Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Je considère que ces trois amendements sont d’appel. Ils ont été présentés par des élus de terrain qui voient les réalités et qui essayent de faire avancer le schmilblick…
Je vais vous raconter une petite histoire gardoise, madame la secrétaire d’État. Nous sommes à Collias, petite et magnifique commune proche du pont du Gard, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco et dans le réseau des Grands Sites de France. Il y avait sept moulins, il y a cent ans ; il en reste encore trois.
En 2002, le Gard a malheureusement subi des inondations terribles ayant entraîné des morts. Récemment, vos services n’ont rien trouvé de mieux que de demander, au travers d’un plan de prévention du risque inondation (PPRI), la destruction de ces trois moulins qui sont au bord de l’eau.
Madame la secrétaire d’État, lorsqu’il pleut fort, il est normal que l’eau monte ! Cela fait deux cents ans que ces moulins sont là, ils n’ont jamais bougé et font partie du patrimoine local. Alors qu’ils n’aggravent les inondations ni en amont ni en aval, vos services, de manière technocratique, demandent qu’on les abatte. Je trouve cela scandaleux.
Je vous demande de bien réfléchir. Oui, vous détruisez le patrimoine local, en l’occurrence les moulins ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Permettez-moi de compléter ce qui vient d’être dit. La suppression d’un moulin entraîne celle de la totalité de son activité, cela va sans dire. Quant à la suppression des seuils, même si le moulin est conservé, elle tue la capacité hydroélectrique du bâtiment situé à côté.
Madame la secrétaire d’État, vous nous parlez de « cas par cas », mais on sait qu’il y a des réactions dogmatiques. Certains ont trouvé là un moyen d’éliminer la problématique de l’hydroélectricité…
C’est une insulte à l’histoire ! Si nos ancêtres ont créé ces seuils, c’est parce qu’ils ont eu besoin de la force hydroélectrique de l’eau qui passe à ces endroits. Les supprimer aujourd’hui, au nom de l’écologie, c’est occulter la question de nos besoins de demain. Par ailleurs, nous serons peut-être obligés de les recréer.
La conservation des seuils est une question patrimoniale. Elle permet de ne pas tuer l’écosystème actuel, et laisse la possibilité de réutiliser ces seuils à l’avenir.
Vos réponses, madame la secrétaire d’État, sont dogmatiques, comme celles de l’administration française ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Madame la secrétaire d’État, je siège, avec mon collègue Guillaume Chevrollier, au Comité national de l’eau. Nous y avons beaucoup entendu ce discours sur l’apaisement du débat et la nécessité de trouver ensemble les meilleures solutions…
Or les représentants des associations de sauvegarde des moulins, qui ont des connaissances techniques très précises – ils m’ont beaucoup appris en la matière –, ne parviennent pas à siéger dans ces instances. Le débat serait certainement plus apaisé s’ils pouvaient s’asseoir à la table de la discussion !
En général, on crée un sous-groupe de travail au sein duquel ils peuvent s’exprimer, mais il est très difficile de faire remonter leurs propos. Il ne s’agit pas du tout d’excités, au contraire ! Il faudrait les considérer comme des partenaires à part entière et les laisser siéger à nos côtés. Leur frustration actuelle n’apaise pas le débat. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Malgré moi, je vais suivre l’avis de la commission en retirant mon amendement, qui était d’appel.
Sachez, madame la secrétaire d’État, que les agences de l’eau ne laissent pas forcément le choix aux propriétaires. Il y a une dimension économique de la création des passes à poisson qui fait que, de temps en temps, les propriétaires sont obligés de céder. Vous devriez aller sur le terrain pour vous en rendre compte ! (Maintien ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. Il faut le maintenir !
Mme Laure Darcos. Dans ce cas, je le maintiens.
