M. François Bonhomme, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à saluer le texte qui nous rassemble ce soir. Il s’agit d’une initiative parlementaire bienvenue de nos collègues du groupe du RDSE, qui vient concrètement soutenir nos maires dans leurs opérations d’aménagement en simplifiant un outil pertinent pour obtenir le foncier nécessaire à la réalisation de leurs opérations d’aménagement.
Loin de se résoudre à laisser nos villes, mais surtout nos villages, en décrépitude, les auteurs de cette proposition de loi accompagnent un mouvement de fond, initié par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) de 2000 et la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) de 2014, visant à permettre un renouvellement de la ville sur elle-même.
Nous savons que l’urbanisme et l’aménagement sont les deux versants de la vitalité d’un territoire. C’est justement par cet urbanisme et par cet aménagement que nous pourrons optimiser l’occupation d’un territoire et renforcer son dynamisme, particulièrement au centre des agglomérations, dans le strict respect du droit de propriété.
Dès lors, nous soutenons cette proposition de loi qui permet notamment de simplifier la mise en œuvre de la procédure de déclaration de parcelle en état d’abandon manifeste. En supprimant la condition selon laquelle le fonds concerné doit se situer à l’intérieur du périmètre d’agglomération de la commune, ce texte prend en compte la réalité de la diversité de nos communes – parcelles isolées ou pour lesquelles cette procédure était impossible à l’entrée de certains villages.
De plus, je partage la position de la commission des lois, qui ne souhaite pas restreindre l’accès à la procédure d’expropriation simplifiée afin de donner plus d’ampleur à cette procédure bienvenue et de permettre au plus grand nombre d’élus locaux de se l’approprier.
Cette initiative parlementaire de qualité anticipe, à elle seule, deux discussions que nous aurons dans les prochains mois dans cet hémicycle : celle qui sera relative au projet de loi dit 4D, puisque l’article 18 de son avant-projet rejoint le premier thème de l’article unique de la présente proposition de loi en élargissant la procédure d’acquisition des biens en état d’abandon manifeste ; et celle qui sera relative au projet de loi dit Climat et résilience, dont le chapitre 3 du titre IV vise à lutter contre l’artificialisation des sols en favorisant le recyclage des fonciers déjà artificialisés ou en densifiant le tissu déjà urbanisé.
Alors que l’artificialisation des sols a augmenté de 70 % quand la population croissait de 20 %, la présente proposition de loi est un point de départ bienvenu de ce débat.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Moga. Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons entend moderniser et faciliter la procédure d’expropriation de biens en état d’abandon manifeste. Nous sommes très nombreux à partager cet objectif.
En effet, il y a là un vrai enjeu pour de nombreuses communes, en particulier dans nos territoires ruraux et périurbains. Aussi, je tiens à saluer l’initiative du groupe du RDSE, qui nous donne l’occasion d’en débattre et de légiférer ce soir.
Cette proposition de loi vise à lutter contre les situations d’abandon de biens immobiliers auxquelles nos élus locaux sont confrontés dans leur commune. Nous avons toutes et tous, dans nos circonscriptions, des exemples pour illustrer cette réalité : friches, hangars, bâtisses à l’abandon… Autant de verrues disgracieuses qui nuisent à nos paysages.
Face à cette triste réalité, nos collègues maires rencontrent de grandes difficultés, les outils juridiques existants s’avérant souvent insuffisants. Cette proposition de loi vise donc à compléter et à parfaire notre arsenal juridique.
À côté des outils permettant de lutter contre l’habitat insalubre et les immeubles en ruine ou en situation de péril, il s’agit de doter nos élus locaux d’un nouveau levier pour contraindre un propriétaire à remédier à l’état d’abandon de son immeuble ou, à défaut, de procéder à l’expropriation en simplifiant la procédure.
Aujourd’hui, la dépossession au profit des communes est doublement limitée. La première restriction est géographique : les biens dont une commune peut demander l’expropriation doivent se situer dans le périmètre dit d’agglomération. La seconde concerne l’objet des situations pouvant légitimer une expropriation. Ces restrictions entravent, hélas !, l’action des élus locaux. C’est à ce besoin de liberté, de souplesse et d’efficacité dans l’action locale que veut contribuer cette proposition de loi.
