Mme Nathalie Goulet. Tout à fait !
M. Jean-Noël Guérini. En Syrie, la Russie a mis la France hors-jeu. Quid de notre stratégie ?
En Libye, le rôle hégémonique, là aussi, de la Russie et de la Turquie nous déclasse. Pis, il nous évince de la séquence diplomatique du règlement d’un conflit aux conséquences migratoires et humanitaires cruelles.
En Afrique de l’Ouest, sous peine d’être accusés de renouer avec la Françafrique, nous subissons, impuissants, les aménagements – que dis-je, les arrangements constitutionnels – des présidents sortants désireux de conserver le pouvoir.
Enfin, je m’inquiète des timides soutiens de la communauté internationale que la France a reçus face à la colère instrumentalisée d’une partie du monde musulman, plus prompte à dénoncer des caricatures que les persécutions subies par les Ouïghours en Chine. (MM. André Gattolin et Olivier Cadic applaudissent.) Ces constats traduisent, selon moi, un certain isolement de notre pays.
Le monde est fragilisé de toute part, je le concède, mais le risque d’une nouvelle bipolarisation nous guette. Dans ces circonstances, il serait temps – nous le répétons déjà depuis trop longtemps ! – que l’Union européenne défende une vraie politique diplomatique : elle est en capacité de hausser le ton, comme elle a su déjà le faire sur les dossiers grec et chypriote face à la Turquie.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Noël Guérini. J’y viens, monsieur le président !
Vous avez souvent déclaré, monsieur le ministre, que l’Europe a les moyens de maîtriser et d’affirmer son destin et qu’elle doit tenir son rôle de puissance d’équilibre. J’ai l’intime conviction que ce moment est arrivé.
Attaché à l’approfondissement de l’intégration européenne, le groupe du RDSE vous soutient dans vos efforts déployés à convaincre nos partenaires que la sécurité et la paix sont une affaire collective et que, à ce titre, l’Union européenne doit prendre davantage ses responsabilités.
M. le président. Il faut vraiment conclure !
M. Jean-Noël Guérini. Pour ces raisons, en dépit des quelques réserves exprimées, nous approuvons ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. André Gattolin et Olivier Cadic applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment la France s’exprime-t-elle et agit-elle à l’étranger ? Cette question, si elle est centrale, ne peut trouver de réponses si nous considérons uniquement la mission « Action extérieure de l’État », que je relie volontairement à la mission « Aide publique au développement ».
Aujourd’hui, force est de constater que le budget de la France à l’étranger se trouve bien plus entre les mains de l’Hôtel de Brienne qu’entre celles du Quai d’Orsay. Tel est, monsieur le ministre, notre premier regret. Si je ne veux, et ne peux, nier la place de la France dans la diplomatie mondiale, on ne peut être que circonspect lorsque l’on observe l’investissement dévolu à la défense et qu’on le compare à celui de la diplomatie.
Concentrons-nous toutefois sur cette dernière, laquelle constitue le cœur de la mission du budget que nous discutons cet après-midi. Pour reprendre l’expression que j’avais entendue de votre bouche l’an dernier, votre ministère est « à l’os ». Ce constat rejoint une analyse beaucoup plus récente de l’un de nos ambassadeurs, qui déclarait que « notre diplomatie est en surrégime par rapport aux ambitions du Président. On arrive au bout d’un modèle ».
Ce modèle, on en mesure aujourd’hui le détail, mais aussi les conséquences. En trente ans, le Quai d’Orsay a perdu 53 % de ses effectifs, perte que la précarisation des personnels par le recours à la contractualisation et à l’emploi local n’a pas compensée.
Il aura fallu à la fois votre intervention pour atténuer les objectifs du comité Action publique 2022, ou CAP 22, et une crise sanitaire mondiale pour arrêter le processus. Ainsi, les 85 emplois qui auraient dû disparaître cette année sont maintenus ; mieux encore, on assiste à l’arrivée de quatre-vingt-dix nouveaux agents : c’est un bon point à mettre à votre actif, monsieur le ministre.
Autre élément positif : les crédits augmentent enfin. On parle, pour cette année, de 66,4 millions d’euros en plus pour la mission, soit une augmentation de 2,31 %. On peut y ajouter les 50 millions d’euros prévus dans le plan de relance pour augmenter la contribution française à différents organismes internationaux, notamment à l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, et l’Unitaid.
