compte rendu intégral

Présidence de M. Pierre Laurent

vice-président

Secrétaires :

Mme Martine Filleul,

M. Jacques Grosperrin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage

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Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Lors du scrutin n° 99 sur l’amendement n° 290 rectifié bis tendant à insérer un article additionnel après l’article 2 bis du projet de loi confortant le respect des principes de la République, mon collègue Bernard Delcros a été enregistré comme s’étant abstenu, alors qu’il souhaitait voter contre.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

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Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine du 4 avril 1979, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
Discussion générale (suite)

Convention fiscale avec l’Argentine

Adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine du 4 avril 1979, en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (projet n° 701 [2019-2020], texte de la commission n° 481, rapport n° 480).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine du 4 avril 1979, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune
Article unique

Mme Olivia Gregoire, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de léconomie sociale, solidaire et responsable. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 6 décembre 2019, la France et l’Argentine ont signé un avenant à la convention du 4 avril 1979 en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, déjà modifiée par un avenant en date du 15 août 2001.

Cette convention, qui fut le second instrument signé par la France avec un pays membre du Mercosur, témoigne des relations fluides et solides qu’entretiennent nos deux pays depuis de nombreuses années. Elle fixe les règles de répartition du droit d’imposer entre la France et l’Argentine, dans le but d’éliminer les doubles impositions pouvant résulter de l’application des législations fiscales nationales sur les différentes catégories de revenus qu’elle vise.

Cette convention, ancienne, devait être actualisée afin que puissent être prises en compte certaines spécificités de la législation française et que la France bénéficie de plafonds de retenue à la source inférieurs à ceux qui sont actuellement prévus. La conclusion de cet avenant s’inscrit dans le cadre d’une excellente relation bilatérale, qui investit de nombreux domaines : produits pharmaceutiques, parfumerie, chimie organique de base, agriculture, automobile.

Ainsi, le dialogue politique entre nos deux pays s’est considérablement développé ces dernières années, comme en témoignent les entretiens réguliers entre les ministres des affaires étrangères et la visite du président Fernandez en France, au mois de février 2020. Ce dernier devrait se rendre à nouveau dans notre pays cet été, à l’occasion du Forum Génération Égalité, auquel le Président de la République l’a invité à participer.

Dans les domaines économique et commercial, la présence française en Argentine est très diversifiée, avec 250 entreprises représentant 50 000 emplois, ce qui place la France au rang de dixième fournisseur de l’Argentine et de quatrième parmi les pays européens, derrière l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. En dépit des défis liés à la situation économique et financière actuelle, la France bénéficie d’un potentiel important, que l’avenant à la convention fiscale aujourd’hui proposé à votre approbation, mesdames, messieurs les sénateurs, permettra encore de développer.

Je souhaite maintenant vous présenter les avancées permises par la conclusion de cet avenant.

Tout d’abord, conformément à l’objectif visé par la France, cet avenant réduit les taux plafonds conventionnels de retenue à la source sur les intérêts, les dividendes et les redevances, et les gains résultant de la cession d’actions. Cette réduction se fera au bénéfice du Trésor public français, à la charge duquel le montant de l’impôt argentin à éliminer sera diminué. Compte tenu de l’asymétrie des flux d’investissement, qui se traduisent par une forte présence des entreprises françaises en Argentine, l’abaissement de ces taux joue mécaniquement en faveur de nos intérêts économiques et sera également profitable à nos entreprises.

De plus, l’avenant intègre une clause de la nation la plus favorisée, de portée large, garantissant à la France le bénéfice automatique des taux plus réduits que l’Argentine serait susceptible de concéder à d’autres partenaires en matière de revenus passifs – intérêts, dividendes, redevances –, de gains en capital et de revenus de professions indépendantes ou d’établissement stable.

Cet avenant permet également de lutter contre les schémas d’évasion fiscale lors de la cession d’immeubles au travers de fiducies ou de trusts. Il précise, en outre, le champ d’application des redevances taxables en Argentine, en y empêchant l’imposition des services ordinaires rendus par les entreprises françaises sans qu’il soit fait recours à un établissement stable sur place.

