M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier nos collègues du groupe socialiste d’avoir inscrit à l’ordre du jour cette proposition de loi visant à lutter contre la pollution par le plastique, laquelle constitue un véritable fléau des temps modernes.
Il s’agit d’un problème de santé publique, et de protection de la biodiversité et du vivant.
Je veux formuler d’abord une remarque globale. Au-delà des mesures précises de cette proposition de loi, qui traite essentiellement des microplastiques, il convient de nous interroger sur la stratégie adoptée, celle des « petits pas ».
Nous déplorons ainsi des mesures certes utiles, mais qui, sans changement de paradigme, ne réduiront qu’à la marge le problème, sans en traiter les racines. En effet, il est vain d’imaginer promouvoir réellement l’économie circulaire et la limitation des déchets de plastique, sans agir de manière plus forte sur notre modèle de production, en appréhendant ces questions uniquement sous l’angle de la réglementation de la consommation, de la production des déchets et de leur traçabilité.
Nous pensons, bien au contraire, qu’il faut en finir avec l’ordre cannibale qui pille et exploite ! Il convient ainsi de repenser l’ensemble de la chaîne de production. Qui décide ? Comment produit-on et pour qui ? Sous quel contrôle démocratique et citoyen ? Ces questions sont trop sérieuses pour être laissées à la main des lobbies ou des accords de libre-échange – vaste sujet !
Les mesures de la proposition de la loi viennent utilement compléter l’arsenal de la loi AGEC, certaines ayant été spécifiquement proposées dans ce cadre. Il en est ainsi de l’article 1er sur les fuites industrielles et de l’article 2 relatif aux microbilles intentionnellement ajoutées.
Pour notre part, nous proposons de revoir le champ d’application de l’article 2 afin de viser l’ensemble des produits de consommation courante.
L’article 3 reprend, pour partie, un amendement déjà déposé par la sénatrice Préville lors de l’examen de la loi AGEC. Nous le soutiendrons une nouvelle fois !
Le rapport demandé à l’article 4 nous paraît particulièrement opportun, considérant que la pollution par le plastique liée aux textiles constitue une source majeure de dégât environnemental. La fondation Ellen MacArthur décrivait en 2015 une fuite de 500 000 tonnes par an de ces fibres minuscules, sur une production totale de 53 millions de tonnes de textiles. Il convient donc d’avancer sur ces questions. Ce rapport devrait notamment étudier la faisabilité de l’équipement des machines à laver d’un filtre à particules, à l’image de ce qui existe déjà pour les voitures.
Nous devrons également nous interroger sur les alternatives naturelles à la production de textile à base de plastique. Ce problème repose la question de la maîtrise des enjeux de production et de limitation de la consommation. En outre, nous sommes en accord avec l’article inséré lors de l’examen en commission portant interdiction des granulés pour les terrains de sport.
En complément, et comme nous l’avons déjà proposé, nous déposerons un amendement visant à aligner la France sur la nouvelle directive européenne concernant l’utilisation des sacs en plastique compostable et biosourcé, ou encore du polystyrène expansé.
Nous voterons, aujourd’hui, en faveur de cette proposition de loi, parce qu’elle est utile pour l’environnement et la protection du vivant.
Lors de la discussion du projet de loi Climat et résilience, nous reprendrons les préconisations des 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat pour limiter le plastique à usage unique, que le Gouvernement a malheureusement fait le choix d’écarter, réduisant encore un peu plus la portée d’un texte pourtant attendu.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Prince. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Paul Prince. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons profité des bienfaits des hydrocarbures jusqu’à la lie. L’exploitation du pétrole s’est accompagnée de progrès considérables : n’oublions pas qu’elle a permis une élévation sans précédent du niveau de vie au cours du XXe siècle ! Il en va de même des produits dérivés du pétrole, au premier rang desquels figure le plastique.
Le plastique a été une formidable invention, il a changé nos vies, au point de devenir le matériau miracle de presque toutes les industries. Mais nous en avons abusé. Notre rapporteure, dont je salue l’excellent travail, l’a rappelé : le plastique menace aujourd’hui la santé humaine et l’ensemble de l’écosystème planétaire. Face à ce constat, nous ne pouvons que revoir nos choix technologiques et économiques.
