M. Guillaume Gontard. Je ne sais pas si le crédit d’impôt recherche est un atout, mais, en tout état de cause, il est nécessaire de mieux l’encadrer.
Le présent amendement vise à la fois à réduire et, surtout, à justifier les dépenses du CIR.
Lors de son instauration, le crédit d’impôt recherche était une exonération principalement destinée aux PME. Cependant, lors de la réforme de 2008, le plafond a été relevé de 16 à 100 millions d’euros de dépenses par an, le CIR ayant été de facto étendu aux grands groupes. Ainsi, en 2015, 14 000 entreprises avaient bénéficié du CIR, parmi lesquelles 42, soit 0,3 % des entreprises bénéficiaires, représentaient à elles seules 31 % des créances.
Un rapport du Sénat avait pourtant démontré que 80 % des créations d’emplois permises par la recherche se faisaient dans les entreprises de moins de 500 salariés.
Le crédit d’impôt recherche est devenu aujourd’hui un outil d’optimisation fiscale pour les grandes entreprises, bien plus qu’un soutien à la recherche.
S’il était adopté, notre amendement permettrait de considérablement réduire les dépenses du CIR, tout en n’ayant aucun effet sur l’écrasante majorité des entreprises qui en bénéficient.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Votre amendement vise à modifier de façon importante le crédit d’impôt recherche. Dans la période de crise que nous connaissons, je ne suis pas sûr que ce soit un bon signal, d’autant que les simulations ont montré que la mesure aurait un impact important sur les deux secteurs fleurons de l’industrie française que sont l’aéronautique et le secteur automobile.
Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° I-233, présenté par MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Antiste, Mme Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Blatrix Contat, Bonnefoy et Conconne, MM. Durain, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Jacquin, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lubin, MM. Marie et Montaugé, Mme Préville, MM. Mérillou et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent I, lorsqu’une entreprise bénéficiaire du crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche est liée, au sens du 12 de l’article 39, à d’autres entreprises ou entités juridiques exposant au cours de l’année, en France ou hors de France, des dépenses de recherche de même nature que les dépenses mentionnées au II du présent article, le taux du crédit d’impôt est égal au taux résultant de l’application de la deuxième phrase du premier alinéa du I au montant total des dépenses de recherche de même nature que les dépenses mentionnées au II exposées au cours de l’année, en France et hors de France, par cette entreprise et les entreprises ou entités juridiques liées au sens du 12 de l’article 39. » ;
La parole est à M. Rémi Féraud.
M. Rémi Féraud. Cet amendement va dans le même sens que celui que notre collègue vient de présenter, même si son dispositif est un peu différent.
Nous avons tenu compte des remarques de la Cour des comptes et du Conseil des prélèvements obligatoires, qui ont souligné la nécessité d’éviter que le crédit d’impôt recherche ne fasse l’objet, dans sa mise en œuvre, d’un détournement par les grands groupes. En effet, ces derniers profitent du plafonnement par filiale pour multiplier les plafonnements. Notre amendement tend donc à plafonner le CIR par groupe.
Les évaluations réalisées il y a quelques années, en 2013, ont montré que sur les 5 milliards d’euros que coûte cette niche fiscale, soit un coût très élevé, 1 milliard d’euros relevait de l’utilisation par filiale et non par groupe.
La mesure que nous proposons permettrait de limiter cet usage par les grands groupes, beaucoup plus important que ce qu’avaient certainement voulu les concepteurs du crédit d’impôt recherche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Pour les mêmes raisons que sur l’amendement précédent, j’émets un avis défavorable.
Là encore, je ne suis pas certain que l’objet de votre amendement réponde, dans la période de crise actuelle, aux objectifs que vous visez.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. L’avis du Gouvernement est défavorable, pour les mêmes raisons.
J’ai été lapidaire dans mes derniers avis, mais je veux dire l’attachement du Gouvernement au CIR.
Comme nous l’avons répété à plusieurs reprises, nous souhaitons que le projet de loi de finances pour 2021 soit l’occasion d’une actualisation et d’une mise en conformité avec des règles et des instructions transmises par la Commission européenne, dans une logique de sécurisation. Cette dernière nous a amenés à procéder à un certain nombre de modifications, que nous considérons comme légères.
Cependant, nous sommes favorables au maintien de cet outil, avec sa force et sa puissance. Nous ne partageons donc pas l’avis très négatif du sénateur Pierre Ouzoulias.
