Mme Sylviane Noël. En France, on a pris la mauvaise habitude de créer une taxe, puis de la détourner de son objet au profit d’une cause qui n’a pas grand-chose à voir avec les motivations initiales.
En l’occurrence, on se souvient que les agences de l’eau ont été ponctionnées pour compenser la baisse du prix du permis de chasse, alors que cela n’a pas grand-chose à voir avec le coût des pollutions de l’eau !
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour présenter l’amendement n° I-125 rectifié.
M. Claude Kern. Nos collectivités, communes comme intercommunalités, ont encore besoin de l’aide des agences de l’eau. Il reste en effet beaucoup à faire, notamment en raison des problèmes climatiques que nous rencontrons, par exemple l’assèchement ou le tarissement de certaines sources d’eau.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° I-565.
M. François Bonhomme. Dans le même esprit, je rappelle la longue et pénible histoire des ponctions successives dont ont été victimes les agences de l’eau, entraînant un détournement complet du principe selon lequel « l’eau paye l’eau ».
Je rappelle que les sept agences ont dû adopter un onzième programme raboté en prévoyant des baisses ou des reports d’aide aux collectivités qui en avaient besoin. Nous en voyons les conséquences aujourd’hui.
Je sais bien que les ponctions se sont répétées depuis plusieurs années et que cela ne date pas de 2017. Aujourd’hui, les dispositifs d’aide ont été particulièrement réduits par les onzièmes programmes et cela pose des difficultés, alors même que les défis à relever sont majeurs.
Je souhaite connaître la position du ministre sur le principe selon lequel « l’eau paye l’eau », que le précédent ministre de la transition écologique et solidaire, M. de Rugy, avait qualifié de « sacré ».
Cet amendement vise donc à revenir sur cette question de principe et sur le non-respect de la loi de 2005 sur l’eau et les milieux aquatiques.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour présenter l’amendement n° I-942.
Mme Sophie Taillé-Polian. Il a été excellemment défendu, monsieur le président !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ces amendements visent à relever le plafond mordant.
Les onzièmes programmes pluriannuels d’intervention des agences de l’eau, adoptés à l’automne 2018, ont été établis conformément au cadrage budgétaire fixé par la loi de finances pour 2018.
Je suis défavorable à ce relèvement, car des crédits budgétaires supplémentaires sont prévus dans le cadre du plan de relance, à hauteur de 300 millions d’euros d’autorisations d’engagement, qui répondent aux préoccupations exprimées. Ils doivent en effet permettre de sécuriser les infrastructures de distribution d’eau potable, d’assainissement et de gestion des eaux pluviales. Ainsi, 250 millions d’euros destinés aux métropoles seront directement versés aux six agences de l’eau, et seront répartis comme suit : 220 millions d’euros pour les réseaux d’eau et la modernisation des stations d’assainissement et 30 millions d’euros pour l’hygiénisation des boues.
Il s’agit d’améliorer la résilience de l’alimentation en eau potable, notamment face aux risques de sécheresse, et la lutte contre les différentes sources de contamination de l’eau, à travers un traitement plus efficace en station d’épuration.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je partage l’avis défavorable de M. le rapporteur général pour les raisons qu’il a exposées.
Le plafond évoqué a été fixé en 2018, nous nous y tenons depuis. Il est légèrement augmenté cette année pour des raisons paramétriques, ce n’est pas un fait de gloire, car nous ajoutons une mission au travail des agences de l’eau.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-271 et I-1187 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-101 rectifié bis, I-125 rectifié, I–565 et I–942.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° I–1072, présenté par M. Temal, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après la sixième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
«
Article 235 ter ZD du code général des impôts |
Agence française de développement (AFD) |
250 000 |
».
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Par cet amendement, nous entendons évoquer la taxe sur les transactions financières, qui a été notamment créée pour que les gagnants de la mondialisation aident les autres au travers de l’aide publique au développement (APD).
