M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Il s’agit d’actualiser les données de l’article liminaire du projet de loi, avec une modification du solde structurel, du solde conjoncturel et du solde effectif dans la prévision d’exécution 2020 et dans la prévision 2021, afin de tenir compte de la révision des prévisions macroéconomiques concernant le niveau de récession et de déficit public. Je l’ai exposé lors de mes différentes interventions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, vous avez sollicité l’avis du Haut Conseil des finances publiques. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les questions que vous lui avez posées ? Nous avons le sentiment que seules les prévisions de croissance pour cette année, et non les perspectives pour 2021 sont revues. Or nous travaillons sur le projet de loi de finances pour 2021.
Vous me répondrez sans doute que vous êtes pris dans un étau, car cet avis est obligatoire. Mais c’est encore plus désagréable pour le Sénat, qui est en train de discuter du projet de loi de finances pour 2021. Vous l’avez compris, nous souhaitons examiner ce texte avec des éléments précis et en étant aussi éclairés que possible.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. La saisine du Haut Conseil des finances publiques, à laquelle Bruno Le Maire et moi avons procédé, vise à tenir compte de l’évolution de la situation épidémique, de la révision de la prévision pour 2020 et de ses conséquences sur les prévisions pour 2021. Elle s’inscrit dans la perspective d’une sortie progressive du confinement et dans l’hypothèse d’une absence de renouvellement du confinement en 2021.
Sur ce fondement, nous avons saisi le Haut Conseil d’une hypothèse de croissance à 6 % en 2021, au lieu de la prévision de 8 %, que nous avions prévue lorsque nous avons présenté le PLF au Haut Conseil, mi-septembre, et aux commissions des finances du Parlement, fin septembre. Cette prévision de 6 % intègre le plan de relance et la perspective d’une sortie progressive du confinement.
Dès lors que le Haut Conseil des finances publiques aura rendu son avis, nous proposerons au Parlement, conformément à la loi organique, d’actualiser, soit dès l’examen de la première partie du PLF soit à l’occasion suivante, les hypothèses pour 2021. Si l’avis du Haut Conseil sur notre prévision de croissance à 6 % nous permet de confirmer notre hypothèse, nous en tirerons dès que possible les conséquences sur le niveau du déficit public, du déficit budgétaire et du déficit de la sécurité sociale, puisque l’article liminaire du PLFSS avait été révisé pour le cadrage de 2020, mais non pour le cadrage de 2021.
Si la prévision de croissance s’établit à 6 %, plutôt qu’à 8 %, cela se traduira inévitablement par une dégradation des autres ratios, que je ne sais évaluer à cet instant. Nous avons pris le parti d’évaluer ces ratios lorsque nous aurons l’avis du Haut Conseil et lorsque nous aurons plus de visibilité sur la nature des dépenses que nous proposerons au Parlement d’inscrire en nouvelle lecture. En effet, si la prévision de croissance a un effet sur les recettes, notre décision sur les dépenses affectera évidemment les dépenses. C’est un deuxième facteur d’évolution du niveau de déficit.
Voilà comment nous vous proposons de travailler. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, notre saisine se fonde sur une hypothèse de 6 % de croissance.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez apporté des précisions, monsieur le ministre. Mais qu’est-ce qui explique que vous ne puissiez pas déposer à ce stade des amendements de crédits pour la deuxième partie, ce qui nous permettrait d’avoir un fléchage précis ? Je ne comprends pas qu’il faille chaque fois enjamber le Sénat. C’est un sujet qui nous préoccupe vraiment ; vous le comprenez, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Les mesures d’accompagnement de la sortie du confinement sont encore en discussion, ce qui explique un tel décalage, au-delà de la volonté de respecter le calendrier de travail du Haut Conseil des finances publiques.
Je le répète, il n’y a aucune volonté d’enjamber le Sénat. Si je devais en faire une démonstration, je me référerais aux débats que nous avons eus sur le PLFSS. C’est au Sénat que nous avons actualisé l’article liminaire. C’est également au Sénat que nous avons proposé d’adopter des dispositions complétant les crédits en matière de dépenses hospitalières, de dépenses de santé et d’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).
