Les actes, c’est important, c’est vrai. C’est pour cela que nous avons lancé le Beauvau de la sécurité, dans le cadre duquel le ministre de l’intérieur écoute chacun.
C’est également pour cela que nous avons soutenu la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, un texte qui permet de renforcer la protection des policiers.
M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Je veux être très claire et je l’affirme sans aucune ambiguïté : le Gouvernement soutient pleinement et sans réserve l’action des forces de l’ordre, la police de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Toine Bourrat, pour la réplique.
Mme Toine Bourrat. Je compte sur vous pour dire à M. le ministre de l’intérieur que je n’ai fait que relayer la vive inquiétude formulée par les policiers sur le terrain. Comprendre le malaise de cette profession, c’est oser se regarder dans le miroir, un miroir qui renvoie l’image d’un État dépassé, submergé.
Nos policiers demandent à leurs enfants de cacher leur profession ; ils craignent pour leur sécurité et pour celle de leur famille.
Au rythme actuel, restera-t-il des candidats pour postuler au métier de policier ou de gendarme ? Et alors, que ferons-nous pour combler les manques d’effectifs ?
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Toine Bourrat. La sécurité de notre pays mérite mieux que des rustines ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
situation des sages-femmes
M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Martine Filleul. Madame la ministre, la crise sanitaire a mis en exergue les failles de notre système de santé, en particulier le manque de personnel médical, tant à l’hôpital qu’en ville.
Les femmes en souffrent plus que les hommes. Ainsi, 30 % des Françaises ne bénéficient pas d’un suivi gynécologique. C’est notamment dû à la quasi-disparition de la gynécologie médicale libérale.
Par conséquent, 23 000 sages-femmes et maïeuticiens assurent nombre de missions liées à l’accouchement, à la contraception ou encore aux interruptions volontaires de grossesse, les IVG.
Or ce métier attire de moins en moins, surtout en milieu hospitalier, en raison de sa pénibilité et de sa faible rémunération.
Ainsi, ces professionnels ne touchent que 1,07 euro de majoration par heure de travail, la nuit. La faible revalorisation obtenue lors du Ségur de la santé et grâce à la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification n’a pas rassuré la profession. Vous avez d’ailleurs considéré ces professionnels au même titre que les secrétaires médicales, sans même consulter les syndicats concernés. Quel manque de considération à leur égard !
Pourtant, ces soignants peuvent contribuer à résorber les difficultés sanitaires, qu’il s’agisse de la lutte contre les déserts médicaux, de la médecine préventive ou encore de l’accompagnement des familles pendant les mille jours suivant la naissance, que le gouvernement auquel vous appartenez souhaite pourtant promouvoir.
Pourquoi choisir de les ignorer ? Pourquoi ne pas entendre, en ce 5 mai – journée mondiale de la sage-femme, mais surtout quatrième jour de mobilisation pour cette profession depuis le début de l’année –, ces professionnels de santé qui manifestent pour une juste reconnaissance de leur métier et une revalorisation salariale et statutaire ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie, pour sa sixième réponse lors de cette séance de questions d’actualité au Gouvernement… (Sourires.)
M. Bruno Sido. Quelle polyvalence !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Martine Filleul, je vous remercie de cette question, qui me permet de saluer toutes ces professionnelles, auxquelles je rends, tout autant que vous, hommage.
D’ailleurs, pendant la crise, ces professionnels – principalement des femmes – ont continué d’exercer pleinement leurs missions de suivi auprès de nos concitoyennes.
Toutefois, permettez-moi de vous le rappeler, la difficulté que vous soulevez n’est pas récente, et nous avons mis en œuvre de nombreuses mesures pour tâcher d’y répondre au mieux.
C’est ainsi qu’un relèvement du numerus clausus a été décidé, qui montre ses premiers effets sur le nombre des personnes formées et des diplômés. Très concrètement, les effectifs ont augmenté de 23 % entre 2010 et 2020, passant de 18 835 à 23 174 praticiennes. La profession connaît donc une croissance très dynamique de ses effectifs, avec une augmentation moyenne de plus de 2 %.