Je sais qu’il existe un projet européen. En ce qui concerne la France, cette taxe aura rapporté 1,6 milliard d’euros en 2020. Or force est de constater que seulement un tiers de cette somme est consacrée à l’APD, ce qui nous conduit à nous interroger sur ce « détournement », mais pose aussi la question du financement de l’aide publique au développement : celui-ci doit-il reposer sur des taxes ou sur le budget de l’État ?
Par ailleurs, dans la mesure où cet amendement est soumis à l’article 40 de la Constitution, pour que mon rôle de parlementaire soit efficient, je suis contraint de flécher ce déplafonnement vers l’Agence française de développement (AFD), dont nous débattrons du budget vendredi prochain.
Il s’agit donc d’un amendement d’appel, car il serait bon que nous discutions du financement de l’APD – taxe ou inscription au budget ? Nous proposons de déplafonner la part de la taxe sur les transactions financières attribuée à l’APD.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement. M. Temal a exprimé mon avis avant même que je ne le fasse ! (Sourires.)
Je rappelle que les crédits alloués à l’AFD sont en augmentation constante depuis plusieurs années.
M. Rachid Temal. Vous n’avez pas répondu sur le fond !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Ces crédits sont en augmentation constante, en effet, ce qui démontre d’ailleurs que budgétisation ne signifie pas baisse des moyens.
Dans le PLF 2021, les crédits de l’APD augmentent de 684 millions d’euros, soit 17 % – c’est inédit –, auquel il faut ajouter 950 millions d’euros de recapitalisation de l’Agence française de développement. Aucune marche aussi importante n’a jamais été franchie en la matière.
Le Gouvernement demande donc également le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement m’étonne.
Le budget de l’AFD, son utilisation et sa maîtrise font l’objet d’un véritable débat et nous en reparlerons vendredi prochain. Je ne suis pas convaincu que, au regard des hausses considérables qu’a connues ce budget depuis trois ans, la priorité soit de réorienter encore des moyens supplémentaires vers cette agence, alors que les crédits publics sont si rares et si difficiles à obtenir.
Commençons par mettre à plat la manière dont l’AFD utilise son budget et met en œuvre ses objectifs, qui sont mal définis. Il fut un temps, que je regrette, où un ministère de la coopération s’en occupait, avec à sa tête une personnalité politique responsable devant le Parlement.
Aujourd’hui, par définition, le directeur général de l’AFD n’est pas responsable devant le Parlement ; le ministre Jean-Yves Le Drian exerce la tutelle sur l’agence, mais ne s’en occupe pas réellement. Je ne dis pas que tout est à mettre au panier – beaucoup de choses sont bien faites –, mais il faut revenir sur la manière dont tout cela fonctionne. L’AFD a obtenu des crédits considérables depuis trois ans.
Commençons par rationaliser tout cela en mettant en place un contrôle du Parlement sur ses moyens et ses objectifs. Nous verrons ensuite s’il est opportun d’en modifier l’équilibre budgétaire.
M. le président. Monsieur Temal, l’amendement n° I-1072 est-il maintenu ?
M. Rachid Temal. Monsieur le ministre, vous vous gargarisez de quelques chiffres, mais l’on sait que la réalité est plus nuancée. M. Karoutchi l’a rappelé : aujourd’hui, il n’y a pas de pilotage politique de l’aide publique au développement et la loi de programmation et d’orientation attendue ne cesse d’être annoncée, puis retirée.
Cela pose un véritable problème : sans pilotage politique, la France n’a pas de vision stratégique. La dernière loi de programmation a été adoptée durant le précédent quinquennat et la prochaine, qui devrait déjà être en vigueur, n’a toujours pas été présentée.
Monsieur Karoutchi, soyez rassuré, je suis très lucide sur la question de l’AFD, mais il ne s’agit pas de cela dans cet amendement. J’ai expliqué pourquoi j’avais été obligé d’affecter cette somme à cette structure, mais cet amendement part du constat de l’absence de loi de programmation et du détournement de la taxe sur les transactions financières.