Encore une fois, si l’avis nous est rendu avant la fin de la première partie, nous ferons la révision nécessaire ici. Chaque fois que nous sommes en capacité de faire, nous faisons, indépendamment du fait que l’examen ait lieu à l’Assemblée nationale ou au Sénat. En cas d’adoption de cet amendement, l’Assemblée nationale devra se prononcer en deuxième lecture sur un PLF que vous aurez actualisé, et il en ira ainsi jusqu’à la fin des différentes lectures et de la navette parlementaire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, les éléments sur l’année 2020 nous ont été communiqués, et j’entends vos eassurances quant à la célérité que vous mettrez en œuvre pour nous communiquer ceux qui concernent 2021, afin que nous puissions examiner le projet de loi de finances en bénéficiant dès la première partie d’un tel éclairage.
Néanmoins, une question se pose : à quel moment avez-vous saisi le Haut Conseil ? Le reconfinement remonte déjà à presque trois semaines. Cela devrait avoir permis au Haut Conseil de vous donner des éléments, puisqu’il s’agit d’un point de passage obligé. La question est importante à nos yeux, même si je sais que vous êtes animé de la meilleure volonté.
La commission émet un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Il est vrai que l’article liminaire est une obligation dans chaque projet de loi de finances.
Dans le tome I du rapport général, on trouve bien une colonne exécution pour 2019, une colonne prévisions d’exécution pour 2020 et une colonne prévisions d’exécution pour 2021. En additionnant les soldes structurels, conjoncturels, ainsi que les mesures exceptionnelles et temporaires, le solde est malheureusement négatif, à moins 10,2 points de PIB. En cas d’adoption de cet amendement, le chiffre serait de moins 11,3 points de PIB.
Compte tenu du contexte sanitaire, des difficultés rencontrées et des mesures qui ont été expliquées, je suivrai à titre personnel l’avis de notre rapporteur général sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. Nous nous trouvons dans une position un peu difficile. L’amendement du Gouvernement est une actualisation de la trajectoire 2020. Comme nous sommes presque au terme de l’année, cela ne pose pas de difficulté en soi. En revanche, il est plus difficile de statuer sur l’article liminaire qui nous est proposé.
Monsieur le ministre, apparemment, vous êtes dans la même situation que nous : vous apprenez tout à la dernière minute. Vous ne siégez pas au conseil de défense. Il est vraiment dommage que M. Le Maire, qui y siège, ne soit pas présent. Vous vous trouvez donc contraint d’ajuster à la dernière minute. C’est certainement pour cela que vous n’avez pas pu saisir plus tôt le Haut Conseil des finances publiques.
En effet, le Président de la République nous a annoncé le 28 octobre un nouveau confinement jusqu’au 1er décembre. Nous sommes le 19 novembre. J’ai déjà vu des rapports du Haut Conseil des finances publiques publiés dans les trois jours suivant le dépôt du texte du Gouvernement.
Nous nous interrogeons, car vous nous soumettez un article liminaire dont nous savons – nous l’avons indiqué à plusieurs reprises – qu’il n’est pas cohérent avec ce que nous vivons ni avec la réalité des entreprises. Nous allons suivre le rapporteur général et vous donner quitus, parce que vous êtes présent et que vous le serez sans doute durant de nombreuses heures. Voyez dans cette position un signe d’encouragement à votre endroit, mais en aucune manière un soutien à la démarche d’ensemble de ce projet de loi de finances et à la manière dont le Parlement est considéré. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. J’engage Mme Lavarde à ne pas être trop affirmative quant à la composition du conseil de défense. Il me semble que vous n’y siégez pas, madame la sénatrice, alors qu’il m’arrive d’y siéger… (Sourires.) Pour la transparence du débat, j’indique que nous travaillons effectivement à Bercy sur l’actualisation des hypothèses.
Quand avons-nous saisi le Haut Conseil des finances publiques ? Mardi soir. Pourquoi ? Parce que nous avons pris le temps de mesurer les effets de quinze jours de confinement sur l’activité économique.
L’hypothèse sur laquelle nous avons travaillé dans les jours qui ont précédé le confinement, alors que nous envisagions différents scénarios, était celle d’une baisse de 20 % de l’activité en novembre.
Vous avez pu le constater, la Banque de France et, dans une note postérieure à notre saisine du HCFP, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) évaluent cette baisse d’activité à 12 %.