Mme la présidente. Monsieur Canevet, l’amendement n° 26 est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 26 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 5
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mme Gruny, MM. D. Laurent et Segouin, Mme Noël, M. Decool, Mme Chauvin, M. Cuypers, Mme Micouleau, MM. Bazin, Chasseing et A. Marc, Mme Di Folco, MM. Piednoir, Houpert, Boré, Le Rudulier, Sol, Lefèvre, Cardoux, Bascher et Burgoa, Mme Imbert, M. Chatillon, Mme Billon, MM. Vogel, Paccaud et Chaize, Mmes Vermeillet et Dumont, MM. Saury et Anglars, Mmes Deromedi et Belrhiti, M. Savary, Mmes Bonfanti-Dossat et Joseph, MM. Bonne, Menonville et Brisson, Mmes Pluchet, Puissat et Berthet, MM. Hugonet, H. Leroy, Charon, Laménie, Somon, Bouchet et Pellevat, Mmes Saint-Pé et Bellurot, MM. Duffourg et Hingray, Mmes Doineau et Sollogoub, MM. Savin, Moga et Pointereau, Mme Jacques, MM. Favreau, Belin et Bonnus, Mme Deroche, MM. Mouiller, J.M. Arnaud et Bacci, Mme Drexler et MM. Détraigne, Genet, Levi, E. Blanc, Klinger, Daubresse, de Nicolaÿ, Cadec, Panunzi, Milon et Rojouan.
L’amendement n° 45 est présenté par M. Bonhomme.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre Ier du livre Ier du code de l’environnement est complété par un article L. 110-… ainsi rédigé :
« Art. L. 110-…. – Toute décision publique en matière de protection de l’environnement prend en compte le coût qu’elle implique pour son auteur, ses destinataires et les tiers ainsi que la complexité des règles particulières qu’ils doivent appliquer et respecter. Ce coût et ces règles doivent être limités au strict nécessaire et proportionnés aux objectifs à atteindre. »
La parole est à M. Laurent Duplomb, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié bis.
M. Laurent Duplomb. Madame la secrétaire d’État, cet amendement est relativement simple. Puisque vous et vos services êtes prêts à étudier les situations au cas par cas et à faire en sorte que l’hydroélectricité soit mieux traitée, je vous propose de mettre en application la loi pour un État au service d’une société de confiance, dite loi Essoc, du 10 août 2018 : il s’agit de rechercher le meilleur rapport coût-efficacité inscrit dans le code de l’environnement et de l’appliquer aux investissements dans le domaine de l’hydroélectricité.
Lorsqu’elle impose, de façon dogmatique, la construction d’une passe à poisson, votre administration doit accepter que celle-ci ne coûte pas des sommes faramineuses, comme c’est le cas aujourd’hui. L’amendement vise à inscrire très précisément cette précaution dans la loi.
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° 45.
M. François Bonhomme. Dans le même esprit que le précédent, cet amendement vise à intégrer la recherche du meilleur rapport coût-efficacité dans le code de l’environnement et tend à donner une portée légale à la recommandation figurant en annexe de la loi Essoc.
Les prescriptions environnementales imposées aux exploitants doivent impérativement tenir compte de l’équilibre économique des installations, et veiller à préserver et à optimiser la production hydroélectrique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure pour avis. Ces amendements, dont le champ est très large, visent à ce que les mesures prises au titre de la protection de l’environnement tiennent compte des notions de coût et d’efficacité.
Une telle disposition modifierait substantiellement l’équilibre des règles environnementales et remettrait en cause les décisions publiques prises dans ce domaine. Ce dispositif codifié dans le titre du code de l’environnement, relatif aux principes généraux, dépasse manifestement le périmètre de la présente proposition de loi.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 5 rectifié bis et 45.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Le principe de proportionnalité est déjà inscrit dans le code de l’environnement au titre de la prise en compte du développement durable dans toutes ses composantes, y compris économique et sociale.
L’étude d’impact des normes, qu’elles soient environnementales ou non, doit d’ores et déjà comporter un volet relatif aux coûts induits, afin d’en mesurer les effets positifs ou négatifs avant la prise de décision.
