COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de Mme Pascale Gruny
vice-président
Secrétaires :
Mme Esther Benbassa,
M. Jacques Grosperrin.
1
Procès-verbal
Mme le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 18 février 2021 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Décès d’un ancien sénateur
Mme le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue, Jean-François Voguet, qui fut sénateur du Val-de-Marne de 2004 à 2011.
3
Modification de l’ordre du jour
Mme le président. Le débat à la suite du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes aura lieu le mercredi 24 mars 2021, à seize heures quarante-cinq.
Dans l’organisation de ce débat, nous pourrions attribuer, après la présentation du rapport par le Premier président de la Cour et les interventions des commissions des finances et des affaires sociales, un temps de parole d’une heure pour les groupes politiques.
En conséquence, le débat préalable au Conseil européen, initialement prévu le mercredi 24 mars 2021, serait avancé au mardi 23 mars 2021, le soir.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
4
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant diverses mesures relatives à l’élection du Président de la République est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
5
Fondation du patrimoine
Adoption en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, en deuxième lecture, sur la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale en première lecture, visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine (proposition n° 287 [2019-2020], texte de la commission n° 374, rapport n° 373).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.
Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
proposition de loi visant à moderniser les outils et la gouvernance de la fondation du patrimoine
Article 1er
(Supprimé)
Article 1er bis
I. – L’article L. 143-2-1 du code du patrimoine est ainsi modifié :
1° À la première phrase du I, les mots : « monuments historiques, inscrits à l’inventaire supplémentaire » sont remplacés par les mots : « ou inscrits au titre des monuments historiques » ;
2° Au premier alinéa du III, les mots : « monuments historiques, inscrits à l’inventaire supplémentaire, » sont remplacés par les mots : « ou inscrits au titre des monuments historiques ».
II. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa du 4 de l’article 39, les mots : « à l’inventaire supplémentaire » sont remplacés par les mots : « au titre » ;
2° Au premier alinéa du 3° du I de l’article 156 et au 3 du II de l’article 239 nonies, les mots : « monuments historiques, inscrits à l’inventaire supplémentaire » sont remplacés par les mots : « ou inscrits au titre des monuments historiques ».
III. – À l’article L. 2222-16 du code général de la propriété des personnes publiques, les mots : « monuments historiques ou inscrits à l’inventaire supplémentaire » sont remplacés par les mots : « ou inscrits au titre des monuments historiques ».
IV. – Au 5° de l’article L. 331-9 du code de l’urbanisme, les mots : « parmi les monuments historiques ou inscrits à l’inventaire supplémentaire » sont remplacés par les mots : « ou inscrits au titre ».
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Article 3
(Conforme)
L’article L. 143-6 du code du patrimoine est ainsi rédigé :
« Art. L. 143-6. – La “Fondation du patrimoine” est administrée par un conseil d’administration composé :
« a) De représentants des fondateurs, des mécènes et des donateurs ;
« b) De personnalités qualifiées ;
« c) De représentants des collectivités territoriales permettant d’assurer la représentation des communes rurales, des communes, des départements et des régions ;
« d) D’un représentant des associations nationales de protection et de mise en valeur du patrimoine.
« Les représentants mentionnés au a disposent ensemble de la majorité des sièges du conseil d’administration.
« Les statuts déterminent le nombre de représentants et de personnalités qualifiées, les conditions de désignation et de renouvellement des membres du conseil. Ceux-ci exercent leurs fonctions à titre gratuit. »
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Article 5
(Suppression conforme)
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Article 6 bis
(Conforme)
Le premier alinéa de l’article L. 143-12 du code du patrimoine est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle transmet chaque année ce rapport d’activité aux commissions compétentes en matière de culture de l’Assemblée nationale et du Sénat et leur indique ses grandes orientations pour l’année à venir. »
Article 7
(Suppression conforme)
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au Gouvernement, puis au rapporteur de la commission, pendant sept minutes, et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Madame la présidente, monsieur le président de la commission – cher Laurent Lafon –, madame la rapporteure – chère Sabine Drexler –, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la singularité de la France s’exprime au travers de la richesse et la diversité de son patrimoine. Il touche à ce que nous sommes. Il est une part de notre identité, de notre mémoire et, donc, de notre culture commune. Au-delà, c’est un fort levier de croissance et d’emplois. Il contribue ainsi à l’attractivité de nos territoires.