Dans un premier temps, les auteurs de ce texte se sont attaqués à la restriction géographique des procédures simplifiées d’expropriation. Cette limitation avait été votée dans la loi de 1989, comme cela a été rappelé, afin que ce dispositif ne puisse être employé pour des terrains laissés provisoirement en friche dans des zones agricoles.
Cette restriction se justifiait juridiquement dans la mesure où ces parcelles auraient pu faire l’objet d’une procédure d’expropriation. Dans les faits, ce risque est extrêmement limité. Cette méfiance, voire cette défiance, à l’égard des maires ne se justifie objectivement pas. Les auteurs de ce texte proposent donc de supprimer cette restriction géographique pour les biens se trouvant en dehors du périmètre d’agglomération de la commune.
Une telle modification du droit devrait permettre aux maires de se saisir de biens susceptibles de générer des difficultés, à l’image de certains corps de ferme situés en bordure des voies publiques.
Faire sauter ce verrou géographique est souhaitable, il est donc bienvenu. Cette première disposition relève du bon sens et recueille le soutien du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Dans un second temps, les rédacteurs de cette proposition de loi ont souhaité élargir la liste des destinations des biens faisant l’objet d’expropriation en raison de leur état d’abandon manifeste.
Le droit positif prévoit que l’expropriation doit avoir pour objet soit la construction ou la réhabilitation à des fins d’habitat soit un intérêt collectif relevant d’une opération de restructuration, de rénovation ou d’aménagement. L’inscription de ces motifs dans la loi restreint les possibilités des élus locaux d’user de la procédure simplifiée d’expropriation pour des projets tournés vers la valorisation économique de leur territoire. Il est évident que l’état actuel du droit n’est pas satisfaisant.
Afin de remédier à ce problème, ce texte proposait initialement de supprimer purement et simplement toute mention dans la loi des objectifs pouvant motiver une expropriation. Ce choix rédactionnel nous avait interpellés en ce qu’il fragilisait juridiquement le texte.
En effet, si aucun motif n’était inscrit dans la loi, l’expropriation aurait pu devenir générale et s’appliquer dans n’importe quelle situation. Elle n’aurait donc plus été réservée aux cas justifiés par l’intérêt général. Or c’est bien ce dernier qui légitime actuellement le recours à l’expropriation, laquelle porte directement atteinte au droit « sacré » de propriété, constitutionnellement garanti.
L’absence de mention expresse de la destination du bien faisant l’objet d’une déclaration d’abandon manifeste aurait donc pu fragiliser le texte. Dans sa grande sagesse, la commission des lois a adopté une rédaction alternative, proposant de compléter la liste des motifs justifiant la constitution d’une déclaration d’abandon manifeste. Notre groupe salue cette initiative qui apporte des garanties juridiques plus solides.
La proposition de loi prévoit ensuite qu’une expropriation qui se fait traditionnellement au bénéfice de la commune puisse également se faire au profit d’une intercommunalité. Cette évolution nous semble bienvenue, puisque l’intercommunalité dispose de moyens administratifs, juridiques et financiers plus importants qu’une commune. Il semble donc plus aisé d’enclencher une telle procédure à cette échelle.
Vous l’aurez compris, nous partageons la philosophie générale du texte proposé par nos collègues du groupe du RDSE. Les contributions et corrections apportées par la commission des lois ont été de nature à améliorer sensiblement cette proposition de loi. Je salue le rapporteur pour son travail. Les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sont favorables à l’adoption de ce texte. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Henri Cabanel applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, un grand nombre d’élus fait face à une abondance de textes qui rendent parfois difficilement compréhensibles les normes en vigueur et obligent à une vigilance extrême.
Aussi, nous nous félicitons de l’initiative de nos collègues du groupe du RDSE qui vise à faciliter et moderniser la procédure d’expropriation de biens en état d’abandon manifeste.
Cette procédure permet aujourd’hui à la commune, à la communauté de communes ou au conseil départemental de se saisir de biens qui ne sont manifestement plus entretenus. Cette procédure simplifiée peut être réalisée sans enquête publique.
