M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à monsieur le Premier ministre, que je salue.
Des politiques dures pour les faibles et faibles pour les forts : votre réforme de l’assurance chômage, comme un marqueur politique de plus, montre que vous n’avez pas le souci des situations de vie problématiques que subissent au quotidien beaucoup trop de nos concitoyens.
Le chômage, ce n’est pas un concept théorique, c’est une réalité humaine dévastatrice que je connais personnellement, dans la chair de ma chair !
C’est un cancer sociétal, qui plonge des femmes et des hommes responsables, désireux de travailler, attachés, quoi qu’en disent honteusement certains, à leur contribution économique à la société française, en même temps qu’à leur autonomie de vie.
Je crois que vous ne savez pas ce que c’est moralement que de se retrouver proche de la fin de ses droits, quand on a de jeunes enfants et souvent une maison qu’il va falloir vendre, parce que le projet de vie vole en éclats à cause de la perte d’emploi !
Moi, comme des millions de Français, je le sais. Et votre politique n’en apparaît que plus injuste et violente, a fortiori dans cette période où les problèmes sociaux et sociétaux sont, hélas, déjà là, et devraient encore s’aggraver.
Faire payer aux plus faibles d’entre nous près de 1,5 milliard d’euros à un moment où, à bon droit, on inonde l’économie de centaines de milliards d’euros, il fallait oser, et vous l’avez fait !
Ma question est simple : comment envisagez-vous de traiter ce dossier à l’avantage des chômeurs, qui ne demandent qu’à retrouver au plus vite un travail utile, sensé, à la hauteur de leur qualification et au bénéfice de notre société ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’insertion.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion. Monsieur le sénateur Franck Montaugé, la réforme de l’assurance chômage est l’aboutissement de six mois de concertation avec les partenaires sociaux. (Protestations sur des travées des groupes SER et CRCE.) Vous le savez, nous sommes nous aussi proches des territoires, de leurs habitants et de nos concitoyens.
Cette réforme est née d’un constat : le système actuel est injuste. Un demandeur d’emploi travaillant à mi-temps perçoit une allocation très inférieure à celle que toucherait un demandeur ayant travaillé une semaine sur deux pour le même salaire et le même nombre d’heures travaillées. Cela n’est pas satisfaisant.
Par ailleurs, le système est coûteux. L’alternance entre contrats courts et périodes de chômage coûte environ 3 milliards d’euros par an à l’assurance chômage.
Plus globalement, le régime est déficitaire depuis plus de dix ans, avec près de 40 milliards d’euros de dettes cumulées avant même la crise de la covid.
Le système actuel a enfermé de nombreux demandeurs d’emploi dans le chômage, et il a encouragé la précarité. J’en veux pour preuve un seul chiffre : le nombre de CDD de moins d’un mois a augmenté de 250 % en dix ans.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous avez tout fait pour !
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Avec le bonus-malus, les entreprises seront désormais incitées à proposer davantage de CDI et à allonger la durée des CDD.
Mme Sophie Primas. Une vraie usine à gaz !
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée. Face à la crise, nous avons adapté l’entrée en vigueur de la réforme.
Tout d’abord, nous avons prolongé la durée des allocations des demandeurs d’emploi en fin de droits : depuis la fin du mois d’octobre dernier, ce sont près de 700 000 personnes qui sont concernées, pour un coût total de 2,5 milliards d’euros.
Ensuite, nous avons décalé la réforme au 1er juillet, et son déploiement sera progressif. Je veux rassurer nos concitoyens : notre système d’assurance chômage restera très protecteur, puisque nous maintenons une durée longue d’indemnisation, un taux de remplacement relativement élevé et des conditions d’affiliation très ouvertes.
Enfin, le montant global d’indemnisation du demandeur d’emploi restera le même ; c’est la durée d’indemnisation qui est prolongée par la réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Je vous remercie, madame la ministre.
Monsieur le Premier ministre, le « quoi qu’il en coûte » s’est iniquement et cyniquement transformé en un « quoi qu’il en coûte socialement ». (Mme Patricia Schillinger proteste.)
Quant à nous, nous le rejetons. Nous combattrons avec fermeté et avec sens de la justice cette politique de décohésion sociale, ainsi que toutes les autres politiques que vous vous obstinez à mener envers et contre tous. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
fêtes locales de l’été prochain
M. le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Christian Bilhac. Madame la ministre de la culture, durant la période estivale, nos communes vivent au rythme des fêtes locales et des bals populaires, tout particulièrement dans le sud de la France.