Je sais que le Sénat est très attaché à ce patrimoine. Il nous incombe collectivement de le protéger, de le valoriser et de le restaurer. C’est le sens des crédits en forte hausse que vous avez adoptés dans la loi de finances pour 2021, mais également de ceux qui sont dédiés au patrimoine dans le plan de relance. La mise en œuvre de ces moyens exceptionnels fait l’objet d’un suivi régulier.
Depuis sa création, le ministère de la culture contribue à cette préservation du patrimoine. Il n’est pas seul dans cette action, car il a pu compter, au fil des années, sur des partenaires essentiels. Je pense bien sûr aux collectivités territoriales, mais également aux fondations, parmi lesquelles la Fondation du patrimoine.
La Fondation du patrimoine a su développer son action en engageant des campagnes de souscription publique, de financement participatif, en mobilisant le mécénat d’entreprise ou en délivrant son propre label. Dès sa création, l’État lui a en effet confié la mission de délivrer un label en faveur du patrimoine non protégé au titre des monuments historiques, label qui donne droit à un régime de déductions fiscales au titre de l’impôt sur le revenu. La Fondation a aussi contribué à l’initiative du loto du patrimoine, souhaité par le Président de la République, dont le succès ne se dément pas et dont elle continue à assurer le pilotage, en lien avec la mission Patrimoine confiée à Stéphane Bern et les directions régionales des affaires culturelles.
La proposition de loi examinée aujourd’hui en deuxième lecture vise à améliorer l’organisation et à renforcer l’efficacité de l’action de la Fondation. Elle s’inscrit dans la lignée des recommandations du rapport de la Cour des comptes.
J’en viens rapidement aux trois points encore en discussion que nous avons eu l’occasion d’évoquer en commission voilà quelques jours.
Sur l’élargissement du champ d’application du label, vous le savez, la troisième loi de finances rectificative pour 2020, promulguée en juillet dernier, a repris la disposition que vous proposiez. Cela a permis une accélération de sa mise en œuvre, ce dont nous pouvons collectivement nous réjouir, mais a rendu, de fait, l’article 1er sans objet.
S’agissant de la composition du conseil d’administration de la Fondation du patrimoine, le texte permet un rapprochement avec le droit commun des fondations reconnues d’utilité publique. Vous êtes arrivés à un point d’équilibre.
Enfin, sur la possibilité pour la Fondation de réaffecter des dons devenus sans objet en raison de la caducité des projets ou de leur financement en intégralité, la Fondation a su trouver une solution. L’article reste donc supprimé. Vous le savez, certaines réticences avaient été exprimées par le Gouvernement sur cet article en première lecture. Je me réjouis donc de cette issue positive.
Pour conclure, je tiens à remercier Mme la rapporteure et M. le président de la commission et saluer l’excellent travail effectué par les sénateurs et les sénatrices. Merci à tous ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission et Mme Dominique Vérien applaudissent également.)
Mme Sabine Drexler, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au terme d’une lecture dans chaque assemblée, le parcours législatif de la proposition de loi déposée par notre collègue Dominique Vérien, voilà bientôt deux ans, pour améliorer l’efficacité de la Fondation du patrimoine est presque achevé. Je dis « presque », car il faudra une ultime lecture à l’Assemblée nationale pour valider les deux coordinations que nous avons adoptées en commission il y a treize jours. La commission a en effet estimé que, sur le fond, le texte que nous avait transmis l’Assemblée nationale à l’issue de ses travaux en première lecture constituait un excellent compromis.