Malgré cette embellie, notre groupe s’inquiète à plusieurs titres.
Premièrement, en dépit de l’activisme, pour ne pas dire des gesticulations, du Président de la République, nous avons le sentiment que la France est de plus en plus inaudible sur la scène internationale.
C’est d’autant plus problématique que l’on voit aussi les outils multilatéraux largement affaiblis par leurs divisions internes. Le blocage hongro-polonais du plan de relance européen n’est que la dernière péripétie d’une année 2020, durant laquelle même la crise exceptionnelle du covid-19 n’a pas permis de dégager des horizons communs.
Emmanuel Macron et, à travers lui, la France parlent beaucoup. Nous devons lui reconnaître ce volontarisme ! Mais les actes manquent, parce que le multilatéralisme est aujourd’hui confronté à des problèmes structurels, mais aussi parce que nos forces diplomatiques ont été affaiblies d’année en année.
Deuxièmement, cette timide hausse de moyens ne vient compenser ni les pertes accumulées depuis des décennies ni les besoins exceptionnels de la période. Certes, par à-coups, la France arrive à se démarquer. L’opération de rapatriement de 200 000 de nos compatriotes à l’étranger au printemps a ainsi été remarquable. Quelle réponse pourrons-nous cependant apporter sur le long terme ?
Je souhaiterais, pour conclure, évoquer le rayonnement culturel de la France. La baisse attendue, mais drastique, de 30 % des étudiants étrangers accueillis en France inquiète.
Si la crise sanitaire explique largement une telle diminution, je ne puis omettre que la mise en place du plan « Bienvenue en France » avait déjà conduit, l’an dernier, à une baisse des demandes. La France, en suivant les exemples danois et suédois, ne se dote pas d’un outil efficace pour faire face à la concurrence internationale toujours plus forte, et risque le décrochage.
Dans la même veine, les 24,6 millions d’euros supplémentaires attribués à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, en accompagnement des 50 millions d’euros prévus par le projet de loi de finances rectificative et de l’avance de 50 millions d’euros du Trésor, ne compensent ni la perte de 71 emplois sous plafond ni les surcoûts de la crise, ni la perte des frais d’inscription. À ce titre, je crains que nous ne soyons arrivés au bout d’un modèle du financement par les familles.
Au vu de tous ces éléments, et sans nier l’augmentation des crédits, notre groupe estime que ce budget est en décalage total avec les besoins urgents qui s’expriment, et, en conséquence, il votera contre cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. L’année qui s’achève a été particulièrement éprouvante, pour le monde comme pour la France. La pandémie a fortement mobilisé les équipes de l’État au service des Français à l’étranger, qu’ils soient touristes ou résidents.
Dès le début de la crise, le ministère a réalisé un travail remarquable qu’il convient de saluer. La crise sanitaire a mis en lumière la nécessité d’accélérer la dématérialisation de l’état civil, en poursuivant le chantier du consulat numérique.
En plus de porter une assistance d’ampleur exceptionnelle à nos concitoyens, il a fallu continuer à assurer les missions de diplomatie et d’influence dans un contexte particulièrement dégradé. La pandémie a en effet frappé tous les pays et, ce faisant, a contribué à aggraver les tensions préexistantes sur la scène internationale.
Durant cette crise, nous avons vu se poursuivre un recul regrettable du multilatéralisme – tous, ici, vous en avez parlé –, notamment lorsque l’intégrité de l’OMS a été mise en doute par les États-Unis, plus grands contributeurs de son budget. Le président Erdogan, quant à lui, a continué à déstabiliser la Méditerranée orientale et le Levant, mais aussi le Caucase, avivant les tensions partout où il le pouvait.
Ces circonstances de crise et de division rendent la diplomatie encore plus nécessaire. Si nous avons de bonnes chances d’en voir la fin au cours de l’année à venir, la situation internationale n’en sera pas pour autant apaisée.
À cet égard, nous soutenons l’augmentation des crédits destinés à l’action extérieure de l’État. La menace terroriste à l’encontre de la France est élevée depuis de nombreuses années et s’est encore renforcée en 2020, comme en témoignent les attaques tragiques de Conflans-Sainte-Honorine, de Nice et Djeddah.
Il va de soi que les emprises françaises à l’étranger doivent bénéficier de la meilleure sécurité possible. Ceux qui y travaillent doivent être protégés au mieux, y compris lors de leurs déplacements, lorsque la situation l’exige. À ce titre, nous nous félicitons particulièrement de l’acquisition de véhicules blindés, qui seront plus qu’utiles.
