M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Je ne suis pas sûre pour autant qu’il faille créer d’autres structures et d’autres tâches. Je dirais plutôt : utilisons ce qui existe déjà ! Ce n’est pas là une fin de non-recevoir, mais plutôt une invitation à utiliser l’existant, notamment les Cress.
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Madame la secrétaire d’État, ma question portera sur le guichet UrgencESS ouvert en janvier dernier par le Gouvernement, mais aussi sur la communication qui est faite sur l’existence de ce dispositif et du fonds dédié de 30 millions d’euros qui lui est associé.
En tout, 2,5 millions de salariés travaillent dans ce secteur, soit 14 % des emplois en France. Avec la crise, et malgré une activité soutenue au premier trimestre de 2020, une nette chute a suivi. Entre juin 2019 et juin 2020, 52 500 emplois dans des coopératives, des mutuelles, des associations et des entreprises ont disparu.
Si l’économie sociale et solidaire a joué et joue encore un rôle essentiel dans la crise, il n’en reste pas moins qu’elle en a aussi beaucoup souffert. Selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, plus de 11 000 structures, parmi les 220 000 acteurs que compte l’ESS n’apparaissent plus dans les fichiers.
Cette évolution inquiétante est majoritairement due au secteur associatif, qui perd plus de 7 % de ses établissements. Trois secteurs ont été particulièrement affectés : l’art et le spectacle, l’hébergement et la restauration, ainsi que le sport.
Face à cet état de fait, votre secrétariat d’État a mobilisé un fonds d’urgence de 30 millions d’euros pour les structures de l’ESS de moins de 10 salariés qui souffrent du contexte sanitaire. Nous avons soutenu cette réponse nécessaire et importante lors de l’examen du quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020.
L’aide déployée par le mouvement associatif France Active doit permettre aux structures relevant de l’économie sociale et solidaire de poursuivre leur activité pendant la crise, de financer les emplois de leurs salariés et de pallier les difficultés liées à la trésorerie.
L’objectif de soutenir 5 000 structures avant le printemps 2021 sera probablement atteint, puisque vous avez rappelé que 1 600 établissements ont déjà bénéficié de ces fonds en un mois. Dès lors, le nombre de structures soutenues pourra-t-il être revu à la hausse ? Ce guichet unique est-il aujourd’hui bien identifié par celles et ceux à qui il s’adresse en priorité ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. Madame la sénatrice Havet, je souhaite avant tout vous féliciter, brièvement, mais sincèrement, pour la mission qui vous est confiée sur la commande publique. C’est un sujet important pour les structures de l’économie sociale et solidaire, notamment pour que les plus petites structures puissent répondre à cette commande publique et accéder à ces marchés.
Ce sera pour moi un plaisir que de travailler avec vous sur ces sujets autour de l’article 15 du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique, sur lequel l’Assemblée nationale se penchera, en commission, dès la semaine prochaine.
Il y a toujours de nouveaux détails à apporter quand il s’agit de mieux faire connaître le fonds d’urgence. J’ai déjà essayé de vous répondre sur ce qu’il permettait, mais je veux encore rappeler quelques éléments importants.
Oui, le secteur associatif souffre, comme nous l’a exprimé le Mouvement associatif lors de la visioconférence que le Premier ministre et moi-même avons eue la semaine dernière avec lui, mais aussi l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, l’UDES, et d’autres structures associatives pour faire le point.
Oui, nous craignons la disparition de 10 000 associations ; c’est à peu près le nombre de celles qui ont disparu des fichiers depuis le début de la crise.
Cela dit, entre pessimisme d’humeur et optimisme de volonté, je suis résolument optimiste, bien que j’aime Cioran, ce qui pourrait faire l’objet d’un autre débat ! Nous avons vocation à sauver entre 5 000 et 10 000 associations – soyons ambitieux ! – au moyen de ce fonds d’urgence. L’idée est non pas de compenser la disparition d’associations indispensables, mais de promouvoir la création de nouvelles associations et de les soutenir.