Cette tradition a été interrompue l’été dernier en raison de la crise sanitaire, et, cette année, tous les acteurs s’interrogent sur la possibilité de retrouver ces moments forts de convivialité.
Les musiciens souhaitent retrouver leur pupitre après une année noire. Les organisateurs, qu’il s’agisse des communes ou des associations, ne connaissent pas encore, à ce jour, les protocoles sanitaires et les jauges qu’ils vont devoir respecter.
Les fêtes estivales de plein air sont traditionnellement gratuites et, le plus souvent, organisées par des comités des fêtes ou des associations de proximité : ceux-ci mettent en place des buvettes, qui sont une source de revenus non négligeable lors de ces rassemblements de population.
Aussi, à quelques semaines de l’été et dans la perspective du prochain déconfinement annoncé, les musiciens n’attendent qu’une chose : pouvoir jouer et se produire à nouveau dans ces fêtes locales. Car il n’y a pas que les grands festivals pour animer nos territoires.
Je n’oublierai pas non plus la situation des forains, qui attendent avec impatience de pouvoir installer leurs manèges ou autres attractions.
Madame la ministre, en 2020, les normes sanitaires entraînaient de facto l’impossibilité d’organiser de tels événements.
Pouvez-vous nous indiquer si, pour l’été qui arrive, les fêtes locales et autres manifestations populaires de plein air pourront reprendre, sans que des protocoles sanitaires excessifs fassent peser une responsabilité insoutenable sur les épaules des organisateurs ? En effet, il semble que les manifestations en extérieur ne conduisent pas à une propagation du virus. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Christian Bilhac, vous avez souligné l’importance, aux côtés des manifestations culturelles classiques, de ces fêtes de village et de ces rassemblements souvent gratuits, qui contribuent à l’animation des territoires, en particulier ruraux.
Nous continuerons bien entendu à aider toutes ces manifestations au travers d’un certain nombre de mécanismes de soutien, dont elles bénéficient d’ores et déjà, ainsi que par d’autres dispositifs, comme le statut de l’intermittence. Ce soutien est bien sûr extrêmement important.
Nous avons défini un certain nombre de règles dans le cadre du déconfinement. Les fêtes de village – j’emploie ce terme, mais il recouvre en réalité des manifestations très différentes – devront s’adapter aux jauges, aux mesures de précautions sanitaires et au calendrier définis et annoncés par le Président de la République.
Vous évoquez la question très précise des points de restauration et des bars, qui sont très importants pour assurer la pérennité économique des manifestations avec lesquelles ils vont de pair.
Ce qui s’applique aux restaurants et aux bars devra aussi s’appliquer aux points de restauration et aux buvettes qui accompagnent ces manifestations. Il n’y a pas de raison de déroger à ces mesures de protection sanitaire : elles sont très importantes.
Je veux être très claire et précise : même si nous avons un calendrier d’élargissement des jauges, des plafonds et de l’heure du couvre-feu, avec des mesures qui seront pratiquement toutes levées le 1er juillet prochain, il n’est pas question, parce que le virus continue de circuler de façon forte, de lever les précautions sanitaires, qui sont destinées à nous protéger et à protéger nos concitoyens, y compris dans les fêtes de village.
Ce sont non pas des mesures barrières, parce qu’elles ne nous éloignent pas les uns des autres, mais des mesures de protection. Porter un masque, se laver les mains, respecter les distanciations sociales, c’est du respect !
C’est comme cela que nous arriverons à retrouver une vie normale. (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et territoires.
M. Thomas Dossus. Madame la ministre chargée de la mémoire et des anciens combattants, le 25 mars dernier, les portes du conseil régional d’Occitanie ont été forcées par des militants de l’Action française au cri de « Mort aux islamo-gauchistes », reprenant le vocabulaire en vogue au Gouvernement.
Le 17 avril, un ancien ami du Président de la République, Philippe de Villiers, appelait dans Valeurs actuelles à l’insurrection, pour « éviter la disparition de la France ».
Le 21 avril, des généraux ont publié une tribune factieuse, menaçant le pays de guerre civile pour lutter contre « l’indigénisme » et « les hordes de banlieue » et n’entraînant que des réactions tardives et timorées de votre gouvernement.
Ces actes et propos ne sont pas isolés. Partout, la parole se libère et l’extrême droite la plus radicale passe aux actes. Cette extrême droite est une menace grandissante et mortelle pour notre République.