Enfin, l’avenant ajoute une clause permettant, dans l’État d’exercice de l’activité, l’exonération d’impôt des salaires versés aux volontaires internationaux à l’étranger. Il s’agit là d’un souhait manifesté par la France, conforme à ce qu’elle négocie habituellement dans ses conventions.

En échange de ces avancées, la France a accepté l’insertion d’une clause relative aux établissements stables, c’est-à-dire d’une base taxable, en l’absence de toute installation matérielle, dès lors qu’une entreprise rend des services dans un État pour une durée représentant plus de 183 jours au cours d’une année. Cette clause est présente dans la quasi-totalité des conventions signées par l’Argentine, ainsi que dans de nombreuses conventions fiscales conclues par la France.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les principales observations qu’appelle l’avenant à la convention entre la France et l’Argentine du 4 avril 1979, qu’il vous est proposé d’adopter.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Vincent Delahaye, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la convention fiscale avec l’Argentine a été conclue en 1979 ; elle témoigne de l’ancienneté de nos relations économiques et diplomatiques avec ce pays.

La présence française en Argentine demeure aujourd’hui significative, puisque 15 000 de nos ressortissants y sont établis, notamment près de 1 000 étudiants. La France figure au huitième rang des investisseurs étrangers en Argentine, tandis que de grands groupes français y sont implantés, ainsi que près de 250 entreprises. Les échanges commerciaux demeurent cependant très asymétriques : alors que la France est le dixième fournisseur de l’Argentine, cette dernière n’est que le soixante-dixième fournisseur de notre pays.

Depuis la signature d’un avenant en 2001, les intérêts, les dividendes et les redevances sont en principe imposables dans l’État de résidence du bénéficiaire. Néanmoins, la convention autorise l’État d’où proviennent ces revenus à taxer ces derniers, dans la limite d’un plafond fixé à 15 % pour les dividendes, à 20 % pour les intérêts et à 18 % pour les redevances. Cette retenue à la source ouvre droit, en France, à un crédit d’impôt équivalent, qui ne peut excéder l’impôt dû en France au titre de ces revenus. Les gains en capital, quant à eux, font l’objet d’un traitement différent, puisqu’ils sont exclusivement imposables dans l’État source, sans que cet impôt soit plafonné.

À l’aune de ces éléments, notamment des taux élevés de retenue à la source, il apparaît que la convention franco-argentine se rapproche davantage du modèle de convention de l’Organisation des Nations unies (ONU), qui vise à octroyer aux pays en développement plus de droits d’imposition sur les revenus générés par les investissements étrangers qui y sont réalisés.

Cette situation, en tant que telle, n’est pas problématique. Cependant, dans la mesure où la France est essentiellement État de résidence dans ses relations avec l’Argentine, ces taux élevés sont préjudiciables à notre pays à deux titres, d’une part, en renchérissant le coût des investissements pour les entreprises françaises, d’autre part, en diminuant les recettes fiscales pour le Trésor public. De plus, rien ne justifie le maintien de ces taux, l’Argentine ayant conclu ces dernières années des conventions fiscales nettement plus avantageuses, qui prévoient des plafonds de retenue à la source inférieurs.

C’est donc essentiellement pour obtenir une réduction de ces taux que la France a souhaité renégocier la convention. Les discussions ont eu lieu au mois de mai 2019 à Buenos Aires ; après un seul tour de négociations, elles ont abouti à la signature de l’avenant le 6 décembre 2019. La France a obtenu une diminution significative des taux de retenue à la source sur les dividendes, les intérêts et les redevances, et sera à l’avenir aussi bien traitée que ses partenaires européens, voire mieux dans certains cas.

Nos négociateurs ont également obtenu l’insertion de plusieurs clauses du modèle France au sein de la convention, ce qui nous permet de continuer à appliquer notre législation interne dans un certain nombre de cas. En contrepartie, la France s’est engagée à reconnaître un établissement stable de services, ce qui n’est pas anodin.

Toutefois, en dépit de cette concession, l’équilibre global de l’avenant demeure favorable à notre pays. Trois avancées significatives ont été obtenues par la France au titre des négociations, à savoir la réduction des taux de retenue à la source, l’insertion de clauses du modèle France et l’élargissement de la clause de la nation la plus favorisée.