Face à la difficulté d’accès aux soins dans les territoires, que vous évoquez très justement, plusieurs réponses ont été apportées dans le cadre de la stratégie Ma santé 2022 : l’augmentation du numerus clausus, je viens de le rappeler, visant à augmenter le nombre de professionnels de santé, ou encore la réforme de l’accès aux études de santé, avec la suppression de la première année commune aux études de santé. Cela permettra de diversifier le profil des étudiants accédant aux études de santé, de susciter des vocations et d’en augmenter le nombre.
Par ailleurs, nous sommes également en train de refondre drastiquement l’organisation des stages universitaires, afin d’orienter davantage les étudiants vers ces territoires.
Ce n’est qu’en agissant dès la formation, dès le départ, que nous parviendrons à apporter les réponses pérennes que nos concitoyens attendent.
prisonniers de guerre arméniens au haut-karabagh
M. le président. La parole est à M. Patrick Boré, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Boré. Ma question, à laquelle j’associe Valérie Boyer, qui revient du Haut-Karabagh, s’adresse au ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Voilà plusieurs semaines, la France et l’Europe entière s’indignaient d’une faute protocolaire commise par le gouvernement turc au détriment de la présidente de la Commission européenne. En revanche, nous sommes restés bien silencieux face aux multiples exactions commises par la Turquie et ses alliés, notamment à l’encontre de l’Arménie.
Depuis maintenant plusieurs mois, l’Azerbaïdjan se refuse, en toute impunité, à libérer les prisonniers de guerre arméniens et à rendre les corps des soldats arméniens morts au combat. Et, depuis maintenant plusieurs mois, la France, pourtant liée à l’Arménie par des liens séculaires d’amitié, reste murée dans un silence et une inaction coupables.
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : que compte faire le Gouvernement pour exiger la libération des prisonniers de guerre arméniens ?
Que compte-t-il faire pour que la France reste au rang des grandes puissances et qu’il ne soit pas dit qu’elle a désormais coutume d’abandonner ses alliés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité. Monsieur le sénateur Boré, la question du Haut-Karabagh est si importante et si sensible qu’elle mériterait, je me permets de le dire, une présentation beaucoup plus réaliste des faits.
Il est faux de dire que la France n’était pas en première ligne pour le règlement de ce conflit. La semaine dernière encore, le Président de la République a évoqué cette question avec le président russe, et Jean-Yves Le Drian ne cesse d’avoir des contacts avec les autres coprésidents du groupe de Minsk, c’est-à-dire avec ses homologues américain et russe, afin d’évoquer ces questions. Il est également en contact régulier avec ses homologues azerbaïdjanais et arménien.
Dans ce contexte, la libération des prisonniers de guerre, principalement arméniens, est évidemment une priorité. C’est une priorité parce que c’est prévu par l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre dernier, parce que la détention de ces prisonniers représente un obstacle à la désescalade durable de ce conflit sur le terrain et parce qu’il y a là un enjeu humain très douloureux, pour les détenus et pour leur famille.
Vous le savez, puisqu’un certain nombre d’entre vous était à Erevan, à l’occasion des cérémonies de commémoration du génocide arménien, avec Jean-Baptiste Lemoyne. Ce dernier s’est rendu auprès des familles de détenus ou de victimes de ce conflit, afin de leur témoigner de la solidarité de la France et de les assurer de la mobilisation totale de notre pays pour régler la question des détenus de guerre et pour faire en sorte que les conditions de détention soient dignes et respectent le droit international.
La libération récente de trois prisonniers, qui vient d’être annoncée, est positive, monsieur le sénateur, mais elle n’est évidemment pas suffisante ; la priorité reste la libération sans délai de la totalité des détenus de guerre.
La France a pris l’engagement de mobiliser toute son énergie pour y parvenir, de même qu’elle souhaite parvenir au règlement total de ce conflit sur le temps long. (M. Alain Richard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Boré, pour la réplique.
M. Patrick Boré. Vos derniers mots me réjouissent, monsieur le ministre, mais j’espère qu’ils seront suivis d’effets.
D’après les propos qui sont rapportés d’Arménie, au-delà du non-respect de la convention de Genève, on continue de torturer et de filmer les actes de torture, et l’on continue d’envoyer ces scènes sur les réseaux, afin de torturer également les familles arméniennes. Cela aussi, il faut le dénoncer.
