Mme Émilienne Poumirol. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain partage totalement l’objectif de renforcement de la démocratie sanitaire via la création d’un observatoire citoyen des dispositifs médicaux visé au travers de l’article 4.
Cet amendement tend à élargir le champ des missions de cet observatoire citoyen des dispositifs médicaux afin d’y inclure également les médicaments et les vaccins.
La question de la transparence des prix du médicament a donné lieu à de multiples discussions, de même que celle de la sécurité des vaccins et de la confiance en la vaccination. Il nous paraît donc nécessaire de créer un observatoire citoyen pour satisfaire cette exigence de rééquilibrage dans l’accès à l’information des pouvoirs publics et du grand public concernant le marché des médicaments, des vaccins et des dispositifs médicaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 2.
Mme Laurence Cohen. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec cette proposition de loi portant création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux.
Lors des débats en commission des affaires sociales et ici même, nous avons toujours plaidé pour que ce pôle s’occupe à la fois des médicaments, des vaccins et des dispositifs médicaux.
Si nous souhaitons créer un observatoire, c’est pour permettre l’émergence d’une démocratie sanitaire beaucoup plus robuste, décisionnelle, et non pas seulement consultative.
Tel est l’objet de cet amendement que j’ai déposé avec mon groupe, car il n’a, hélas ! pas obtenu le soutien de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laurence Cohen, rapporteure. La commission a rejeté ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Les principes de transparence et de participation des citoyens au processus décisionnel de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, que vous souhaitez promouvoir au travers de ces deux amendements, sont fondamentaux. Ils le sont à ce point qu’ils sont d’ores et déjà mis en place ou en voie de l’être dans le cadre de la politique d’ouverture de l’ANSM.
Plusieurs éléments concourent ainsi, ou concourront bientôt, à cette transparence que, comme nous, vous appelez de vos vœux : d’une part, le rapport d’activité de l’ANSM, qui comporte chaque année une synthèse des données de vigilance et les faits marquants de l’année ; d’autre part, dans le cadre de la politique d’ouverture et d’open data, la mise en ligne sur le site internet de l’Agence des données agrégées et anonymisées de matériovigilance, comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour les données de pharmacovigilance.
En outre, il convient de rappeler que, depuis le mois de juillet 2019, dans l’ensemble des instances d’expertise scientifique de l’Agence siègent des représentants des patients et des représentants d’usagers du système de santé. C’est en particulier le cas dans le comité scientifique permanent « matériovigilance et réactovigilance », qui comprend quatre membres des associations de patients, deux titulaires et deux suppléants.
De plus en plus, l’ANSM procède à des consultations et à des auditions publiques des parties prenantes, lesquelles font l’objet d’une diffusion en direct sur internet, de même que les ordres du jour et les comptes rendus de ces séances.
Il ne nous semble donc pas nécessaire de créer par voie législative une instance supplémentaire, en plus de toutes les structures qui existent déjà et de toutes les procédures que je viens de rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, pas plus pour les dispositifs médicaux que pour les médicaments.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Nous ne voterons pas ces amendements.
Je tiens en cet instant à exprimer une conviction qui fait un peu écho aux propos de Mme Lienemann. Ma conviction, notre conviction, c’est que tous ces organismes participent à une forme de confusion. Or la démocratie exige de la lisibilité. Il s’agit donc non pas de multiplier ces organismes, mais de les animer et de les faire vivre.
De ce point de vue, il me semble que notre pays souffre de suradministration et de sous-politisation. Un article récent a décrit avec justesse cette réalité. La multiplication de ces organismes y contribue, plus encore quand le champ est étendu et complexe pour les citoyens.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Laurence Cohen, rapporteure. Pour siéger au conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, je peux témoigner que cette agence joue un rôle extrêmement important. Au fil du temps, elle s’est d’ailleurs vue confier des missions de plus en plus variées et nombreuses, avec des moyens de plus en plus restreints, du fait de la suppression d’un certain nombre d’équivalents temps plein (ETP). À partir du moment où l’on étend ses missions, il faudrait aussi penser à lui octroyer des moyens.