L’article 2 prévoit une diminution du taux de retenue à la source sur les dividendes de 15 % à 10 % en cas de participation substantielle du bénéficiaire sur une période de 365 jours. Il s’agit là d’un alignement sur les taux les plus avantageux octroyés par l’Argentine – seules l’Italie et l’Allemagne bénéficient à ce jour de taux inférieurs. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) préconise de fixer le plafond non pas à 10 %, mais à 5 %.

L’article 3 réduit le taux de retenue à la source sur les intérêts de 20 % à 12 %, soit à un niveau plus conforme au modèle de convention de l’OCDE, qui le fixe à 10 %.

Enfin, l’article 4 diminue les taux de retenue à la source en matière de redevances, tout en opérant une différenciation des plafonds applicables en fonction des catégories de revenus. Le taux de retenue à la source passe donc de 18 %, toutes catégories de redevances confondues, à 3 % s’agissant des redevances versées pour l’usage ou la concession de l’usage d’informations internationales, à 5 % pour les redevances versées pour l’usage ou la concession de l’usage d’un droit d’auteur sur des œuvres littéraires, artistiques ou scientifiques et à 10 % dans tous les autres cas.

Notre pays a également négocié une clarification du champ des revenus compris dans les redevances. L’article 6 exclut ainsi explicitement des redevances les rémunérations de services « normalisés », c’est-à-dire ceux qui ne font appel qu’au savoir-faire usuel de la profession du prestataire. Cette stipulation est loin d’être anodine, en tant qu’elle acte la renonciation de l’Argentine à taxer les services rendus par une entreprise sans recours à un établissement stable sur le territoire argentin.

J’en viens enfin aux stipulations relatives aux gains en capital. À la demande de la France, l’article 5 plafonne l’imposition dans l’État source sur les gains réalisés lors de la cession du capital d’une société : lorsque le cédant détient une participation supérieure à 25 %, le taux maximum de retenue à la source est fixé à 10 %, tandis qu’il s’élève à 15 % dans les autres cas.

De manière générale, les entreprises françaises procédant à des investissements en Argentine bénéficieront de la réduction de ces différents plafonds, et verront ainsi leur charge fiscale locale diminuée et plafonnée.

Certes, la diminution des taux de retenue à la source n’aura pas d’impact sur la charge fiscale totale des entreprises, puisque le cumul du prélèvement à la source argentin et du reliquat d’impôt français a vocation à égaler le montant de l’impôt que le contribuable aurait payé en France. Si le résultat de l’entreprise est déficitaire, en revanche, seul le prélèvement argentin subsiste. La diminution des plafonds de retenue aura alors un impact direct sur le niveau d’imposition des entreprises.

L’insertion de plusieurs clauses du modèle France au sein de la convention franco-argentine a aussi été décidée. Sans entrer dans le détail de chaque dispositif, je tiens tout de même à souligner que ces différentes stipulations sécurisent le cadre juridique applicable aux relations fiscales franco-argentines, garantissent l’application du droit interne français et rendent conforme la convention de 1979 au modèle de convention de l’OCDE.

Je relève également que la France a négocié la mise en place d’une exonération d’impôt sur le revenu pour les volontaires internationaux, qui devrait concerner une quarantaine de personnes annuellement.

Le troisième type de concession obtenue par la France concerne l’insertion au sein du protocole de la convention d’une clause de la nation la plus favorisée, dont la portée est relativement large. Notre pays disposait déjà d’une telle clause, mais celle-ci se limitait au régime des paiements effectués pour les travaux d’étude ou de recherche de nature scientifique ou technique. La nouvelle clause prévoit que la France, à compter de la signature de l’avenant, bénéficiera automatiquement du traitement plus favorable que l’Argentine serait susceptible d’accorder à un autre État en matière de revenus passifs, de gains en capital et de revenus de professions indépendantes.

Cette clause a donc une portée nettement plus vaste que la précédente. À cet égard, permettez-moi de vous signaler que, si la France avait bénéficié d’une telle clause dès 1979, nous n’aurions pas eu à négocier cet avenant, puisque les taux de retenue à la source pratiqués par l’Argentine auraient été revus progressivement à la baisse.