Ainsi, les expropriations peuvent-elles être réalisées en vue soit de construire des logements sociaux soit de réaliser tout projet d’intérêt collectif relevant d’une opération de restauration, de rénovation ou d’aménagement.
Cette procédure a été créée pour aider les communes dans leurs efforts de rénovation et de réhabilitation du patrimoine local. Elle permet de traiter, dans le périmètre des agglomérations, les immeubles bâtis ou non bâtis à l’abandon ou en ruine et de favoriser leur réaménagement.
Cette proposition de loi concourt à remédier à des dysfonctionnements dans la mise en œuvre de cette procédure, en apportant des corrections et des simplifications.
Ce texte propose ainsi d’ouvrir la procédure aux parcelles situées à l’extérieur du périmètre d’agglomération. Cette avancée facilitera l’accès des communes à l’ensemble du foncier de leur territoire.
Cette proposition de loi tend à supprimer la limitation des finalités d’utilisation des biens saisis par les collectivités – essentiellement liés à l’habitat aujourd’hui – afin d’offrir davantage de possibilités et de souplesse aux communes.
Elle distingue deux régimes pour la mise en œuvre de la procédure : d’une part, une procédure simplifiée, sans enquête publique préalable, pour les expropriations concernant les biens à l’état d’abandon impliqués dans des opérations en matière d’habitat ou la constitution de réserves foncières en vue de telles opérations ; d’autre part, une procédure de droit commun, régie par le code de l’expropriation, pour cause d’utilité publique comme la création d’espaces publics, la valorisation d’activités économiques ou la construction d’équipements collectifs.
À cet égard, nous approuvons la position de la commission qui a jugé utile de revenir sur la disposition technique qui tendrait à ouvrir les catégories de projets éligibles aux déclarations d’état d’abandon manifeste, mais à restreindre ensuite ceux qui pourraient donner lieu à une expropriation simplifiée.
Comme l’a souligné le rapporteur, une telle démarche ferait perdre sa pertinence à cette proposition de loi et les avancées qu’elle permettrait. Par ailleurs, nous sommes d’accord avec la commission qui souhaite ouvrir cette procédure à la constitution de réserves foncières.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, toujours attentifs aux problématiques relatives aux communes, qui constituent le cœur de notre démocratie, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte qui fera œuvre utile. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Antoine Lefèvre applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela a été dit, la procédure d’expropriation des biens en état d’abandon manifeste, prévue au sein du code général des collectivités territoriales, permet à la commune, à l’intercommunalité ou au conseil départemental de se saisir, sous réserve de l’inaction du propriétaire trois mois après mise en demeure, des biens qui ne sont manifestement plus entretenus.
La proposition de loi que nous étudions aujourd’hui cherche à étendre cette possibilité au périmètre global de la commune et à la simplifier, notamment au profit des EPCI.
Dans son article unique, le texte prévoit d’élargir la procédure d’expropriation des biens aux parcelles situées à l’extérieur du périmètre d’agglomération, ce qui nous semble positif pour nos communes. À l’instar du texte précédent, également présenté par nos collègues du groupe du RDSE, nous pensons qu’il s’agit ici de répondre à un problème concret qu’il faut s’efforcer de résoudre.
Toutefois, nous devons lancer une alerte.
Le droit limite les finalités d’utilisation des biens saisis par les collectivités soit aux opérations de reconstruction ou de réhabilitation aux fins d’habitat, soit à toute opération d’intérêt collectif relevant de la restauration, de l’aménagement ou de la rénovation.
Or la proposition de loi supprime cette limitation, notamment afin de faciliter les projets engagés pour la valorisation économique des territoires, en l’assortissant d’une procédure de droit commun régie par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique dans tous ses cas de figure, comme la création d’espaces publics, la valorisation d’activités économiques ou la construction d’équipements collectifs.
Alors que l’Assemblée nationale débat d’une grande loi dite climat et résilience – elle est tout du moins annoncée comme telle –, cette réécriture de la loi ne permettrait-elle pas de faciliter l’expropriation de terrains en friche qui pourraient avoir une destination agricole ?
