Mme le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour la quatrième année consécutive, le budget global de la mission « Immigration, asile et intégration » est en augmentation – cette fois-ci, de 2 %.
Il traduit les dispositions de la loi du 10 septembre 2018, s’inscrit dans la dynamique impulsée par le comité interministériel du 5 juin 2018 et vise deux grands objectifs : mieux accueillir les demandeurs d’asile et les étrangers en situation régulière et lutter efficacement contre l’immigration clandestine.
Pour atteindre le premier objectif, le budget prévoit la structuration et la hausse du parc d’hébergement des demandeurs d’asile, qui sera doté de 6 000 places supplémentaires. Les campements indignes de migrants que l’on voit fleurir sur notre territoire nous montrent à quel point il est nécessaire de poursuivre nos efforts pour améliorer notre dispositif d’accueil.
À cet égard, je sais M. le ministre de l’intérieur choqué par les violences inacceptables survenues place de la République lors de l’évacuation du campement qui s’y était installé.
Je ne doute pas qu’il saura faire la lumière sur ce qui s’est passé et prendre les décisions qui s’imposent.
Par ailleurs, il me semble important de rappeler que ces crédits sont examinés dans un contexte sanitaire exceptionnel, qui, compte tenu des restrictions de déplacement depuis mars dernier, a bien évidemment eu un impact sur le nombre de demandes d’asile qui ont été présentées cette année.
C’est la raison pour laquelle je tiens à saluer le fait que le Gouvernement en ait tenu compte, en retenant, pour évaluer la demande d’asile en 2021, les chiffres de 2019. L’augmentation significative de l’allocation pour demandeur d’asile est, à ce titre, à souligner.
Ce budget permettra également de poursuivre l’effort de maîtrise des délais de traitement des demandes d’asile, en consolidant les moyens supplémentaires accordés à l’Ofpra.
Concernant le second objectif que représente la lutte contre l’immigration clandestine, les crédits sont consacrés pour une large part à l’investissement immobilier des CRA et à l’éloignement de ceux qui se maintiendraient illégalement sur le territoire.
Je finirais mon intervention, une fois n’est pas coutume, en évoquant la situation à Mayotte, alors qu’un nouveau drame a eu lieu voilà deux mois, entraînant la mort de dix migrants, dont un enfant, tous venus des Comores.
Vous le savez, sur ce territoire, la pression migratoire est telle qu’elle compromet absolument tout développement. Elle engendre paralysie des services et politiques publiques, crée des conflits entre communautés, et une montée mécanique de la délinquance. Le nombre de mineurs isolés et non accompagnés dépasse les chiffres les plus alarmants rencontrés en métropole.
Comment Mayotte, dont chacun connaît la problématique migratoire spécifique, s’insère-t-elle dans la stratégie de la mission pour l’année 2021 ?
En outre, comment les nouvelles places des dispositifs de préparation au retour (DPAR) et des CRA se déclineront-elles au sein de ce département et, plus globalement, dans les territoires ultramarins ?
Le 26 août dernier, j’avais adressé au Premier ministre un courrier faisant état des difficultés rencontrées à Mayotte en matière d’immigration et des conséquences de cette dernière sur les politiques publiques. J’y avais proposé des mesures concrètes. M. le ministre de l’intérieur en avait également été destinataire, et je lui sais gré de m’en avoir accusé réception.
Pouvez-vous me dire, madame la ministre, si certaines d’entre elles ou même la totalité – j’ose être optimiste ! – ont d’ores et déjà été prises en considération, bien évidemment en lien avec M. le ministre des outre-mer ?
En conclusion, et pour revenir spécifiquement aux crédits de la mission, nous observons que le Gouvernement maintient les efforts engagés depuis le début de cette législature pour répondre à une politique migratoire juste.
C’est la raison pour laquelle le groupe RDPI votera les crédits de cette mission.
Mme le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nos discours sur l’immigration font preuve d’une étonnante inventivité lexicale : étrangers, réfugiés, migrants, exilés, demandeurs d’asile, ou encore clandestins et sans-papiers. Mais, au-delà des mots, nous parlons d’abord de femmes, d’hommes et d’enfants, qui méritent que notre nation leur réponde par une politique claire, digne et à la hauteur des valeurs républicaines et humanistes que nous défendons.
Aussi, le budget dont nous discutons les crédits est une chance pour le débat démocratique : si ses enjeux sont actuels, ils concernent aussi le long terme pour notre pays, compte tenu de l’importance qui s’attache à la définition d’une politique d’intégration acceptable.
