M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Mes chers collègues, le ministre délégué chargé des comptes publics nous a indiqué ce matin que le Gouvernement allait proposer de modifier l’article liminaire du projet de loi de finances pour tenir compte de la révision du scénario macroéconomique et de l’avis du Haut Conseil des finances publiques. C’est à cette occasion que la commission des finances aura à se prononcer.
M. le président. L’amendement n° I-248, présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Antiste, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat, Bonnefoy et Conconne, MM. Durain, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lubin, MM. Marie, Mérillou et Montaugé, Mme Préville, M. Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 5° bis du l’article 1001 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 5° bis Pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur :
« À 18 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur émettant plus de 138 grammes de CO2 par kilomètre (norme WLTP) et dont la masse est supérieure à 1,5 tonnes autres que les assurances relatives à l’obligation d’assurance en matière de véhicules terrestres à moteur prévue à l’article L. 211-1 du code des assurances ;
« À 15 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur émettant plus de 138 grammes de CO2 par kilomètre (norme WLTP) et dont la masse est supérieure à 1,3 tonnes et inférieure à 1,5 tonnes autres que les assurances relatives à l’obligation d’assurance en matière de véhicules terrestres à moteur prévue à l’article L. 211-1 du code des assurances ;
« À 12 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur émettant plus de 138 grammes de CO2 par kilomètre (norme WLTP) et dont la masse est inférieure à 1,3 tonnes autres que les assurances relatives à l’obligation d’assurance en matière de véhicules terrestres à moteur prévue à l’article L. 211-1 du code des assurances ;
« À 8 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur émettant plus de 123 grammes de CO2 par kilomètre (norme WLTP) et moins de 138 grammes de CO2 par kilomètre (norme WLTP) et dont la masse est supérieure à 1,3 tonnes autres que les assurances relatives à l’obligation d’assurance en matière de véhicules terrestres à moteur prévue à l’article L. 211-1 du code des assurances ;
« À 6 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur émettant plus de 123 grammes de CO2 par kilomètre (norme WLTP) et moins de 138 grammes de CO2 par kilomètre (norme WLTP) et dont la masse est inférieure à 1,3 tonnes autres que les assurances relatives à l’obligation d’assurance en matière de véhicules terrestres à moteur prévue à l’article L. 211-1 du code des assurances ;
« À 4 % pour les assurances contre les risques de toute nature relatifs aux véhicules terrestres à moteur émettant moins de 123 grammes de CO2 par kilomètre (norme WLTP) et dont la masse est supérieure à 1,3 tonnes autres que les assurances relatives à l’obligation d’assurance en matière de véhicules terrestres à moteur prévue à l’article L. 211-1 du code des assurances ; ».
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Je poursuis avec les très bonnes propositions de la Convention citoyenne pour le climat.
Le présent amendement vise à instaurer un bonus-malus sur la taxe spéciale sur les conventions d’assurance automobile, dont le tarif pourrait être fonction, notamment, des émissions de gaz à effet de serre.
Le poids moyen des voitures neuves a beaucoup augmenté ces dernières années, notamment en raison de la hausse des ventes de SUV. Ces derniers comptent aujourd’hui pour près d’un tiers du marché européen ; prendre en compte le poids des véhicules dans le calcul du bonus-malus écologique paraît donc essentiel pour répondre aux défis actuels et intégrer les évolutions de la demande et des comportements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. L’avis est défavorable pour plusieurs raisons.
D’abord, cet amendement tend à complexifier et à alourdir la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, qui a déjà des taux différents selon la nature du risque assuré et qui a de surcroît plusieurs affectataires différents. Ainsi, comme nous l’avons vu lors de l’examen du PLFR, cette taxe est même mise à contribution pour financer le logement social – je vous le dis, elle devient complètement illisible.
Ensuite, le dispositif proposé ne me paraît pas pertinent, parce qu’il s’ajoute à d’autres taxes similaires, dont le malus automobile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. L’avis est également défavorable.
Je précise qu’un amendement qui répond en partie aux objectifs de votre proposition a été adopté par l’Assemblée nationale en seconde partie de la loi de finances : il exonère de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA), pendant trois ans, les contrats d’assurance des véhicules électriques immatriculés à compter du 1er janvier 2021.
Vous le voyez, le choix que nous faisons est de faciliter la transition vers les voitures électriques. Il ne s’agit pas de taxer davantage des gens qui n’ont pas les moyens de changer de véhicule.