Nous soutenons également le renforcement de la sécurité dans les établissements d’enseignement français. Il est essentiel que nous puissions être en mesure de garantir la protection des publics qui y sont accueillis, si tant est que nous souhaitions maintenir l’attractivité de la France dans un contexte troublé.
De même, il convient, comme l’a rappelé mon collègue Le Gleut, de s’inquiéter de l’attractivité de nos établissements d’enseignement supérieur en France, considérant que notre pays occupe désormais la neuvième place pour l’accueil d’étudiants étrangers, après la Turquie et la Pologne.
La situation du Liban est fragile depuis de nombreux mois maintenant. Elle s’est encore dégradée avec l’explosion à Beyrouth, qui a détruit une partie de la ville l’été dernier. Nous devons continuer à soutenir ce pays ami dans les épreuves qu’il traverse, sans parler de l’Arménie, dont on a évoqué le cas hier. Nous souhaitons qu’une attention particulière soit portée à ces sujets.
L’augmentation des crédits concerne aussi les dépenses de personnel. Le ministère n’atteindra pas les objectifs de réduction de personnel qu’il s’était fixés. C’est certainement dû à l’effort exceptionnel déployé pour la gestion de la crise sanitaire, ainsi qu’à l’enchaînement des crises géopolitiques au cours de cette année, qui bientôt s’achève.
Nous notons cependant que l’augmentation de la masse salariale ne peut s’expliquer uniquement par l’inflation, qui lui est très inférieure. Concernant la rémunération des agents, les personnels à l’étranger exercent leurs missions dans des conditions d’éloignement et de sécurité qui justifient parfois le versement d’indemnités, notamment celles de résidence à l’étranger.
Notre groupe considère qu’il serait plus juste que le montant de cette indemnité fasse directement partie des rémunérations des agents. Les sommes concernées feraient ainsi l’objet d’une imposition sur le revenu, en plus d’ouvrir des droits en matière d’assurance sociale. Il importe que la rémunération des agents qui travaillent pour la France soit juste et équitable.
Cela contribuera à préserver notre réseau diplomatique – le troisième au monde –, qui s’impose comme l’une des grandes forces de notre pays ; il nous permet de promouvoir nos idées, d’entendre celles de l’étranger, et de dialoguer avec tout le monde. Mon groupe est attaché à perpétuer ce modèle.
L’année qui s’ouvre s’annonce meilleure que celle qui se termine. De nombreux sujets nécessiteront cependant de mobiliser notre réseau et notre influence. Il est heureux que le temps des réductions budgétaires soit terminé, car il est certain que la capacité diplomatique de la France contribue à sa puissance.
Nous devons néanmoins veiller à conserver la force de notre diplomatie. Pour ce faire, nous aurons besoin de continuer à en maîtriser les dépenses, afin de ne pas avoir à abandonner certaines de ses composantes.
Le groupe Les Indépendants approuve les crédits alloués à la mission « Action extérieure de l’État ». (MM. Alain Richard et Richard Yung applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, monsieur le ministre, la mission « Action extérieure de l’État » présente cette année une stabilité bienvenue. Après avoir perdu la moitié de ses effectifs en trente ans, la diplomatie française connaît enfin un répit. C’est heureux, car, comme le disait un ambassadeur au journal Le Monde en octobre dernier, « notre diplomatie est en surrégime par rapport aux ambitions du président. On arrive au bout d’un modèle ».
Il faut dire que le Président de la République est partout, que l’activité de la cellule diplomatique de l’Élysée est frénétique et que le Quai d’Orsay a du mal à suivre. La France ne peut pas tout faire, partout dans le monde, surtout avec un budget « à l’os ».
Sans revenir sur les propos précédemment tenus par mes collègues, je précise que les personnels consulaires, comme tant d’autres agents du service public, ont été lourdement sollicités et ont montré à quel point ils étaient indispensables. Il est dommage qu’il faille attendre une crise d’une telle ampleur pour s’en rendre compte !
En outre, la hausse des délais de traitement des documents administratifs et autres demandes de titres interroge sur la pertinence de ces baisses d’effectifs à répétition. La délivrance d’une carte d’identité à l’étranger, qui prend habituellement une vingtaine de jours, nécessitait en moyenne quatre-vingts jours en 2020. La suppression de cet objectif de réduction d’emplois constitue une mesure de bon sens, car la crise liée au covid-19 sera toujours d’actualité en 2021.