Face au plastique, il n’y a qu’une seule solution durable : réduire radicalement sa production ! Blâmer l’incivilité de l’utilisateur et prôner le recyclage revient en réalité à se défausser.
Certes, si du plastique se retrouve dans la nature, c’est parce qu’on l’y jette. Mais c’est surtout parce que l’industrie en déverse chaque année des milliards de tonnes sur le marché.
Le recyclage engendre mécaniquement la production de nouveaux plastiques. Or il est possible de produire moins de plastique, d’autres matériaux pouvant être substitués à nombre de ses usages. Tel est l’esprit de la présente proposition de loi, qui vient compléter les « trous dans la raquette » de la loi AGEC, conformément aux propositions du rapport de l’Opecst.
Ces « trous » sont assez importants, puisque sont concernées la pollution due aux granulés de plastique industriels, dits larmes de sirène, et celle due aux microbilles de plastique intégrées aux détergents. La pollution due aux ballons de baudruche, couverte par l’article 3, est sans doute plus anecdotique…
Je salue l’amélioration apportée au texte par la commission, qui a introduit un article interdisant les granulés de plastique dans la fabrication des terrains de sport synthétiques.
Bien sûr, tout cela n’est pas neutre économiquement. Le plastique représente beaucoup d’emplois sur nos territoires. Mais ces emplois peuvent être sauvés parce que le secteur peut effectuer sa transition et l’a déjà entamée. De la même manière que les pétromonarchies et Total ont massivement investi dans les nouvelles énergies, nombre d’industriels du plastique investissent déjà dans de nouveaux matériaux.
La bonne nouvelle, c’est que le secteur a les moyens d’investir dans sa transition. Aidons-le à faire sa mue en allant demain encore plus loin dans la lutte contre le plastique à usage unique et le suremballage !
En attendant, l’immense majorité du groupe UC votera en faveur de la présente proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marta de Cidrac. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de remercier notre collègue Angèle Préville d’engager de nouveau le débat sur la question de la pollution par le plastique, à la suite de son rapport pour le compte de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Vous avez été nombreux à souligner, dès la discussion en commission, que ce texte s’appuie sur les travaux réalisés dans le cadre de l’examen de la loi AGEC. Déjà, à cette époque, les débats avaient été nourris et constructifs, et nous avions su enrichir le texte du Gouvernement : 164 amendements avaient ainsi été adoptés en commission et 222 en séance publique. Le travail parlementaire avait plus que jamais fait ses preuves à cette occasion. J’étais rapporteure de ce texte pour le Sénat et c’est pour moi, encore aujourd’hui, un sujet de fierté !
Plusieurs des dispositions concernaient la lutte contre la pollution par le plastique. Mme la ministre de la transition écologique a d’ailleurs annoncé avoir signé le décret sur la réduction des emballages en plastique à usage unique d’ici à 2025 – c’est une excellente nouvelle ! Cependant, un tiers seulement des décrets d’application de la loi AGEC ont été publiés, nous ne pouvons donc pas en mesurer les effets pleins et entiers.
C’est donc dans cette lignée que s’inscrit le texte dont nous débattons aujourd’hui, qui comporte des mesures déjà discutées il y a un an.
Considérant le temps qui m’est imparti, je ne pourrai m’arrêter que sur quelques articles.
L’article 1er, tout d’abord, est relatif à l’encadrement des pertes et des fuites de granulés de plastique industriels. La loi AGEC, en son article 83, prévoit déjà des avancées sur ce point – cette disposition était d’ailleurs l’œuvre d’un amendement de Mme Préville. La consultation publique portant sur le décret d’application de cet article s’étant achevée au début du mois, la publication ne saurait se faire attendre. Les entreprises elles-mêmes se sont emparées du sujet, un certain nombre d’entre elles s’étant engagées volontairement dans l’opération Clean Sweep pour éviter la perte de granulés de plastique lors de leur manipulation.
L’article 2, quant à lui, vise à interdire l’ajout intentionnel de microbilles dans certains biens. Là encore, le sujet a déjà été débattu dans cet hémicycle. Le Sénat avait d’ailleurs pris des dispositions permettant de faire financer par les producteurs des opérations de traitement de la pollution des eaux.