La procédure actuelle prend tout son sens au niveau de l’habitat. Mais demain, ne pourrions-nous pas craindre qu’une municipalité décide de procéder à l’expropriation d’une friche agricole au pourtour de son agglomération, peut-être pour y construire légitimement des logements, mais peut-être aussi pour y implanter des entrepôts ?
L’arrêt de l’artificialisation des sols, voire la désartificialisation, est un levier majeur de la lutte contre le réchauffement climatique. Il peut apparaître mal venu de multiplier les opportunités de faire reculer les zones agricoles.
Mes chers collègues, permettez-moi une réflexion. Vous défendez habituellement si ardemment, dans cet hémicycle, le droit de propriété, que nous devrions rester tout aussi prudents dans cette possibilité d’y déroger. Et ce d’autant plus que l’acte du procès-verbal d’abandon provisoire est réputé notifié par la publicité locale en mairie et dans les journaux, si la personne en cause ou son adresse n’est pas connue.
Je note que ce droit de propriété semble paraître beaucoup plus important à certains, lorsqu’il les incite à s’opposer à la réquisition de biens vides non occupés pour pourvoir à la pénurie de logements que lorsqu’il s’agit de la valorisation d’activités économiques. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le droit français conçoit l’expropriation comme une atteinte exceptionnelle au droit de propriété, mais il semblerait que l’appréciation de l’atteinte exceptionnelle varie selon les situations et les bénéficiaires…
Le droit de ne rien faire de son bien ne saurait être toléré, quand une collectivité peut y voir une opportunité de développement, mais resterait-il sacro-saint, quand il s’agit de biens construits, finis et entretenus qui pourraient participer à l’hébergement des mal-logés ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est un vrai problème !
Une autre alerte attise ma prudence. Les possibles dérives, déjà constatées, d’utilisation de la procédure comme un simple levier de développement foncier.
La prudence nous impose de voir si un changement de destination à plus ou moins long terme de ces terrains expropriés ne contreviendrait pas à l’esprit de la loi.
C’est pourquoi, malgré une compréhension des attentes raisonnables des collectivités sur le sujet, en raison de ces réserves sérieuses face à des risques réels, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires ne votera pas ce texte. (Oh ! sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jacques Fernique applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous partageons sans doute tous ici l’idée que la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui est bienvenue. Elle nous permet d’amorcer un débat sur une procédure qui constitue un levier important pour la valorisation de nos territoires.
Je salue à ce titre le groupe du RDSE pour l’inscription de ce texte dans son espace réservé, et plus particulièrement son auteur, Jacques Mézard, qui a siégé, pendant plus de dix années, au sein de cet hémicycle.
Il s’agit donc, cela a été dit, de faciliter la procédure d’expropriation des biens déclarés en état d’abandon manifeste. Cette procédure présente un intérêt non négligeable : elle permet aux communes, dans des modalités simplifiées, d’accéder à la propriété et de répondre aux nécessités de leur territoire en matière d’habitat ou d’aménagement.
Elle permet dans le même temps de faire cesser des situations dommageables, et parfois ubuesques, dans lesquelles des biens se trouvent vides et dépourvus de tout entretien, sans perspective d’une quelconque évolution de cet état de fait.
En souhaitant faciliter l’expropriation des biens en état d’abandon manifeste, la proposition de loi s’inscrit dans la continuité d’autres textes. Je pense notamment à la loi ALUR de 2014 et à la loi ÉLAN, adoptée en 2018, qui a rendu automatique le constat d’abandon, dans le périmètre d’une opération de revitalisation, des parties d’immeubles dont l’accès a été condamné par des travaux.
Les modifications apportées en commission à l’initiative de M. le rapporteur vont dans le même sens et nous semblent tout à fait pertinentes.
La rédaction initiale de la proposition de loi comportait en effet une limite : elle introduisait en effet un régime hybride d’expropriation pour les biens en état d’abandon manifeste, présentant le risque d’être in fine plus restrictif et en tout cas source d’incertitudes dans ses effets.
En maintenant l’architecture prévue par le code général des collectivités territoriales, la présente proposition de loi s’inscrit en pleine cohérence avec les évolutions successives de la loi.