C’est ce qui explique que le Gouvernement soit défavorable à tous les amendements proposés sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous permettre, par votre réponse, d’échanger sur ce dispositif.
Je vous ai bien entendu, mais, alors que nous travaillons depuis un mois et demi dans cet hémicycle sur le projet de loi de programmation de la recherche jusqu’à 2030, pas une seule fois nous n’avons abordé le problème du crédit d’impôt recherche.
Vous me dites que c’est un outil déterminant pour la recherche et l’innovation. Dès lors, pourquoi votre collègue ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ne l’a-t-elle jamais évoqué ? S’il s’agissait de l’outil que vous décrivez, je pense qu’elle l’aurait valorisé ! Or nous n’en avons jamais parlé. Il aurait pourtant été utile de comprendre exactement comment est évalué l’effort de recherche soutenu par le CIR– j’avais d’ailleurs des questions à poser à ce sujet.
J’ai demandé à la ministre de nous citer un article publié grâce au crédit d’impôt recherche. De fait, elle en a cité un… Admettez que 6,5 milliards d’euros pour un article, c’est un peu cher !
Par ailleurs, souvenez-vous que, l’an passé, je vous ai mis en garde ici même contre le caractère sans doute difficilement soutenable, du point de vue des critères de Bruxelles, des super taux. J’avais d’ailleurs déposé un amendement tendant à les supprimer. Le même amendement vient d’être adopté à l’Assemblée nationale.
Je ne doute pas que, dans les années à venir, une réflexion sur la légalité du CIR sera menée à l’échelon européen. Mes chers collègues, je vous encourage donc vivement, avant que nous ne soyons obligés par Bruxelles d’abandonner séance tenante le crédit d’impôt recherche, à réfléchir à un autre dispositif.
L’Allemagne est en train d’expérimenter un dispositif qui me semble beaucoup plus vertueux : le versement de l’argent est conditionné à la soumission d’un projet évalué a priori et a posteriori. Ce système, qui fonctionne un peu sur le modèle d’une agence nationale de la recherche, me paraît beaucoup plus sain. Je répète que, chez nous, l’évaluation échappe totalement au Parlement. J’en reparlerai tout à l’heure.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, j’avoue ne pas être satisfait par vos explications, à moins que je ne les aie pas comprises !
De façon subjective, vous dites ne pas être certain que cet amendement, s’il était adopté, permettrait de corriger les dérives ou les effets pervers du crédit d’impôt recherche, lequel est devenu une niche fiscale.
Il me semble que l’amendement qui nous est présenté est un amendement d’équilibre et de rationalisation : on préserve le CIR, mais on limite la possibilité d’ouvrir la porte et de créer des filiales, car aujourd’hui, c’est open bar ! C’est consciemment que tous, ici, nous laissons faire. C’est donc consciemment que nous laissons la porte ouverte à la fraude fiscale, au motif que si, on devait la fermer, le pays perdrait en attractivité. Je rappelle aux amateurs d’histoire que ceux qui ont émigré pendant la Révolution sont revenus après !
Je ne comprends pas que l’on pinaille sur de petites mesures et que l’on ait cette attitude sur le CIR, qui représente 5 ou 6 milliards d’euros. Nous devrions tous soutenir cet amendement d’équité, qui vise à stabiliser le dispositif, à le rationaliser et à le rendre plus juste.
M. le président. L’amendement n° I-851 rectifié ter, présenté par MM. Moga et Longeot, Mme Létard, MM. Delcros, Canevet et Mizzon, Mme Billon, MM. Kern, Folliot, Henno et Levi, Mme Primas, MM. Cigolotti, L. Hervé et S. Demilly, Mmes Doineau et C. Fournier, M. Bonhomme, Mme Saint-Pé, MM. Menonville, Médevielle, Chasseing, P. Martin et Genet, Mme Gruny, MM. Janssens, Vogel, Bouchet, Gremillet et Grosperrin, Mme Paoli-Gagin, MM. Perrin, Rietmann, Laménie et Le Nay et Mme Renaud-Garabedian, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
aa) Le c est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° 50 % des dépenses de personnels exposées par les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité. » ;
II. – Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
d) Au 3° du k, le taux : « 43 % » est remplacé par le taux : « 50 % » ;
III. – Alinéa 25
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l’exception des aa et d du 2° qui s’appliquent aux dépenses de personnel exposées à compter du 1er janvier 2023
IV. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le présent article ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Cet amendement vise à minorer les effets néfastes de la suppression du doublement d’assiette du crédit d’impôt recherche en cas de sous-traitance publique pour les petites et moyennes entreprises, en rétablissant à 50 % le taux de prise en compte forfaitaire des dépenses de personnel, qui avait été diminué à 43 % en loi de finances pour 2020, pour des raisons d’ordre budgétaire.
