M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice Bonfanti-Dossat, je vous remercie de votre question, qui me permet de rappeler très précisément la politique que le Gouvernement déploie depuis plusieurs mois, et même plusieurs années, pour réimplanter des sites industriels.
Tout d’abord, en juin dernier, avant même d’évoquer la construction de son site de Singapour, Sanofi a annoncé la création d’une usine équivalente en France. Nous sommes les premiers à avoir eu le bénéfice de ces investissements, qui bénéficieront à l’ensemble du continent européen.
Il ne faut donc pas opposer ces deux investissements. L’investissement à Singapour vise à servir le marché asiatique. L’usine annoncée en juin dernier, qui représente 600 millions d’euros et 200 emplois, dans la région lyonnaise, sera dédiée à la fabrication de vaccins, dont ceux à ARN messager. Elle verra le jour en 2025 et, j’y insiste, ce site sera le premier à sortir de terre.
De surcroît, nous avons fait de la santé un secteur relevant de l’appel à projet Résilience. Dans ce cadre, nous accompagnons aujourd’hui 273 entreprises pour des relocalisations. La santé bénéficie en outre d’un dispositif particulier, dit « capacity building », dans lequel nous avons investi 160 millions d’euros en juin dernier – il s’agit de l’annonce du 18 juin que vous mentionnez. Grâce à ce dispositif, quatre sites de production de vaccins sont déjà actifs ou vont commencer la production dans les prochaines semaines : Delpharm, Recipharm et deux sites de Fareva.
Au-delà, beaucoup d’autres sites participent aux chaînes de production de vaccins, de médicaments et de dispositifs médicaux dans le cadre de la lutte contre la covid. J’ajoute que 25 % des lauréats du plan Résilience appartiennent au secteur de la santé, qu’ils soient spécialisés dans les principes actifs ou dans les dispositifs médicaux.
Vous constatez donc que, depuis six mois, nous avons accéléré le mouvement, d’autant qu’un nouvel appel à projet de 300 millions d’euros est d’ores et déjà lancé pour continuer à relocaliser des sites de production en France !
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour la réplique.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Toutefois, les exemples de naufrages français sont nombreux, alors même que l’on peut, selon moi, y remédier facilement.
Après les promesses, il faudra des actes, car une promesse c’est comme une fonction : il faut l’honorer quoi qu’il en coûte !
M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Le sujet que je vais aborder fera certes l’objet d’un débat spécifique ce soir même, mais il s’agit d’une composante essentielle de la souveraineté économique de la France : l’agriculture.
La France importe encore à ce jour 20 % de son alimentation, dont 25 % de la viande de porc, 34 % de la volaille, 50 % des protéines végétales et des fruits. Si nous n’avons fort heureusement pas souffert de pénuries du fait de la crise sanitaire, l’épidémie n’en a pas moins révélé les faiblesses de l’industrie alimentaire française.
Ces considérations ont mené le ministre de l’agriculture et de l’alimentation à annoncer, en décembre 2020, une stratégie nationale pour le développement des protéines végétales. En outre, le budget du ministère consacre 1,7 milliard d’euros à la compétitivité de l’agriculture.
L’immense majorité de ce budget vise à augmenter les capacités de production agricoles. Il serait pourtant naïf de penser que ces crédits suffiront pour restaurer la souveraineté économique de la France en matière d’agriculture.
Un ensemble de facteurs doit être pris en compte et les investissements ne doivent pas tous être fléchés vers des machines permettant de meilleurs rendements ou l’augmentation des surfaces agricoles.
Le terrible épisode de gel que nous avons connu il y a quelques semaines en est d’ailleurs le parfait exemple : sans investissement dans la résilience de l’agriculture face au changement climatique, l’augmentation de la production est réduite à néant.
De même, sans éducation de la population – il faut expliquer pourquoi les prix de l’agriculture française peuvent être plus élevés tout en insistant sur les bienfaits d’une consommation locale –, nos efforts sont vains.