Aujourd’hui, nous avons reçu 7 400 demandes, qui émanent pour 60 % d’entre elles de structures n’ayant pas bénéficié du fonds de solidarité. Il est intéressant de constater que l’on vient pallier ce manque d’accès, conformément à notre objectif. Soyons précis : une première attribution de 1 620 primes a été faite, ce qui correspond à une première tranche de 10 millions d’euros. L’objectif de soutien de 5 000 à 10 000 structures doit être atteint autour de la fin du mois d’avril, comme je le mentionnais.
Nous constatons aussi avec intérêt que les associations des secteurs sportif et culturel ont largement fait appel au fonds UrgencESS, qui peut apporter un soutien complémentaire des fonds sectoriels du ministère des sports ou du ministère de la culture – ce dernier avait offert 60 millions d’euros d’aides aux associations.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Madame la secrétaire d’État, la Bretagne est une terre particulièrement favorable à l’économie sociale, solidaire et responsable, notamment parce que l’on y trouve implantées beaucoup de coopératives, mais aussi de nombreux établissements mutualistes, des fondations et, bien sûr, nombre d’associations qui œuvrent au quotidien pour aider au développement de la région et apporter un certain nombre de services à la population.
En parallèle de ce qui a été fait par le Gouvernement pour apporter à ces structures le coup de main nécessaire dans ces moments difficiles, nous constatons que le niveau d’épargne de la population est relativement important.
Il me semble donc qu’il serait important de pouvoir mobiliser cette épargne populaire, à côté des prêts bancaires classiques, au service d’actions utiles à l’économie sociale, solidaire et responsable, pour permettre le développement des territoires. Quelles mesures le Gouvernement pourrait-il préconiser en la matière ?
Ma seconde question porte sur le rôle que le secteur de l’économie sociale, solidaire et responsable peut jouer en matière d’éducation et de formation des jeunes. On sait qu’un certain nombre de ces derniers restent en difficulté, en marge du système éducatif traditionnel. Il importe de pouvoir leur apporter des réponses ; or il me semble que ce secteur d’activité est plutôt bien adapté à une telle entreprise et que son cadre juridique serait particulièrement approprié.
Que pourrait envisager le Gouvernement pour apporter une réponse aux besoins exprimés par ces jeunes et permettre leur meilleure insertion professionnelle ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. La terre bretonne est bien la première terre d’ESS dans notre beau pays, monsieur le sénateur Canevet. C’est également en Bretagne que j’ai fait mon premier déplacement dans les territoires l’été dernier. On y trouve en effet un écosystème très fort.
À vos deux questions, j’essaierai d’apporter deux réponses très simples. Si vous m’y autorisez, je commencerai par la seconde. Au sein du plan de relance, 1,3 milliard d’euros sont consacrés à l’ESS ; dans cette somme, 600 millions d’euros sont mis en service de l’emploi dans ce secteur, parmi lesquels un peu plus de 200 millions d’euros doivent aller aux parcours emploi compétences, ou PEC.
Environ 40 000 de ces PEC, soit 50 % d’entre eux, sont directement fléchés vers les structures de l’économie sociale et solidaire.
L’objectif est d’embarquer des jeunes dont vous avez à juste titre rappelé l’attirance pour les structures de l’ESS, qui découle de multiples raisons : ces acteurs partagent la valeur et le pouvoir, car leur gouvernance est différente ; en outre, au cœur même du modèle coopératif dont on a parlé, on trouve le principe : « Un homme, une femme, une voix ». Tout cela est au cœur même de ce qui attire notre jeunesse, car cette économie-là fait sens.
C’est pourquoi, aujourd’hui, plus de 200 millions d’euros sont consacrés à la mise en place de parcours emploi compétences permettant d’embarquer nos jeunes dans ce secteur.
Encore faut-il expliquer comment faire. C’est pourquoi un mode d’emploi très basique, élaboré en concertation avec Élisabeth Borne et le ministère du travail, sera très bientôt publié, afin que les structures de l’ESS sachent comment activer un PEC rapidement – ce n’est pas si aisé que cela. Le guide est prêt, il est simple et sera publié très prochainement. Il doit permettre de booster ces 40 000 emplois.
