M. Stéphane Piednoir. Certaines personnes disposant d’une ordonnance d’activité physique adaptée, ou APA, ou se trouvant en situation de handicap reconnu par une maison départementale des personnes handicapées, ou MDPH, bénéficient d’un encadrement nécessaire à la pratique de leur activité.
Ces soins et activités peuvent être en partie dispensés en journée, mais l’impossibilité d’y avoir accès après dix-huit heures en raison du couvre-feu est très pénalisante. Il est aujourd’hui inacceptable que ces personnes ne puissent bénéficier des soins qui leur sont prescrits, soit en raison du couvre-feu, soit en raison d’un possible confinement à venir.
Une telle situation est d’autant plus inimaginable que les soins médicamenteux sont parfois moins efficaces que l’activité physique adaptée.
Autorisée depuis 2016 pour les affections de longue durée, l’APA a fait la preuve de son efficacité pour vingt-six d’entre elles. Nous en avons encore eu la confirmation lors de la table ronde sur le sport-santé organisée conjointement, la semaine dernière, par la commission de la culture et la commission des affaires sociales.
L’APA ne remplace pas les médicaments, mais s’associe pleinement aux traitements : elle permet ainsi de diminuer de 28 % la mortalité des malades du cancer du sein, d’assurer le maintien de l’activité physique des patients en rémission ou de diminuer de 48 % à 50 % le risque de récidive, ce qui est tout à fait significatif.
Cet amendement vise donc à permettre l’accès à l’ensemble des équipements sportifs, en plein air ou couverts, aux bénéficiaires de l’APA, en dérogeant au couvre-feu.
Mme la présidente. L’amendement n° 16, présenté par Mme de La Gontrie, MM. Sueur, Kanner, Bourgi et Durain, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Antiste, Mmes Artigalas et Conconne, MM. Jacquin et P. Joly, Mmes Le Houerou et Lubin, M. Mérillou, Mme Poumirol, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Temal et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la fin de la première phrase du III du même article L. 3131-15, les mots : « de lieu » sont remplacés par les mots : « aux spécificités de lieu selon des caractéristiques liées au taux d’urbanisation et de densité démographique » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Cet amendement vise à reprendre un point que j’avais abordé en discussion générale, à savoir la nécessiter d’adapter les mesures de restriction aux spécificités des territoires.
L’article L. 3131-15 du code de la santé publique dresse la liste de l’ensemble des restrictions pouvant être décidées par décret. Il se conclut par une expression « valise » indiquant que les mesures prescrites doivent être « strictement proportionnées aux risques encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ». Fort bien !
Le ministre a évoqué des circonstances de fait pour montrer que le raisonnement que j’avais suivi en discussion générale n’était pas forcément pertinent. Quand bien même, des communes rurales peu peuplées sont plus contaminées que d’autres, ce qui témoigne justement de cette disparité des situations.
Comme l’a souligné Mme Boyer, nous savons que les Français vivent très difficilement ces mesures uniformes. Dans un premier temps, le Gouvernement avait d’ailleurs instauré un couvre-feu de manière différenciée selon les départements.
Il est essentiel d’adapter ces mesures à la situation locale. Je suis consciente qu’il s’agit d’un travail complexe, que l’on pourrait presque qualifier de titanesque, mais si les Français ont la certitude que les mesures sont adaptées à la situation de leur territoire, et non plaquées uniformément, ils accepteront d’autant mieux les contraintes considérables qu’ils subissent depuis plusieurs mois, me semble-t-il.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, MM. Burgoa, Paccaud, Boré et Le Rudulier, Mme Belrhiti, M. Sautarel, Mmes Joseph et de Cidrac, M. Regnard, Mmes Garriaud-Maylam, Lassarade et Dumas, MM. Frassa et Bouchet, Mme Thomas, MM. Klinger, Belin et Saury, Mme Micouleau et MM. Genet, C. Vial et B. Fournier, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la fin de la première phrase du III de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, les mots : « de lieu » sont remplacés par les mots : « aux spécificités de lieu lorsqu’elles ne s’appliquent pas, dans le dernier cas, de manière uniforme sur le territoire national ».