En outre, la notion de « complexité des règles particulières » à appliquer est floue, tout au moins difficile à évaluer, et risque d’être source d’un large contentieux.
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je ne suis pas du tout d’accord avec cette analyse.
Le principe est simple. Admettons que l’administration impose au constructeur d’une centrale hydroélectrique de créer une passe à poissons pour un montant de 100 000 euros.
Or le même constructeur, au titre d’un devis différent, peut très bien aménager une passe à poissons à moindres frais – pour 50 000 euros par exemple –, qui répondra tout autant aux conditions fixées par l’administration.
En dépit de ce devis alternatif, je peux vous garantir que l’administration imposera la passe à poissons coûtant 100 000 euros !
M. Vincent Segouin. Tout à fait !
M. Laurent Duplomb. Il nous faut absolument réécrire les règles ! La loi Essoc a justement été votée pour que les contraintes imposées ne puissent pas compromettre un business plan qui s’équilibre.
Le système actuel est une façon détournée d’inciter à rayer de la carte les éventuels investissements des centrales hydroélectriques. Demander aux constructeurs des investissements plus lourds que ce qu’ils sont capables de rembourser, cela revient à tuer le projet avant qu’il naisse !
Nous devons absolument voter cet amendement pour contraindre l’administration à faire ce qu’elle ne veut pas faire. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je partage totalement les propos de mon collègue. Nous connaissons tous des exemples de passes à poissons construites à des prix exorbitants. Parfois, ce sont des particuliers qui nous alertent. À chaque fois on nous promet que l’Agence de l’eau financera ces projets, comme si c’était une finalité en soi… Mais on ne se pose jamais la question du rapport coût-efficacité !
Nous devons rétablir un certain équilibre des règles environnementales.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. N’y a-t-il pas un malentendu sur la notion de coût-efficacité ?
Personnellement, je considère qu’il est très difficile de définir l’efficacité. On peut en faire une évaluation économique ou monétaire, et faire le parallèle avec le coût d’une réalisation ou d’un investissement. En revanche, en matière environnementale, on ne peut pas tout chiffrer sous forme monétaire.
Je ne crois pas que le rapport coût-efficacité ait déjà été défini dans la législation, d’où l’existence d’une forme de malentendu. Pour autant, j’entends l’argumentation développée pour favoriser l’émergence de projets d’investissements.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour explication de vote.
M. Didier Mandelli. Je veux, pour ma part, saluer le travail accompli par le rapporteur, qui avait émis des avis très clairs. Quoi qu’il en soit, ces amendements traduisent le manque de dialogue, d’échanges sur le terrain, de prise en compte des réalités.
Pouvez-vous prendre l’engagement, madame la secrétaire d’État, que sera définie une obligation de résultat, et non de moyen ?
Je décèle dans vos propos beaucoup de bonnes intentions. Mais en réalité, sur le terrain – nous avons reçu de nombreux témoignages –, l’administration ne prend pas en compte ce que disent les uns et les autres.
Outre une obligation de résultat, il faudrait prévoir un système permettant de comparer les propositions, avec des résultats à la hauteur.
Je vous incite donc au dialogue, et vous suggère de demander à votre administration d’être davantage à l’écoute.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure pour avis. Les amendements identiques nos 5 rectifié bis et 45 vont bien au-delà de la seule continuité écologique et englobent toutes les mesures environnementales.
L’amendement n° 62, que Patrick Chauvet présentera dans quelques instants, satisfera sans doute la demande de leurs auteurs.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrick Chauvet, rapporteur. Je défendrai en effet, lors de l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels à l’article 7, un amendement n° 62 relatif au coût des prescriptions.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Somon, pour explication de vote.
M. Laurent Somon. J’abonderai les propos sur le rapport coût-efficacité et le respect des normes écologiques.
Dans le canal de la Somme – c’est aussi un fleuve –, plusieurs passes à poissons ont dû être aménagées. Je ne peux que déplorer les quantités de béton nécessitées par ces constructions. C’est d’autant plus regrettable que l’on aurait pu réaliser des rivières artificielles et des déviations, comme à Pont-Rémy, dans cette magnifique région qui est la mienne : le coût des passes s’en est trouvé considérablement réduit et les remontées de poissons ont eu lieu sans problème.