Je voudrais également rappeler que la régulation européenne offre une véritable ligne directrice. La dynamique européenne est essentielle dans notre lutte contre la pollution plastique. La France ne pourra pas relever seule ce défi colossal, alors même qu’il existe des normes exigeantes à l’échelle européenne ! Face au continent de plastique, l’engagement de l’Europe tout entière est nécessaire. Nous devrons donc être attentifs aux prochaines régulations européennes.
Les amendements adoptés en commission, la semaine dernière, ont apporté des améliorations à ce texte. Je remercie Martine Filleul de son travail et de son écoute.
L’amendement relatif aux granulés de plastique sur les terrains synthétiques est le fruit d’un constat du rapport de notre collègue Angèle Préville et du député Philippe Bolo. L’emploi de ces granulés étant responsable du rejet de 16 000 tonnes de plastique chaque année à l’échelle européenne, il était important de s’y pencher !
L’amendement portant sur l’intitulé même de cette proposition de loi était aussi nécessaire. Il s’agit non pas d’abolir purement et simplement le plastique, mais bien d’en réduire l’effet polluant, alors que des alternatives manquent encore dans plusieurs secteurs. En outre, il n’est pas question d’affaiblir une filière française qui représente 200 000 emplois, ce qui nous obligerait à importer du plastique ; c’est une dimension essentielle à prendre en compte.
Toutefois, n’oublions pas que la loi n’est pas le seul instrument de lutte contre la pollution par le plastique !
Nous avons tous pu le constater, depuis mars 2020 et le début de la crise pandémique, le plastique a pris une place importante dans nos vies : les masques et autres équipements de protection nécessaires, ainsi que les emballages se sont multipliés.
Que faire face à ce phénomène ? Au-delà du volet législatif, deux leviers peuvent être activés.
Le premier est relatif à la prévention auprès des consommateurs et à l’évolution des habitudes. Le second concerne la recherche et le développement de matériaux substituables au plastique. Cette recherche évolue dans de très nombreuses directions ; c’est elle qui permettra une transition et une adaptation de notre société face à la pollution par le plastique. Tout est question d’équilibre : il faudra toujours veiller à ce que ces alternatives ne soient pas plus mauvaises, mais aussi à accompagner les filières dans cette transformation à court, moyen et long terme, au-delà du plan de relance qui court jusqu’en 2022.
Aussi, appuyons-nous sur les initiatives existantes pour réduire la pollution par le plastique, et prenons en considération la dynamique européenne, essentielle sur ces questions ! N’attendons pas tout de la loi française, déjà exigeante, et évaluons, enfin, les effets de la loi AGEC ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la lutte contre la pollution par le plastique sera l’un des grands enjeux de notre siècle. Ce matériau a pourtant grandement facilité notre vie et reste parfois incontournable, particulièrement pour les dispositifs médicaux comme les poches de sang. Certains plastiques sont aujourd’hui synonymes de menace pour la santé humaine, les écosystèmes et notre environnement.
En tant que membre de l’Opecst, je veux saluer cette proposition de loi, qui vient combler certaines lacunes identifiées. Le titre du texte, modifié en commission, fait désormais mention de la « lutte contre la pollution plastique », ce qui me paraît bien plus approprié.
Il est important de travailler avec les industriels, les producteurs et le secteur des consommateurs de plastique, afin de les aider dans la transition vers l’utilisation de matériaux toujours plus recyclables. La recherche et l’innovation pour trouver des matériaux substituables et propres doivent être poursuivies.
Aussi, j’accueille très positivement l’interdiction à l’horizon de 2026 de l’utilisation de granulés de plastique dans les installations de terrains de sport synthétiques. Grâce aux solutions de remplacement, elle aura un effet significatif.
Je salue également l’interdiction de microbilles de plastique dans les détergents. C’est d’autant plus important qu’elles sont très souvent directement évacuées dans nos canalisations, avec les conséquences que l’on connaît : nous ne pouvons plus tolérer de les retrouver sur nos plages et dans nos eaux !
En parallèle, nous devons continuer à développer les filières spécialisées dans le recyclage du plastique, encore insuffisantes en France. Il faut créer un cercle vertueux autour d’un plastique moins polluant et utilisé seulement dans les cas nécessaires. Cela semble cohérent avec la réalité actuelle et les enjeux environnementaux.