À l’heure où l’Union européenne entend donner un nouveau cadre à la politique migratoire, nous voulons saluer l’effort fourni au travers de la hausse des crédits. La stabilité de ceux qui sont dévolus au logement ou à l’emploi des réfugiés ayant besoin d’un accompagnement spécifique reste un signal positif, alors que le contexte budgétaire est, nous le savons, très dégradé par ailleurs.
Toutefois, quelques inquiétudes demeurent. Je pense d’abord aux administrations ayant la charge de l’accueil des ressortissants étrangers qui arrivent sur notre territoire. Alors que le nombre de demandeurs connaît une hausse continue, l’OFII et l’Ofpra doivent pouvoir exercer leur mission efficacement et dans des conditions respectant la dignité de leurs usagers.
Si, s’agissant de l’Ofpra, nous observons avec satisfaction que son financement est en hausse, la situation de l’OFII est plus préoccupante, puisque ses subventions diminuent. Or, outre les difficultés qu’il pouvait connaître jusqu’alors, l’Office souffre de la pandémie et peine à répondre aux sollicitations des demandeurs d’asile et des réfugiés. La baisse de ses moyens dans ce contexte complexe nous étonne autant qu’elle nous inquiète.
S’agissant par ailleurs de la gestion de l’immigration irrégulière, je ne suis pas la première à attirer votre attention, madame la ministre, sur la situation préoccupante des centres de rétention administrative, qui suscitent régulièrement la condamnation de l’État et des injonctions du juge administratif. La crise du covid-19 nous force à traiter le problème de la promiscuité dans ces centres, d’autant que la fermeture des frontières place ceux qui y sont retenus dans un état d’attente préoccupant.
Le Défenseur des droits avait alerté très tôt, dès le mois de mars, sur cette question. S’agissant ensuite de l’immigration régulière, qui est elle aussi en hausse continue, se pose mécaniquement la question de l’intégration des nouveaux arrivants et des moyens qui y sont alloués. Nous le disions déjà lors de nos discussions sur la loi du 10 décembre 2018, aucune intégration sur le territoire de la République ne pourra se faire si l’on ne veille pas à ce que les personnes présentes sur ce territoire parlent français, connaissent la société française et en respectent les règles. Il faut donc que les crédits alloués le permettent. De ce point de vue, je crains que ce budget n’atteigne pas ces objectifs, pourtant fondamentaux pour mon groupe, qui est très attaché à défendre une République unie et apaisée.
Enfin, tous nos efforts resteront vains s’ils ne trouvent pas d’écho au niveau de l’Union européenne. Alors que la présidente de la Commission européenne a mis en œuvre depuis le mois de septembre une réforme profonde de la politique migratoire, celle-ci suscite de nombreux débats, voire l’opposition de certains États membres, au risque de mettre à mal la solidarité européenne. Il est crucial que la France s’engage pour une juste répartition des efforts d’accueil et d’intégration, toujours dans la dignité, mais aussi sans remettre en cause notre conception universaliste de la société autour des valeurs de la République.
Ces remarques faites, mes collègues du groupe du RDSE et moi-même ne nous opposerons pas au budget qui nous est proposé.
Mme le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la majorité sénatoriale s’inquiète de « la multiplication des demandes d’asile obéissant à des motifs socio-économiques plutôt qu’à des motifs politiques et du faible nombre d’éloignements auquel il est procédé », nous nous préoccupons, pour notre part, du manquement grave de notre pays à ses obligations en matière d’asile, notamment en matière d’accueil, et de la politique d’enfermement des migrants, opérée également à l’encontre des enfants.
Aussi, je vous le dis d’emblée, si nous nous opposons vertement aux crédits de cette mission « Immigration, asile et intégration », nos motifs sont diamétralement opposés à ceux des rapporteurs et de la commission des lois.
La hausse des crédits de cette mission s’inscrit pleinement dans la poursuite des objectifs dressés par la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie du 10 septembre 2018, dite loi Collomb.
Dans la droite ligne des réformes précédentes, cette loi a accentué la mise sous contrôle des demandeurs d’asile et multiplié les obstacles et les contrôles entravant, de fait, l’accès des étrangers à leurs droits fondamentaux.
Je ne peux aborder l’ensemble de la problématique, mais je voudrais aujourd’hui insister sur la question de l’hébergement des demandeurs d’asile et sur celle de l’enfermement des migrants.