La loi du 23 juin 2011 a en effet créé une procédure spécifique aux biens en état d’abandon manifeste, alors que la législation antérieure leur appliquait le droit commun de l’expropriation pour cause d’utilité publique, plus contraignant et finalement mal adapté aux situations visées.
Nous approuvons également les trois apports de la proposition de loi conservés par la commission, qu’il s’agisse de l’extension de la procédure de déclaration en état d’abandon manifeste au-delà du périmètre d’agglomération de la commune, de l’extension de la procédure simplifiée d’expropriation à la finalité de la constitution d’une réserve foncière et de l’ajout des EPCI comme bénéficiaires potentiels de l’expropriation, dès la phase de déclaration d’état d’abandon manifeste. Cette dernière clarification s’inscrit dans la continuité du droit de suite donné par la loi ALUR aux EPCI.
Les deux premières dispositions citées nous paraissent en outre de nature à favoriser les opérations de réaménagement, cela a été dit. Elles sont d’ailleurs inscrites dans l’article 18 de l’avant-projet de loi dite 4D.
Les différents textes cités montrent bien que les gouvernements et législateurs successifs se sont intéressés à cette procédure originale, en ce qu’elle permet l’expropriation simplifiée par la collectivité de biens abandonnés, mais qu’elle donne également au maire les moyens, en amont, de contraindre le propriétaire à reprendre en main un bien dégradé et source de nuisances pour sa commune.
Cette procédure répond concrètement à une problématique souvent rencontrée par les maires, qui doivent se substituer aux propriétaires défaillants pour effectuer des travaux, sans toujours parvenir à un remboursement.
Le groupe RDPI approuve à son tour cette proposition de loi dans l’équilibre qui résulte de son examen en commission. Ce texte ouvre utilement un débat qui devrait se poursuivre lors de l’examen attendu du projet de loi 4D.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2017, Jacques Mézard, alors ministre de la cohésion des territoires et du logement, répondant à une question orale au Sénat au sujet des procédures d’état d’abandon manifeste et de biens sans maître reconnaissait qu’elles étaient de plus en plus difficiles à mettre en œuvre et peu utilisées, posant ainsi la question de leur opérationnalité.
Cette proposition de loi apporte une évolution positive à la procédure d’expropriation des biens en état d’abandon manifeste. Tout d’abord, je tiens à saluer le travail de simplification accompli par M. le rapporteur François Bonhomme, qui a permis l’adoption de cette proposition de loi à l’unanimité de la commission des lois.
Quelle commune ne compte pas, dans l’une de nos régions, de maison vacante ou de terre abandonnée ? Cette situation plus que fréquente suscite désarroi et défaitisme : la propriété privée est sacrée et on ne peut y attenter ! Pour autant, des moyens existent, qui, sans remettre en cause les fondements du droit de propriété, ouvrent des possibilités pour les communes de remettre en vie un patrimoine en déshérence.
Ce mode d’acquisition foncière singulier permet aux maires de faire cesser l’état d’abandon de la parcelle au lieu de multiplier les arrêtés de péril et les dépenses d’entretien jamais recouvrées ; il permet aussi de limiter les risques de squats. Autant de situations qui constituent quelques fois des obstacles à la mise en œuvre d’une politique d’urbanisme ou peuvent contribuer à la dégradation d’un centre-bourg ancien.
Cette proposition de loi constitue donc une avancée par l’élargissement du périmètre d’intervention à tout le territoire de la commune, au-delà de l’agglomération, et lui donne un caractère véritablement opérationnel.
Cette simplification est également bienvenue dans le cadre de la crise du logement que nous traversons, avec une baisse alarmante de la construction neuve et l’effondrement du nombre de logements sociaux agréés.
Si la procédure d’abandon manifeste ne permettra pas de massifier la construction ni de relancer le secteur, il ne faut pas négliger son utilité, puisqu’il est possible, pour une commune, de revendre le bien objet de la procédure à un bailleur social ou à un particulier.