Par ailleurs, je me permets d’appeler l’attention du Sénat sur la question de l’accès aux crédits.
Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, nous avons, mes chers collègues, ouvert 150 millions d’euros, répartis en trois enveloppes de 50 millions d’euros, comprenant les aides sociales aux Français de l’étranger, les aides aux établissements et les bourses des élèves français à l’étranger.
Le bilan de cette ouverture de crédits pose question. Sur les crédits en faveur de l’aide sociale, seuls 5 millions sur les 50 millions d’euros ont été consommés. Sur les 50 millions d’euros ouverts pour les bourses, 10 millions ont été dépensés. Enfin, sur les 50 millions d’euros de crédits ouverts en faveur des établissements, la moitié seulement a été consommée et l’essentiel – il faut le noter – a été mobilisé pour les établissements au Liban à la suite de l’explosion de Beyrouth.
Dans le même temps, les effectifs du réseau d’enseignement français à l’étranger ont été amputés de 8 000 élèves environ, à la rentrée 2020. Ces pertes sont lourdes et inquiétantes. Les établissements – 60 % d’entre eux – perdent des élèves ; tendance qui se concentre notamment sur les plus petites structures, lesquelles sont également les plus fragiles.
En conséquence, et suite à l’introduction des frais d’inscription différenciés par le gouvernement actuel, le nombre d’étudiants étrangers en mobilité internationale dans les universités françaises baissera de 30 % sur la période 2020-2021. Il est donc nécessaire d’augmenter les bourses attribuées aux étudiants étrangers afin de rendre l’enseignement français plus attractif.
À l’heure actuelle, nos voisins font bien mieux que nous : l’Allemagne, par exemple, prévoit des bourses deux fois plus élevées, tandis que d’autres pays augmentent les montants versés.
Naturellement, je veux poursuivre mon propos par l’évocation de la question climatique. Le cinquième objectif de cette mission budgétaire consiste à œuvrer à une régulation économique et commerciale efficiente, qui soit cohérente avec nos objectifs en matière de développement durable à l’échelle nationale et internationale.
Pourtant, ces objectifs, qui représentaient seulement 1 % des crédits de la mission en 2020, sont réduits en 2021. En parallèle, des négociations commerciales vont se poursuivre, ou s’engager, avec un certain nombre d’États en 2021 ; le Mexique, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, entre autres, sont concernés. Mais comment respecter les objectifs de l’accord de Paris sur le climat en intensifiant les échanges avec des pays situés à l’autre bout du monde ?
Enfin, je souhaite réagir à l’amendement n° II-5 déposé par la commission des finances. S’il n’est pas normal que nombre d’ambassadeurs thématiques ne reçoivent aucune lettre de mission, le dispositif des ambassadeurs thématiques ne s’avère pas, en lui-même, problématique. Qu’il s’agisse des migrations, de la Méditerranée, des négociations internationales sur le climat ou de celles qui sont relatives à l’Arctique et à l’Antarctique, de nombreux ambassadeurs thématiques, dont l’un des plus illustres fut Michel Rocard, ont démontré toute l’utilité de ces missions transversales.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendra sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », dans le but de soutenir cette stabilité budgétaire que nous espérons pérenne. Mais il est temps que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères se donne enfin les moyens de faire autre chose que de la gestion de crise. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, à titre introductif, souligner l’engagement du ministère de l’Europe et des affaires étrangères dans la crise que nous avons traversée et que nous continuons de subir.
Les agents des consulats, des ambassades, de la Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire, la DFAE, et du Centre de crise et de soutien ont été mobilisés jour et nuit, pour organiser le rapatriement des quelques dizaines de milliers de Français bloqués à l’étranger. Aujourd’hui, leur ordre du jour est surtout de soutenir par différentes aides sociales les Français de l’étranger.
Je veux aussi, monsieur le ministre, vous remercier d’avoir débloqué 150 millions d’euros au titre du plan de soutien à l’AEFE et de la mise en œuvre d’aides sociales. Ce plan sans précédent joue un rôle d’amortisseur important : aucun autre pays que la France n’a fait preuve d’autant de solidarité à l’égard de ses ressortissants établis à l’étranger, il faut le dire.
S’agissant des aides sociales, l’accélération du rythme de consommation des crédits ouverts par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 montre que les besoins sont importants et réels ; il faut y voir les conséquences de l’assouplissement des critères d’attribution de ces secours.