Après 66 évacuations de campements depuis 2015 à Paris, l’évacuation brutale, place de la République, la semaine dernière, a mis en relief les dysfonctionnements de la politique d’asile en France : près de la moitié des demandeurs d’asile ne sont pas pris en charge. Telle est la réalité.
Malgré les créations de places de ces dernières années, le dispositif national d’accueil pour demandeurs d’asile reste marqué par un important sous-dimensionnement.
En octobre, selon l’OFII, 147 400 demandeurs d’asile ont reçu une allocation mensuelle, alors que la capacité d’accueil au sein du dispositif national d’accueil s’élève à 81 119 places. Ainsi, plus de 66 000 demandeurs d’asile seraient privés de prise en charge.
Cela va sans dire, les 4 500 places supplémentaires prévues dans ce budget ne permettront pas de rattraper le retard.
À cela s’ajoute la crise sanitaire en cours, qui, d’une part, fausse les chiffres, les prévisions, et donc le budget pour 2021, et, d’autre part, dégrade davantage les conditions sanitaires des campements de fortune rendus encore plus insalubres.
Il en est de même dans les centres de rétention administrative et dans les zones d’attente : la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et l’Observatoire de l’enfermement des étrangers ont demandé dans ce contexte que soient libérés immédiatement les retenus. En vain !
De nombreuses associations, dont Médecins du monde et Amnesty International, dénoncent la banalisation de la privation de liberté des personnes étrangères. Cette politique « punitive » du Gouvernement envers les étrangers détenus dans les centres de rétention administrative entraîne des tensions et des drames : grève de la faim, émeutes, automutilation, tentatives de suicide… Pourtant, le Gouvernement s’entête en augmentant encore avec ce budget le nombre de places prévues dans les 21 CRA du pays. Ainsi 480 places supplémentaires sont-elles budgétisées.
Dans ces CRA, on continuera de compter des enfants, car le Gouvernement et sa majorité persistent également dans leur refus d’interdire l’enfermement des enfants, en dépit des condamnations multiples de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). En 2019, 136 familles, dont 279 enfants, ont été enfermées en rétention en métropole, et plus de 3 000 à Mayotte !
Le drame humain qui se joue dans l’échec de notre politique migratoire n’est pas digne de nos grands principes républicains. C’est pourquoi nous nous opposerons aux crédits de cette mission.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en réaction à ce que j’ai entendu de la part de certains de nos rapporteurs, je souhaiterais d’abord rappeler certains chiffres tirés des données d’Eurostat.
Concernant les délivrances des premiers titres de séjour, nous sommes au vingt-troisième rang en Europe, proportionnellement au nombre de nos habitants.
En chiffres bruts, avec 274 000 premiers titres de séjour en France, nous sommes derrière la Pologne, qui en délivre 724 000, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne. Un tiers des titres que nous délivrons sont destinés à des étudiants et un sixième à des familles de Français.
Par ailleurs, lorsque l’Union européenne faisait face à une importante croissance des demandes d’asile en 2015, la situation restait relativement stable en France, avec un peu plus de 60 000 demandeurs annuels.
Contrairement à nos partenaires et singulièrement à l’Allemagne, nous n’avons pas eu d’à-coups brutaux, mais une progression régulière, je dirai même prévisible, pour atteindre le chiffre de 120 000 primo-demandeurs en 2019.
À aucun moment, nous n’avons eu à faire face à une situation difficilement surmontable. Malgré cela, madame la ministre, l’année 2020 aura illustré la négligence de la politique du Gouvernement.
D’abord, la France a été condamnée par deux fois par la CEDH : en juin, pour expulsion d’enfants isolés à Mayotte ; en juillet, pour traitement dégradant de demandeurs d’asile.
Au printemps, tirant prétexte de la crise sanitaire, le Gouvernement tentait, par ordonnance, d’élargir la possibilité de juge unique à la CNDA. Heureusement, le Conseil d’État veillait !
Pendant ce temps, les centres de rétention n’ont pas été correctement adaptés à la crise sanitaire. La nouvelle Contrôleure générale des lieux de privations de liberté l’a signifié à votre ministre de tutelle dans un récent courrier. J’ai vu moi-même des CRA où les personnes retenues devaient boire à l’unique robinet d’eau potable disponible. J’ai vu des personnels de la police aux frontières (PAF) honteux des produits censés tenir lieu d’aliments livrés par le prestataire. Ces risques et ces humiliations, parfois pendant plus de deux mois, pour moins de 40 % d’éloignements, c’est indigne !