Sa mission n’est pas d’être un observatoire citoyen. Elle n’est pas composée de personnalités extérieures, chargées d’assurer la transparence. Là encore, si tout allait bien, si tout était prévu, nous n’aurions pas connu les scandales du type du Mediator ou autre ! (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.)
Ce pays souffre d’un problème de transparence dans la chaîne des médicaments : de leur composition à leur fabrication, jusqu’à leur prix. Partant de ce constat, il faut réfléchir différemment. C’est bien pour cela que cet observatoire est important.
Pour préparer cette proposition de loi, nous avons organisé des auditions. Le texte a également fait l’objet de discussions et de confrontations. Reste qu’un certain nombre de personnalités auditionnées sont favorables à un tel observatoire. Je pense notamment à l’Observatoire de la transparence des médicaments et des dispositifs médicaux, qui a accompli un travail colossal sur la question de la transparence. Or je suis étonnée, car cette réflexion n’est pas prise en compte aujourd’hui et, monsieur le secrétaire d’État, malgré les informations que vous nous avez communiquées, cela ne va pas.
Je trouve toujours formidable qu’après avoir dressé un bilan plus que contrasté, pour ne pas dire plutôt négatif, on nous dise : « Ne vous inquiétez pas, bonnes gens. Dormez tranquille. Tout est sous contrôle. »
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je m’adresse à mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : j’ai observé votre vote sur les articles précédents et je devine assez bien le sort qui sera réservé à ce texte.
Quand on dépose un amendement identique à celui des auteurs d’une proposition de loi, on le retire au profit du leur : c’est une question de correction et de respect du travail accompli, surtout quand on a voté contre les articles précédents. (Marques de surprise sur les travées du groupe SER. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Chacun prend ses responsabilités : c’est une invitation à jouer collectif plutôt qu’à mettre l’accent sur les différences.
Mme la présidente. Madame Poumirol, l’amendement n° 1 est-il maintenu ?
Mme Émilienne Poumirol. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 2.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 n’est pas adopté.)
Chapitre III
MISE À CONTRIBUTION DES INDUSTRIELS PHARMACEUTIQUES
Article 5
À la fin du V de l’article L. 245-6 du code de la sécurité sociale, le pourcentage : « 0,17 % » est remplacé par le pourcentage : « 1 % ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Contre cet article, on nous oppose comme argument que financer un pôle public du médicament et des produits médicaux par une contribution sur le chiffre d’affaires des grandes entreprises poserait à ces dernières un énorme problème et qu’elles délocaliseraient.
Je ne lancerai pas un débat sur ce sujet, mais quand on discute avec un certain nombre d’acteurs du médicament, on comprend que les choix de localisation sont liés à d’autres critères que le coût, qu’il s’agisse des taxes ou du coût du travail.
Mes chers collègues, selon Le Revenu, l’une des deux seules grandes entreprises françaises à offrir des dividendes particulièrement attractifs cette année, c’est Sanofi. Déjà l’an dernier, l’augmentation a été de plus de 7 % et c’est ainsi de façon régulière.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Sans tomber dans le travers qui consisterait à soutenir qu’il n’y a pas de profits nécessaires, face à un tel décalage entre les profits réalisés et l’état global de l’économie réelle et des autres pans de l’économie, on peut considérer que réguler l’économie passe aussi par le prélèvement de richesses indûment distribuées, au moment où d’autres connaissent d’énormes difficultés, notamment nos PME.
Par ailleurs, Sanofi a aussi des sous-traitants qu’elle ne traite pas bien.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Or une partie des difficultés tient aussi à la manière dont ces grandes entreprises traitent leurs sous-traitants. L’observation du prix du médicament doit aussi mettre en évidence cette réalité.