Quant aux mesures en faveur de l’enseignement français à l’étranger, elles ont permis que la rentrée scolaire se déroule dans des conditions relativement satisfaisantes.
Nous pouvons constater une quasi-stabilité des effectifs : –1 % globalement, un peu moins pour les enfants français. L’augmentation étonnante des enfants étrangers au sein de nos établissements découle essentiellement de l’homologation de quatorze nouveaux établissements, qui augure du meilleur pour la poursuite du plan de développement.
La crise économique et sociale liée à la pandémie ne fait malheureusement que commencer. Aussi faut-il se féliciter de la prolongation du soutien budgétaire accordé aux Français établis hors du territoire national ; l’augmentation de 22 % des crédits d’aide sociale que je viens de mentionner permettra de faire face.
Le budget de la mission « Action extérieure de l’État » pour l’année 2021 permettra aussi aux Français établis à l’étranger d’affronter l’augmentation des risques sécuritaires. L’attaque de Djeddah, les manifestations antifrançaises dans plusieurs pays musulmans et les messages hostiles à l’encontre de la France, publiés sur divers réseaux sociaux, montrent quelle menace pèse sur les Français, sur le territoire national comme à l’étranger.
Je constate avec satisfaction que la priorité donnée à la sécurité se traduit par trois mesures budgétaires, à savoir l’augmentation de 17 % des crédits consacrés à la sécurité à l’étranger, la poursuite de la mise en œuvre du plan de sécurisation des emprises et des ambassades par le financement du compte d’affectation spéciale, le CAS, du programme 723, et la mobilisation de 9 millions d’euros pour les établissements de l’AEFE.
Par ailleurs, je note que le projet de loi de finances offre au Quai d’Orsay les moyens d’engager sa révolution numérique.
Grâce à l’augmentation de 22 % des crédits consacrés au numérique, les agents du ministère vont enfin pouvoir être dotés d’outils individuels de mobilité – ordinateurs portables, tablettes, etc. ; ils seront ainsi mieux armés pour affronter une nouvelle crise sanitaire ou sécuritaire. Ces outils seront particulièrement pertinents dans les tournées consulaires, à l’occasion desquelles les agents se déplacent dans des villes où il n’existe pas d’instances consulaires.
Le numérique permet également au réseau culturel de moderniser ses outils d’influence : la mobilisation de 3 millions d’euros supplémentaires constitue bien un pas dans cette direction, permettant ainsi d’accroître l’offre de cours à distance et de contenus culturels en ligne.
Plusieurs mesures sont attendues par nos concitoyens établis hors de France, à commencer par le déploiement de centres de contact consulaires, c’est-à-dire la mise en place d’un numéro de téléphone qui pourra être joint à travers le monde, pour obtenir des renseignements et avis sur telle ou telle administration qu’un individu souhaiterait solliciter.
Est aussi prévue la dématérialisation des actes d’état civil : les administrés qui en ont besoin pourront ainsi directement s’adresser au centre d’état civil de Nantes, afin de se voir octroyer les copies demandées.
S’agissant des ressources humaines, nous pouvons nous féliciter de la stabilisation des effectifs, constante depuis l’an 2000, qui apportera un peu d’oxygène à un ministère ayant beaucoup contribué à l’effort budgétaire ces dernières années.
Enfin, je tiens à souligner les bons résultats du Quai d’Orsay en matière de féminisation des postes d’encadrement. En effet, selon un récent rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, le HCEfh, le nombre des ambassadrices de France a doublé en cinq ans, et l’objectif de porter le taux de nomination de primo-ambassadrices à 50 % d’ici à 2025 devrait être tenu.
Un dernier motif de satisfaction réside pour nous dans la rebudgétisation des crédits de l’immobilier.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe RDPI votera les crédits de cette mission. (MM. André Gattolin et Olivier Cadic applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Cadic. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord, monsieur le ministre, à saluer la qualité de votre engagement personnel, tout comme celui du ministre Jean-Baptiste Lemoyne, à la tête du réseau diplomatique, culturel et consulaire.
Les agents de votre ministère méritent aussi toute notre reconnaissance, pour avoir su faire face, avec beaucoup de résilience, tout au long de cette année qui marquera l’histoire.