Pour ma part, je déposerai au Sénat une proposition de résolution invitant à prendre position en faveur de la libération des prisonniers arméniens. Ce serait un signal fort pour nos amis arméniens, mais, c’est clair, ce ne sera pas suffisant.
La France ne peut pas rester neutre à ce sujet, car, soyons-en certains, notre inaction et notre faiblesse d’aujourd’hui forgeront notre impuissance de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
négociations sur la pêche dans le cadre du brexit
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Gosselin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Béatrice Gosselin. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.
Le Royaume-Uni a choisi de quitter l’Union européenne, et le Brexit a été signé le 30 décembre 2020.
La proximité du département dont je suis élue, la Manche, avec les îles anglo-normandes est une réalité géographique. Les zones de pêche sont très proches et, depuis janvier dernier, les relations maritimes et commerciales sont mises à rude épreuve.
Ainsi, les pêcheurs ont appris à la fin de décembre dernier que les accords de la baie de Granville, qui réglementaient les modalités de pêche, étaient devenus caducs. Les licences d’exploitation affectées aux professionnels de la mer seront désormais délivrées de façon unilatérale par les autorités jersiaises.
Vendredi dernier, ces licences sont arrivées pour les bateaux français de plus de douze mètres, et le soulagement a fait place à la consternation, car les laissez-passer n’autorisaient que quelques jours de pêche et imposaient parfois d’autres restrictions. Nombre de petites embarcations, qui ont envoyé les preuves de leur antériorité dans les eaux britanniques, n’ont, à ce jour, pas encore obtenu la licence définitive.
Prenons un exemple : un professionnel qui a obtenu, l’an dernier, un permis d’exploitation des autorités maritimes françaises et qui a investi 850 000 euros dans un nouvel équipement ne sait pas s’il pourra pêcher dans les eaux britanniques, la plus grande zone de pêche.
Aux inquiétudes des professionnels français, vos services ont répondu, le 3 mai dernier, que l’île de Jersey était souveraine dans sa décision, qui risque d’être irréversible, et que nos pêcheurs recevraient des mesures compensatoires. Mais cette profession, qui représente 2 000 personnes sur la côte ouest, aspire seulement à vivre de son travail ! De Boulogne à Saint-Brieuc, nos pêcheurs subissent des décisions imposées par les Britanniques.
Monsieur le ministre, qu’envisagez-vous pour que les professionnels de la pêche ne soient pas les victimes collatérales d’un Brexit qui devait être un accord et qui se révèle être un ultimatum ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.
M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité. Madame la sénatrice Gosselin, l’accès aux eaux de Jersey est absolument essentiel pour les professionnels français de la pêche, que ce soit dans la Manche, bien sûr, mais également en Ille-et-Vilaine…
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Franck Riester, ministre délégué. … ou dans les Côtes-d’Armor.
C’est la raison pour laquelle la France n’accepte pas la décision britannique unilatérale relative à ces licences de pêche, prise sans concertation, sans consultation, sans explication, qui institue des conditions d’exercice liées à ces licences et qui instaure des jours de pêche en mer.
C’est inacceptable, puisque c’est contraire à l’accord de commerce et de coopération, signé en décembre dernier, qui prévoyait que les éventuelles mesures techniques soient fondées sur des recommandations scientifiques, appliquées à tous les navires sans discrimination et notifiées à l’autre partie avec suffisamment de préavis pour que celle-ci puisse formuler des commentaires ou demander des clarifications.
Vous avez donc raison, madame la sénatrice, cette pratique crée une forme de précédent dangereux pour l’ensemble de nos accès. Ce n’est pas acceptable pour ce qui concerne spécifiquement ces licences de pêche et cela signifie que nous devons de nouveau mettre très vite sur la table les négociations concernant l’accord de la baie de Granville, qui est devenu sans objet du fait de la signature de l’accord sur le Brexit.
C’est la raison pour laquelle Annick Girardin a pris attache avec la Commission, qui partage d’ailleurs l’analyse de la France sur ces licences, et a demandé que les négociations sur l’accord de la baie de Granville puissent être entamées très rapidement.
Madame la sénatrice, le droit le dit : les conventions doivent être respectées. En la matière, l’accord signé le 24 décembre 2020 sera respecté ; la France fera ce qu’il faut pour que ce soit le cas. (M. Alain Richard applaudit.)