Encore une fois, je vous invite à venir constater sur place les conséquences de ces aménagements en termes de bilan carbone, compte tenu de tout le ciment dont on a besoin !
Au-delà des rivières artificielles et autres solutions de substitution, nous rencontrons des difficultés avec les services de l’État s’agissant du fonctionnement des écluses. Au port de Saint Valéry, là où la Somme se jette dans la mer, il est impératif de trouver une solution pour que les écluses permettent la remontée des anguilles, et en particulier du saumon, auquel je suis très attaché, naturellement. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Rien n’a encore abouti ! Il faut démontrer que le fonctionnement des écluses peut assurer, de façon tout à fait naturelle, la remontée des poissons migrateurs. Mais partout en France, manifestement, la logique poursuivie n’est ni raisonnable ni optimale.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Nous ne voterons pas ces amendements.
Mon collègue Duplomb a raison : une passe à poissons à 50 000 euros peut très bien avoir la même efficacité environnementale qu’une passe à 100 000 euros ! C’est du pragmatisme : personne, ici, ne dira le contraire.
M. Laurent Duplomb. C’est le bon sens paysan !
M. Fabien Gay. À lire les amendements, les choses sont en réalité un peu plus complexes.
Comme le disait Franck Montaugé, comment estimer le rapport coût-efficacité ? Du point de vue de l’efficacité économique, la passe à 50 000 euros l’emportera toujours. Mais qu’en est-il de l’efficacité environnementale ?
Je partage les propos de M. Mandelli sur l’obligation de résultat. Que l’on chiffre d’abord les choses, que l’on détermine le résultat environnemental !
En droit du travail, aussi, je suis favorable à ce que les employeurs soient soumis à une obligation de résultat plutôt qu’à une obligation de moyen, laquelle ne signifie pas grand-chose.
Le débat entre obligation de moyen et obligation de résultat, on sait le définir ! En revanche, le concept de coût-efficacité reste flou et semble toujours favoriser l’efficacité économique au détriment de l’efficacité environnementale.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié bis et 45.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 36 rectifié quater est présenté par MM. Menonville, Guerriau, Verzelen, Chasseing, A. Marc et Capus, Mme Mélot et M. Lagourgue.
L’amendement n° 41 rectifié est présenté par M. Bonhomme.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sauf démarche volontaire des propriétaires d’ouvrages y compris lors des renouvellements d’autorisations, aucun équipement ni aménagement desdits ouvrages ne peut être imposé s’il ne se trouve sur un cours d’eau classé au titre des listes mentionnées au présent 2. »
La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 36 rectifié quater.
M. Franck Menonville. Cet amendement vise à empêcher l’administration d’imposer, sans suffisamment de discernement, des travaux de rétablissement de continuité écologique.
Dans mon département de la Meuse – vous pourrez le confirmer, Gérard Longuet –, de nombreux ouvrages très anciens sont concernés.
Autant je peux imaginer que cette obligation de rétablissement de continuité écologique ne pose pas de problèmes pour les constructions actuelles ou récentes, autant elle est extrêmement mal vécue par les propriétaires d’ouvrages anciens, parfois centenaires. À tout le moins, elle suscite leur incompréhension.
Tout cela donne l’image d’un bien mauvais usage des financements publics. Nous avons sans doute d’autres combats à mener. À Montplonne, les propriétaires d’un moulin se trouvent soumis à des niveaux d’investissement considérables. C’est un non-sens devant l’histoire !
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° 41 rectifié.
M. François Bonhomme. Au vu du grand nombre de cours d’eau classés en liste 2, les propriétaires d’ouvrages sont quelque peu perdus. Ils ont besoin de sécurité juridique et de savoir à quoi s’en tenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de l’aménagement du territoire ?