En bonne coordination avec l’amendement tendant à repousser à 2023 la suppression du doublement d’assiette pour sous-traitance publique, la modification prévue par le présent amendement n’entrerait en vigueur qu’en 2023.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Il ne me semble pas opportun de modifier de nouveau ce taux, que nous avons abaissé l’année dernière.
Il me paraît important de garantir une certaine cohérence dans nos votes et, ainsi, d’assurer une stabilité des règles applicables.
Selon une enquête menée récemment, la stabilité du crédit d’impôt recherche est considérée par 72 % des personnes interrogées comme un facteur clé d’innovation.
En conséquence, je sollicite le retrait de l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Le Gouvernement sollicite lui aussi le retrait de l’amendement.
M. le président. Monsieur Mizzon, l’amendement n° I-851 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Mizzon. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° I-851 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° I-1140, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Parigi et Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les dépenses liées à la transition énergétique et permettant que l’activité de l’entreprise soit plus respectueuse de l’environnement. Le plafond pour ces dépenses est relevé à 150 millions d’euros pour un crédit d’impôt de 30 %. » ;
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement vise à soutenir la recherche lorsque celle-ci permet de favoriser la transition écologique.
Il s’agit, en quelque sorte, d’inverser la logique : puisque vous ne voulez vraiment pas, monsieur le ministre, toucher au crédit d’impôt recherche, au moins, rendons-le plus vertueux en faisant en sorte qu’il finance véritablement la transition écologique !
Je répète que le CIR a été mis en place à une période où la participation des entreprises au financement du budget de l’État était plus importante qu’aujourd’hui – elle ne cesse de diminuer. On sait désormais, car beaucoup a été écrit sur ce sujet, que le CIR est une niche fiscale qui présente de nombreux inconvénients : il sert entre autres à faire de l’optimisation fiscale.
Nous savons pertinemment que l’ensemble de ces fonds ne vont pas à des projets de recherche et que cet argent était en fait une baisse déguisée des impôts sur les entreprises. Maintenant que vous avez supprimé les impôts de production et que la trajectoire de l’IS poursuit sa descente, peut-être pourrait-on réinterroger ce dispositif, pour l’axer véritablement sur la recherche ?
J’ai en tête plusieurs exemples d’entreprises qui vont jusqu’à confier à des cabinets le soin de les rendre éligibles au CIR alors qu’elles ne font même pas de recherche. Nous savons tous que cette situation existe !
Cet amendement vise à ce que, au moins, le crédit d’impôt recherche serve la transition écologique. En réalité, il faudrait refonder l’aide à la recherche des entreprises, en meilleur lien avec la recherche publique, laquelle doit rester au centre, parce qu’elle promeut l’intérêt général et qu’elle est plus vertueuse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Premièrement, les dépenses liées à la transition énergétique que vous visez me paraissent trop floues. Ce flou risque de constituer une source d’insécurité juridique pour les entreprises.
Deuxièmement, il me paraît important de rappeler qu’il s’agit de dépenses de recherche, et non pas d’aides sectorielles. Une telle extension de l’assiette risquerait de fragiliser le crédit d’impôt recherche du point de vue de sa conformité avec le droit européen, notamment au regard des aides d’État.