Il est également important d’appliquer de telles considérations à la commande publique, notamment afin que les collectivités territoriales se tournent davantage vers des solutions d’alimentation locales – je pense notamment aux écoles.
Enfin, j’insiste sur la nécessité d’investir dans la recherche et le développement. Au total, 20 millions d’euros du plan seront destinés à la recherche, mais ce n’est pas suffisant. Notre autonomie, notamment protéique, est un objectif pertinent, mais encore faut-il maîtriser toute la chaîne, car aujourd’hui la majorité de nos semences sont importées.
Madame la ministre, comment prévoit-on d’aider l’agriculture à s’adapter au changement climatique ? Comment comptez-vous inciter à la consommation française ? Allez-vous investir plus massivement dans la recherche pour que la souveraineté alimentaire française ne reste pas une pure utopie ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur Pellevat, je rappelle tout d’abord que l’agriculture, ou plus exactement l’agroalimentaire – c’est en effet d’industrie que nous parlons –, figure parmi les six secteurs stratégiques des appels à projet Résilience. C’est même le deuxième secteur lauréat bénéficiant de ce soutien aux relocalisations.
Dans ce cadre, deux éléments stratégiques font l’objet d’une attention toute particulière : les protéines végétales et les protéines à base d’insectes destinées à l’élevage animal. Je pense notamment à des projets concrets comme Ynsect et InovaFeed. Ainsi, Ynsect va lancer son opération de recrutement le 6 mai prochain, en présence du ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
En parallèle, la recherche et le développement font l’objet d’une feuille de route dans le cadre du PIA, car le bien manger fait partie des enjeux clés d’innovation sur lesquels nous avons mis un coup de projecteur.
Tel est le travail que nous menons pour moderniser l’ensemble de l’industrie agroalimentaire, avec les guichets « industrie du futur » et les territoires d’industrie. Il est assez frappant de constater que beaucoup de projets déposés dans ce cadre relèvent du secteur agroalimentaire.
La prise en compte de ces enjeux va donc bien au-delà des montants que vous mentionnez. Je tiens à vous rassurer : aux initiatives du ministère de l’agriculture s’ajoutent l’ensemble des politiques menées, en complément, par le ministère de l’industrie et le volet du PIA, avec, à la clé, la création de 2 000 emplois pour l’ensemble des projets Résilience !
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Plus que jamais, la révolution du big data représente un péril pour la souveraineté de la France.
Tous les jours, les Gafam se livrent à un véritable pillage en exploitant massivement les données de millions de Français. Soumis à des lois extraterritoriales, ces géants du numérique sont désormais des entreprises systémiques, capables de concurrencer les États.
Comme l’expliquait déjà notre collègue Gérard Longuet dans son rapport d’octobre 2019, les Gafam menacent le monopole fiscal de la France. Avec une capitalisation boursière qui correspond à plus de deux fois celle du CAC 40, le chiffre d’affaires des Gafam est désormais comparable aux recettes fiscales françaises.
Réponse nécessaire, mais insuffisante, du Gouvernement, la taxe sur les services numériques instaurée en 2019 n’a répondu que partiellement au défi fiscal posé par les entreprises du numérique. Ces dernières continuent d’échapper largement à l’impôt.
Alors que plane au-dessus de notre économie le spectre des représailles américaines, la préservation de notre souveraineté économique implique une reprise rapide des négociations au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en vue d’instaurer un taux minimum mondial d’imposition, qui pourrait être fixé à 12,5 %.
Cela étant, la lutte pour la souveraineté numérique de la France ne se résume pas à l’harmonisation interétatique de la taxation des Gafam. Reprendre le contrôle de notre souveraineté numérique suppose aussi d’organiser le rapatriement des données de nos concitoyens et des entreprises françaises sur le territoire national. Aujourd’hui, 92 % des données occidentales sont hébergées aux États-Unis. Afin de garantir la sécurité économique de nos entreprises, il est primordial de sortir de cette situation de dépendance numérique en proposant des solutions d’hébergement sûres, réparties équitablement sur l’ensemble du territoire national.