L’Assemblée nationale a souscrit à l’essentiel des dispositions du texte, n’y apportant, au final, que très peu de modifications substantielles. Elle a totalement adhéré aux principales orientations que nous avions eu à cœur de défendre en première lecture, notamment celle de faire en sorte que cette réforme ne détourne pas la Fondation du patrimoine de son cœur de métier : le soutien à la protection du patrimoine rural.
L’Assemblée nationale a dit « oui » à l’assouplissement des conditions de délivrance du label de la Fondation ; « oui » à l’éligibilité des parcs et jardins ; « oui » à l’extension de son périmètre géographique aux sites patrimoniaux remarquables, aux sites classés au titre du code de l’environnement et à toutes les communes de moins de 20 000 habitants. Elle a même complété notre dispositif sur deux points : d’une part, elle a précisé que seule la labellisation des immeubles non habitables « caractéristiques du patrimoine rural » échappait à toute condition de périmètre géographique ; d’autre part, elle a souhaité autoriser les propriétaires dont le bien ne serait pas visible de la voie publique, mais qui s’engageraient à le rendre accessible au public, à bénéficier des mêmes avantages fiscaux.
L’Assemblée nationale a également validé la réforme du conseil d’administration, qui permet de réduire le nombre de ses membres afin de le rendre plus opérationnel et de rapprocher sa composition de celle du droit commun des fondations reconnues d’utilité publique, malgré une différence notable : le maintien de la moitié des sièges aux représentants des fondateurs, des mécènes et des donateurs, afin de préserver leur confiance dans le fonctionnement de la Fondation et de les inciter à la soutenir davantage.
L’Assemblée nationale n’a pas non plus vu d’obstacle à la suppression des prérogatives de puissance publique dont disposait la Fondation, et dont elle n’a jamais fait usage.
La seule légère déception suscitée par le texte transmis par l’Assemblée nationale, c’est peut-être la suppression de l’article 5, qui mettait en place un mécanisme à portée rétroactive facilitant la réaffectation, par la Fondation, à un autre projet, des dons devenus sans objet, soit parce que le projet pour lequel ils avaient été collectés serait devenu caduc, soit parce qu’il aurait déjà été intégralement financé.
Le but de cette disposition était de permettre à la Fondation de réaffecter plus facilement les 10 millions d’euros qui sont aujourd’hui immobilisés dans ses caisses, faute d’être parvenue à obtenir l’accord des porteurs de projet initiaux pour leur réaffectation. Les fragilités juridiques de ce dispositif, que nous avions nous-mêmes identifiées en première lecture, ont conduit l’Assemblée nationale à préférer l’abandonner, aucune rédaction alternative ne s’étant révélée possible.
La commission de la culture s’est ralliée à cette suppression, dans la mesure où la Fondation du patrimoine nous a indiqué qu’elle avait bon espoir que la situation se règle à plus ou moins long terme, même en l’absence de disposition juridique. L’un de ses bénévoles s’est en effet porté volontaire pour contacter tous les porteurs de projet dont les dons doivent être réaffectés. Il s’agira bien sûr d’une entreprise de longue haleine, mais nous nous emploierons à surveiller de près l’évolution de la situation dans les années à venir.
Malgré cet accord global sur le fond du texte, la commission a été contrainte d’adopter deux amendements de coordination.
Le premier amendement concerne l’article 1er, dont les dispositions ont été intégrées à l’identique dans la troisième loi de finances rectificative pour 2020, en juillet dernier. L’objectif était de permettre une entrée en vigueur plus rapide de la réforme du label afin de contribuer à la relance de l’activité du secteur des patrimoines. La Fondation a d’ailleurs labellisé 84 immeubles concernés par ces nouvelles dispositions au second semestre de 2020. Quoi qu’il en soit, cet article n’a plus d’objet, puisqu’il est déjà entré en vigueur, et nous l’avons donc supprimé.