En ce qui concerne l’épargne, j’ai demandé à la Banque de France, qui est mobilisée sur l’ESS, je vous l’ai dit, en lien avec les banques, de conduire des travaux statistiques pour suivre les évolutions de l’arrêté de 2020, qui prévoit que la quote-part minimale égale à 5 % de l’épargne non réglementée soit allouée à l’ESS.
Nous étudierons l’intérêt de porter ce seuil de 5 % à 10 %, en concertation avec le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire. Ce dossier est sur mon bureau, et nous aurons l’occasion de vous en reparler. En fonction des statistiques qui nous seront transmises, nous prendrons possiblement une décision sur l’orientation de l’épargne vers l’ESS.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour la réplique.
M. Michel Canevet. Je suis satisfait que le Gouvernement se préoccupe de mobiliser l’épargne vers le secteur de l’économie sociale et solidaire. Il faut trouver pour l’insertion des jeunes en situation difficile des solutions extrêmement simples.
J’en profite aussi, madame la secrétaire d’État, pour attirer votre attention sur les difficultés que rencontrent aujourd’hui les centres d’hébergement des classes de mer, non seulement parce qu’ils ont très peu d’activités en ce moment – ils sont aidés à ce titre –, mais surtout parce qu’ils ont peu de perspectives pour l’avenir, leurs carnets de commandes étant quasiment vides. La situation post-covid nous inquiète.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Je salue l’initiative du groupe GEST, qui nous a proposé le débat qui nous occupe aujourd’hui, lequel est tout à fait d’actualité.
La crise de la Covid-19 a eu de lourds effets sur l’activité du secteur de l’ESS. À titre exemple, selon les chiffres de l’Observatoire de la Cress des Pays de la Loire, près de 800 emplois ont été détruits en Maine-et-Loire et 3 500 dans l’ensemble de la région en un an. L’ESS est un secteur qui reste fragile.
Nous avons évoqué l’ESS à l’échelon national, mais c’est également un sujet européen. L’ESS représente en effet près de 20 millions d’emplois dans l’Union européenne et environ 9 % de la population active du continent.
Les 26 et 27 mai 2021 aura lieu le Sommet européen de l’économie sociale à Mannheim. L’objectif est de définir un plan d’action européen pour l’ESS pour 2021, conformément au souhait de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, ce plan devant s’intégrer plus largement dans le Green Deal.
Comme vous le savez, le secteur de l’ESS entre aujourd’hui en concurrence avec des acteurs lucratifs qui ne défendent pas les valeurs des acteurs de l’ESS : la démocratie, la lutte contre les inégalités sociales, l’intérêt général et la transformation économique et écologique.
Lors d’une interview au journal Le Monde en novembre 2020, vous avez indiqué, madame la secrétaire d’État, que vous vous battriez pour la reconnaissance du modèle économique de l’ESS et de la spécificité de ce secteur à l’échelon européen. Dont acte, madame la secrétaire d’État !
Aussi, pouvez-vous nous préciser le calendrier des négociations en cours et nous indiquer quelles démarches vous avez d’ores et déjà effectuées à l’échelle européenne pour amplifier la dynamique de l’ESS, sans en dénaturer l’esprit, alors que des décisions sont en gestation ?
Enfin, comment la Commission a-t-elle accueilli vos propositions, s’agissant notamment de la création de nouveaux instruments de financement
La France va prendre la présidence de l’Union européenne en 2022 et se doit d’être au rendez-vous et à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. Monsieur le sénateur Bigot, je l’ai écrit en novembre 2020 et je vous le confirme en mars 2021 : la Commission européenne a confié la mission de mettre en œuvre un plan d’action pour l’ESS au commissaire Nicolas Schmit, avec qui j’en ai discuté à plusieurs reprises, notamment le 15 décembre dernier à Bruxelles. Ce plan d’action est en cours d’écriture – un point d’étape sera réalisé à Mannheim au mois de mai –, et il prendra forme définitivement à l’entrée de l’hiver, en octobre ou en novembre 2021.
Dans le cadre de nos échanges européens, nous avons poussé nos idées, notamment nos trois priorités que sont la reconnaissance du statut et des actions portant lucrativité limitée – c’est un sujet important – ; le renforcement de la Banque européenne d’investissement dans le financement de l’économie sociale et solidaire ; enfin, l’accompagnement financier. Ce dernier point est un réel problème à l’échelon européen – comme du reste à l’échelon national, certains d’entre vous l’ont évoqué.