Il me semble intéressant de préciser également que l’Argentine a conclu ce type de clauses avec de nombreux pays, ce qui a pu limiter nos marges de négociation. En effet, toute concession à l’égard de la France aurait dû automatiquement être accordée à d’autres partenaires.

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après vous avoir présenté les principales avancées obtenues par la France, il me faut maintenant vous exposer leur contrepartie, à savoir l’insertion d’une clause portant reconnaissance d’un établissement stable de services.

L’Argentine souhaitait initialement taxer l’ensemble des services rendus par les entreprises françaises sur son territoire, sur une base brute et sans condition de durée, par le biais de l’article sur les redevances. Dans la mesure où cette clause aurait été particulièrement préjudiciable aux entreprises françaises, les négociateurs français ont refusé de l’insérer dans la convention. Les négociations ont finalement abouti à la reconnaissance de l’établissement stable de services en l’absence de toute installation matérielle.

En principe, le siège français d’une entreprise qui ne possède pas de filiales en Argentine dispose du droit exclusif de taxer les bénéfices, sauf si un établissement stable est caractérisé sur place. Il peut s’agir d’un établissement stable traditionnel, c’est-à-dire d’un bureau ou d’un atelier. Cependant, la clause négociée dans l’avenant reconnaît également l’existence d’un établissement stable en l’absence de toute installation matérielle en Argentine, dès lors qu’une entreprise rend des services pour une période cumulée représentant plus de 183 jours au cours d’une année. Si un tel établissement stable est constitué, l’Argentine disposera du droit exclusif de taxer les bénéfices qui s’y rattachent.

Cela étant, l’impact fiscal de cette disposition devrait rester limité, puisqu’elle ne concernerait qu’une trentaine d’entreprises sur les 250 qui exercent une partie de leur activité en Argentine. Les prestataires français qui interviennent plus de 183 jours par an sur un territoire finissent de toute façon par y constituer une installation fixe, donc un établissement stable…

Enfin, d’un point de vue budgétaire, je n’ai malheureusement pas pu obtenir de données chiffrées sur la perte de recettes fiscales pour le Trésor public. L’administration fiscale m’a toutefois indiqué que ces dernières devraient rester très limitées.

Pour conclure, le nouvel équilibre conventionnel résultant de la signature de cet avenant est globalement avantageux pour notre pays. Compte tenu de l’asymétrie de nos échanges économiques avec l’Argentine, la réduction des taux de retenue à la source sera très bénéfique au Trésor public, tout en améliorant la position concurrentielle de nos entreprises sur le territoire argentin. En parallèle, la reconnaissance d’un établissement stable de services ne devrait pas entraîner de préjudice fiscal de grande ampleur.

Enfin, il convient de saluer la clarification opérée dans un certain nombre de cas, conduisant à sécuriser l’application de dispositifs de droit interne.

C’est donc sans modifications que la commission des finances a adopté ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.

M. Paul Toussaint Parigi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui entend élargir et actualiser dans le domaine fiscal les accords qui prévalent entre la France et l’Argentine depuis la convention du 4 avril 1979, modifiés par un avenant en date du 15 août 2001.

Plus globalement, l’Argentine, membre du G20 et candidate à l’OCDE, a toujours été un partenaire majeur de la France en Amérique latine. La France, quant à elle, a toujours été aux côtés de l’Argentine, en matière tant de développement social et culturel que de développement économique : elle est le dixième fournisseur de l’Argentine et le quatrième parmi les pays européens, derrière l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.

Aussi, même si nous nous interrogeons sur les raisons qui ont justifié d’attendre une année avant de signer le décret de présentation de l’avenant devant le Parlement, nous ne pouvons qu’accueillir favorablement ce projet de loi ; il s’inscrit dans la logique de nos histoires respectives et a pour vertu, et non des moindres, d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune.

Plus précisément, cette convention fixe les règles de répartition du droit d’imposer entre la France et l’Argentine en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et tend à rationaliser les doublons d’imposition qu’induirait l’application des législations fiscales nationales sur les différentes catégories de revenus qu’elle vise.