M. le président. L’amendement n° I-247, présenté par MM. Féraud, Jacquin, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Antiste, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat, Bonnefoy et Conconne, MM. Durain, Fichet et Gillé, Mmes Harribey, G. Jourda, Le Houerou et Lubin, MM. Marie, Mérillou et Montaugé, Mme Préville, M. Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 1011 ter du code général des impôts, il est inséré un article 1011 … ainsi rédigé :
« Art. 1011 … – I. – Il est institué une taxe additionnelle aux taxes sur les certificats d’immatriculation des véhicules prévues aux articles 1599 quindecies et 1011 bis. La taxe est due sur le premier certificat d’immatriculation délivré en France pour un véhicule de tourisme au sens du 5° de l’article 1007.
« Lorsque, au moment de sa première immatriculation en France, un véhicule n’est pas un véhicule de tourisme ou est un véhicule de tourisme exonéré en application du a du présent I, le malus s’applique lors de l’immatriculation consécutive à la première modification de ses caractéristiques techniques le faisant répondre à la définition d’un véhicule de tourisme ou lui faisant perdre le bénéfice de cette exonération.
« La taxe n’est pas due :
« a) Sur les certificats d’immatriculation des véhicules immatriculés dans le genre “Véhicule automoteur spécialisé” ou voiture particulière carrosserie “Handicap” ;
« b) Sur les certificats d’immatriculation des véhicules acquis par une personne titulaire de la carte “mobilité inclusion” portant la mention “invalidité” mentionnée à l’article L. 241-3 du code de l’action sociale et des familles ou par une personne dont au moins un enfant mineur ou à charge, et du même foyer fiscal, est titulaire de cette carte.
« c) Sur les certificats d’immatriculation des véhicules ne relevant pas du nouveau dispositif d’immatriculation, au sens du 4° de l’article 1007. Le b ne s’applique qu’à un seul véhicule par bénéficiaire.
« II. – La taxe est assise sur la masse du véhicule.
« III. – Le tarif relatif à la masse du véhicule, dit « composante poids » (CP), est applicable aux véhicules dont la masse est supérieure à 1 300 kilogrammes. Il est exprimé en euros et déterminé à partir de la masse du véhicule (M), exprimée en kilogrammes, selon les formules suivantes :
« Pour les véhicules dont la masse est strictement inférieure à 1 500 kilogrammes : CP = 5 € x (M – 1300 kg)
« Pour les véhicules dont la masse est supérieure ou égale à 1500 kilogrammes et strictement inférieure à 1 700 kilogrammes : CP = 10 € x (M – 1300 kg)
« Pour les véhicules dont la masse est supérieure ou égale à 1 700 kilogrammes : CP = 20 € x (M – 1300 kg)
« Les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables dont la masse est strictement inférieure à 1 800 kilogrammes, batterie incluse, sont exemptés de la composante poids.
« Pour les véhicules électriques ou hybrides rechargeables dont la masse est supérieure ou égale à 1 800 kilogrammes, batterie inclus : CP = 20 € x (M – 1800 kg)
« Pour la détermination de la composante poids, la masse du véhicule est diminuée de 300 kilogrammes pour les foyers comptant au moins trois enfants à charge au sens de l’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale, pour un seul véhicule de cinq places assises et plus par foyer.
« Cette réduction fait l’objet d’une demande de remboursement auprès du service mentionné sur l’avis d’impôt sur le revenu du redevable de la taxe mentionnée au I du présent article. Le remboursement est égal à la différence entre le montant de la taxe acquitté au moment de l’immatriculation du véhicule et le montant de la taxe effectivement dû après application de la réduction du taux d’émission de dioxyde de carbone prévue par enfant à charge. Un décret fixe les conditions dans lesquelles sont adressées les demandes de remboursement, et notamment les pièces justificatives à produire. »
La parole est à M. Thierry Cozic.
M. Thierry Cozic. Cet amendement a pour objet d’asseoir la fiscalité automobile sur le poids des véhicules. Actuellement, le bonus-malus ne prend pas en compte le poids, alors que les véhicules plus lourds ont un impact bien plus important sur le climat. En effet, ils consomment davantage de carburant, ils émettent davantage de particules fines et ils nécessitent davantage de matériaux pour être construits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° I-873 rectifié bis, présenté par M. Marchand, Mme Schillinger, MM. Yung, Dennemont, Buis et Rambaud, Mme Havet, M. Hassani, Mme Duranton, MM. Iacovelli, Rohfritsch et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au I de l’article 1012, dans sa rédaction résultant de l’article 69 de la loi n° 209-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, le montant : « 11 € » est remplacé par le montant : « 11,10 € » ;
2° Au I de l’article 1628-0-bis, le montant : « 4 € » est remplacé par le montant : « 4,10 € ».