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Je me range aux arguments de M. le rapporteur et retire donc cet amendement, madame la présidente.
M. Philippe Bas, rapporteur. Donner la position de la commission des lois est une tâche intimidante, madame la présidente, que je vais néanmoins m’efforcer de remplir.
Monsieur le ministre, nous sommes en désaccord, mais ce n’est pas si grave, et notre divergence n’est d’ailleurs que partielle : deux des trois mesures que nous avons ajoutées au texte et dont vous souhaitez le retrait ont été adoptées voilà quinze jours en conseil des ministres dans le projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires.
Il s’agit tout d’abord de reconnaître l’impossibilité de réglementer les réunions à la maison dans le cadre de l’urgence sanitaire. On ne peut pas mettre un gendarme au domicile de chaque Français et, par conséquent, on ne peut les sanctionner s’ils reçoivent du monde chez eux, sauf en cas de tapage nocturne. Dès lors, pourquoi refuser aujourd’hui ce que vous proposiez vous-même voilà quelques semaines ?
La deuxième disposition tire les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel précisant qu’une décision du juge des libertés est nécessaire pour maintenir en quarantaine plus de quatorze jours, pendant plus de douze heures par jour, nos concitoyens contagieux. Je ne vois pas d’inconvénient à inscrire dans la loi cette exigence du Conseil constitutionnel.
Enfin, la troisième disposition supprime la possibilité de prendre des mesures dérogatoires au contrôle des prix, dans la mesure où le droit commun permet déjà au Gouvernement d’atteindre cet objectif, à la seule condition de consulter le Conseil national de la concurrence, ce qui n’est tout de même pas une formalité impossible à remplir, même dans une certaine urgence.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 28. J’espère, monsieur le ministre, que vous vous y résignerez, eu égard aux explications que je viens de donner.
L’amendement n° 14 de M. Leconte et de plusieurs de nos excellents collègues du groupe socialiste vise à demander au Gouvernement la remise d’un rapport mensuel sur le contentieux administratif des mesures prises au titre de l’état d’urgence sanitaire.
Mes chers collègues, le Gouvernement, dont je ne suis pas le principal avocat ici, j’y insiste, a devancé votre désir, puisqu’il adresse toutes les semaines, et non tous les mois, les informations que vous demandez.
Monsieur Leconte, je vous vois venir : vous reprochez à ce document, qui est transmis aux groupes, de dresser une simple liste des requêtes. Toutefois, rien ne vous empêche, à partir de cette liste, d’aller consulter les décisions sur le site du Conseil d’État.
Vous n’allez tout de même pas demander au Gouvernement de vous mâcher le travail ! Nous savons, nous aussi, chercher l’information à la source. Peut-être voudriez-vous que le Gouvernement rédige un commentaire juridique pour bien vous faire mesurer la portée de ces décisions ?… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pour ma part, je souhaite faire ce travail en toute indépendance. À partir du moment où le Gouvernement m’aura fourni la liste des requêtes, je saurai très bien aller les consulter et, le cas échéant, interpeller le ministre sur telle ou telle décision dont il n’aurait pas suffisamment tenu compte.
Pour ces raisons, et sans même invoquer notre excellente jurisprudence, que je défends ardemment, visant à éviter de multiplier les injonctions au Gouvernement de faire des rapports, la commission est défavorable à l’amendement n° 14.
L’amendement n° 27 rectifié est intéressant, monsieur le ministre. Qu’êtes-vous prêt à en faire ?
Il s’agit d’un cas très circonscrit : certains de nos concitoyens ont besoin de faire de l’exercice pour leur santé ou leur rééducation, sous contrôle d’un professeur d’éducation physique et sportive ou, oserais-je dire en vieux français, d’un « coach ». (Sourires.)