Enfin, la France doit impérativement capitaliser sur l’expertise de ses ingénieurs en développant un modèle économique compétitif fondé sur les technologies digitales de pointe. C’est à cette unique condition que notre pays pourra sortir de sa position de colonisé numérique et créer des gisements de croissance grâce au levier du digital.
Quel plan le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour pallier le désarmement numérique de la France et atteindre l’indépendance technologique dont dépendent la sécurité et la souveraineté économiques de ses entreprises ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice Boulay-Espéronnier, j’ai déjà répondu assez largement aux interrogations quant à la situation de l’économie française face aux géants du numérique, qui – je le rappelle – ne sont pas seulement américains. Je vais donc reprendre les différents éléments sur lesquels j’ai déjà insisté, à commencer par la taxation des plateformes numériques, que les Français ont été les premiers à instaurer.
Ce faisant, nous avons engagé un mouvement à l’échelle européenne comme au sein de l’OCDE et dans un certain nombre d’États-nations, qui se sont engouffrés derrière la France pour élaborer leur propre législation.
S’ensuit, aujourd’hui, un autre mouvement au sein de l’administration américaine, à la faveur de l’arrivée au pouvoir d’un nouveau Président, qui prend le sujet très au sérieux. Pour examiner les enjeux de concurrence soulevés par les plateformes numériques, il vient de nommer une personnalité extrêmement active, qui a étudié toutes les distorsions que ces plateformes induisent dans l’économie et dont le discours sur le sujet est assez offensif. Pour notre part, nous accompagnons ces démarches au niveau de l’Union européenne avec Margrethe Vestager.
Une taxation minimale est effectivement à l’étude. Je rappelle qu’au sein de l’OCDE l’on distingue deux piliers : la taxation de l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur origine – c’est à cet égard que l’on défend le taux de 12,5 % – et la taxation spécifique aux plateformes numériques.
Pour sa part, la France prélève sur les plateformes numériques quelle que soit leur nationalité, y compris européenne. Nous espérons pouvoir nous rallier ensuite à un projet international : notre intention est de jouer un rôle d’aiguillon dans cette réflexion.
Vous évoquez la protection des données des Français et la limitation du pouvoir des plateformes. C’est tout l’enjeu du règlement général sur la protection des données (RGPD) et des deux directives que j’ai mentionnées, le DSA et le DMA.
Enfin, comme je l’ai indiqué, le projet de cloud souverain devrait connaître de nouveaux développements dans les prochains mois : le projet Gaïa-X vise précisément à créer les briques technologiques du cloud souverain européen !
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Malheureusement, comme souvent, il aura fallu une crise historique pour que, collectivement, nous nous rendions compte à quel point notre pays était devenu dépendant sanitairement, industriellement et, au total, économiquement d’autres grandes puissances.
Que n’ai-je pas entendu ces dernières années, ici même, dans cette assemblée, quand nous parlions de la désindustrialisation de nos territoires, de la défense de notre souveraineté, de la protection de nos entreprises, qui se faisaient racheter une par une ; quand nous défendions la branche énergie d’Alstom, Aéroports de Paris (ADP) ou encore Photonis, dont personne ne parlait ? Nous étions des conservateurs, des souverainistes qui n’avaient rien compris à la mondialisation, au commerce international ou aux règles du libre-échange !
Aujourd’hui, je souhaite tout simplement pour notre pays, et plus largement pour l’Europe, que nous fassions preuve de plus de réalisme et de pragmatisme.
Les Français, légitimement, comprennent de moins en moins notre naïveté face à des pays comme la Chine ou les États-Unis, qui utilisent toutes les armes économiques, douanières, fiscales ou monétaires pour se protéger et qui investissent massivement chez nous.
Nous pouvons le regretter, mais, depuis plusieurs années, tous les grands pays se referment et renforcent leur législation pour mieux protéger leurs entreprises des rachats par des investisseurs étrangers.