La seconde coordination que nous avons effectuée concerne l’article 1er bis, inséré par les députés pour remplacer dans l’un des articles du chapitre du code du patrimoine consacré à la Fondation une terminologie obsolète faisant référence aux immeubles inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques, une appellation qui n’est plus utilisée depuis 2005. Ils avaient malencontreusement omis d’effectuer le même remplacement un peu plus bas dans l’article.
Nous en avons profité pour nettoyer toutes les références à l’inventaire supplémentaire qui subsistaient dans les parties législatives des codes.
Tous les autres articles ont fait l’objet d’adoptions ou de suppressions conformes. Ces coordinations rallongent malheureusement le temps de la navette parlementaire, mais il n’était pas possible de nous y soustraire. Il nous reste à souhaiter que l’Assemblée nationale trouve un créneau dans son ordre du jour d’ici à l’été, car ce texte, même amputé de son article phare, déjà entré en vigueur, conserve des dispositions essentielles pour permettre à la Fondation de mieux se projeter vers l’avenir et d’avoir une action toujours plus efficace en faveur de la protection du patrimoine non protégé au titre des monuments historiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission et Mme Dominique Vérien applaudissent également.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, aux côtés des grands monuments historiques que nous connaissons tous se tient une myriade de monuments plus discrets : moulins, fontaines, anciennes manufactures, chapelles, colombiers, bateaux de pêcheurs, lavoirs… Ce petit patrimoine de proximité fait le charme de nos villes et de nos villages, mais il connaît aussi les affres du temps et nécessite régulièrement des actions de sauvegarde et de restauration. La Fondation du patrimoine est ce grand hôpital dans lequel des milliers de projets locaux de sauvegarde voient le jour.
La Fondation agit au plus près des besoins, avec un réseau de 22 délégations régionales et de 100 délégations départementales, animées par 600 bénévoles présents sur le terrain. Nous avons vu sa puissance après le désastre de l’incendie de Notre-Dame de Paris en avril 2019. En quelques jours, la Fondation du patrimoine a levé l’équivalent d’une année de dons. Son action ne s’arrête pas là, tant s’en faut. En 2019, elle a mobilisé la générosité de 280 000 donateurs et de 6 000 entreprises mécènes.
La Fondation du patrimoine favorise l’accès à la culture au plus près de chez soi et renforce le lien intergénérationnel : restaurer et conserver notre patrimoine local, c’est permettre la transmission d’une histoire et d’une identité à nos enfants et petits-enfants. Elle participe également au développement de l’économie et à l’insertion sociale de personnes éloignées de l’emploi, grâce aux nombreux chantiers de restauration. Ses moyens d’action sont de trois ordres : la labellisation de travaux ouvrant droit à un avantage fiscal et à un ensemble d’aides ; les campagnes de souscription publique et le mécénat d’entreprise.
La proposition de loi que nous examinons en deuxième lecture au Sénat vise à améliorer l’efficacité de la Fondation du patrimoine, créée en 1996 sur une initiative sénatoriale. Il s’agit, d’une part, d’en rénover la gouvernance, jugée pléthorique, et, d’autre part, d’actualiser les conditions de délivrance du label. Je salue cette proposition de la sénatrice Dominique Vérien. En tant qu’élu d’un département rural, je mesure particulièrement l’importance du soutien de la Fondation du patrimoine aux initiatives locales de restauration du patrimoine de proximité, que nous pouvions autrefois soutenir directement en mobilisant la réserve parlementaire.
L’article 1er étendait le périmètre de la labellisation au patrimoine situé dans des communes de moins de 20 000 habitants, contre 2 000 actuellement. Cette disposition, adoptée entre-temps dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative, a été supprimée.
En première lecture, le Sénat a adopté une mesure importante prévoyant que la moitié au moins des labels attribués par la Fondation doive concerner des projets de restauration d’immeubles appartenant au patrimoine rural. L’Assemblée nationale a, de son côté, assoupli les conditions d’octroi du label en précisant que les propriétaires s’engageant à rendre leur bien accessible au public pourraient en bénéficier au même titre que les propriétaires dont le bien est visible depuis la voie publique.