Je veux également rendre hommage à tous les acteurs qui ont participé à la chaîne de solidarité ayant accompli, aux côtés de votre ministère, un rapatriement d’une ampleur inédite au second trimestre, à commencer par nos élus des Français de l’étranger, nos consuls honoraires et plusieurs associations, à l’image de l’Union des Français de l’étranger, l’UFE, de la Fédération internationale des accueils français et francophones à l’étranger, la Fiafe, et de tant d’autres…
Le groupe Union Centriste trouve en la mission « Action extérieure de l’État », qui présente des crédits en hausse de 3,65 % pour l’année 2021, de nombreux sujets de satisfaction.
Tout d’abord, pour la première fois depuis vingt ans, les effectifs du Quai d’Orsay ne diminueront pas.
Ensuite, la politique immobilière de votre ministère nous a longtemps inquiétés : pour financer l’entretien de notre patrimoine, nous cédions ainsi auparavant des propriétés parfois emblématiques. Vous avez fini par mettre un terme à cette spirale. Notre groupe, je veux le souligner, se félicite que l’immobilier bénéficie désormais d’une augmentation de crédits de 33 %.
Enfin, nous sommes également satisfaits du plan de soutien aux Français de l’étranger d’un montant de 220 millions d’euros que vous avez annoncé le 30 avril dernier, soit quarante-cinq jours seulement après le début de la crise sanitaire. Il a permis la concrétisation de l’article 1er de la proposition de loi que j’avais déposée un mois plus tôt, afin que les Français de l’étranger puissent bénéficier de fonds d’urgence mobilisables via le fonds d’urgence covid-19.
Au titre du troisième projet de loi de finances rectificative, vous avez apporté la solidarité nécessaire pour aider les Français de l’étranger se trouvant dans le besoin, en abondant le programme 151 de 100 millions d’euros, avec 50 millions d’euros de bourses supplémentaires et 50 millions d’euros de secours d’urgence.
Vous avez également pris en compte la situation des familles en difficulté d’enfants étrangers scolarisés dans notre réseau, lorsque le sénateur Robert del Picchia, le premier, vous a alerté sur cette nécessité. Vous avez ainsi alloué cinquante autres millions d’euros à ces familles.
De plus, vous avez fait preuve de réactivité lorsque, l’été dernier, je vous avais fait part de la déception des élus des Français de l’étranger, qui avaient constaté que moins de 1 % de l’enveloppe du secours occasionnel de solidarité avait été distribué par votre administration. Depuis lors, ces élus et notre commission ont observé que ce dispositif de solidarité a trouvé un public plus large, grâce à l’assouplissement des conditions d’attribution.
Cependant, nous restons loin d’avoir consommé l’enveloppe que vous aviez prévue, considérant que la crise sanitaire ne s’interrompra pas au 31 décembre.
S’agissant des 200 millions d’euros de crédits supplémentaires votés dans le troisième projet de loi de finances rectificative, pour l’aide sociale, les bourses scolaires, et les aides aux écoles du réseau de l’AEFE, pourriez-vous nous indiquer si la part de ces crédits non consommés en 2020 sur les programmes 151 et 185 sera reconduite en 2021 ?
Eu égard au programme 185 portant sur notre réseau culturel et éducatif, chacun reconnaît l’importance de l’AEFE pour la politique d’influence de la France.
Depuis vingt ans, cependant, cette influence s’est considérablement réduite. Le différentiel de l’enseignement français par rapport à l’enseignement anglo-saxon à l’étranger était alors de 1 à 3 ; il est aujourd’hui de 1 à 20. Pour redresser la barre, Emmanuel Macron, d’abord, puis le Gouvernement, par votre intermédiaire, avez fixé l’objectif de doubler les effectifs du réseau d’ici à 2030. Je veux dire ici avec force que vous avez raison et que je soutiens cette orientation.
Néanmoins, pour y parvenir, il nous faudrait une progression de 8 % par an, ce qui représente 100 000 nouveaux élèves de plus à l’horizon de 2023. L’audition du directeur de l’AEFE a démontré que les orientations prises pour son développement peinent à s’aligner sur la vision ambitieuse du chef de l’État.
Je n’en suis pas surpris : cette administration se trouve en conflit d’intérêts, car il lui est demandé de développer un réseau précisément destiné à faire concurrence à celui qu’elle administre. À titre d’exemple, le lycée international de Londres Winston Churchill, en statut partenaire, souffre d’un traitement inéquitable par rapport au lycée français Charles de Gaulle de Londres, géré directement par l’AEFE, dans la mesure où les parents ne peuvent bénéficier de bourses susceptibles de couvrir 100 % des frais de scolarité.