En France, depuis 2014, nous avons élargi le décret qui soumet certains investissements étrangers à l’autorisation du Gouvernement. Ces mesures, que vous avez encore améliorées, madame la ministre déléguée, ne suffisent pas, car nos groupes sont particulièrement vulnérables depuis la crise du covid.
Nous devons trouver un chemin étroit et difficile entre la protection de nos entreprises et une économie ouverte, attractive, dans laquelle plus de 2 millions d’emplois dépendent de groupes étrangers installés sur notre territoire.
Aussi, je souhaiterais que vous nous précisiez la politique que met en œuvre le Gouvernement pour que la France protège plus efficacement ses entreprises, notamment au regard des pays qui observent des règles très strictes de contrôle des investissements étrangers.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le sénateur Fournier, la doctrine de l’État en matière d’investissements étrangers en France (IEF) a évolué, sous l’impulsion du Président de la République et de Bruno Le Maire, qui ont renforcé les outils juridiques en matière d’IEF, et veillé à ce que leur application soit plus stricte et mobilise l’ensemble des leviers à notre disposition. Je m’y suis également employée.
Cette démarche a aussi inspiré la doctrine de filtration des investissements en Europe, dont on peut penser qu’elle pourrait aller plus loin, mais qui, à tout le moins, nous permet d’échanger des données, comme nous avons pu le faire avec l’Italie, sur le dossier Iveco.
Cela emporte des conséquences concrètes : Photonis est un investissement qui a été bloqué ; s’agissant de General Electric, Bruno Le Maire a annoncé travailler à une solution souveraine sur la partie Arabelle ; en ce qui concerne Liberty, c’est précisément parce que les conditions relatives aux investissements étrangers en France sont très fortes que nous avons pu obtenir un certain nombre de mouvements et préserver l’actif Ascoval et Hayange à date.
Sur ce dernier dossier, la recherche de repreneurs est très bien engagée, un certain nombre d’industriels, présentant un passé industriel, sont intéressés. La transformation d’Ascoval que nous avons menée durant ces deux dernières années porte ses fruits, puisque, aujourd’hui, l’actif est beaucoup plus désirable et les savoir-faire sont beaucoup mieux reconnus.
En 2020, nous avons suivi 275 opérations de contrôle sur les IEF, ce qui montre l’efficacité du dispositif, et nous sommes prêts à aller plus loin.
Conclusion du débat
M. le président. En conclusion de ce débat, la parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe auteur de la demande.
Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. Madame la ministre déléguée, il est de ces vérités que l’on redécouvre sans qu’elles n’aient jamais cessé d’être vraies. C’est le cas de l’impératif de souveraineté économique.
Après des décennies de mondialisation, l’indépendance économique totale est un objectif qui ne peut être atteint, et qui n’est pas même souhaitable. Les liens économiques qui nous unissent à nos partenaires sont denses, innombrables, bénéfiques pour notre économie, sources d’innovation, de conquête, d’ouverture et sont donc inaltérables.
La question centrale, celle de la souveraineté, reste néanmoins valable : la France est-elle en mesure, aujourd’hui, d’assurer ses propres besoins fondamentaux, ceux de l’État et ceux de ses citoyens, quels que soient les risques géopolitiques, commerciaux ou, on l’a vu, sanitaires ? Force est de constater que ce n’est pas le cas.
Les biens considérés comme « stratégiques » constituent aujourd’hui 20 % des importations françaises. Pour certains, la dépendance aux partenaires extérieurs est totale : nous le constatons malheureusement dans le domaine de la santé, mais c’est aussi le cas s’agissant de produits moins visibles, comme les semi-conducteurs, dont la pénurie met aujourd’hui en difficulté notre filière automobile.
J’attire votre attention sur un point : vos services estiment que l’approvisionnement de la France n’est trop concentré que pour 121 produits, si l’on peut dire. C’est beaucoup, mais c’est aussi négliger l’effet en cascade sur les filières, qui est extrêmement déstabilisateur.
Les produits industriels ne représentent pourtant que la partie émergée de l’iceberg. Notre modèle, nos échanges, reposent sur un équilibre fragile que les tensions géopolitiques et commerciales peuvent faire vaciller.