Face à ce danger, les digues ont sauté, avec La République En Marche, qui trouve parfois l’extrême droite trop molle, mais aussi avec une partie de la droite républicaine présente dans cet hémicycle. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
J’en veux pour preuve la liste interminable d’amendements stigmatisants qui ont été adoptés par le Sénat lors de l’examen du projet de loi « Séparatisme », à l’encontre de nos concitoyens musulmans (Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.),…
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Pas du tout !
M. Thomas Dossus. … ou encore les attaques frontales et scandaleuses de certains ministres ou parlementaires de votre majorité à l’encontre du monde universitaire, qualifié d’islamo-gauchiste.
Ces discours ne sont pas sans conséquence, jusque dans nos territoires, notamment à Lyon. (Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous invite à rester calmes !
M. Thomas Dossus. Le 3 mars dernier, le Gouvernement a annoncé la dissolution du mouvement fasciste Génération identitaire. Cette décision était nécessaire et bienvenue.
Ce mouvement est très implanté à Lyon. Dans cette ville, depuis cette dissolution, sont survenus les événements suivants : le 19 mars, une quarantaine d’hommes ont lancé des pavés et saccagé la vitrine d’une librairie ; le 24 avril, une quarantaine d’individus d’extrême droite ont lancé des projectiles sur une manifestation ; enfin, le 1er mai, le local d’une radio lyonnaise a été attaqué par une quarantaine d’hommes d’extrême droite. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre Charon. La question !
M. Thomas Dossus. Ces bandes violentes agissent au vu et au su de tous, sans être inquiétées. Et pour cause, l’époque leur est favorable.
Leur parole a été légitimée, et, par conséquent, leur violence s’est libérée dans la foulée. Ainsi, tout le monde peut le constater, l’outil de la dissolution ne suffit pas. (Brouhaha.)
Mme Françoise Gatel. Votre temps de parole est terminé !
Mme Béatrice Gosselin. C’est fini !
M. Thomas Dossus. Madame la ministre, ma question est simple : à quel moment votre gouvernement va-t-il cesser d’être complaisant avec l’extrême droite et va-t-il lutter réellement contre son expansion, avec une détermination à la hauteur de la menace qu’elle fait peser sur la République ? (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Marques d’indignation sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Mes chers collègues, un peu de calme. Je ne veux pas d’émeute ! (Sourires.)
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Mesdames, messieurs les sénateurs, je n’ai pas saisi toute la question, car le bruit ambiant m’a empêché d’entendre l’intégralité de l’intervention… (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le sénateur Dossus, je vous répondrai sur deux thèmes.
Premièrement, vous avez évoqué la « tribune des généraux », en affirmant que notre gouvernement serait inactif. Je veux rappeler un point : les armées ne représentent pas un parti politique, quel qu’il soit, malgré ce que certains élus ont l’air de penser ; un militaire n’est pas un militant ; les armées sont là pour protéger les Français, tous les Français. Quiconque aurait un avis différent déshonorerait nos armées et notre République.
Florence Parly a eu l’occasion de l’indiquer, les 52 officiers généraux qui ne sont plus en activité seront traduits devant un conseil supérieur d’armée en vue de leur radiation et les 18 militaires d’active ayant violé le devoir de réserve seront soumis à des sanctions disciplinaires, sous la responsabilité du chef d’état-major des armées.
Deuxièmement, le ministère de l’intérieur travaille, lui aussi, activement : le ministre a engagé la procédure de dissolution de Génération identitaire. Le Conseil d’État a estimé que cette association était bien responsable de provocation à la haine et à la discrimination.
Vous ne pouvez donc pas dire, monsieur le sénateur, que nous n’agissons pas et que nous ne sommes pas vigilants.
Toutes les manifestations et les paroles qui incitent à la fracture et à la violence, notamment d’extrême droite, dans notre pays sont combattues au plus haut niveau. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
accompagnement financier des collectivités locales en matière de vaccination
M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sabine Drexler. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
M. Olivier Paccaud. Il n’est pas là !
Mme Sabine Drexler. Un tiers des communes vont devoir augmenter leur taxe foncière en 2021. C’est ce que révèle un sondage réalisé par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, l’AMF.
Cette hausse de la fiscalité est la conséquence des baisses de dotations et de recettes que les collectivités locales subissent depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron et qui ne sont jamais intégralement compensées.
C’est aussi la résultante de l’accumulation des dépenses exceptionnelles auxquelles les collectivités locales font face depuis dix-huit mois pour répondre aux besoins de leurs populations, des acteurs économiques et du monde associatif.