Il importe de le souligner, parce que le produit de l’autre taxe, la taxe sur les billets d’avion, s’est effondré cette année et sera manifestement revu l’année prochaine. Or cette taxe est utile, notamment parce qu’elle abonde le Fonds mondial de lutte contre le sida. La question du financement d’un certain nombre de politiques publiques se pose donc.
Le fléchage sur l’AFD était le seul moyen à ma disposition au vu des limites imposées aux parlementaires en matière budgétaire. J’aurais souhaité que le ministre engage le débat, cela n’a pas été le cas. Malheureusement, maintenant, on se contente de dire « d’accord » ou « pas d’accord » et aucun débat n’est possible.
Je retire cet amendement, monsieur le président, ainsi que je l’avais annoncé. Toutefois, je le répète : je regrette l’absence de pilotage politique de l’aide publique au développement et l’impossibilité même de discuter ces sujets. La France a pourtant beaucoup à faire en la matière.
M. le président. L’amendement n° I–1072 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° I–22 rectifié est présenté par MM. Dallier, Allizard, Bacci, Bascher, Bazin, E. Blanc, Bonhomme, Bonne, Bonnus, Brisson, Burgoa et Calvet, Mme Canayer, MM. Charon et Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Daubresse et de Legge, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche, Deromedi et Dumas, M. B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genet, Grand, Gremillet et Houpert, Mmes Imbert et Joseph, M. Karoutchi, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Lefèvre et Mandelli, Mme M. Mercier, MM. Mouiller, Piednoir, Pointereau, Saury, Savin et Sautarel, Mme Thomas, MM. C. Vial et Vogel, Mme Renaud-Garabedian et M. Segouin.
L’amendement n° I–73 est présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° I–270 rectifié est présenté par M. Féraud, Mme Artigalas, MM. Temal, Montaugé, Kanner et Raynal, Mme Blatrix Contat, M. Bouad, Mme Briquet, MM. Cardon, Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot, Antiste et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et Conconne, MM. Durain, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lubin, M. Marie, Mmes Préville et S. Robert, M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° I–882 rectifié ter est présenté par Mmes Létard, Estrosi Sassone, Lienemann et Primas, MM. Chatillon et Chaize, Mme Chain-Larché, MM. Babary, D. Laurent et Cabanel, Mme Noël, MM. J.M. Boyer et Duplomb, Mmes Renaud-Garabedian, Berthet et Jacques, M. Bouloux, Mme Chauvin, MM. Somon, Rietmann, Pla et Cardon, Mme Loisier, M. Moga, Mme Férat, M. Louault, Mme C. Fournier et MM. Chauvet, Menonville et Salmon.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 6, 39, 44 à 46 et 57
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l’amendement n° I-22 rectifié.
M. Philippe Dallier. Nous voilà parvenus au premier étage de la fusée, qui devait en comporter trois. Il ne s’agissait pourtant pas de mettre sur orbite Action Logement. J’ai plutôt le sentiment que c’est le contraire, tant sont floues les intentions du Gouvernement vis-à-vis de cet acteur important du logement social !
Je le dis tout de suite, nous n’examinerons pas le troisième étage de cette fusée, et heureusement ! Il s’agissait en effet de demander au Parlement l’autorisation de légiférer par ordonnances sur le devenir d’Action Logement. On l’a évoqué à un moment, mais l’on n’en parle plus.
Restent deux étages.
Le premier étage vise à revenir sur la décision de remonter à cinquante salariés le seuil qui impose aux entreprises de cotiser à la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) que nous avons prise lors de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte. Constatant une diminution des ressources pour Action Logement, le Gouvernement a créé une taxe supplémentaire sur les contrats d’assurance et lui en a affecté le produit. Or, deux ans plus tard, l’État revient sur sa parole et nous propose ici de supprimer cette compensation.
Monsieur le ministre, les compensations accordées par l’État puis supprimées quelques années plus tard, le Parlement en a assez !