Quand on réfléchit globalement à un redéploiement de la production de médicaments en France, lequel entraînerait une augmentation des prix de certains médicaments, une ponction sur les entreprises du médicament ne paraît pas être une mauvaise idée. Pour ma part, je préfère des médicaments un tout petit peu plus coûteux fabriqués en France plutôt que des médicaments moins chers produits en dehors de l’Hexagone, qui plus est avec un taux de retour pour mauvaise qualité particulièrement élevé s’agissant des génériques.
Je ne pense pas que le mode de financement du pôle public du médicament et des produits médicaux que nous proposons soit une faiblesse pour notre industrie. Au contraire, il permet de penser une planification souple, à la française, en nous en donnant les moyens.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l’article.
M. Pierre Laurent. Je prends la parole à cet instant du débat, car le vote sur l’article 5 est sans doute le dernier que nous aurons sur ce texte.
Une nouvelle fois, nous sommes en train de gâcher une occasion de prendre une décision essentielle ! Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que nous serons obligés de revenir sur la question que nous posons aujourd’hui avec ce texte.
Que se passe-t-il dans le cas du vaccin contre la covid ? Pour sécuriser l’accès à ce vaccin et faire en sorte qu’il soit accessible à tous et gratuit, tous les gouvernements européens ont immédiatement mis des fonds publics : 1,5 milliard de doses ont ainsi été achetées. En outre, Clément Beaune l’a confirmé mardi matin, l’essentiel des vaccins sera produit en Europe.
En d’autres termes, nous faisons avec ce vaccin exactement le contraire de ce qui se serait passé si l’on avait laissé faire les marchés et les groupes pharmaceutiques ! Pourquoi ? Parce que la pandémie nous oblige à sécuriser l’accès au vaccin : c’est une urgence à laquelle aucun gouvernement ne peut se soustraire.
Si l’on ne crée pas le pôle public du médicament et des produits médicaux, une fois la pandémie passée, on recommencera de zéro !
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Pierre Laurent. Nous serons confrontés au même problème avec un autre médicament. Nous le sommes déjà !
Aujourd’hui, la majorité ne veut pas voter ce texte, mais la pandémie et la manière dont nous traitons la question du vaccin démontrent qu’il faut changer de logique et ne plus laisser la main aux groupes industriels actuels.
Souvenons-nous de la déclaration du directeur France de Sanofi, ce cri du cœur du monde financier : il a crûment avoué que le vaccin serait d’abord pour ceux qui paient.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Oui, c’est ce qu’il a dit !
M. Pierre Laurent. La voilà la logique de ces groupes ! Cette déclaration a été faite par le directeur de Sanofi, un groupe prétendument français ! Tout le monde a été obligé de le recadrer.
Deux solutions s’offrent à nous : soit on laisse ces groupes continuer à faire la loi, soit on fait autrement, si ce n’est avec la proposition de loi que nous vous soumettons, en tout cas avec la logique qui l’anime. On ne le fera pas aujourd’hui, mais il faudra le faire, demain, après-demain ou plus tard, sinon nous nous préparons des catastrophes sanitaires sur l’autel des rendements des groupes pharmaceutiques. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je ne comprends pas non plus que l’on ne puisse pas aujourd’hui voter tous ensemble dans cette enceinte en faveur de la création de ce pôle public du médicament et des produits médicaux, ce pôle étant, je le rappelle, demandé et soutenu par quarante organisations.
Mes collègues ont parlé de Sanofi. Pour ma part, je vous parlerai d’une firme américaine, Gilead Sciences, qui marche dans les pas de Sanofi. Je rappelle que ce grand groupe vend aujourd’hui un traitement 28 700 euros, alors qu’il est produit pour seulement quelques centaines d’euros. Il s’agit bien évidemment du Sovaldi, prescrit contre l’hépatite C.