La dernière dépense en date correspond à la mise en place par les communes de plus de 1 400 centres de vaccinations qu’elles financent pour l’instant intégralement, sans disposer d’aucune visibilité sur la participation de l’État.
Aussi, ma question est simple : le Gouvernement peut-il s’engager aujourd’hui devant notre assemblée à ce que l’État compense intégralement les coûts engagés par les collectivités locales pour la mise en place de ces centres de vaccination ou, a minima, permette aux communes de bénéficier du système d’indemnisation appliqué aux structures de soins et aux professionnels de santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Sabine Drexler, vous m’interrogez sur la prise en charge de l’effort budgétaire des collectivités pour la mise en place de centres de vaccination, qui, je le rappelle, ont été demandés par les collectivités. Nous avons bien sûr répondu à leur demande et prévu une affectation budgétaire.
Le fonds d’intervention régional, le FIR, des agences régionales de santé, les ARS, peut et doit être mobilisé pour participer aux dépenses de fonctionnement des centres de vaccination, dans une logique de partenariat entre l’État et les collectivités.
Des conventions de subvention sont à cet effet signées entre les ARS et les structures portant les centres de vaccination : elles visent à financer les surcoûts auxquels les collectivités qui mettent en place ces centres sont exposées.
Vous le voyez, la réponse est claire. Nous avons affecté, dès le 18 février dernier, quelque 60 millions d’euros aux ARS pour les FIR, afin de financer les dépenses les plus urgentes des 1 200 centres ouverts sur le territoire.
Ces subventions peuvent comprendre la prise en charge de moyens de fonctionnement, tels que le secrétariat, la coordination, l’accueil, ainsi que la mobilisation des agents pour le fonctionnement des centres le week-end, en plus de leur temps de travail habituel, ce qui peut être aussi considéré comme un surcoût et donner lieu à un financement.
Le recrutement de personnes complémentaires peut également donner lieu à un financement. Je pense aux personnels prescripteurs, effecteurs, indemnisés par la sécurité sociale ou à la participation des sapeurs-pompiers, qui peut également être prise en charge dans certaines conditions.
Madame la sénatrice, nous avons pallié les insuffisances que vous signalez. Les financements sont déjà prévus : il faut donc vous rapprocher de votre ARS.
M. le président. La parole est à Mme Sabine Drexler, pour la réplique.
Mme Sabine Drexler. Madame la ministre, les communes se sont fortement investies en cette période inédite, et elles ont une nouvelle fois montré leur réactivité et leur implication.
Toutefois, les dotations forfaitaires promises par le Gouvernement sont largement insuffisantes. La situation financière des collectivités locales se dégrade plus vite que vous ne le pensez.
Les budgets dits « covid » pèsent extrêmement lourd. Les collectivités ne pourront pas continuer à faire toujours plus de dépenses avec toujours moins de rentrées d’argent.
Votre gouvernement a fait des promesses pour que la prise en charge soit bien supérieure. Les élus locaux attendent que vous les respectiez. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
règles de propriété intellectuelle relatives aux vaccins
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Luc Fichet. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, le monde traverse la plus grande crise sanitaire de la période moderne. Si nous disposons aujourd’hui de vaccins contre le covid-19, nous faisons face à une vague plus violente encore que les précédentes.
Nous devons accélérer le rythme de vaccination partout, à l’échelle de la planète, y compris en France. Nous ne sommes toutefois pas convaincus que la stratégie européenne et mondiale se donne tous les moyens d’y parvenir.
Plus de cent gouvernements nationaux, dont l’Inde et l’Afrique du Sud, avec le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, et de nombreux experts de santé, plaident pour une dérogation temporaire aux règles de propriété intellectuelle, afin de permettre une couverture vaccinale la plus large possible.
Alors que cette demande est de nouveau discutée aujourd’hui même à l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, l’opposition de l’Union européenne et de la France à cette levée temporaire est incompréhensible.
Selon The Economist, la plupart des habitants des pays africains ne seront pas vaccinés avant 2023, et il faudra attendre 2022 pour ceux de nombreux pays émergents. Combien de nouveaux variants d’ici là ? Combien de morts supplémentaires ? Combien d’économies à terre ?
Monsieur le Premier ministre, les vaccins contre le covid-19 doivent devenir un bien commun de l’humanité. Ma question est donc simple : la France va-t-elle porter la levée temporaire des règles de propriété intellectuelle pour ces vaccins en Europe et dans le monde ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Jean-Luc Fichet, il y a un point sur lequel nous nous rejoignons complètement, c’est la nécessité de vacciner, le plus vite possible, le plus de monde possible à l’échelle de la planète, pour des raisons de solidarité et humanitaires que l’on comprend évidemment, mais aussi pour des raisons d’efficacité.