II. – La vingtième ligne du tableau de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 est ainsi rédigée :
«
VI de l’article 135 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 |
ANTS |
37 400 |
».
La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Afin de favoriser une transition vers un parc de véhicules moins émetteur de gaz à effet de serre, plusieurs dispositifs incitatifs de bonus et de malus écologiques à l’achat sont fondés, notamment, sur la valeur des émissions de CO2. La prise en compte de la valeur unitaire des émissions nécessite la transmission des données du certificat de conformité du véhicule en format électronique.
Les missions de réception, de contrôle et de stockage des certificats électroniques ont été confiées à l’organisme technique central français, l’UTAC-OTC, sous réserve d’être financées.
Afin d’assurer ce financement, le présent amendement vise à modifier les taxes à l’immatriculation définies par le code général des impôts, en permettant une augmentation d’environ dix centimes du montant de la taxe fixe à l’immatriculation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Avant de pouvoir en formuler un, je demande celui du Gouvernement afin de comprendre quels besoins de l’UTAC-OTC pourraient motiver une telle disposition. Je souhaite aussi acquérir la certitude que la demande est bien proportionnée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. La réglementation prévoit effectivement la transmission des données du certificat de conformité du véhicule en format électronique. Cette transmission aura bien un coût pour l’UTAC-OTC ; il est estimé à 1,1 million d’euros pour l’ensemble des certificats qui devront être gérés.
Cela dit, monsieur le sénateur, je veux vous rassurer : le projet de loi de finances pour 2021 prévoit déjà les moyens nécessaires et suffisants pour que l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) puisse verser à l’UTAC-OTC les montants que celui-ci attend à ce titre.
Il n’est donc pas nécessaire, pour assurer ce financement, de prévoir en 2021 une augmentation de taxe. Ce point a bien été pris en compte par les services de l’État. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Buis, l’amendement n° I–873 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Bernard Buis. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° I-873 rectifié bis est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-251, présenté par MM. Féraud, Jacquin, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Antiste, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat, Bonnefoy et Conconne, MM. Durain, Fichet et Gillé, Mmes Harribey, G. Jourda, Le Houerou et Lubin, MM. Marie, Mérillou et Montaugé, Mme Préville, M. Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le titre II du code de la voirie routière est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Redevance kilométrique poids lourds
« Art. L. 124-1. – Les véhicules qui empruntent le réseau routier national non concédé et des voies des collectivités territoriales susceptibles de subir un report de trafic, et dont le poids total autorisé en charge est supérieur ou égal à 3,5 tonnes, sont soumis, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, à une redevance pour service rendu, appelée redevance kilométrique poids lourds, ayant pour objet de couvrir les coûts de service d’entretien structurel des chaussées du domaine public routier national. Le montant de la taxe est progressif en fonction du nombre total de kilomètres parcourus entre le point de départ et le remisage du véhicule.
« Art. L. 124-2. – La redevance mentionnée à l’article L. 124-1 est due par le propriétaire du véhicule. Toutefois, lorsque le véhicule fait l’objet d’un contrat de crédit-bail, d’un contrat de location ou de tout autre type de contrat de mise à disposition de l’usage de véhicule, la redevance due par l’utilisateur désigné dans ce contrat. Le bailleur demeure solidairement responsable du paiement de la redevance ainsi que, le cas échéant, de la majoration de retard applicable.
« Art. L. 124-3. – Le réseau soumis à la redevance prévue à l’article L. 124-1 est constitué d’axes du réseau routier national défini à l’article L. 121-1, dont la liste est déterminée par décret en Conseil d’État. Cette liste ne comprend pas les sections d’autoroutes et routes du réseau routier national soumises à péages.
« Art. L. 124-4. – Le montant de la redevance est proportionné à la distance d’utilisation du réseau routier défini à l’article L. 124-3. Son montant est modulé en fonction des caractéristiques des véhicules, en particulier des dommages causés aux infrastructures. »
II. – Le paiement de la taxe mentionnée à l’article L. 124-1 du code de la voirie routière ouvre droit à une bonification du remboursement des taxes sur les carburants prévue par l’article 265 septies du code des douanes selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
III. – Les pertes éventuelles de recettes résultant pour l’État du II et du III qui ne seraient pas compensées par le I le sont par la création d’une taxe additionnelle à la taxe prévue par l’article 235 ter ZD du code général des impôts.