L’article 3 réforme la composition du conseil d’administration de la Fondation en resserrant le nombre de ses membres et en associant plus étroitement les mécènes et les communes rurales.
Il était également proposé à l’article 5 un mécanisme de réaffectation des dons non utilisés. Je regrette sa suppression, bien que je comprenne les risques d’inconstitutionnalité qu’il présente. La Fondation du patrimoine possède l’équivalent de 10 millions d’euros immobilisés à cause de l’abandon de projets. Ces fonds pourraient bénéficier à d’autres projets, mais, en l’absence d’un tel mécanisme de réaffectation des dons, il faudra déployer des moyens importants pour contacter les porteurs de projet afin de recueillir leur accord sur la réaffectation des sommes versées.
Cette proposition de loi permettra à de nombreux projets de restauration du petit patrimoine rural de voir le jour. Le label ainsi modernisé contribuera à sauver de la ruine et de l’oubli des édifices emblématiques, tels que certaines églises rurales, joyaux de l’art gothique retraçant des siècles de savoir-faire, dont nous avons la responsabilité. Le groupe Les Indépendants votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Mme Monique de Marco. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte vise à faciliter la gestion de la Fondation du patrimoine, à lui redonner du souffle, mais aussi à apporter de la pertinence au label.
Le groupe écologiste accueille favorablement la réforme de son conseil d’administration, qui permettra, d’une part, de donner une meilleure place aux structures engagées et actives dans la Fondation et, d’autre part, d’atteindre plus facilement le quorum pour remplir plus efficacement ses missions.
Je souhaite saluer également une mesure prévue à l’article 1er, finalement intégrée à la dernière loi de finances rectificative, qui redonne à la Fondation un périmètre d’action correspondant au sens de sa mission. Elle pourra dorénavant intervenir sur l’ensemble des communes de moins de 20 000 habitants. Ce périmètre avait été restreint, à l’excès, par une instruction fiscale ; il sera dorénavant bien plus cohérent avec les objectifs de la Fondation.
Il est en revanche regrettable qu’aucune solution législative n’ait pu être trouvée pour permettre de réaffecter les fonds bloqués de la Fondation, qui représentent tout de même 10 millions d’euros. Cette proposition de loi aura permis de mettre en lumière ce problème, mais d’autres leviers devront être actionnés rapidement pour le régler.
Je me permets également de souligner un point de vigilance. L’article 6 de ce texte prive la Fondation des pouvoirs spécifiques qui lui avaient été accordés en matière d’acquisition et de gestion de biens, notamment la possibilité d’avoir recours à l’expropriation. Ces pouvoirs étaient, certes, inhabituels pour une structure de ce type, et ils n’avaient jamais été mis en œuvre. Mais était-ce une raison suffisante pour lui retirer toute possibilité de les utiliser dans le futur ? Au moment de sa création, il était envisagé que la Fondation du patrimoine puisse jouer un rôle dans l’acquisition, la gestion et la protection de sites naturels, actions pour lesquelles ces pouvoirs exceptionnels auraient pu être utiles et justifiés.
L’action de la Fondation est aujourd’hui très peu tournée vers le patrimoine naturel, qui est pourtant particulièrement menacé et qui manque de financements. La protection des paysages et sites naturels remarquables a toute sa place dans la politique du patrimoine. Je regrette donc que cette dimension de son action ne soit pas remise à l’ordre du jour. Toutefois, le groupe écologiste votera cette proposition de loi en raison des avancées positives et concrètes qu’elle apporte.
Mme le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme Nadège Havet. Madame la présidente, madame la rapporteure, madame la sénatrice Vérien, autrice de la proposition de loi, mes chers collègues, la Fondation du patrimoine, « première actrice de la générosité en faveur du patrimoine », célébrera d’ici à quelques jours ses 25 ans – aussi jeune que moi (Sourires.) –, sa création ayant été votée au Sénat en première lecture le 27 mars 1996.