En effet, la crise nous a appris que, même si l’Europe devait être complètement vaccinée, tant que le virus continuera à évoluer et à produire des variants ailleurs dans le monde, nous réimporterons systématiquement ces derniers. Nous avons donc besoin que tout le monde soit vacciné.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la France a pris la tête d’un certain nombre de pays développés, qui sont de grands acheteurs de vaccins, pour fournir, notamment aux pays du Sud, des doses de vaccin.
Je pense aux centaines de milliers de doses qui ont été données unilatéralement par la France dans le cadre de l’initiative Covax. Je pense aussi à l’engagement du Président de la République d’offrir 5 % des doses françaises à destination des pays du Sud, ce qui, je le crois, est assez unique parmi les pays développés.
Par ailleurs, est-ce qu’une levée temporaire des brevets serait de nature à répondre au défi que vous évoquez ? Je n’en suis pas sûr. Il est même possible que ce soit une fausse bonne idée, pour les raisons suivantes.
Tout d’abord, parce que ce n’est pas un problème de brevet. Même si tous les brevets étaient en accès libre, il n’y aurait pas de production supplémentaire pour les pays du Sud avant la fin de 2022, compte tenu de la complexité industrielle que cela représente. Il faut en effet dix-huit mois pour « valider » une usine.
Ensuite, il est nécessaire que les industriels continuent à investir dans la recherche pour développer des réponses aux nouveaux variants. Si nous leur retirons la propriété intellectuelle, ils risquent d’être désincités à investir dans ce domaine. (Mme Laurence Cohen proteste.)
Enfin, même si l’argument est moins valide s’agissant d’une autorisation temporaire, il faut prendre conscience que transférer de manière unilatérale et sur une longue durée un brevet, donc la recherche qui lui est liée, entraîne un risque de délocalisation. (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. Fabien Gay. Délocalisation de quoi ? Nous n’arrivons même pas à produire un vaccin !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Le sujet que vous avez soulevé doit être étudié, monsieur le sénateur. Il faut transférer des doses, mais la question des licences libres est infiniment plus compliquée.
M. David Assouline. Vive le libéralisme, quoi qu’il en coûte !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour la réplique.
M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le secrétaire d’État, vous imaginez bien que votre réponse n’est pas satisfaisante. Vous rétorquez avant même que l’on ait évoqué l’hypothèse que les vaccins soient dans le domaine public.
Il faut tout de même rappeler que la recherche est financée en très grande partie par l’État, donc par l’argent public. Il faut avancer très vite sur la question de la vaccination contre le covid. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
position de la france dans le classement bloomberg sur la résilience face à la covid
M. le président. La parole est à Mme Jacky Deromedi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacky Deromedi. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Chaque mois, le groupe américain Bloomberg établit un classement de la résilience des 53 économies les plus importantes.
Singapour est en tête de ce classement. Très loin derrière, la France se situe en 42e position ; 16 États européens sont mieux classés que nous. Notre pays a perdu 18 places par rapport au mois précédent. Cela s’expliquerait par l’arrivée des variants et l’échec des « mesures de freinage ».
La campagne vaccinale de 2009 pour la grippe H1N1 avait eu le mérite de ne laisser aucun de nos compatriotes résidant à l’étranger sur le bord du chemin. Ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui.
On ne saurait remettre en cause le sérieux des dix critères de ce classement, qui prend en compte non seulement des indicateurs de la propagation de la covid, mais aussi la qualité de vie.
Ces critères sont notamment le nombre de cas et le taux de mortalité au cours du dernier mois, le nombre de décès depuis le début de la pandémie et la part de la population couverte par les vaccins. Pour ce qui est de la qualité de vie, sont notés la sévérité du confinement, la variation du produit intérieur brut, la couverture universelle des soins de santé et l’indice de développement humain.
À titre d’exemple, avec 1 609 morts pour 100 000 personnes, la France est le troisième plus mauvais élève dans le classement Bloomberg.
Nul ne mettra en doute des sources qui sont, pour n’en citer que trois, l’université d’Oxford, le Fonds monétaire international et Google.
Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement semble satisfait de son action, alors que les résultats ne sont manifestement pas au rendez-vous. Comment expliquez-vous une telle contre-performance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.