Même si certaines conventions tendant à éviter les doubles impositions, conclues ultérieurement par l’Argentine avec d’autres États partenaires, fixent pour ces mêmes revenus des plafonds de retenue à la source inférieurs à ceux que prévoit la présente convention, force est de constater que le nouvel équilibre conventionnel devrait se révéler globalement favorable aux intérêts économiques français, notamment par l’introduction de la nouvelle clause de la nation la plus favorisée.

En permettant à la France de bénéficier de taux de retenue à la source les plus bas possible, cette disposition paraît bénéfique pour les activités françaises. À l’avenir, notre pays bénéficiera donc automatiquement du traitement plus favorable que l’Argentine serait susceptible d’accorder à un autre État en matière de revenus passifs – intérêts, dividendes et redevances –, de gains en capital, de revenus de professions indépendantes ou d’établissement stable.

L’insertion de cette clause constitue une concession significative, garantissant que la France bénéficiera toujours des taux les plus favorables octroyés par l’Argentine à ses partenaires.

Ce texte est enfin l’occasion de souligner deux points sur lesquels je souhaite appeler votre attention.

En premier lieu, la décision du Conseil d’État du 11 décembre 2020 élargit la notion d’établissement stable à nombre de situations qui visent l’économie numérique, avec des potentialités d’application plus larges. Il s’agit là d’enjeux dont la France doit absolument se saisir, en s’engageant à étendre la notion d’établissement stable aux géants du numérique.

En second lieu, le Parlement argentin vient de voter un impôt exceptionnel sur la fortune pour financer les services publics et les aides sociales face à la crise. Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous envisager que nous en fassions autant ? Nous en formulons le vœu une nouvelle fois !

M. le président. La parole est à M. Teva Rohfritsch.

M. Teva Rohfritsch. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les orateurs qui m’ont précédé ont rappelé avec justesse les nombreux apports de ce texte et n’ont pas manqué de nous convaincre de son utilité.

Il serait fastidieux que je reprenne à mon tour l’inventaire de ces arguments. Je souhaite, à l’inverse, que nous prenions un peu de recul et que nous mettions ce texte en perspective, notamment au regard de la politique fiscale du Gouvernement.

Depuis 2017, la majorité présidentielle s’est engagée à lutter contre la fraude fiscale et à renforcer le socle d’impositions de la France sur son propre sol et à l’étranger. Le Gouvernement, avec le soutien de notre groupe, a lancé plusieurs réformes d’une ampleur inédite, à savoir la loi relative à la lutte contre la fraude, la taxe sur les services numériques, la signature d’une convention multilatérale avec l’OCDE et le projet d’impôt minimum avec le G20. C’est à tous ces niveaux que nous avons porté nos efforts pour lutter contre la fraude et faire en sorte que tous les impôts dus en France soient acquittés par les contribuables sur le territoire de la République.

Reste que tous ces outils, si précieux soient-ils, ne trouvent leur justification qu’à travers cette brique fondamentale de notre modèle fiscal que sont les conventions fiscales bilatérales. Celles-ci doivent être négociées ou renégociées régulièrement pour suivre les évolutions de nos droits nationaux et pour éviter les doubles impositions qui risquent de se multiplier à mesure que notre droit fiscal se complexifie.

L’avenant que nous examinons ce matin se place dans cette logique. Il permet de mettre à jour la convention fiscale qui lie la France et l’Argentine – pays qui nourrissent depuis des années un étroit partenariat économique – et de la rendre plus favorable à notre nation. C’est pour obtenir une réduction des taux de prélèvement à la source appliqués en Argentine que la France a souhaité renégocier cette convention, entre les mois de mai et décembre 2019.

Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, cette convention a notamment permis trois avancées considérables pour la France : l’insertion d’une nouvelle clause de la nation la plus favorisée, la réduction des taux de retenue à la source, l’insertion de clauses spécifiques pour que notre pays puisse continuer à optimiser l’application de sa propre législation fiscale dans un certain nombre de cas.