Cette structure essentielle vient aider financièrement les propriétaires, qu’il s’agisse de collectivités, de particuliers ou d’associations, qui s’investissent pour préserver notre patrimoine de proximité non protégé, celui de nos centres-bourgs et de nos centres-villes. Élue de la commune de Saint-Pabu, dans le Finistère, je conclurai d’ailleurs en évoquant un exemple concret à quelques pas de chez moi.
Par quels moyens cet accompagnement se fait-il ? Par des dons, du mécénat, des aides fiscales, des subventions de collectivités, des jeux, aussi, notamment grâce à la mission Patrimoine, portée par Stéphane Bern et la Française des jeux, et, enfin, par des apports de la Fondation du patrimoine elle-même. Au total, ce sont près de 3 000 projets par an qui sont portés par cette institution.
La proposition de loi déposée par notre collègue du groupe Union Centriste, Mme Dominique Vérien, porte sur la modernisation de la gouvernance et des outils de collecte de cette personne morale de droit privé, reconnue d’utilité publique. C’est un texte bienvenu, que nous soutenons avec mon groupe, et qui va bientôt être définitivement adopté après accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Que notre collègue en soit félicitée !
L’objectif est, tout d’abord, de rendre plus efficaces les actions de sauvegarde du patrimoine culturel local et de revitalisation confiées à la Fondation du patrimoine. Toutes et tous ici, nous connaissons l’attachement de nos concitoyens à cette identité territoriale, à la nécessité de l’entretenir et, en même temps, les difficultés que rencontrent celles et ceux, notamment les élus locaux, qui sont impliqués dans ces entreprises de conservation.
Dans les points abordés, il y a la composition du conseil d’administration de la Fondation, qui compte actuellement vingt-cinq membres, un effectif critiqué par la Cour des comptes. Vous souhaitez le réduire à seize membres. Nous y sommes favorables.
Parmi les outils à la disposition de la Fondation, que j’évoquais en introduction, il y a le lancement des souscriptions populaires. Les porteurs de projet peuvent en effet solliciter la Fondation pour recueillir des dons, ce qui donne lieu à défiscalisation, mais certains projets n’aboutissent pas ou, alors, ils aboutissent avec d’autres sources de financement. La conséquence, c’est que l’argent ainsi collecté n’est pas dépensé.
De façon opportune, la proposition prévoit un mécanisme pour débloquer ces sommes – 10 millions d’euros sont éligibles –, afin de les réaffecter à d’autres projets patrimoniaux. Ces mesures vont bien dans le sens d’une meilleure protection et de la valorisation du patrimoine de proximité.
En conclusion, j’aimerais revenir quelques secondes dans le Finistère pour évoquer la restauration et la sauvegarde de l’église Saint-Tugdual, dans la commune de Saint-Pabu, commune où je suis élue depuis de nombreuses années. Celle-ci va bénéficier de ces aides, comme une cinquantaine d’autres monuments de mon département. Le mur de soutènement du cimetière de même que la charpente de l’église ont besoin de travaux urgents en raison d’un état jugé très préoccupant. À la suite d’une mobilisation pour sauver cet édifice de 1767, en plein cœur des Abers, qui conserve des éléments authentiques, notamment en son chœur, la Fondation du patrimoine a décidé de financer une partie du projet, lequel a connu des transformations. Ainsi, au second semestre de 2022, avec l’action de la Fondation du patrimoine, une nouvelle étape de restauration sera entreprise.
À quelques kilomètres de chez moi se dresse un autre trésor : le phare de l’île Vierge, plus haut phare d’Europe, plus haut phare du monde en pierre de taille et quatrième plus haut phare du monde, avec ses 365 marches. Il est actuellement restauré et sera transformé pour partie en gîte.
Pour découvrir tout ce patrimoine un peu loin de Paris, je vous invite à visionner le reportage « Terroirs d’excellence en Bretagne » de l’émission Des Racines et des ailes. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, RDSE et UC.)