En ce qui concerne Action Logement, il ne s’agit plus, comme l’an dernier, de ponctionner une fois 500 millions d’euros ; cette année, vous proposez en seconde partie de ponctionner 1 milliard d’euros sur sa trésorerie. Certes, on peut toujours discuter pour déterminer si celle-ci est trop abondante, mais vous vous en prenez à une ressource pérenne de cet organisme. Si nous adoptions cette mesure, nous le priverions ainsi de 300 millions d’euros.
Monsieur le ministre, tout le monde s’accorde à reconnaître que le financement du logement social pose un gros problème. Probablement des efforts doivent-ils être engagés en ce qui concerne la gouvernance d’Action Logement, le coût de la collecte et nombre d’autres sujets. De tout cela, nous sommes bien conscients. En revanche, ce qui est de mon point de vue certain, c’est que l’on ne peut pas procéder de la sorte !
Il faut mettre le sujet sur la table, discuter avec les partenaires sociaux et, au bout du compte, prendre des décisions. Au lieu de cela, avant même d’avoir écouté les partenaires sociaux vous dire ce qu’ils entendent faire pour répondre à l’attente du Gouvernement, vous voulez priver Action Logement d’une ressource pérenne.
Voilà pourquoi j’ai déposé cet amendement tendant à revenir sur la suppression de cette ressource.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° I-73.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, vous le voyez bien : nous sommes un certain nombre à aller dans le même sens.
En bon connaisseur de ces questions, Philippe Dallier a exposé de manière objective la situation. Prenons garde de ne pas envoyer des signaux contradictoires à ce secteur : concentrons-nous sur le partage des enjeux et l’élaboration collective des bonnes décisions.
En attendant, monsieur le ministre, le Gouvernement doit respecter les engagements qu’il a pris, d’autant que, comme M. Dallier l’a rappelé, ceux-ci ne remontent qu’à deux ans, au moment de la loi Pacte 1. Au demeurant, nous attendons toujours la loi Pacte 2 et vous pourriez en parler à votre ministre, Bruno Le Maire…
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour présenter l’amendement n° I-270 rectifié.
Mme Isabelle Briquet. La mesure envisagée par le Gouvernement doit s’analyser en lien avec le prélèvement sur les ressources d’Action Logement qui sera examiné en seconde partie, à l’article 47. Au total, avec ce projet de loi de finances, c’est une ponction de 1,13 milliard d’euros que l’on s’apprête à opérer sur la trésorerie de cet opérateur.
Or Action Logement est, avec ses partenaires, un acteur clé pour appréhender la période de relance, alors que la crise sanitaire que nous traversons accentue les difficultés d’accès au logement et de maintien dans celui-ci et fragilise le secteur de l’immobilier et du bâtiment dans son ensemble.
En déposant cet amendement, nous voulons amener le Gouvernement à exprimer clairement devant la représentation nationale ses intentions réelles sur les réformes qu’il entend engager.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour présenter l’amendement n° I-882 rectifié ter.
Mme Valérie Létard. Je m’exprime au nom de la commission des affaires économiques, en particulier des trois collègues qui ont été avec moi corapporteures de la mission d’information sur le devenir d’Action Logement, laquelle vient de rendre ses conclusions, Mmes Estrosi Sassone, Artigalas et Lienemann. Ce travail a été mené au nom de cette commission, avec Mme Primas bien sûr, et en coordination avec Philippe Dallier.
Le Gouvernement a souhaité accélérer sa réflexion sur l’avenir d’Action Logement et de sa gouvernance, voire du montant prélevé au titre de la PEEC. Dans un premier temps, il se proposait de demander une habilitation à légiférer par ordonnance. Heureusement, la mobilisation du Sénat et nos discussions avec les ministres concernés l’ont conduit à renoncer à cette méthode, ce dont nous lui sommes reconnaissants. Un travail de concertation avec les partenaires sociaux peut maintenant s’engager, libéré de cette habilitation.