Il s’agit de leur permettre de faire ces exercices en dehors des horaires de travail, malgré le couvre-feu. Si vous acceptiez de prendre le décret nécessaire, étant entendu qu’il ne s’agit pas de créer une ligne de fuite au sein du couvre-feu, je suis certain que notre collègue retirerait cet amendement ; à défaut, la commission, qui estime que cette disposition pourrait être adoptée, s’en remettrait à la sagesse de notre assemblée.
Notre excellente collègue Marie-Pierre de La Gontrie propose, au travers de l’amendement n° 16, propose d’adapter les restrictions aux libertés prises dans le cadre de l’état d’urgence aux spécificités locales.
Ma chère collègue, vous n’avez pas l’habitude d’enfoncer des portes ouvertes, et moi non plus. Pour autant, nous n’avons pas besoin de cet amendement pour que cette exigence s’impose au Gouvernement dans ses décisions. En effet, l’article L. 3131-15 du code de la santé publique prévoit déjà que les mesures prises doivent être « strictement proportionnées au risque sanitaire encouru et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. ».
Pourquoi voulez-vous entrer dans le détail des circonstances de lieu et de temps ? Nous pourrions broder autour de cette notion, mais celle-ci est en fait assez courante. Je puis vous garantir que la règle que vous voulez poser existe déjà, raison pour laquelle la commission est défavorable à votre amendement.
Enfin, je remercie Mme Boyer, qui visait le même objectif, d’avoir parfaitement compris que la législation actuelle était suffisante et d’avoir retiré son amendement. À mon avis, madame de La Gontrie, vous devriez en faire autant.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Monsieur le rapporteur, l’article 42 du décret du 29 octobre 2020 prévoit déjà que les établissements sportifs peuvent continuer à accueillir, par dérogation, les bénéficiaires d’une prescription d’APA ou les personnes présentant un handicap reconnu par la maison départementale des personnes handicapées.
Cela montre, premièrement, que cette décision n’est pas du domaine de la loi, deuxièmement, que nous l’avons déjà prise, et, troisièmement, que nous ne l’avons manifestement pas assez fait connaître.
Le Gouvernement demande donc le retrait de l’amendement n° 27 rectifié, pour les raisons que j’ai évoquées, et il émet un avis défavorable sur l’amendement n° 16.
Le Gouvernement tient beaucoup à son amendement n° 28 : nous sommes d’accord sur le fond, monsieur le rapporteur, mais il s’agit de question de forme qui a son importance. Nous voulons remettre ces éléments de débat dans le bon contexte. Je ne veux pas me déjuger, et encore moins déjuger le Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis de la commission sur l’amendement n° 27 rectifié ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Monsieur le ministre, nous connaissions ce décret, mais il ne répond pas complètement à la question : il autorise simplement les établissements sportifs à accueillir certaines catégories d’usagers, notamment ceux qui ont des problèmes de santé ou qui sont handicapés. Des éducateurs sportifs diplômés peuvent aussi exercer leurs fonctions ou se former dans ce cadre.
Notre objectif n’est pas de définir par un décret les lieux où pourrait se pratiquer cette activité. Nous pensons même que, dans certains cas, cette dernière devrait se pratiquer en plein air. Nous voudrions simplement qu’elle puisse se pratiquer après dix-huit heures.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Nous parlons de personnes qui ont une prescription médicale ou un handicap justifiant qu’ils aient besoin d’une activité sportive. Ils peuvent continuer à l’avoir dans la journée !
Je le rappelle, le couvre-feu s’applique à toute la Nation, sauf quelques exceptions liées au travail ou à des problèmes de santé, notamment la consultation d’un médecin ou l’achat de médicaments. C’est la seule différence entre le décret et cet amendement, et je l’assume.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. Pour ma part, je m’en remets à l’analyse de M. le rapporteur.
Certains éléments me permettent d’affirmer que le décret que vous avez évoqué, monsieur le ministre, ne satisfait pas complètement la demande que j’ai formulée. Il convient en effet d’ouvrir après dix-huit heures pour ce public très précis. M. le rapporteur l’a rappelé, le périmètre de l’amendement est très circonscrit.