Nos concitoyens se sentent concernés, notre prise de conscience se poursuit.
En tant que pharmacien de profession, je pensais que l’interdiction en France des sacs en plastique imposerait des contraintes difficilement surmontables, pour un coût très important. Mais le recours à des sacs réutilisables en papier ou en tissu a été en réalité bien accepté ; il est désormais ancré. C’est une belle victoire que d’autres pays n’ont pas atteinte !
Nos habitudes changent et sont plus vertueuses, nous devons continuer sur cette voie. C’est pourquoi je considère comme cruciale la discussion ouverte en commission par notre rapporteure sur les contenants réutilisables et consignés dans le domaine de la livraison de repas. Là encore, les industriels se montrent ouverts, comme c’est souvent le cas. Ils sont conscients des enjeux et des transformations à venir. Notre rôle, en tant que législateurs, est de les accompagner et de les encadrer dans cette transition nécessaire.
En prévision de l’examen du projet de loi Climat et résilience, je souhaite m’impliquer dans ces réflexions, comme je l’avais fait, en ma qualité de rapporteur, lors de l’examen de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim, à propos de l’interdiction des pailles en plastique et du recours trop systématique aux bouteilles en plastique dans la restauration collective.
La qualité de l’eau est excellente dans beaucoup de nos départements – ressortons les carafes en verre ! Nos océans, nos mers, nos forêts, nos villes et notre biodiversité meurent de la pollution des bouteilles en plastique !
La proposition de loi a vocation à compléter des dispositifs mis en place. Cependant, un travail plus important doit être mené à différentes échelles, et avec tous les acteurs impliqués.
Nous devons faire plus que de l’affichage ! (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Léo Ferré a été le premier à faire rimer plastique et fantastique. Le rapport de nos collègues Angèle Préville et Philippe Bolo révèle que, aujourd’hui, plastique ne rime vraiment pas avec écologique !
Ce rapport, qui a motivé la proposition de loi, nous indique que l’essentiel des plastiques finit en déchets, en une année seulement. Un tel constat est d’ailleurs paradoxal pour un matériau qui a été conçu à l’origine pour sa résistance, sa légèreté, sa souplesse et sa durabilité.
Beaucoup de déchets s’accumulent et trop peu de recyclage est assuré, pour autant que cela soit possible – le rapport pointe d’ailleurs que ce ne sera jamais totalement le cas ! Reste que, en Europe, moins de 60 % des plastiques collectés pour le recyclage sont effectivement recyclés…
Les priorités politiques devraient donc viser à réduire la consommation et encourager des modèles commerciaux fondés sur le réemploi et développer le recyclage. Le coût de la pollution par le plastique n’étant pas supporté par les acteurs qui tirent profit de sa production ou de son utilisation, il est moins coûteux de rejeter les déchets dans la nature que de gérer leur fin de vie ! Cette absence de responsabilité a conduit à une production insoutenable et à une pollution croissante – le rapport parle de « bombe à retardement » –, avec le danger des microplastiques et des nanoplastiques invisibles et encore mal connus.
Nous devons réguler et maîtriser ce grand déversoir à déchets et à pollution ! Nos collectivités disposent pour cela de leviers d’action : concrètement, depuis 2017, la ville de Strasbourg a adopté une démarche de suppression totale du plastique dans ses cantines scolaires.
La présente proposition de loi va permettre d’activer le mouvement. Consolidée par la commission, elle cible cinq mesures : c’est une étape positive ! Le groupe écologiste y apporte son soutien total ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. En 2017, les Nations unies ont dressé un constat effrayant : l’océan contenait entre 15 et 51 milliards de particules de plastique. Leur prolifération, notamment celle des microplastiques, est un fait aussi établi qu’inquiétant. De l’Antarctique aux grands fonds méditerranéens, ils sont partout.
Selon certains experts de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), dont le nouveau siège social a récemment été inauguré en votre présence, madame la secrétaire d’État, ainsi qu’en celle de M. Jean Castex, sur les 400 millions de tonnes de plastique produites chaque année, 10 millions finissent dans nos océans, avec des conséquences dramatiques pour la biodiversité.