Dès lors, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° I-852 rectifié ter, présenté par MM. Moga et Longeot, Mme Létard, MM. Delcros, Canevet et Mizzon, Mme Billon, MM. Kern, Henno et Levi, Mme Primas, MM. Cigolotti, L. Hervé et S. Demilly, Mmes Doineau et C. Fournier, M. Bonhomme, Mme Saint-Pé, MM. Menonville, Médevielle, Chasseing, P. Martin et Genet, Mme Gruny, MM. Janssens, Vogel, Bouchet, Gremillet et Grosperrin, Mme Paoli-Gagin, MM. Perrin, Rietmann, Laménie et Le Nay et Mmes Guidez et Renaud-Garabedian, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première phrase du premier alinéa du III, les mots : « , qu’elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables » sont supprimés ;
II. – Après l’alinéa 17
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° À la dernière phrase du même premier alinéa du III ainsi rédigé : est remplacée par la phrase : « Lorsqu’une subvention remboursable reçue par une entreprise a été déduite des bases de calcul de son crédit d’impôt avant le 1er janvier 2021, elle est ajoutée aux bases de calcul du crédit d’impôt de l’année au cours de laquelle elle est remboursée à l’organisme qui les a versées. » ;
…° Après ce même premier alinéa du III, il est inséré un alinéa rédigé :
« Les conditions de suivi des subventions remboursables sont fixées par décret. » ;
III. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – Le présent article ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Le présent amendement a pour objet de mieux adapter le traitement fiscal des avances remboursables à la trésorerie des entreprises innovantes, en évitant que la fiscalité reprenne d’un côté ce que l’État a consenti de l’autre.
Le droit en vigueur exige que les avances remboursables soient déduites de l’assiette du CIR le jour de leur perception et que leur remboursement soit intégré à cette assiette. En conséquence, les avances remboursables viennent limiter l’avantage fiscal lors de leur perception, mais elles l’augmentent lors du remboursement. Autrement dit, dans la période où l’entreprise a le plus besoin de trésorerie, celle-ci est diminuée, alors que, dans la période où elle n’en a plus forcément besoin, elle est augmentée.
Afin de rendre le traitement fiscal des avances remboursables plus compatible avec la réalité économique des entreprises innovantes, l’amendement vise à neutraliser les effets de l’avance remboursable sur le crédit d’impôt recherche : ni déduction de l’assiette le jour de perception ni réintégration le jour du remboursement. Il s’agit d’une mesure de trésorerie sans effet sur les finances de l’État.
Cet amendement tend également à améliorer le traitement fiscal des avances remboursables qui viendraient à être transformées en subventions, c’est-à-dire dont le remboursement ne serait plus exigé : aujourd’hui, la perception de l’avance entraîne une déduction de l’assiette du CIR ; demain, c’est au jour où l’avance serait transformée en subvention qu’elle viendrait limiter l’avantage fiscal. Il s’agit aussi de mieux adapter le traitement fiscal au profil de trésorerie des entreprises innovantes, ce qui serait sans effet sur les finances de l’État.
Enfin, afin de s’assurer que cette modification ne donne pas lieu à des abus, un état de suivi des subventions remboursables paraît nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement soulève trois questions.
Premièrement, vous affirmez que le coût du dispositif sera nul à terme. Il se traduira néanmoins assez vite par un prélèvement sur le budget de l’État, estimé à 75 millions d’euros.
Deuxièmement, les avances remboursables étaient incluses, jusqu’en 2008, dans l’assiette du crédit d’impôt recherche, ce qui a suscité des critiques de la Cour des comptes : cette dernière a souligné que, si les avances remboursables sont comptabilisées en tant que dettes par les entreprises, elles constituent par ailleurs une aide publique du point de vue de l’État. Les intégrer dans l’assiette du CIR revient donc à accorder « une aide sur une aide ».
Troisièmement, quand le projet de recherche aboutit, l’entreprise restitue le montant de l’avance, qui est alors prise en compte dans le calcul du crédit d’impôt recherche. Si le projet échoue, l’entreprise conserve l’avance et ne peut prétendre au bénéfice du crédit d’impôt recherche sur le montant de celle-ci.
Par conséquent, si votre amendement était adopté, en cas d’échec du projet de recherche, l’entreprise conserverait l’avance tout en ayant bénéficié du crédit d’impôt recherche sur cette dernière… On voit bien que le système dysfonctionne !
Cela dit, je sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Le Gouvernement est extrêmement réservé sur cet amendement, car votre proposition, monsieur Mizzon, pourrait conduire à ce que des ressources publiques financent deux fois les mêmes dépenses.
En effet, le rétablissement du régime antérieur à la réforme du crédit d’impôt opéré par la loi de finances pour 2008 conduirait à ce double avantage.
Depuis cette réforme, les avances remboursables reçues par les entreprises en raison des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt recherche doivent être déduites des bases de calcul du crédit de l’année au cours de laquelle elles sont versées. Pour assurer la neutralité de la mesure au regard de leur CIR, les entreprises ajoutent les montants remboursés aux bases de calcul du crédit d’impôt de l’année au cours de laquelle les remboursements sont effectués.