La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Le présent amendement vise à introduire le principe d’une redevance d’utilisation de l’infrastructure routière pour les poids lourds. Cette taxe s’appliquerait sur le réseau national non concédé et sur les itinéraires alternatifs du réseau géré par les collectivités locales dans le cadre des dispositions de la directive européenne dite Eurovignette.
Les considérants de cette directive justifient ainsi une telle redevance : « Dans le secteur des transports routiers, les péages, calculés comme des redevances d’utilisation des infrastructures fondées sur la distance, constituent un instrument économique équitable et efficace pour réaliser une politique des transports durable, puisqu’ils sont directement liés à l’utilisation de l’infrastructure. »
La redevance kilométrique existe déjà dans certains pays comme l’Allemagne, l’Autriche ou la Belgique. Contrairement au système de la vignette, la redevance kilométrique tient compte du nombre de kilomètres parcourus par les transporteurs. Il s’agit d’appliquer le principe du pollueur-payeur.
Le montant de cette taxe serait progressif afin de limiter, à moyen terme du moins, l’emploi du transport routier sur de longues distances, dans la mesure où il présente un bilan carbone très problématique. Une telle mesure permettrait de réduire la demande et, incidemment, d’optimiser le transport routier de marchandises, en favorisant d’autres modes de transports.
Un amendement à l’objet identique avait déjà été déposé par le groupe socialiste du Sénat à l’occasion de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités. Un tel dispositif s’inscrit parfaitement dans la lignée des propositions de la Convention citoyenne pour le climat.
M. le président. L’amendement n° I-931 rectifié, présenté par M. Fernique, Mme Taillé-Polian, MM. Parigi et Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard et Labbé, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre II du code de la voirie routière est complété par un chapitre … ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Redevance kilométrique poids lourds
« Art. L. 124-1. – Les véhicules qui empruntent le réseau routier national non concédé et des voies des collectivités territoriales susceptibles de subir un report de trafic, et dont le poids total autorisé en charge est supérieur ou égal à 3,5 tonnes, peuvent être soumis, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, à une redevance pour service rendu, appelée redevance kilométrique poids lourds, ayant pour objet de couvrir les coûts de service d’entretien structurel des chaussées du domaine public routier national.
« Art. L. 124-2. – La redevance mentionnée à l’article L. 124-1 est due par le propriétaire du véhicule. Toutefois, lorsque le véhicule fait l’objet d’un contrat de crédit-bail, d’un contrat de location ou de tout autre type de contrat de mise à disposition de l’usage de véhicule, la redevance est due par l’utilisateur désigné dans ce contrat. Le bailleur demeure solidairement responsable du paiement de la redevance ainsi que, le cas échéant, de la majoration de retard applicable.
« Art. L. 124-3. – Le réseau soumis à la redevance prévue à l’article L. 124-1 est constitué d’axes du réseau routier national défini à l’article L. 121-1, dont la liste est déterminée par décret en Conseil d’État. Cette liste ne comprend pas les sections d’autoroutes et routes du réseau routier national soumises à péages.
« Art. L. 124-4. – Le montant de la redevance est proportionné à la distance d’utilisation du réseau routier défini à l’article L. 124-3. Son montant est modulé en fonction des caractéristiques des véhicules, en particulier des dommages causés aux infrastructures.
« Art. L. 124-5. – Le produit de la redevance est versé à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. L’État rétrocède aux collectivités territoriales le produit de la taxe correspondant aux sommes perçues pour l’usage du réseau routier dont elles sont propriétaires, déduction faite des coûts exposés y afférents. »
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement a le même objet que le précédent. J’ajouterai simplement que les poids lourds sont responsables d’une très forte dégradation de nos routes : un seul poids lourd équivaut de ce point de vue à 30 000 véhicules légers. C’est un véritable souci : il faut absolument réorienter le trafic des poids lourds vers le fret ferroviaire. Cette évolution s’impose, si nous voulons réduire les émissions de CO2. Ces raisons expliquent l’importance de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit peut-être d’amendements d’appel. En tout cas, leurs auteurs posent à nouveau la question que nos deux assemblées avaient résolue, en adoptant la loi qui avait instauré l’écotaxe, mais comme vous la savez, celle-ci a été supprimée…
Le Gouvernement avait annoncé qu’il travaillait à un nouveau projet de vignette pour les poids lourds pour tenter de répondre au trou dans la raquette des véhicules étrangers qui usent et, si je puis dire, abusent du réseau routier français, sans apporter de contribution en retour des dégradations occasionnées.