Madame la ministre, avant, il y avait des queues devant les préfectures. C’était insupportable, mais il suffisait d’attendre. Aujourd’hui, c’est la justice qu’il faut saisir pour avoir un rendez-vous en préfecture. Or préfecture de nouvelle génération rime avec préfecture virtuelle, tant la prise de rendez-vous en ligne est défectueuse. Comment enregistrer une demande d’asile ? Comment renouveler une carte de séjour ? Comment demander une autorisation exceptionnelle de séjour quand la crise sanitaire vous empêche de rentrer chez vous ? Ces remarques pourraient aussi concerner la plateforme d’appel de l’OFII. Comment, madame la ministre, construire l’image de la République avec ce type de défaillances ?
Après des années à nous être acharnés à réduire les délais d’instruction des demandes d’asiles, n’est-il pas temps de constater qu’il existe un temps minimum incompressible pour l’étude des dossiers et qu’il serait utile qu’il soit consacré à la préparation de l’éventuelle intégration de la personne ? Je pense à l’apprentissage de la langue, à la formation, au droit au travail.
Sans préparation à l’intégration, comment s’étonner que plus de 60 % des places de CADA soient occupées par des personnes ayant le statut de réfugié, qui ne peuvent aller ailleurs, faute d’avoir commencé un parcours d’intégration pour devenir autonomes ? Nous n’avons plus de logements pour répondre à leurs besoins.
Pendant ce temps, les demandeurs dont le dossier est en cours d’instruction sont hébergés dans des conditions de plus en plus indignes. Pour eux, aujourd’hui, la norme est la rue ! C’était vrai l’année dernière et c’est toujours vrai cette année.
Je formulerai quelques remarques liées à l’actualité.
Il est essentiel que l’Ofpra soit présent lors des audiences à la CNDA, lorsque sa décision initiale de refus de protection s’appuie sur une alerte sécuritaire. Cela doit être pris en compte de manière systématique, dans le respect du contradictoire, lorsque la juridiction de la CNDA prend ses décisions.
Plutôt que de mettre en réadmission « Dublin » vers l’Italie des personnes en besoin de protection, il est grand temps que nous marquions notre solidarité totale avec ce pays. C’est une question d’humanité, d’efficacité et de crédibilité dans les négociations actuelles sur le prochain paquet Asile.
Concernant la lutte contre l’immigration irrégulière, un rapport de l’Assemblée nationale rappelle le coût moyen d’une expulsion, à savoir 15 000 euros, soit une année de SMIC net. Dès lors, pourquoi s’acharner à développer les départs forcés, alors que les départs volontaires sont moins coûteux, plus efficaces, et contribuent à faire revenir volontairement des personnes qui, ensuite, peuvent témoigner que l’Europe n’est pas nécessairement la terre promise ?
Attention aussi aux gouvernements qui vous donnent tous les laissez-passer consulaires que vous réclamez, mais ne font rien contre les réseaux de passeurs. Mieux vaut des partenaires rudes et fiers plutôt que ceux qui adaptent ce qu’ils vous disent à ce que vous voulez entendre et jouent sur les deux tableaux.
Il faut enfin en finir avec la politique du chiffre, qui conduit à faire des réadmissions « Dublin », dont on sait parfaitement qu’elles n’éloignent la personne que pour quelques jours, ce qui ne change rien à la situation réelle. Tout cela se fait au mépris de la dignité des personnes concernées !
J’aimerais tant entendre ici le Wir schaffen das d’Angela Merkel en 2015. Regardez la situation cinq ans après : une mobilisation fantastique de la société allemande, qui a parfois douté qu’elle y arriverait. Ils réussissent, et Angela Merkel est plus populaire que jamais. Méditons cela au regard de nos propres peurs.
Nous en débattrons de nouveau dans quelques semaines, mais la réussite de cette politique passe par une plus grande harmonisation européenne, dans le respect total de nos principes et de nos engagements. Pour donner du sens à cette coopération européenne, il conviendrait de changer certaines attitudes. L’Europe ne peut pas être l’excuse de tous les échecs, alors qu’elle progresse chaque année sur la voie d’un système de plus en plus intégré de contrôle des frontières et de systèmes d’information interconnectés.
Ainsi, à Roissy, en juillet dernier, alors que je m’étonnais des contrôles systématiques effectués aux frontières sans respect des règles sanitaire, un policier de la PAF m’a répondu : « Monsieur, Schengen n’existe plus. Ici, c’est la France. » Ce n’est pas acceptable ! La progression de notre politique d’asile se fera en Europe et avec l’Europe.