Je le maintiens donc, profitant, en quelque sorte, de l’avis de sagesse émis par la commission. Il s’agit, si je puis dire, d’enfoncer le clou.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mon explication de vote porte sur les quatre amendements qui restent en discussion.
Notre groupe est défavorable à l’amendement n° 28 du Gouvernement, pour les raisons déjà rappelées et sur lesquelles je ne reviendrai pas.
Je trouve un peu étrange l’ironie de M. le rapporteur sur l’amendement n° 14. En effet, si l’on défend les droits du Parlement et la nécessité de son information, faire en sorte que les décisions administratives rendues sur requête puissent être communiquées aux parlementaires permet ensuite d’adapter la loi au mieux. Or tel est le sens de cet amendement, que nous maintenons donc évidemment.
Nous voterons l’amendement n° 27 rectifié, qui vient d’être défendu par M. Stéphane Piednoir. Je le confesse, je n’ai pas totalement compris la réponse du ministre. En revanche, j’ai très bien compris l’argumentaire des auteurs de l’amendement.
Enfin, s’agissant de l’amendement n° 16, j’entends les arguments de M. le rapporteur, selon lesquels l’article L. 3131-15 du code de la santé publique permet de satisfaire les dispositions prévues.
De ce fait, monsieur le rapporteur, connaissant votre exigence et votre précision, je suis très intriguée. Un seul amendement a été déposé par vos soins sur ce texte : il a justement pour objet l’article L. 3131-15 et vise à introduire une précision, laquelle doit donc également être satisfaite, si je suis votre raisonnement. Je ne comprends donc pas la cohérence de votre position.
De deux choses l’une : soit ces amendements sont satisfaits et ils n’ont pas lieu d’être, tout comme le vôtre d’ailleurs, soit ils ne le sont pas, et je vous suggère alors, mes chers collègues, d’adopter notre proposition, afin que les élus locaux puissent être consultés et associés, en vue de prendre les décisions les plus fines possible, en rapport avec leur territoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. L’amendement n° 28 du Gouvernement touche à l’essentiel. Le ministre ayant exprimé sa position, nous connaissons l’issue de la navette parlementaire.
M. Philippe Bas, rapporteur. Mais non !
M. Philippe Bonnecarrère. Nous aurons l’état d’urgence, sans les garanties demandées et sans le travail de la commission des lois du Sénat !
Le Gouvernement se dit disposé à informer, ce dont je prends acte. J’observe simplement, sans y voir un excès de condescendance à notre égard, monsieur le ministre, qu’informer n’est pas décider.
On vous a répondu, mes chers collègues, que, si vous étiez aux responsabilités, vous prendriez les mêmes mesures. Tel est justement le sujet ! Si, face à une situation grave, tous les groupes politiques des deux assemblées sont conduits à estimer qu’une mesure de confinement est nécessaire, il convient de partager la décision ! Celle-ci aura alors une autre force sociale.
Toute l’ambiguïté du Gouvernement est de demander l’état d’urgence en ayant sa propre idée sur la suite des opérations et en refusant une quelconque participation du Parlement.
Voilà quelques secondes, M. le ministre affirmait que tout ceci était parfaitement conforme à l’État de droit, et même à la Constitution. Mais bien sûr que non ! C’est justement parce que l’État de droit, monsieur le ministre, ne vous donne pas la possibilité de modifier les libertés, comme vous l’envisagez, que vous demandez l’état d’urgence.
Vous allez l’obtenir, sans qu’il soit assorti de garanties. Comprenez-le, c’est un problème institutionnel pour le Parlement, dont le rôle est complètement dénié. Il s’agit non pas d’une question d’ego, mais d’un problème institutionnel.
Par ailleurs, votre démarche soulève une difficulté liée à son acceptabilité pour la société civile, qui n’est pas associée, puisque le Parlement ne l’est pas.