Se fondant sur ce constat alarmant qui dépasse largement nos frontières, l’Union européenne n’est pas restée inactive. Elle a ainsi diligenté l’Agence européenne des produits chimiques qui, depuis 2019, a proposé une restriction de grande ampleur relative aux microplastiques présents dans les produits mis sur le marché dans l’Union européenne.
La proposition de loi présentée par Mme Préville s’inscrit dans cette volonté de réduction. Elle fait suite au projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. La France – il faut le rappeler – joue un rôle moteur dans ce domaine.
Notre groupe soutiendra l’article 1er ainsi que l’article 2, car nous rejoignons la rapporteure sur la date d’interdiction de l’ajout intentionnel de microbilles dans des détergents. De même, nous soutiendrons l’article 3 relatif au lâcher intentionnel de ballons de baudruche.
La commission a adopté un amendement présenté par la rapporteure tendant à interdire à moyen terme le recours aux granulés de plastique dans la fabrication de terrains de sport synthétiques. Permettez-moi de saluer la mise à l’agenda parlementaire de cette problématique par Françoise Cartron et Frédéric Marchand, respectivement autrice et rapporteur d’une proposition de loi du groupe RDPI : ils ont alerté dès 2018 sur les conséquences sanitaires et environnementales de l’utilisation de ces matériaux.
Cette disposition s’inscrit donc dans la continuité de ce travail engagé au Sénat, et qui a préoccupé très tôt nos élus. Nous voterons donc contre l’amendement déposé par plusieurs sénateurs visant à supprimer cette interdiction. Avançons sur cette question !
Ces débats essentiels, nous les poursuivrons dans le cadre de l’examen du projet de loi Climat et résilience, et je l’espère, avec le même esprit collectif.
Enfin, au-delà de notre rôle de législateur, l’Europe agit également. Réjouissons-nous que la France, très volontariste en la matière, exerce la présidence de l’Union européenne dans neuf mois. Nous aurons ainsi l’occasion, en 2022, de manifester avec force tous ensemble notre détermination commune pour protéger notre environnement.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Joël Bigot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a un peu plus d’un an, nous votions ici même, au Sénat, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, la loi AGEC. Le groupe socialiste et le Sénat dans son ensemble avaient su rehausser les ambitions de ce texte. Au nom de mon groupe, j’avais défendu un amendement conservé dans la rédaction finale de la loi tendant à introduire un principe général selon lequel toutes les politiques publiques doivent fixer des actions à mettre en œuvre pour lutter contre la pollution causée par les plastiques dans l’environnement et réduire l’exposition des populations aux particules de plastique.
En tant que premier producteur européen de déchets de plastique, la France doit en effet avoir une véritable ambition en matière de lutte contre cette pollution. Sans infléchissement de nos modèles économiques, cette production devrait doubler d’ici à 2050.
La présente proposition de loi, présentée par notre collègue Angèle Préville, dont on connaît la ténacité sur ce sujet, s’inscrit dans cette logique en apportant de précieuses avancées juridiques et en ouvrant une nouvelle séquence au Sénat, en amont de l’examen du projet de loi Climat et résilience. Son récent rapport réalisé au nom de l’Opecst est extrêmement convaincant quant à l’urgence d’une action contre cette pollution massive, qui conduit aujourd’hui les scientifiques à rebaptiser l’anthropocène « plasticocène ».
Fondé sur ce constat aussi troublant qu’accablant, le présent texte contient des mesures concrètes et ciblées qui ont déjà été largement présentées.
L’article 1er vise ainsi à encadrer les pertes et fuites de granulés de plastique industriels, les célèbres « larmes de sirènes » que l’on retrouve quotidiennement sur nos plages jusque sur les bords de la Loire – que je connais bien – et même sur les bords du Der. La disposition proposée est très utile, car elle couvre certains angles morts qui persistent dans le décret en préparation.
Dans la même veine, l’interdiction de l’introduction intentionnelle de microbilles de plastique dans les détergents prévue à l’article 2 est de bon sens. Nous avions d’ailleurs voté cette disposition ici même, mes chers collègues, lors de la première lecture du projet loi AGEC.