Or nous savons – car c’est là une politique assumée – que des pays comme la Chine, mais aussi les États-Unis, regardent avec intérêt nos meilleures entreprises et nos savoir-faire uniques. Je vous ai alerté sur ce point, alors que vous insistiez pour faire aboutir la vente des Chantiers de l’Atlantique à Fincantieri, associé à l’entreprise d’État chinoise CSSC. Que dire de la vente d’Alstom à General Electric ?
Une fois ces transferts de technologie réalisés, que nous restera-t-il ? Nous résumons souvent la souveraineté économique à la sauvegarde des biens et des services nécessaires à nos activités régaliennes : à la défense, aux communications, éventuellement à l’énergie. Sur ces secteurs stratégiques, des outils sont déjà en place et ont été renforcés, comme le filtrage des investissements étrangers.
Nous constatons toutefois que cette définition régalienne est celle d’hier ; il nous faut voir plus loin. La souveraineté économique n’est-elle pas aussi la défense de notre potentiel économique national, de nos compétences, de nos savoir-faire, de nos start-up, de notre tissu productif, qui sont le patrimoine commun de notre Nation ? N’est-elle pas la préservation de notre capacité de production agricole ? Des bassins productifs au cœur de nos territoires, qui ont le plus souffert de la désindustrialisation ?
Or, pour restaurer ce potentiel productif, il ne suffira pas de mettre des milliards sur la table. C’est un effort de long terme, que vous avez engagé, offensif plutôt que seulement défensif, auquel nous devons nous réatteler pour recréer les conditions réglementaires, fiscales, opérationnelles de l’attractivité et de la compétitivité.
Dans ce domaine, nous sommes bien dans le « en même temps », parfois destructeur. De réels efforts fiscaux de production sont faits, mais « en même temps » se profilent le spectre du délit d’écocide, celui du « zéro artificialisation » pour monter des entreprises, comme l’a signalé Serge Babary, ou encore celui de la surtransposition, qui tétanisent les investisseurs.
Je me permets de vous suggérer d’associer les territoires à votre réflexion. Ceux-ci savent identifier leurs besoins et leurs atouts, on l’a vu durant la crise. La qualité d’un tissu économique tient aussi à l’infrastructure, à la formation et aux services publics : les collectivités jouent là un rôle de premier plan. Des entreprises structurantes sur le plan local peuvent être des piliers de la souveraineté économique ; un capitalisme territorial rénové peut être un levier fort.
Enfin, il nous faut protéger juridiquement nos entreprises face à la législation de pays puissants usant de l’extraterritorialité de leur droit, décidée unilatéralement. Nos amis américains ou chinois sont redoutables ; ils sont nos amis, mais nous ne pouvons les laisser dépouiller notre économie à leur guise.
Or c’est un danger majeur pour notre souveraineté, qui s’appuie sur la puissance du cloud des Gafam, en particulier, mais aussi sur celle du dollar.
Dois-je rappeler, une fois encore, la vente d’Alstom à General Electric, acceptée dans des conditions de pression incroyable de la part des États-Unis ? Je ne reviendrai pas sur ce que M. Frédéric Pierucci a subi en raison de ces dispositifs extraterritoriaux, qui laissent une trace indélébile dans notre industrie et dans sa vie.
Dois-je rappeler l’amende d’Airbus ou celle de BNP Paribas – un record de plus de 8 milliards d’euros – ainsi affaiblis par ces ponctions financières ? Ce n’est pas admissible et je ne vois pas ce dossier majeur de la protection de nos entreprises contre les dispositifs extraterritoriaux abusifs avancer autrement que par des initiatives privées.
Une suggestion en guise de conclusion : que le Président Macron s’engage sur ce sujet lorsque la France prendra la présidence de l’Union européenne au début de l’année prochaine, car il s’agit naturellement d’une brique fondamentale de notre souveraineté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville. applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la souveraineté économique de la France.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)