Dans cet hémicycle, on n’arrête pas de dire qu’il ne faut pas gâcher l’argent public ; ce fut le cas lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances. Pourtant, en payant à Gilead France ce traitement 28 700 euros, alors que sa production coûte quelques centaines d’euros, l’État français gâche l’argent public !
Avec un pôle public du médicament et des produits médicaux, nous pourrions avoir une véritable transparence sur les prix et nous pourrions intervenir pour empêcher de tels scandales, parce que c’est un véritable hold-up sur l’État français qu’opère ce groupe !
Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, sur l’article.
Mme Émilienne Poumirol. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne partage pas la position de la majorité sénatoriale, qui a rejeté en bloc l’ensemble des articles de cette proposition de loi.
Pourtant, nos interventions l’ont montré : nous faisons tous le même constat sur la pénurie de médicaments, cela fait consensus ici. D’ailleurs, notre assemblée est engagée sur ce sujet depuis plusieurs années.
Il y avait matière à enrichir cette proposition de loi. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons déposé l’amendement n° 1 – il ne s’agissait pas de nous opposer au groupe CRCE. Je regrette que nous ayons manqué l’occasion d’améliorer ce texte.
La question de l’accès aux médicaments demeurera en 2021, comme celle de l’accès aux vaccins. Pour notre part, nous estimons nécessaire la création d’une solution publique de production pour les médicaments en tension.
Reste que nous n’étions pas véritablement convaincus par la création d’un établissement public supplémentaire, tel qu’il a été prévu à l’article 1er. Oui à un pôle public du médicament et des produits médicaux, mais non à un étage administratif supplémentaire, alors que nous faisons déjà face à un millefeuille, à un système complexe, composé de multiples structures de santé, avec une gestion hypercentralisée, et malheureusement sourd aux alertes du terrain.
Pour nous, un pôle public du médicament et des produits médicaux n’a pas exactement la même signification que pour nos camarades du groupe CRCE. Nous estimons que nous pouvons d’ores et déjà, si nous en avons la volonté politique, démultiplier nos capacités de production et d’approvisionnement pour les médicaments qui nous manquent.
Cela a été évoqué, l’essentiel, c’est plus la volonté politique de mettre en place des sanctions effectives, dans la mesure où celles-ci ne sont pas appliquées aujourd’hui, que l’organisation d’un système administratif encore plus complexe.
L’État pourrait par exemple conventionner des chaînes de production et de fabrication spécifiques pour certains médicaments en tension, avec des laboratoires français, puisqu’il existe encore des sites de production en France. On pourrait également s’appuyer davantage sur l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et sur la pharmacie centrale des armées ; elle a déjà prouvé son efficacité lors de l’épidémie de 2009, je l’ai souligné tout à l’heure.
Enfin, comme je l’ai également évoqué, je pense qu’il manquait une volonté européenne dans ce texte. C’est pour cela que nous nous sommes abstenus sur l’ensemble des articles, sauf sur l’article 4.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.
M. Bernard Jomier. Je rebondis sur les propos que vient de tenir Émilienne Poumirol : sur le principe, nous sommes favorables à un pôle public du médicament et des produits médicaux.
Pour autant, nous sommes ici non pas pour faire des déclarations ou pour publier des tribunes, mais pour écrire la loi, ce qui suppose d’entrer dans le dur et de définir des dispositifs précis. Or, sur un certain nombre de points, ce qui nous est proposé ne nous ne nous paraît pas opérant. Pour que cela le devienne, mes chers collègues, il faut accepter que ce texte soit amendé. À cet égard, je dois dire que je n’avais jamais entendu à l’égard d’un parlementaire des propos tels que ceux qui ont été tenus tout à l’heure.
M. Pascal Savoldelli. C’est le même amendement, mot pour mot !
M. Bernard Jomier. Et alors ?
Nous avions déposé trois amendements, mais la volonté de ne pas travailler sur les amendements a empêché d’améliorer le texte.
Il est une question qui nous paraît très importante et sur laquelle nous avons souhaité avancer, c’est celle de la démocratie sanitaire, ce qui me permet de répondre à Olivier Henno.