On constate en effet un goulot d’étranglement à l’échelon européen. Nous avons donc demandé que les acteurs de l’ESS bénéficient d’un point d’entrée dédié au sein de la BEI.
Aujourd’hui, les propositions formulées par la France ont fait l’objet d’un « non-papier », que nous avons partagé avec nos homologues européens et qui a été bien accueilli.
Le commissaire Nicolas Schmit porte un intérêt réel aux dispositifs que je déploie, aux social impact bonds, les contrats à impact social. L’Europe a porté les green bonds. Il se pourrait, vous le savez, que l’Europe, mais aussi d’autres pays européens, duplique le modèle de contrat à impact que nous déployons en France. La Belgique, notamment, est assez exemplaire à cet égard.
J’espère que ce modèle sera étendu à l’échelon européen et que l’Europe sera en mesure de financer de tels contrats.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour la réplique.
M. Joël Bigot. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces réponses. L’ESS représente un véritable espoir. Nos territoires le savent bien.
L’ESS peut incarner le monde d’après et l’économie de demain. Il faut que ce modèle soit étendu à l’échelon européen. On espère que la France sera à la hauteur des enjeux.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Frédérique Puissat. À mon tour, je remercie nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour de nos travaux de ce débat sur l’économie sociale et solidaire, laquelle nous concerne et nous mobilise tous, au quotidien, en particulier dans cet hémicycle.
À cet égard, je vous rappelle, madame la secrétaire d’État, que nous avons porté ici la loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée », qui traite entre autres des structures d’insertion par l’activité économique, les SIAE, et des entreprises à but d’emploi, les EBE, qui font partie intégrante de l’économie sociale et solidaire. Je pense que nous avons modestement apporté notre pierre à l’ESS.
Au-delà, le Gouvernement, vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, grâce aux fonds d’urgence, a permis à ces entreprises de passer un cap dans la crise sanitaire qu’elles traversent aujourd’hui.
Les conseils régionaux jouent aussi un rôle important dans le soutien de l’ESS, qui apparaît souvent comme un acteur essentiel de l’économie de proximité et qui constitue fréquemment une opportunité pour favoriser l’émergence d’activités et renforcer la cohésion territoriale.
Certes, cher Michel Canevet, la région Auvergne-Rhône-Alpes, ou région AURA, n’est pas la Bretagne, mais l’ESS y représente 10 % de l’appareil productif et plus de 300 000 emplois.
Une synergie entre les régions et l’État est donc indispensable si l’on veut notamment incarner une plus grande ambition collective pour l’économie sociale et solidaire.
Madame la secrétaire d’État, je vous poserai deux questions.
Le label French Impact, né d’une initiative gouvernementale en 2018, vise à fédérer les acteurs de l’innovation sociale. Un budget de 1 milliard d’euros leur avait été promis, mais, à ce jour, hormis un site internet et des échanges, il ne s’est pas passé grand-chose.
Par ailleurs, les moyens des chambres régionales de l’ESS sont dix fois moins financés par l’État qu’une chambre de commerce et d’industrie classique, comme l’a souligné notre collègue Benarroche.
Pouvez-vous nous indiquer quelles suites opérationnelles et financières seront données au label French Impact et si vous envisagez de vous appuyer davantage sur les Cress pour pousser et soutenir les acteurs de ce secteur ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. Madame la sénatrice Puissat, je ne puis que louer l’émulation interrégionale entre acteurs de l’ESS ! Il ne tient qu’à la région AURA, qui est très active, de doubler la Bretagne, qui a, il est vrai, une histoire forte dans ce domaine ! (Sourires.) Je ne doute pas que d’autres territoires y parviendront également.
Vous avez évoqué le rôle des conseils régionaux. Lors de mes déplacements chaque semaine, j’ai des échanges avec les Cress et j’en appelle à une hybridation des financements entre l’État et les conseils régionaux.