Mme Laurence Muller-Bronn, rapporteure pour avis. Ces amendements visent à exempter des règles de la continuité écologique les ouvrages hydrauliques situés sur les cours d’eau classés en liste 1, qui sont en très bon état écologique ou jouent le rôle de réservoirs biologiques.
Une telle mesure porterait atteinte à la biodiversité de ces cours d’eau et reviendrait à annuler les efforts financiers déjà accomplis par les propriétaires d’ouvrages.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. L’article 5 du présent texte prévoit d’augmenter le nombre d’ouvrages exonérés des obligations de restauration à court terme, uniquement sur les 11 % de cours d’eau les plus prioritaires.
Ces amendements tendent à proscrire toute prescription de restauration de la continuité écologique sur l’ensemble des autres cours d’eau de France, y compris lors du renouvellement d’autorisation. Ce n’est pas parce que 11 % seulement de nos cours d’eau sont considérés comme prioritaires qu’il faut renoncer, au cas par cas, à toute action sur les autres rivières !
Demain, les changements climatiques affecteront nos rivières. Une baisse des débits anticipée se dessine déjà ; elle sera de l’ordre de 10 à 30 % d’ici à la fin du siècle.
Les ouvrages anciens ne sont pas remis en cause. L’administration a simplement la possibilité, lors du renouvellement des autorisations, d’améliorer leurs performances. Ces amendements, s’ils étaient adoptés, empêcheraient la réduction progressive d’impact des activités et des installations. À ce titre, ils constitueraient une régression grave du droit de l’environnement.
Le Gouvernement émet donc un avis très défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Permettez-moi d’être consterné, madame la secrétaire d’État, non pas par votre personne, qui est sympathique et attachante – nous partageons les mêmes paysages et la même histoire –, mais par votre réponse.
L’industrie papetière, l’industrie de la forge et la métallurgie sont nées de la gestion pertinente des forêts et des cours d’eau.
Nos prédécesseurs étaient-ils tous des imbéciles ? Tel est le sentiment que l’on éprouve quand on lit des textes catégoriques expliquant que, si l’on n’établit pas la continuité des cours d’eau, rien ne sera possible.
À partir du XIIIe siècle, les moines ont créé les premières papeteries que, d’une façon constante, des générations d’entrepreneurs – les uns modestes artisans, les autres devenus de véritables industriels – ont optimisées.
Aujourd’hui, ils s’efforcent de les entretenir, alors qu’ils n’en ont souvent plus l’utilité. En effet, la tentation est très forte de s’adresser à un grand fournisseur comme EDF, qui fête ses 75 ans cette année.
Si nous appliquions votre procédure, nous n’aurions pas de travaux, parce que leur coût et leurs répercussions sur le fonctionnement des équipements les rendraient impossibles à réaliser. Cela se traduirait par une dégradation dans des territoires qui, étant par ailleurs en déclin démographique, ne mobiliseront jamais les moyens que vous prétendez imposer.
Et tout cela pour conforter la satisfaction intellectuelle de personnes qui mettent un point d’honneur à nous donner des leçons sur nos territoires, comme ils mettent un point d’honneur à ne pas y vivre ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. Laurent Duplomb. Voilà qui est envoyé !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. On remet beaucoup en perspective et on fait beaucoup d’histoire… Mais au Moyen Âge, et encore il y a deux siècles, la biodiversité n’était pas encore un enjeu, même si des pollutions existaient déjà.
Aujourd’hui, ces mesures, qui peuvent paraître drastiques, sont la conséquence d’une accumulation d’impacts divers sur la biodiversité – impacts chimiques, impacts de continuité des cours d’eau, impacts sur des frayères – qui ont asséché un grand nombre de zones humides. Tout cela fait que les choses ne fonctionnent plus aujourd’hui.
J’entends bien que chacun ici est spécialiste du sujet, mais on ne peut tout de même pas rayer d’un trait de plume ou balayer d’un revers de main le travail d’écologues et de scientifiques patentés.