Tout le monde s’accorde à dire que l’épidémie de covid a montré que, en la matière, l’attitude du Gouvernement a été pour le moins dilettante. (Marques d’approbation sur les travées du groupe SER.) Or, et c’est une question d’organisation, il faut que des dispositifs existent. Il n’est qu’à voir la crise du covid : la Conférence nationale de santé n’a jamais été sollicitée. C’est pourtant bien parce qu’elle existe que nous pouvons interpeller le Gouvernement et lui demander pourquoi cette instance de démocratie sanitaire n’a jamais été consultée.
Ce qui existe à l’ANSM sur le médicament et sur la transparence du médicament n’est pas une instance de démocratie sanitaire. Absolument pas ! En ce sens, la proposition de loi de nos collègues du groupe CRCE nous paraît tout à fait intéressante. D’ailleurs, parce qu’ils sont nombreux à faire ce constat, les membres de la majorité sénatoriale auraient aussi pu travailler ce texte, afin qu’on l’améliore. Son adoption aurait constitué un petit progrès en termes de démocratie sanitaire sur la question du médicament.
C’est pour cela que nous avons soutenu cette disposition et que nous regrettons que le Sénat ne fasse pas ce petit pas en avant sur cette question.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, sur l’article.
M. René-Paul Savary. Je remercie Laurence Cohen d’avoir mis sur le tapis cette affaire importante, qui ressurgit régulièrement.
Monsieur le secrétaire d’État, il nous faut mieux définir la stratégie publique du médicament et peut-être changer un peu les pratiques.
Si nous comprenons les difficultés évoquées, nous ne sommes pas pour autant favorables, vous l’avez compris, à la création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux. Nous lui préférons une stratégie publique du médicament, laquelle impliquerait de modifier deux pratiques.
En premier lieu, le PLFSS prévoit plus de 30 milliards d’euros pour les médicaments. Or, on le voit bien, chaque année, cette ligne prend un coup : à force de vouloir rogner sur les médicaments et de développer des génériques – on a tous contribué à ce mouvement –, on a asséché de façon continue des laboratoires, qui ne peuvent plus aujourd’hui poursuivre leur développement en France et qui délocalisent.
Si l’on y réfléchit bien, nous avons provoqué durant de nombreuses années la situation que nous constatons aujourd’hui, au point de faire face aujourd’hui à des pénuries. Il faudrait donc d’abord discuter avec les laboratoires, faire en sorte que les engagements, quand ils sont pris, soient tenus – on sait bien que certains ne l’ont pas été –, et peut-être ne pas laisser autant les mains libres au Comité économique des produits de santé, le CEPS.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Voilà !
M. René-Paul Savary. Il faut être plus attentif à ces négociations. Nous avons déjà formulé des propositions. Nous avons notamment demandé qu’une réflexion soit menée dans le cadre européen plus que dans le cadre strictement national.
En second lieu, l’innovation est importante, on l’a tous dit.
M. Pierre Laurent. Il faut voter le texte !
M. René-Paul Savary. On connaît l’exemple de Sovaldi. L’innovation part : on ne sait pas retenir les biotechs, parce que l’on ne sait pas mettre les fonds propres suffisants pour qu’elles restent dans notre pays. Elles vont donc ailleurs et on achète ensuite très cher des médicaments qui, pour certains, ont été conçus en France.
Monsieur le secrétaire d’État, il faut essayer de mettre un terme à cette situation, dont on voit bien les conséquences.
En conclusion, nous ne voterons pas ce texte. Nous continuerons à formuler des propositions, car ces pénuries de médicaments sont aujourd’hui inexplicables pour nos concitoyens. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.
Mme Michelle Gréaume. La pénurie de médicaments constitue un problème majeur en matière de santé publique, qui ne cessera de s’amplifier si rien n’est fait. Les ruptures ou pénuries recensées sont passées de 44 en 2008 à plus de 1 200 en 2019, soit 30 fois plus en dix ans.