Vous savez que, par principe, je ne soutiens pas la création de taxes nouvelles, si bien que l’avis de la commission est défavorable sur ces deux amendements. Toutefois, Mme la ministre va certainement saisir cette occasion de nous exposer l’état de la réflexion du Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. La fiscalité actuelle retient déjà la logique du principe utilisateur-payeur et fait participer les transporteurs au financement des infrastructures. Ainsi, en 2015, l’augmentation de 4 euros par hectolitre de l’accise sur le gazole professionnel pour le transport de marchandises a été privilégiée. De plus, pour couvrir la programmation des infrastructures prévue dans la loi d’orientation des mobilités, il a été décidé que le transport routier de marchandises contribuerait sous la forme d’une nouvelle diminution du remboursement partiel de la TICPE à hauteur de 2 euros par hectolitre à compter du 1er janvier 2020.
Voilà la situation globale et il est vrai que nous avons emprunté cette voie plutôt que celle que suggèrent les auteurs de ces amendements.
Quant à celle-ci, vous savez sans doute que le Gouvernement prépare un projet d’ordonnance relative à l’introduction d’une écotaxe sur les poids lourds en Alsace. Ce projet fait actuellement l’objet d’échanges entre les services de l’État concernés et les départements alsaciens. Il me semble que ce territoire peut constituer un laboratoire pour tester les forces et les faiblesses de ce dispositif avant de le généraliser à l’ensemble du pays.
Dans ce contexte, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements pour deux raisons. En premier lieu, nous intégrons peu à peu – cela a commencé avant nous – le principe du financement des infrastructures par les utilisateurs, en particulier ceux dont l’usage du réseau laisse une empreinte un peu plus forte. En second lieu, nous sommes en train d’avancer sur ce sujet à l’échelle alsacienne : nous voulons faire de cette expérimentation un premier point avant de généraliser un tel dispositif, ce qui impliquerait évidemment de vous le soumettre.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Vous nous expliquiez tout à l’heure, madame la ministre, qu’il était impossible de pratiquer la différenciation selon les régions. Je m’aperçois à présent qu’on peut à défaut faire des expérimentations. C’est tout à fait intéressant et il va falloir mener celle-ci rapidement et la généraliser au plus vite.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Nos collègues du groupe socialiste se sont trompés d’adresse : il eût fallu qu’ils adressassent leur amendement à Mme Ségolène Royal ! Elle avait en effet hérité d’une écotaxe sur les poids lourds qui avait été adoptée à une assez large majorité. J’appartenais d’ailleurs à cette majorité, parce que j’avais l’intime conviction qu’il fallait faire contribuer, non pas les pollueurs, mais les utilisateurs du réseau routier, en particulier ceux qui ne contribuent en rien, madame la ministre, au financement des infrastructures françaises. En effet, vous pouvez aller du Luxembourg à la frontière espagnole avec un plein de carburant acheté dans le Grand-Duché.
Nous avions donc adopté un système qui était pertinent ; néanmoins, il manquait de souplesse et c’était la responsabilité du Gouvernement de gérer cette crise.
À l’évidence, la géographie commande : lorsque vous êtes dans le couloir lotharingien, qui va des ports de la mer du Nord vers le sud de l’Europe – il faut savoir que Rotterdam est le plus grand port méditerranéen ! –, vous observez un flux de poids lourds que vous ne maîtrisez pas et qui s’impose à vos infrastructures sans leur apporter aucune contribution.
En revanche, lorsque vous êtes breton – ce n’est pas un défaut, bien au contraire ! –, pour atteindre le premier grand marché et exporter vos choux-fleurs vers la capitale ou les grands bassins de consommation, il vous faut faire cinq cents kilomètres.
Si Mme Royal avait eu la patience d’ouvrir une négociation avec les régions pour différencier le taux de prélèvement, peut-être aurait-elle tout de même affronté crises et critiques, mais un système qui a somme toute coûté au contribuable français plus d’un milliard d’euros et ne nous laisse pour tout souvenir que des portiques aurait pu commencer à fonctionner.
Alors, soyons sérieux : votre démarche est bonne, mais qui peut prétendre régler par un amendement déposé à l’occasion de l’examen d’un projet de loi de finances un problème de cette ampleur, que votre gouvernement et votre président n’ont pas été en mesure de porter jusqu’à son terme, alors même qu’une majorité très large s’était constituée autour d’une solution pertinente ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)