Je formule une nouvelle fois notre demande, monsieur le ministre : il convient de prévoir un vote sur la décision qui sera prise d’un éventuel confinement. Dans ce cadre, nous pourrons prendre collectivement et rapidement nos responsabilités ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mme V. Boyer, MM. Paccaud, Boré et Le Rudulier, Mme Belrhiti, M. Sautarel, Mmes Joseph et de Cidrac, M. Regnard, Mmes Garriaud-Maylam et Dumas, MM. Frassa et Bouchet, Mme Thomas, MM. Klinger, Belin, Saury et Savary, Mme Micouleau et MM. Genet et B. Fournier, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après la troisième phrase de l’article L. 3131-19 du code de la santé publique, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il comprend également parmi ses membres deux députés et deux sénateurs. »
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Mes chers collègues, avant de présenter cet amendement, permettez-moi de remercier la commission des lois, qui a déjà adopté un amendement que j’avais déposé visant à autoriser les commissions parlementaires à saisir le conseil scientifique sur des questions relatives à la crise sanitaire.
Même si l’Opecst, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, organe bicaméral et transpartisan, joue le rôle de conseil scientifique pour le Parlement, de nombreuses décisions ont été prises, ces derniers temps, au sein du conseil scientifique, qui a parfois joué le rôle du Parlement, tandis que le président de cette autorité jouait le rôle du Gouvernement !
Sans remettre en cause le rôle et l’importance des scientifiques dans la crise sanitaire, cet amendement vise à mieux associer le Parlement aux travaux du conseil scientifique, afin de conforter le rôle de ce conseil, tout en permettant d’enrichir utilement le travail parlementaire.
Ainsi, cet amendement a pour objet que deux députés et deux sénateurs, l’un de la majorité et l’autre de l’opposition, fassent partie de ce conseil. Nous reprenons, je le précise, la proposition n° 9, formulée dans le cadre de la mission flash sur le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire par le député Philippe Gosselin.
Vous-même, monsieur le ministre, avez été député. À l’époque, vous étiez tout à fait à même de comprendre les délibérations du conseil scientifique. En outre, compte tenu de l’importance de cette instance, du manque de transparence de ses décisions et de l’importance de ces dernières sur nos vies, le Parlement devrait, me semble-t-il, exercer un contrôle beaucoup plus approfondi de ce conseil.
Cette demande ne me semble pas jeter l’opprobre ou la suspicion. Au contraire, la mise en œuvre d’une telle mesure permettrait de créer un climat de confiance, lequel s’étiole malheureusement au fur et à mesure que la crise sanitaire perdure.
Dans la mesure où nous entrons dans une sorte de crise sanitaire chronique, il me semble important que des membres du Parlement intègrent le conseil scientifique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Ma chère collègue, je vous remercie d’avoir rappelé que la commission, inspirée par votre travail, avait déjà resserré les liens entre le Parlement et le conseil scientifique, en permettant aux commissions parlementaires de saisir celui-ci.
Parmi les amendements relatifs au Comité scientifique que vous avez présentés, celui auquel nous avons souscrit et que nous avons intégré au texte de la commission est sans doute le plus important.
Les dispositions de l’amendement n° 3 rectifié bis relèvent d’une conception que je respecte, mais qui ne correspond pas exactement à l’approche retenue par la commission.
Au fond, votre souci est le même que le nôtre. Il s’agit d’assurer la crédibilité des avis du conseil scientifique, afin que ces derniers, dont le rôle est déterminant dans la décision politique, inspirent davantage confiance à la population.
Toutefois, si l’on mélange des politiques et des scientifiques pour dégager un consensus scientifique et si les politiques peuvent peser sur une discussion scientifique, on risque de soulever encore plus de doutes. En effet, au lieu de prendre en considération exclusivement les données de la science, on s’appuierait également sur les impératifs portés par les représentants de la Nation. Par conséquent, si la composition du conseil scientifique était ainsi modifiée et politisée, celui-ci serait encore plus critiqué.
Telle est la raison pour laquelle, malgré la référence que vous faites à l’excellent rapport auquel a collaboré mon collègue parlementaire de la Manche Philippe Gosselin, dont j’apprécie particulièrement le travail, la commission ne peut souscrire à cet amendement, ce que je regrette.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Monsieur le rapporteur, je comprends vos propos. Je réitère d’ailleurs mes remerciements pour ce qui concerne l’amendement retenu par la commission.