Or voilà que, dans le cadre de ce débat budgétaire, avant même la discussion sur l’avenir de la PEEC et d’Action Logement, on voudrait priver cet organisme d’une ressource pérenne de 300 millions d’euros environ – 235 millions d’euros, d’après le quatrième projet de loi de finances rectificative – et de 1 milliard d’euros supplémentaires à l’article 47. Ces deux mesures cumulées, si elles prennent un caractère récurrent, représenteront le montant prélevé annuellement au titre de la PEEC. En d’autres termes, la ressource serait tout bonnement supprimée !
Dès lors, à quoi bon ouvrir un débat avec les partenaires sociaux sur l’avenir de la PEEC, si elle est asséchée par un prélèvement destiné à compenser les difficultés budgétaires de l’État ?
Monsieur le ministre, un vrai problème se pose. Pour notre part, nous pensons qu’il faut réparer, comme Philippe Dallier l’a expliqué, le premier étage de la fusée, en rétablissant la compensation de la perte de ressources pour Action Logement.
En seconde partie, nous rouvrirons le débat sur le prélèvement de 1 milliard d’euros. En effet, quand vous prétendez opérer ce prélèvement seulement cette fois, mais que vous l’affectez au Fonds national d’aide au logement, il y a de grandes chances que, l’année prochaine, vous nous expliquiez que, compte tenu de la situation budgétaire de l’État, il faut recommencer… Au total, il ne resterait plus aucune ressource à Action Logement !
Il n’est pas possible de fonctionner ainsi. Nous ne pouvons donc que voter ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Les amendements identiques seront adoptés, à en juger par les groupes dont sont issus les signataires.
Le Gouvernement est convaincu de la nécessité d’une réforme d’Action Logement. À cet égard, l’appréciation qu’il porte est parfois plus directe que les euphémismes de M. Dallier. (Sourires.)
Des questions de gouvernance sont à régler, de même que des questions de sous-consommation et de sous-exécution, qu’il s’agisse des programmes volontaires ou des compétences, disons, obligatoires – je sais que le terme n’est pas parfaitement exact. Lorsque, sur des programmes de salles de bains – pour entrer dans le vif du sujet –, le taux d’exécution à dix-huit mois s’établit à 4,5 %, personne ne peut s’en contenter.
J’ajoute, en ce qui concerne spécifiquement Action Logement Services, qui dispose d’une trésorerie très abondante et présentait en 2019 un résultat net de 1,4 milliard d’euros, que ce n’est pas nécessairement la vocation première d’un tel organisme que d’afficher des résultats à ce point bénéficiaires – même s’il est bon qu’ils soient équilibrés.
D’abord, nous devons travailler à une réforme structurelle d’Action Logement au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Comme vous l’avez souligné, le Gouvernement a fait un geste de bonne volonté et de conciliation. Reste que des améliorations devront être obtenues en matière de coût de collecte, de gouvernance, de frais de fonctionnement et de capacité à exécuter les programmes et à tenir les programmes d’investissement. Ce sujet nous occupera certainement longtemps et de manière assez intensive.
Ensuite, nous proposons un prélèvement exceptionnel de trésorerie, inscrit en seconde partie. Je ne m’y attarde pas à cet instant.
Enfin, à cet article, nous proposons de revenir sur la compensation de 290 millions d’euros, ramenée à 238 millions d’euros dans la loi de finances pour 2020. Cela résulte non d’un choix du Gouvernement, mais d’une constatation d’exécution de cette ligne, puisqu’il s’agit d’une taxe affectée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’entends vos arguments, mais vous connaissez la position du Gouvernement tant sur la réforme que sur le maintien du prélèvement sur recettes. C’est la raison pour laquelle celui-ci émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Monsieur le ministre, l’exemple des salles de bains que vous avez pris est assez emblématique.
À l’origine, la PEEC était destinée à construire des logements pour les salariés. Au fil du temps, on a fait faire à Action Logement, je ne veux pas dire n’importe quoi, mais beaucoup de choses : pour les élus locaux, le financement de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), à hauteur de 7 milliards d’euros – ce n’est pas rien –, mais aussi beaucoup d’autres choses encore. Parfois même – je le sais pour en avoir discuté avec eux –, les partenaires sociaux apprenaient par la presse que le Gouvernement avait une idée et que c’était à eux de la financer !