Alors que les régions contribuent très directement au plan de relance – les fonds régionaux représentent 400 millions d’euros –, on constate malheureusement que le taux de non-recours aux fonds de solidarité régionaux est très élevé. J’essaie de diffuser l’information à cet égard et je ne peux qu’encourager les régions à faire de même le plus possible.
Vous m’interrogez également sur le label French Impact : le milliard d’euros est porté par vingt fonds à impact. J’ai demandé à French Impact de concentrer son action sur le financement des projets portés par les acteurs de l’ESS dans les territoires. Nous avons donc aujourd’hui recentré notre action sur la finance à impact, plutôt que sur d’autres thématiques.
Je pense que, en période de crise notamment, il faut se concentrer, plutôt que de se disperser, et apporter des financements aux porteurs de projets de l’économie sociale et solidaire.
Aujourd’hui, je le redis, le milliard d’euros est porté par vingt fonds à impact. Il ne tient qu’à nous d’amplifier le mouvement au cours des prochains mois. Pour ma part, je crois à la finance à impact et je prendrai une initiative de place au cours des prochains mois à Paris pour démontrer le soutien du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Cardon. Madame la secrétaire d’État, l’ESS peut être au cœur de la transformation de notre économie : elle peut favoriser les transitions vers des modèles plus résilients en matière écologique, économique et sociale, en s’appuyant sur leur potentiel démocratique et de coopération.
Il faut soutenir les entreprises de l’ESS en faveur de la transition sociale et écologique. Il faut soutenir le développement de l’ESS dans un contexte marqué par la crise sanitaire, économique et sociale et formuler des propositions en ce sens. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant !
Permettez-moi de revenir sur une question qui a déjà été posée lors de l’examen du projet de loi de finances sur la fiscalité applicable à certaines activités de l’ESS.
L’implantation de l’ESS dans le secteur des déchets et de l’économie circulaire a permis ces dernières années d’accélérer les transitions en matière de consommation.
Dans la seule filière textile, les tonnages de déchets collectés ont été multipliés par trois en dix ans et sont passés de 75 000 tonnes en 2008 à 250 000 tonnes en 2019. L’ESS occupe une place importante dans cette filière puisqu’elle gère 36 centres de tri sur les 63 existants. Je pense par exemple aux activités du Relais et d’Emmaüs, etc.
Le réseau Envie, quant à lui, qui compte une soixantaine d’établissements en France, collecte entre 25 % et 30 % des déchets d’équipements électriques et électroniques en France et rénove plus de 120 000 appareils par an.
Madame la secrétaire d’État, pourquoi ne pas mettre en place un dispositif fiscal incitatif pour les activités de réparation, de réemploi et de réutilisation, en abaissant le taux de TVA à 5,5 % pour ces prestations ? Une telle baisse pourrait constituer un important levier de changement en matière de consommation. On estime ainsi aujourd’hui que 1,5 million de vélos seraient détruits par an, principalement en raison du coût que représente leur réparation.
Des taux de TVA réduits, entre 5 % et 8 %, applicables notamment à la réparation de vélos, ont déjà été mis en place dans sept pays de l’Union européenne. Pourquoi ne pas en instaurer en France, madame la secrétaire d’État ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. Monsieur le sénateur Cardon, je vous donne rendez-vous la semaine prochaine, pour l’examen du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Quelque 3 700 amendements ont déjà été déposés sur ce texte. Je pense que nous allons passer la barre des 4 000, ce qui représente beaucoup d’idées. Je ne doute pas que certains d’entre eux viseront à proposer des dispositifs fiscaux, afin de favoriser la réutilisation et le recyclage, après le vote de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire et toutes les mesures que nous avons déjà prises en faveur de ce secteur.
Je ne dresserai pas la liste de toutes les dispositions que j’ai défendues dans le cadre du dernier projet de loi de finances, que ce soit en faveur des ESUS ou de l’ESS. Les dispositifs fiscaux sont nombreux. Ce n’est certainement pas à vous que je vais apprendre que la création d’un nouveau dispositif, même si nous pourrons en discuter dans le cadre du projet de loi Climat et résilience – nous aurons évidemment un débat sur ce sujet ici au Sénat –, relèvera, si elle est possible, du dernier projet de loi de finances de la mandature.