Toutefois, je regrette que l’on ne puisse pas aller plus loin. Il s’agit, selon moi, d’une nécessité. Sans politiser ni polémiquer, il convient d’informer et de rendre les choses plus transparentes. M. le ministre nous a encouragés à poser toutes les questions que nous souhaitions. Or il me paraît important, notamment, de savoir comment les décisions sont prises.
Quand le président du conseil scientifique prend la parole, à quel titre le fait-il ? Parle-t-il en son nom propre, sur la demande du Président de la République ou sur celle du conseil scientifique ? Toutes ces questions jettent le trouble dans l’opinion publique et créent un climat de défiance ne permettant pas d’améliorer nos relations dans cette crise sanitaire, surtout quand celle-ci tend – c’est du moins ce qu’on pressent – à devenir chronique.
C’est la raison pour laquelle j’aurais apprécié que nous allions plus loin, afin de mieux accompagner nos concitoyens dans les difficultés qu’ils traversent. Nous avons tous le souci de voir nos libertés un peu moins bridées et d’être mieux informés. En effet, quand on ne comprend pas comment les décisions sont prises, on les accepte moins bien : c’est exactement ce qui est en train de nous arriver !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. En tant que membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et vice-présidente depuis un certain nombre d’années, je puis dire que nous travaillons en permanence avec tous les scientifiques. Cela ne pose pas de problème.
Ainsi, nous auditionnerons jeudi dernier au soir M. Delfraissy, que notre collègue vient d’évoquer. Les sites de l’Assemblée nationale et du Sénat permettent même à la population, en amont, de formuler les questions qu’elle souhaiterait nous voir poser.
Selon moi, le moyen le plus efficace de ne pas rompre le lien de confiance avec la population serait, pour le Gouvernement, de suivre un peu plus systématiquement les avis de l’Opecst.
Chaque fois, nous faisons en sorte que les rapporteurs soient d’une couleur politique différente, afin de donner plus de poids aux rapports qu’ils rendent. Je pense notamment au rapport sur la stratégie vaccinale, qui a fait l’objet de plusieurs mois de travail, en collaboration avec des scientifiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote sur l’article 1er.
M. Guy Benarroche. On parle beaucoup de la lassitude des Français face à l’arrivée imminente d’un possible nouveau confinement.
On parle moins, à l’exception de certains de mes collègues, de la lassitude des parlementaires face à un gouvernement qui, certes, affronte une pandémie d’une rare gravité, mais qui souhaite le faire seul, en conseil de défense ou avec un conseil scientifique créé ex nihilo, dont les membres sont choisis sans l’intervention du législateur, si j’en crois ce que nous a expliqué M. le rapporteur.
Monsieur le ministre, vous nous présentez aujourd’hui une énième loi sur l’état d’urgence sanitaire. Toutefois, la périodicité des consultations des assemblées et leur incapacité à voter, notamment lors des déclarations du Gouvernement – je pense à l’annonce de la politique vaccinale –, pèsent sur notre démocratie, peut-être plus que vous ne le pensez.
Quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, les sénateurs ont exprimé aujourd’hui leur souhait d’être consultés plus régulièrement. Le combat que nous menons tous contre la covid ne doit pas se faire au prix de renoncements à des libertés décidés uniquement par l’exécutif.
Le trop grand nombre de mesures restrictives de liberté prises au nom de l’état d’urgence aurait dû être justifié devant le pouvoir législatif. Si je comprends des restrictions parfois nécessaires, je ne puis me résoudre, à l’instar de mes collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, à ce que la discussion cesse entre les parlementaires et le Gouvernement, au nom d’une urgence qui se pérennise.
Mauvais hasard du calendrier, voilà quarante-cinq minutes, l’Assemblée nationale a voté à la majorité la dissolution de la mission d’information sur la covid-19, qui avait déjà remis deux rapports et qui aurait pu être prolongée. Je le déplore, car c’est un mauvais signal.