Sans doute qu’il y a des efforts à faire, monsieur le ministre, mais on peut aussi essayer de rationaliser la situation ! Ainsi, l’amélioration de l’habitat, notamment la rénovation des salles de bains, pourrait être financée autrement que par des ponctions sur la PEEC.
Mme Valérie Létard. Eh oui !
M. Philippe Dallier. Il y a vraiment des choix à faire : Action Logement ne peut pas être la boîte à outils à tout faire du Gouvernement en matière de logement, jusqu’à financer les aides personnalisées au logement. Si vous souhaitez laisser à Action Logement l’année prochaine le milliard d’euros que vous voulez prélever cette année, il faudra le trouver dans le budget de l’État. Or on sent bien que cela posera une difficulté…
Bref, monsieur le ministre, on a un peu le sentiment que c’est comme dans le proverbe : qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. D’ailleurs, le rapport de l’inspection générale des finances était plus qu’inquiétant à cet égard. Certes, tout ne va probablement pas assez vite, mais il faut en chercher la raison. Encore une fois, vouloir tout faire faire à Action Logement avec la PEEC n’est peut-être pas non plus une bonne politique !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Philippe Dallier a parlé d’or.
En complément, je souligne que le rapport de l’inspection générale des finances, souvent mis en avant, porte sur la période 2016-2018. Nous sommes fin 2020 ! Entre temps, Action Logement a travaillé à améliorer son fonctionnement, en particulier à maîtriser les coûts de gestion de la PEEC. Résultat : aujourd’hui, pour prélever 1,2 milliard d’euros, 1,5 million d’euros sont dépensés et vingt et une personnes employées, grâce à la dématérialisation de la collecte et à la numérisation – avant, tout était payé par chèques et tout se faisait par papier. C’est un exemple des progrès accomplis par Action Logement, même si cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus rien à faire.
Monsieur le ministre, nous vous communiquerons le rapport de la mission d’information de la commission des affaires économiques, qui a auditionné un très grand nombre d’acteurs. Croyez-moi, vous constaterez qu’une partie du chemin a déjà été accomplie.
Peut-être faut-il réfléchir à la gouvernance, mais, comme l’a souligné Philippe Dallier, il faut s’interroger aussi sur nombre de choix budgétaires faits par les gouvernements pour accompagner des politiques publiques : ANRU, Action cœur de ville, rénovation des logements dans le cadre de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), pour ne citer qu’elles. Quant au plan d’investissement volontaire, lorsqu’il n’avance pas, c’est souvent du fait d’incompréhensions entre l’État et Action Logement sur les orientations à suivre. Le chemin a souvent été semé d’embûches.
Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui ont raison et, de l’autre, ceux qui ont tort. Il y a, malheureusement, des difficultés à s’entendre de part et d’autre. Il faut donc que tout le monde se mette autour d’une table.
Monsieur le ministre, la chance que nous offre Action Logement, c’est que l’argent prélevé pour faire du logement reste au logement. Ainsi, 95 % des crédits de l’ANRU – 450 millions d’euros par an – viennent d’Action Logement, le reste est abondé par l’État. Pourquoi ne manque-t-il pas un euro au pot, depuis des années ? Parce que l’argent est sanctuarisé par Action Logement. L’État, qui aurait dû allouer 50 millions d’euros à l’ANRU cette année, ne lui en accordera que 15 millions d’euros… C’est Action Logement qui garantit la ressource pour les collectivités territoriales et elle qui garantit que l’ANRU continue d’avoir un avenir !
Nous avons besoin d’une action qui s’inscrive dans le temps, avec des crédits sanctuarisés et, certes, une gouvernance partagée et une réflexion sur les améliorations possibles.
Là, j’en suis sûre, est la bonne solution !