L’ajout par la commission des lois de l’objectif de « création de réserves foncières » permettant la réalisation des projets d’aménagement ou d’urbanisme est très encourageant pour les opérations d’urbanisme ou les opérations de revitalisation du territoire, qui nécessitent parfois beaucoup de foncier.
La question de la lutte contre l’artificialisation des sols fera débat dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Aussi, étendre la procédure d’expropriation des biens en état d’abandon manifeste permettra la réappropriation des espaces urbanisés.
Enfin, nous aurons très vite l’occasion de rediscuter de la procédure d’expropriation de biens en état d’abandon manifeste, puisque l’avant-projet de loi dit 4D inclut un article directement inspiré de cette proposition de loi.
À l’horizon de ce projet de loi, qui sera présenté en conseil des ministres le 12 mai, un dernier frein pourrait encore être levé par le Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, tant pour l’état d’abandon manifeste que pour les biens sans maître. Il s’agit de l’identification des héritiers, qui prend du temps et a un coût important pour les communes, tout particulièrement dans les territoires ruraux.
Le groupe Les Républicains votera bien évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. Jean-Pierre Moga applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe du RDSE nous offre de traiter ce soir un véritable sujet communal, un sujet concret, un sujet d’élus, un sujet de petit bourg rural ou de grosse agglomération urbaine.
Il s’agit surtout d’un sujet casse-tête, pour lequel il nous faut des outils réellement opérationnels et efficaces. Nous avons tous, mes chers collègues, rencontré ce type de dossier, celui de la ruine, moche, parfois dangereuse, qui bloque d’autres projets et amène les voisins à venir râler tous les mois dans le bureau du maire.
Commence alors un cycle infernal. Il faut se transformer en Sherlock Holmes pour retrouver la piste d’éventuels propriétaires, partis, décédés, divorcés ou expatriés, des fantômes introuvables et désirés, tellement désirés parce qu’ils ont la clé. Parfois, on les trouve, et ils ne font rien, ils ne veulent pas, ils ne peuvent pas : indifférence, procédure en cours, et c’est parti pour des années de casse-tête et de désespoir.
L’édifice est une verrue, on finit par ne voir que lui. Depuis peu, alors que les sujets de consommation d’espace prennent de l’ampleur, l’emprise occupée pour rien devient encore plus insupportable.
Alors qu’il faut réussir à maintenir le dynamisme démographique sans faire d’étalement urbain, pouvoir « recycler » les biens en état d’abandon manifeste est un vrai enjeu. Mais c’est encore un parcours de l’élu combattant.
Pour abréger le suspens, je dirai que le groupe Union Centriste votera pour ce nouvel outil qu’est la proposition de loi que nous examinons ce soir. Elle intègre à juste titre le fait que les biens en état d’abandon manifeste peuvent se situer en tout point du territoire. Elle lève également les difficultés qui pourraient surgir des partages de compétences entre communes et EPCI.
Mais je profite de cette prise de parole pour évoquer les lacunes de la boîte à outils des élus.
Si la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, peut désormais être utilisée pour la démolition de bâtiments abandonnés, il faudrait que les services et les élus aient largement connaissance de cette possibilité. Pourquoi ne pas la rendre également mobilisable pour les travaux urgents que les municipalités doivent parfois engager en lieu et place des propriétaires défaillants ? Dans tous les cas, pour engager les démarches, les maires ou présidents d’EPCI devraient pouvoir bénéficier d’aides financières pour faire face aux divers frais liés aux expertises, aux constats d’abandon, à la publicité et aux autres procédures forcément coûteuses.
La finalité de ce texte n’est pas de faciliter l’expropriation, mais de permettre d’envoyer un message musclé aux propriétaires inscrits aux abonnés absents. La finalité est bien de faire disparaître les biens abandonnés ! Pour ce faire, il faut, vous aurez compris mon message, des lois et des aides financières.
Si le groupe du RDSE fait aujourd’hui une gymnastique admirable entre droit de la propriété privée et article 40 de la Constitution, les élus ont vraiment besoin, monsieur le secrétaire d’État, de beaucoup plus. L’économie circulaire de l’habitat doit se mettre en place, avec votre aide. (M. Jean-Claude Requier applaudit.)