Madame la ministre, parce que votre politique n’est pas la bonne, le groupe socialiste et républicain refusera de voter ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, 3,6 milliards d’euros, c’est le budget de l’État pour réguler l’asile et lutter contre l’immigration clandestine. Ce n’est pas rien ! Mais le plus intéressant, c’est non pas le montant de l’enveloppe, mais ce que vous en faites.
S’agissant de la répartition, seulement 10 % vont à la lutte contre l’immigration clandestine, alors que la prise en charge des demandeurs d’asile pendant l’instruction de leur demande nous coûte 1,6 milliard d’euros, soit les deux tiers du budget de la mission.
Si l’on considère que seulement 38 % des demandes d’asile sont acceptées, cela fait 1 milliard d’euros accordé à des personnes qui n’avaient pas le droit de venir en France. Ce milliard gaspillé aurait pu servir à expulser 77 000 clandestins, sachant que, parmi les 900 000 qui se trouvent sur notre territoire, 334 000 se sont manifestés pour pouvoir bénéficier de l’aide médicale d’État, qui leur est réservée, et dont le budget s’élève à 1 milliard d’euros, soit un milliard de plus !
La réponse du Gouvernement ? La création de 6 000 nouvelles places d’hébergement pour les demandeurs d’asile. Les 100 000 Marseillais parqués dans des logements indignes, les 10 millions de Français qui survivent au-dessous du seuil de pauvreté et qui, pour nombre d’entre eux, n’arrivent plus à se soigner, apprécieront.
Depuis des décennies, le nombre d’expulsions ne cesse de diminuer. Sur 65 000 mesures d’éloignement prononcées, à peine 10 % sont effectuées. À quoi sert la justice, mes chers collègues, si les décisions prises ne sont pas appliquées ? En cinq ans, 1,2 million de titres de séjours ont été délivrés, soit les populations de Marseille et de Toulouse réunies.
Vous battez un record en la matière, madame le ministre, avec 275 000 titres en 2019. Si ce n’est pas de la submersion migratoire, cela y ressemble fortement !
De grâce, épargnez-nous la réponse lacrymale sur le devoir d’accueil, ils sont seulement 13 % à venir pour raison humanitaire et seulement 15 % pour travailler.
Les demandes pour motifs universitaires ou familiaux représentent 65 % du total. Or, on le sait, l’immigration étudiante est une filière de l’immigration illégale. Le président Giscard d’Estaing avait d’ailleurs confessé l’erreur grave qui fut la sienne d’instaurer le regroupement familial, regroupement qui n’en finit jamais.
Tant que vous n’inverserez pas les flux de l’immigration, notre pays continuera d’être submergé et sa population remplacée.
Le budget doit être inversé : 90 % pour les expulsions et 10 % pour l’accueil.
Avec cet argent, nous pourrions expulser l’ensemble des clandestins en seulement deux ans ! Elle est là, la chance de la France. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.) Quant aux pays d’origine qui refusent d’accueillir leurs ressortissants, comme le Congo, la Bosnie, le Nigéria ou encore le Mali, la négociation devrait être simple : vous avez besoin de notre argent, nous n’avons pas besoin de vos clandestins. Si vous voulez le premier, il vous faudra accepter les seconds. C’est simple, la politique,…
M. Jean-Pierre Sueur. C’est simplissime !
M. Stéphane Ravier. … y compris la politique migratoire, pour peu que l’on ait de la volonté.
Votre volonté récente, madame la ministre, a été de fermer les frontières, mais pour empêcher les Français d’aller skier chez nos voisins, pendant que ces mêmes frontières restent totalement ouvertes à ce que le Président de la République défunt avait lui-même qualifié d’« invasion ».
Mme Cécile Cukierman. Cessez de faire parler les morts !
M. Stéphane Ravier. Il n’y a décidément que vous, madame la ministre, pour prendre des décisions aussi absurdes, et comme dirait M. Fernand de Montauban, l’équipe d’Emmanuel Macron, « elle ose tout, c’est même à ça qu’on la reconnaît »…
Mme le président. Je vous demande, mes chers collègues, de porter correctement votre masque, jusqu’au nez.
La parole est à M. Arnaud de Belenet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Arnaud de Belenet. Apparemment, il n’y a pas que l’équipe du Président de la République qui ose tout ! Si les choses étaient si faciles, cela se saurait. On peut dire calmement, sans tout mélanger et sans agressivité, qu’avec près de 2 milliards d’euros, la France tient presque toutes ses obligations juridiques, sans parvenir à régler un problème particulièrement complexe.