Aucune classe thérapeutique n’est réellement épargnée. Les pénuries et ruptures touchent des catégories variées de médicaments et de produits de santé : des antibiotiques aux traitements utilisés contre le VIH, les cancers, les vaccins ou encore les médicaments utilisés dans les protocoles de fin de vie. Les médicaments et produits de santé sont soumis aux logiques de l’offre et de la demande et des profits. Les industriels peuvent donc négliger des marchés qui ne leur semblent pas rentables, même lorsqu’il s’agit de molécules indispensables.
De plus, pour réduire les coûts de main-d’œuvre, les groupes ont délocalisé leur production. Nous dépendons désormais à 80 % de la Chine et de l’Inde.
Par ailleurs, le Gouvernement a de son côté refusé de réquisitionner les sites de production récemment fermés, qui disposaient pourtant de toutes les infrastructures pour produire ces médicaments, comme le site de Sanofi à Romainville et celui de Famar à Lyon.
Ce pôle public du médicament et des produits médicaux est, selon moi, une solution pour sauvegarder notre santé publique.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Laurence Cohen, rapporteure. Nous en arrivons à la conclusion de ce débat, ce qui signifie que cette proposition de loi n’a pas pu aboutir. Je le regrette. Au moins avons-nous provoqué une discussion et c’est à mon sens important.
Je regrette fortement la timidité de mes collègues, qui n’essaient pas d’adopter cet outil public, qui confondent les missions du public avec celles du privé. Le public ne cherche ni la rentabilité ni le profit : il sert l’intérêt commun.
Dans l’exposé des motifs de notre proposition de loi, nous l’avons bien dit, et je le redis encore une fois pour que ce soit bien clair dans vos esprits, mes chers collègues, et pour que vous votiez en toute connaissance de cause : il ne s’agit pas de remplacer ce qui fonctionne.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
Mme Laurence Cohen, rapporteure. Certains dispositifs, qui sont d’initiative privée, fonctionnent. Le pôle public du médicament et des produits médicaux n’a pas vocation à tout capter. Vous vous faites du projet que nous défendons une image éloignée de ce qu’il est.
Cette proposition de loi était extrêmement équilibrée. L’article 1er consacrait le programme public de production et de diffusion des médicaments. L’article 2 prévoyait le pilotage du pôle public du médicament et des dispositifs médicaux par un conseil national du médicament et des produits médicaux. L’article 3 organisait les modalités de réquisition – cela en a fait sursauter quelques-uns, mes chers collègues, mais cela existe déjà dans la loi, cela fait partie des prérogatives du Premier ministre. L’article 4 créait un observatoire citoyen des dispositifs médicaux élargi pour permettre la démocratie sanitaire. L’article 5 portait à 1 % le taux de la contribution des industriels pharmaceutiques. Rassurez-vous, cela n’aurait pas mis les grands labos à nu. Un tel taux aurait permis un apport de 262 millions d’euros pour le fonctionnement du pôle public du médicament et des produits médicaux.
Nous sommes soutenus par UFC-Que choisir, l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, la Ligue contre le cancer, France Assos Santé, mais aussi la CGT à Sanofi. J’espère que nous nous reverrons très bientôt, et non dans dix ans, pour voter ensemble la création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux.
Enfin, je m’inscris totalement en faux contre l’idée selon laquelle nous n’aurions pas voulu que cette proposition de loi soit amendée. Nous voulions au contraire qu’elle puisse l’être par toutes les sensibilités politiques. Ce refus ne vient pas du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, si l’article 5 n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les cinq articles qui la composent auraient été rejetés. Il n’y aurait donc pas d’explications de vote sur l’ensemble.
Je mets aux voix l’article 5.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 45 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 279 |
Pour l’adoption | 27 |
Contre | 252 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Les articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.
La parole est à Mme la présidente de la commission.