J’ai eu l’occasion de mesurer durant trois ans et demi, ce qui est peu, la complexité fiscale au sein de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Je pense que le recyclage et la réparation constituent une véritable économie. Beaucoup de choses ont déjà été faites, mais peut-être faut-il en faire plus ? Nous en débattrons dès la semaine prochaine.
Je ne doute pas que les amendements déposés sur le texte seront intéressants, que ce soit au Sénat ou à l’Assemblée nationale. Je compte sur la créativité des parlementaires. Je ne suis pas inquiète à cet égard !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert. J’évoquerai l’économie sociale et solidaire sous le prisme du logement.
Nous le savons tous, le logement est un élément prépondérant des politiques publiques, tant à l’échelon national qu’à l’échelon local. Transversales par définition, les difficultés en matière d’accès au logement ont des conséquences directes dans les domaines de l’éducation, de l’intégration et de l’insertion professionnelle. L’économie sociale et solidaire a toute sa place dans l’accompagnement dans le logement, que l’on en soit un acteur ou un bénéficiaire.
En France, on dénombre environ 300 000 personnes sans domicile fixe, soit le double par rapport à 2012. Cette triste réalité nous rappelle que, si ce sujet est régulièrement évoqué et pris en compte par les décideurs publics, nous n’avons pas encore trouvé de baguette magique afin d’enrayer ce triste constat.
En 2007, l’association Toit à moi a été créée, afin de venir en aide aux personnes sans domicile fixe. Partant du constat qu’une association est bien plus efficiente si elle est propriétaire des logements qu’elle propose aux plus démunis, cette association a mis en œuvre un principe simple pour lever des fonds, certes modestes, mais tout de même : si cent personnes donnent 20 euros par mois pendant cinq ans, l’association devient propriétaire d’un logement à l’issue de cette période, les donateurs pouvant bénéficier d’une réduction fiscale.
Ainsi, cette association s’est constituée au fil des années un parc immobilier, certes modeste comparé à celui d’un bailleur social, mais qui lui permet de répondre, à son échelle, à la demande de logement des sans-abri d’un territoire. Les personnes restent environ trois ans dans ces logements, avant de retrouver une autonomie durable.
Madame la secrétaire d’État, quelles mesures êtes-vous susceptible de mettre en place afin de développer ce modèle d’accompagnement des personnes sans-abri, en particulier pour les personnes qui souhaiteraient se réinsérer professionnellement dans le domaine de l’économie sociale et solidaire ? Le développement d’une telle association est un véritable projet entrepreneurial.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable. Madame la sénatrice Imbert, je connais l’association Toit à moi, qui effectue un travail remarquable. Elle fait d’ailleurs partie des Pionniers French Impact et est soutenue dans le cadre du pass Pionnier, à hauteur de 400 000 euros sur deux ans.
Le Gouvernement soutient très clairement les associations. Je le vois lors de chacun de mes déplacements : l’ESS est une économie souvent très ingénieuse.
Je le redis, le plan France Relance prévoit 100 millions d’euros pour le soutien aux associations engagées dans la lutte contre la pauvreté. Un appel à projets est déployé sur deux ans, à hauteur de 50 millions d’euros par an. Il permettra aux associations d’être financées directement et de mettre en œuvre des actions spécifiques exceptionnelles. Il s’agit d’irriguer un tissu associatif de manière réactive.
Une autre enveloppe de 100 millions d’euros est par ailleurs prévue dans ce même plan pour développer et améliorer les structures d’hébergement et de logement temporaires.
Sur ces 100 millions d’euros, 50 millions d’euros serviront à créer des places d’hébergement supplémentaires et à réaliser des travaux dans les centres d’hébergement ; 30 millions d’euros serviront à expérimenter le rachat d’hôtels destinés à être transformés en résidences sociales, en complément de ce que font déjà des associations remarquables comme Toit à moi.
Il est indispensable que des associations actives et aussi utiles que Toit à moi candidatent à de tels appels à projets, possiblement avec l’aide du dispositif local d’accompagnement, le DLA. Je me bats pour que de telles associations candidatent au plan de relance pour bénéficier des 200 millions d’euros qui leur sont destinés.