Ce genre de problème va s’étendre au développement de l’immobilier du réseau. En effet, on apprend aujourd’hui que Bercy confiera à l’AEFE l’instruction des demandes de garantie de l’État sur les prêts relatifs à l’immobilier scolaire, traités auparavant par l’Association nationale des écoles françaises à l’étranger, l’Anefe.
Nous sommes déçus que ce dispositif indépendant, pourtant issu du Sénat, soit remplacé dans l’opacité et dénaturé, sans nous avoir au préalable consultés, ainsi que l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE.
Dans cet hémicycle, en 2017, je vous suggérais de doubler notre réseau éducatif en cinq ans, tout en ajoutant qu’il était nécessaire de libérer le système pour y parvenir. Mais, l’emprise de l’AEFE s’étant accrue, c’est bien le contraire qui s’est passé !
J’ai la certitude qu’il est impossible de concrétiser la vision voulue par Emmanuel Macron si ce fonctionnement administratif, centralisé et dépourvu de tout esprit de conquête perdure.
Examinons maintenant le programme 105, qui regroupe les moyens de l’action diplomatique de la France. Dans le projet annuel de performance, à la page 22, on peut lire la liste des principales crises, réparties par zone géographique, auxquelles votre ministère devra faire face en 2021. Or – surprise ! – l’Amérique latine en est totalement absente.
Au Venezuela, à une heure d’avion de la Guyane française, se déroule une crise humanitaire qui déstabilise tout le continent ; elle n’est pas même mentionnée !
L’ambassadeur du Brésil m’a convié, hier, à une réunion avec quatre autres ambassadeurs du groupe de Lima. Ces diplomates souhaitaient célébrer le premier anniversaire de l’adoption de la résolution sur le Venezuela, que j’avais présentée pour le groupe Union Centriste. Ils voulaient ainsi saluer l’action du Sénat, conforté, sur ce sujet, par le soutien sans faille du président Larcher et du président Cambon.
D’ailleurs, pour conclure, la semaine prochaine, sa série d’auditions par des parlements étrangers – avant le 6 décembre, date fatidique à laquelle le dictateur Nicolas Maduro tentera de se débarrasser de l’actuelle Assemblée législative, dernier rempart démocratique du Venezuela –, Juan Guaido, président par intérim, a choisi le Sénat français : c’est tout un symbole.
Quant aux enjeux économiques, n’en parlons pas ; la France a investi au Brésil, avec lequel notre pays partage sa plus grande frontière terrestre, plus de 37 milliards d’euros, soit plus que les 31 milliards d’euros investis en Chine.
Pourquoi l’Amérique latine semble-t-elle donc absente du radar du ministère, alors que la France est le seul pays européen à être physiquement présent sur ce continent et que tous nos voisins nous y réclament ?
Je veux poursuivre mon intervention en commentant votre objectif de sécurité des Français résidant ou de passage à l’étranger.
Le 11 novembre dernier, à huit heures trente, pendant la cérémonie de commémoration de l’armistice, un attentat s’est produit à Djeddah, en présence de notre consul général et de Nadia Chaaya, conseillère des Français de l’étranger. Dès neuf heures douze, les citoyens américains résidant en Arabie Saoudite en étaient informés par un message sur WhatsApp. La communication officielle de la France est intervenue, quant à elle, à douze heures trente-trois, tandis que l’information tournait déjà en boucle dans les médias…
Le 2 novembre dernier, j’avais demandé à Jean-Baptiste Lemoyne que le processus de communication de crise soit formalisé et que nos élus fassent l’objet d’une information spécifique. En effet, lorsque le ministère délivre une information anxiogène, c’est vers ces derniers que nos compatriotes se tournent pour en savoir plus. Pouvez-vous prendre en compte mes inquiétudes sur la pertinence et l’efficacité de notre système d’alerte ?
Je tiens à finir par une note positive, monsieur le ministre. Nous sommes à trente-cinq jours de la date fatidique du 31 décembre 2020, qui marquera la fin de la période de transition du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, et je souhaite témoigner des efforts déployés par votre ministère, à l’échelon tant diplomatique que consulaire, pour accompagner nos compatriotes qui résident, comme moi, outre-Manche.
Bien évidemment, monsieur le ministre, le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ». (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et RDPI.)