Si ce constat a conduit les membres du groupe Union Centriste à rejeter les crédits de la mission, il nous faut reconnaître un certain nombre de choses positives.
Je tiens à noter une forte augmentation du budget, que ce soit en autorisations d’engagement ou en crédits de paiement, de l’action n° 03, Lutte contre l’immigration irrégulière, qui augmente de 15 % par rapport à 2020, et de l’action n° 11, Actions d’intégration des primo-arrivants, en hausse de 9 % par rapport à 2020. Cela correspond aux objectifs fixés par la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. Hélas, ce budget ne permet pas de les atteindre.
Les crédits de cette mission reposent sur les programmes 303, « Immigration et asile », et 104, « Intégration et accès à la nationalité française ».
La mission « Plan de relance » complète les crédits de la mission à hauteur de 37 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 18,5 millions d’euros en crédits de paiement. Le plan de relance prévoit effectivement le financement de 2 000 places complémentaires d’hébergement sous la forme de 500 places en centres d’accueil et d’examen des situations et de 1 500 places dans les dispositifs de préparation au retour favorisant l’éloignement aidé d’étrangers en situation irrégulière.
Les rapporteurs pour avis de la commission des lois, Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère, ont indiqué que « les crédits de la mission s’inscrivent dans un contexte de pression migratoire toujours particulièrement intense », citant un nombre « record » de titres de séjours délivrés en 2019 et un nombre « sans précédent » de demandeurs d’asile.
Je formulerai deux remarques. Si, en effet, les demandes d’asiles ont augmenté en 2019 par rapport à 2018, l’Ofpra nuance la situation dans son rapport d’activité de 2019, en précisant que cette hausse se poursuit à un rythme moindre qu’au cours des deux dernières années. Même si ce phénomène n’est pas totalement satisfaisant, il convient de le relever.
Selon un récent rapport de l’ONU, les effets de la pandémie et du changement climatique affectent gravement les systèmes alimentaires du monde entier, ce qui devrait aboutir à des famines. De plus, toujours selon ce rapport, la pandémie pourrait anéantir vingt ans de progrès dans les luttes contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, ce qui pourrait doubler le nombre annuel de décès. Aussi, d’après ce rapport, les flux migratoires devraient-ils s’intensifier. Il conviendra non pas de refuser cette triste et inéluctable réalité, mais bien de l’anticiper.
De manière plus prosaïque, le programme 303, « Immigration et asile », comprend l’essentiel des crédits de la mission. Il vise à assurer le financement des politiques publiques relatives à l’entrée, la circulation, le séjour et le travail des étrangers, l’éloignement des personnes en situation irrégulière, ainsi que l’exercice du droit d’asile. À cet égard, l’action n° 02, Garantie de l’exercice du droit d’asile, constitue très nettement le premier poste budgétaire de la mission et finance les dépenses d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile, l’allocation pour demandeurs d’asile et l’Ofpra.
La forte croissance de la dotation accordée à l’Ofpra, notamment en 2020 et, dans une moindre mesure, en 2021 visait l’objectif d’une réduction des délais de traitement des demandes d’asile. Malheureusement, la crise sanitaire n’a pas permis de l’atteindre. Les délais risquent d’être sensiblement plus longs en 2021.
Le programme 104 comprend quatre actions concourant à l’intégration des étrangers séjournant régulièrement en France, notamment ceux qui se sont vu reconnaître le bénéfice du droit d’asile. Après deux années de forte progression – 408,6 millions d’euros ouverts en 2019 et 431 millions d’euros en 2020 –, ces montants se stabilisent à un niveau élevé.
L’ambition du Gouvernement de renforcer sa politique d’intégration est bien réelle, mais les résultats peinent à être perçus, notamment en termes de maîtrise de la langue française, premier facteur d’intégration. Le contrat d’intégration républicaine n’a pas encore porté ses fruits.
La crise sanitaire a eu un impact fort sur ces sujets, que ce soit en termes de flux migratoires, de demandes d’asile ou d’intégration. Les chiffres de 2020 sont par conséquent biaisés et ceux de 2021 doivent être anticipés avec précaution. Ainsi, si nous approuvons les objectifs affichés dans cette mission et constatons les efforts réalisés, nous nous interrogeons, comme pour d’autres missions, sur l’adéquation entre ce budget et l’ampleur de la difficulté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)