La clause de la nation la plus favorisée est un outil très efficace, grâce auquel la France bénéficiera automatiquement du traitement fiscal le plus favorable accordé par l’Argentine à l’un de ses partenaires, que ce soit pour les gains en capital ou les revenus passifs.

Les taux de retenue à la source pénalisaient les investissements des entreprises françaises et grevaient à long terme les recettes du Trésor public. La diminution de ces taux profitera largement à la France. Elle concernera les dividendes ou les gains en capital, en cas de participation substantielle dans une société, mais également les intérêts qui seront ramenés à un taux proche du modèle de convention de l’OCDE.

Enfin, l’avenant réduira les taux de retenue à la source concernant les redevances, en fonction des biens ou des œuvres concernés. En contrepartie, la France a concédé au Gouvernement argentin une clause reconnaissant l’existence d’un établissement stable pour les entreprises de services intervenant plus de 183 jours en Argentine. Là encore, cette contrepartie sera limitée en ce qu’elle ne concernera qu’une trentaine d’entreprises.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera ce texte, comme nous y invite le rapporteur. Il continuera de soutenir le chantier entrepris par le Gouvernement pour renégocier l’ensemble des conventions fiscales bilatérales.

Avec la convention multilatérale signée avec l’OCDE, qui permet de fixer des règles générales d’imposition, ce texte clarifiera la situation fiscale applicable entre la France et l’Argentine et encouragera cet effort de simplification et d’harmonisation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne m’attarderai pas sur l’examen de ce texte. C’est un fait bien connu : l’Argentine exporte vers l’Europe principalement ses produits agroalimentaires – vin, bœuf, soja… – et ses sportifs. C’est une grande nation, à la fois du football et du rugby, avec des performances de classe mondiale dans les deux sports, le tout sur un air de tango ! (Sourires.)

Cet avenant à la convention fiscale de 1979 devrait renforcer la position des entreprises françaises implantées en Argentine, grâce à la réduction de la taxation des revenus du capital. L’imposition de certains dividendes passera ainsi d’un plafond de 15 % à 10 %, et celle des intérêts de 20 % à 12 %. Les exportateurs français devraient alors être mieux avantagés par rapport aux concurrents internationaux, bénéficiant de conventions plus favorables et, surtout, plus récentes. Les jeunes salariés en volontariat international en entreprise seront quant à eux exonérés d’impôt sur le revenu.

On ne peut que regretter la faiblesse relative des relations commerciales entre nos deux pays. Comme le rappelle l’étude d’impact, la France n’est que le quatrième fournisseur européen de l’Argentine, derrière l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie. Réciproquement, l’Argentine est pour nous un partenaire commercial moins important en Amérique latine que le Brésil, le Mexique ou même le Chili et le Pérou.

L’un des points importants de l’avenant consiste en l’introduction de la clause de la nation la plus favorisée, règle bien connue du commerce multilatéral, popularisée en son temps par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et emblématique du principe d’équité des échanges.

Je rappelle que le groupe du RDSE a défendu, en 2018, une proposition de résolution européenne en vue d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne, d’une part, et le Mercosur, d’autre part, afin de mieux tenir compte des intérêts de notre secteur agricole et de nos standards sociaux, sanitaires et environnementaux. Elle n’est toutefois pas encore entrée en vigueur… Le présent accord est-il concerné par ces négociations à grande échelle ?

Pour terminer sur une note originale, permettez-moi d’évoquer le cas de la truffe argentine, surnommée là-bas le « nouvel or noir ». Sa production est en plein essor. Destinée en grande partie à l’exportation, elle fait l’objet d’une méthode de récolte chronométrée et de conservation sous semi-vide, afin d’être exportée vers l’Europe et l’Amérique du Nord, sans que ses qualités gustatives soient altérées. La truffe du Nouveau Monde entend tirer bénéfice d’une commercialisation en contre-saison. Peut-être cette production contribuera-t-elle à relancer les échanges commerciaux, alors que la pandémie touche durement l’Amérique latine comme l’Europe…

En conclusion, en dépit de sa portée relativement limitée, cet accord comporte des éléments de progrès par rapport à la situation actuelle : le groupe du RDSE est favorable à son approbation.