La disposition que vous proposez entraînerait un cumul de ces dispositions. Par conséquent, le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Mizzon, l’amendement n° I-852 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Mizzon. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° I-852 rectifié ter est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-29 rectifié bis, présenté par Mme Estrosi Sassone, MM. Rapin, Daubresse et Courtial, Mme Deromedi, MM. Burgoa et D. Laurent, Mmes Demas et Deroche, MM. Savary, Somon, Mouiller, Vogel, Calvet, Grosperrin et Brisson, Mmes Richer, Berthet et Gruny, MM. Cambon, Tabarot, de Legge, Genet et Charon, Mmes Lassarade, Bonfanti-Dossat, Primas, Ventalon et Thomas, MM. Pointereau, Bonnus, Bacci, Favreau, Le Gleut, Meurant, Saury, Mandelli, J.M. Boyer et Longuet, Mme Raimond-Pavero, MM. Klinger, Milon et Michau, Mme Garriaud-Maylam, M. Frassa, Mme M. Mercier, MM. Boré, Perrin et Rietmann, Mmes L. Darcos et F. Gerbaud, M. Darnaud, Mme Chain-Larché, M. B. Fournier, Mmes Dumas et Delmont-Koropoulis, MM. Bonhomme et Gremillet, Mme Di Folco, M. Bouchet, Mmes Deseyne et Joseph, M. Babary, Mmes Renaud-Garabedian et de Cidrac et M. Segouin, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 17
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
5° Après le III bis, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Les entreprises qui ferment un ou plusieurs établissements remboursent la moitié du montant perçu au titre du crédit d’impôt recherche au cours des deux années précédant cette fermeture et après la publication de la loi n° du de finances pour 2021 sauf en cas de cessation de l’activité de l’entreprise. »
II. – Après l’alinéa 25
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le 5° du I s’applique aux dépenses exposées à compter du 1er janvier 2021.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Le CIR doit bien sûr avoir pour contrepartie une hausse de l’activité et des créations d’emplois.
Cet amendement vise à obliger toute entreprise qui ferme un ou plusieurs sites en France à rembourser le montant perçu sur deux exercices au titre du crédit d’impôt recherche, dans la limite de la moitié de ce montant.
Depuis plusieurs années, les fermetures d’entreprises justifiées non par une faillite, mais par le transfert d’activités dans un autre pays, soit pour réduire les coûts de production, soit pour une raison de stratégie commerciale, soulèvent la question de la responsabilité fiscale et de la justice sociale pour les salariés, face à un dispositif qui permet aux entreprises de déduire de l’impôt sur les sociétés 30 % de leurs investissements en recherche et développement et qui, rappelons-le, a un coût élevé pour les finances publiques, évalué à 6,27 milliards d’euros en 2017.
Si la stabilité de ce dispositif fiscal, créé en 1983 et sanctuarisé depuis 2008, est reconnue comme un outil d’attractivité, certaines entreprises qui quittent le territoire français remplissent difficilement leurs obligations issues de la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite « loi Florange », comme Nestlé, dans les Alpes-Maritimes, lors de la fermeture du laboratoire de recherche en dermatologie Galderma.
Le Gouvernement a répété à plusieurs reprises depuis 2017 qu’il était prêt à faire évoluer le crédit d’impôt recherche en France, afin de responsabiliser les acteurs économiques qui y font appel.
Ainsi, l’obligation de rembourser le montant perçu sur deux exercices, dans la limite de la moitié de ce montant, est réaliste et envoie un signal fort aux acteurs économiques qui ne perçoivent, dans le CIR, qu’un levier fiscal sans contrepartie sociale.
L’objectif n’est pas de restreindre un outil d’attractivité ni de créer une « contrepartie ». Il s’agit de répondre à une réalité rapportée par la Cour des comptes dans une publication de 2013, qui souligne qu’« entre 2007 et 2011, le nombre d’entreprises déclarant du CIR a doublé, passant de 9 800 à 17 900 entreprises » et que leur créance fiscale est passée de 1,8 milliard à 5,2 milliards d’euros, « soit un quasi-triplement. »
Plutôt que de créer des contrôles fiscaux, qui nécessitent une logistique humaine et plus de financements publics pour un contrôle en amont systématique, cet amendement tend à fixer un cadre d’utilisation large du crédit d’impôt recherche, sans toucher au bénéfice fiscal final des entreprises.