Enfin, l’article 4 met en exergue une problématique aiguë qui demeure un impensé industriel : les microfibres de plastique contenues dans les textiles. Cette demande de rapport est un pavé dans la mare pour une industrie qui a longtemps fermé les yeux sur son impact environnemental. Le rapport de l’ONG Changing Markets Foundation publié le 2 février dernier démontre que l’utilisation du polyester dans les vêtements à bas coût a doublé en vingt ans. Le relargage des fibres textiles dans l’environnement est ainsi évalué à l’échelon européen entre 18 000 et 46 000 tonnes par an. Ce que l’on nomme la fast fashion, ou « mode jetable », doit sérieusement prendre en compte cet état de fait.
En conclusion, je tiens à remercier notre rapporteure Martine Filleul de la qualité de son rapport et de ses propositions qui ont encore permis d’améliorer ce texte. L’unanimité avec laquelle notre commission a voté celui-ci est de bon augure et démontre que, sur ces questions, le Sénat est capable de dépasser les clivages partisans pour l’intérêt général.
J’espère que le Gouvernement, par votre voix, madame la secrétaire d’État, se ralliera à ces dispositions très étayées et vitales pour « déplastiquer » progressivement, mais sûrement, notre économie, et surtout notre environnement. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer à mon tour l’initiative de Mme la rapporteure, qui, lors de l’examen de ce texte en commission, a proposé d’en changer l’intitulé. En effet, il me paraît bien plus approprié d’évoquer la lutte contre la pollution plastique que celle contre le plastique.
La crise de la covid-19 nous a rappelé à quel point la filière de la plasturgie est essentielle à notre pays. Les industriels ont répondu présent en fournissant surblouses, visières et autres matériels essentiels en temps de crise sanitaire.
Ce secteur d’activité s’efforce également de répondre aux ambitions environnementales et écologiques, en favorisant les meilleures solutions d’emballage éco-efficaces et performantes, en rationalisant l’usage du plastique et en évoluant vers la mise en place de filières de valorisation des déchets.
Les professionnels de la filière plasturgie intègrent aujourd’hui les technologies et les compétences de l’économie circulaire. Par exemple, en Haute-Loire, le groupe Coveris flexibles France, qui détient l’un des plus gros sites de production industrielle du secteur de la plasturgie de mon département, a investi 7 millions d’euros pour répondre aux nouvelles attentes du marché et aux contraintes réglementaires.
À l’horizon de 2023, le groupe entend proposer 85 % de produits recyclables, issus pour 45 % de nouvelles productions à base de matières plastiques recyclées, de matière monomatériau et de papier. Cet objectif est d’ailleurs conforme aux critères de l’article 5 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite AGEC, qui prévoit de tendre vers 100 % de plastique recyclé d’ici au 1er janvier 2025.
Pour remédier à la pollution par le plastique, des initiatives politiques ambitieuses ont été engagées. La mise en œuvre des dispositions votées il y a un an dans le cadre de la loi AGEC n’est pas encore complète. Seulement 32 % des mesures sont actuellement appliquées de manière effective, la majeure partie des décrets d’application étant encore en cours de rédaction, en raison de l’ampleur des transformations proposées dans ce texte de loi.
Au-delà de la mise en œuvre, il est important de souligner qu’une transition écologique réussie ne peut se faire sans une certaine stabilité du contexte réglementaire. Même si nous approuvons les objectifs de lutte contre la pollution, non pas seulement celle causée par le plastique, mais toutes les formes de pollution, nous constatons que la présente proposition de loi ne fait qu’agiter le totem du plastique alors que nous avons besoin d’apaisement pour avancer concrètement sur ce sujet.
Sur la question du plastique, nous pensons qu’il faut adopter une approche plus pragmatique et liée à l’ensemble de la chaîne de valeur, de la conception des produits pour qu’ils soient recyclables à la collecte de ces mêmes produits en fin de vie pour qu’ils soient recyclés, afin qu’aucun plastique ne se retrouve dans l’environnement.
Au lieu de multiplier les interdictions, mes chers collègues, aidons nos industriels à aller plus loin en matière de recherche et de développement pour intégrer les filières dans l’économie circulaire pour produire de façon plus durable, plutôt que de les faire disparaître, au risque de devoir par la suite importer des produits dont les qualités environnementales seront incertaines et difficilement contrôlables. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)