On l’a fait pendant longtemps avec le réchauffement climatique,…
M. Gérard Longuet. Cela n’a rien à voir !
M. Daniel Salmon. … et on voit où l’on en est aujourd’hui : la biodiversité est en jeu. Ce n’est pas une élucubration d’écologistes, c’est un fait. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Certes, on peut encore regarder ailleurs ou continuer de mettre la tête dans le sable, mais on en reparlera alors dans quelques années !
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué l’inévitable réchauffement climatique. Certes, mais il ne faudrait pas non plus que celui-ci serve à tout propos et pour n’importe quoi !
Je vous rappelle que vous avez déploré ici même la réduction des débits d’eau. Comment expliquer alors la frilosité de l’administration et surtout du pouvoir politique, qui ne parle que de moratoire quand il s’agit de faire sortir des retenues d’eau, qu’elles soient d’usage agricole ou autre, notamment pour permettre le soutien à l’étiage ? Il y a là une contradiction manifeste !
Il n’est qu’à voir ce qui se passe sur le barrage de Sivens ! Un moratoire a été décidé voilà six ans : on va faire un Sivens 2, on va réaliser des études… Quelque 700 000 euros ont été consacrés à des études supplémentaires et, aujourd’hui, rien n’a bougé : les porteurs de projets sont désespérés ; ils ont compris que ce projet n’allait pas se faire ou qu’il se ferait très difficilement. Vous les avez découragés, comme l’avait fait le précédent gouvernement.
Quand bien même ce ne serait pas possible pour le site de Sivens, nous sommes tout de même un pays de cocagne, avec des rivières, des cours d’eau, de la pluviométrie… Pourquoi se priver des moyens de soutien à l’étiage ?
C’est pourquoi je ne comprends pas vos déplorations, madame la secrétaire d’État : il y a une contradiction manifeste dans vos propos, et c’est bien dommage.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 36 rectifié quater et 41 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 4 rectifié bis est présenté par MM. Duplomb, J.-M. Boyer et D. Laurent, Mme Gruny, MM. Segouin, Decool, Cuypers et Sol, Mmes Chauvin, Noël, Micouleau et Joseph, MM. Bazin, Houpert, A. Marc, Le Rudulier et Boré, Mme Di Folco, MM. Chasseing, Lefèvre, Cardoux, Bascher et Burgoa, Mme Imbert, M. Chatillon, Mme Billon, MM. Vogel et Paccaud, Mme Lassarade, M. Chaize, Mmes Vermeillet et Dumont, MM. Saury et Anglars, Mme Deromedi, MM. Perrin et Rietmann, Mme Belrhiti, M. Savary, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Brisson, Mmes Pluchet, Puissat et Berthet, MM. Hugonet, H. Leroy, Babary, Charon, Laménie, Somon, Bouchet et Pellevat, Mmes Saint-Pé et Bellurot, MM. Duffourg et Hingray, Mmes Doineau et Sollogoub, MM. Savin, Genet, Belin et Favreau, Mme Jacques, MM. Pointereau, Moga, Piednoir et Daubresse, Mme Drexler, MM. de Nicolaÿ, Levi, E. Blanc, Klinger, Détraigne, J.-M. Arnaud et Mouiller, Mme Deroche et MM. Bacci, Rojouan, Milon, Cadec et Panunzi.
L’amendement n° 37 rectifié quinquies est présenté par MM. Menonville, Guerriau, Verzelen, Wattebled et Capus, Mme Mélot et MM. Lagourgue et Malhuret.
L’amendement n° 42 est présenté par M. Bonhomme.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’autorité administrative compétente doit, sans délai, procéder au déclassement des cours d’eau classés au titre de l’article L. 214-17 du code de l’environnement pour lesquels il est apporté la démonstration que les critères de classement prévus par la loi ne sont pas réunis.
La parole est à M. Laurent Duplomb, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié bis.