La connaissance des évolutions de l’activité économique pendant le mois de confinement nous était nécessaire pour en mesurer les effets sur la croissance pour 2020, ainsi que sur le potentiel de croissance pour 2021. Nous avons donc saisi mardi soir le Haut Conseil des finances publiques.
Je ne sais pas – cela ne relève ni de ma responsabilité ni de ma compétence – à quelle date le Haut Conseil rendra ses travaux, et il serait inélégant de ma part d’en préjuger. Nous espérons – mais c’est seulement un espoir – obtenir son avis lundi.
Si le Sénat examinait toujours la première partie lundi – ce n’est pas un encouragement à la lenteur des travaux, mais je sais que c’est une possibilité, de nombreux amendements ayant été déposés sur cette première partie –, nous vous proposerions d’actualiser de nouveau l’article liminaire en tenant compte de l’effet de la nouvelle prévision tant sur les recettes que sur le niveau du déficit. Pour ce qui concerne les dépenses, nous travaillons encore à la définition des mesures et à leur inscription budgétaire pour la nouvelle lecture, que ce soit ici ou à l’Assemblée nationale.
Je ne maîtrise pas certains éléments, comme la date de rendu de cet avis, même si nous avons l’espoir que ce soit lundi, ou le rythme de travail de votre assemblée. Si nous n’actualisons pas l’article liminaire avant le vote de la première partie, nous ne pourrons pas le faire lors de l’examen de la seconde.
Dès lors que nous aurons l’avis du Haut Conseil des finances publiques sur la prévision que nous lui avons soumise, nous procéderons à l’actualisation. Si cela doit être au Sénat, ce sera au Sénat. Le Gouvernement n’a aucune difficulté à travailler avec le Sénat ou avec l’Assemblée nationale en la matière. Notre seule ligne de conduite est de sincériser pas à pas. Chaque fois que nous avons un élément nouveau qui fait l’objet d’une validation, sinon sur le fond, en tout cas sur la forme, par le recueil de l’avis du Haut Conseil lorsque celui-ci s’impose au regard de la LOLF, nous respectons son rythme et nous proposons au Parlement dans son ensemble une actualisation quand c’est nécessaire et quand la procédure le permet.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous aimerions comprendre. M. le rapporteur général a demandé une suspension de séance. J’ignore qui il a réuni, mais ce n’était pas la commission des finances.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. J’ai réuni mon groupe. (M. Philippe Dallier le confirme.)
M. Pascal Savoldelli. Dont acte. De toute façon, nous avions discuté du sujet ce matin en commission des finances.
Le rapporteur général émet un avis de sagesse. Mais Mme Lavarde indique qu’elle donne quitus : N’y a-t-il pas un léger malaise ? Que se passe-t-il ? Je fais partie des sénateurs les plus récents, mais je sais ce qu’un avis de sagesse veut dire : chacun se détermine selon sa libre appréciation
Or Mme Lavarde, qui parle sans doute aussi au nom du groupe, nous dit quitus. C’est bien le mot que vous avez prononcé, ma chère collègue. Il n’y a aucune polémique de ma part. Y a-t-il donc plusieurs groupes ?
M. Roger Karoutchi. Tout va bien, ne vous inquiétez pas !
M. Pascal Savoldelli. Nous allons passer plusieurs jours ensemble ; ne commençons pas sur un malentendu. Pourriez-vous nous apporter des explications, dans un souci de clarté politique ?
Dans notre groupe, il y a longtemps que nous considérons la diversité comme une richesse. Nous sommes souvent unanimes, mais pas toujours. Nous le vivons très bien, et nous l’assumons publiquement. Que se passe-t-il donc ? Dites-le-nous, afin que nous comprenions.
Nous avions décidé de voter contre l’article, parce que le cadre macroéconomique ne nous satisfaisait pas. Certes, il y a une évolution de la croissance par rapport au PIB, mais en faveur de qui ? Je vous épargne l’analyse politique, mais nous voterons contre. Nous avions déjà décidé de voter auparavant, et nous voterons contre maintenant. Mais il faut passer au vote.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas nous demander de continuer à débattre si les termes du débat sont amenés à évoluer pendant le débat ! Ou alors, dites-nous que cela va tellement évoluer que les décisions seront finalement prises à l’Assemblée nationale !
Il nous faut de la clarté, de la part du Gouvernement comme de nos collègues du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Je souscris aux propos de notre collègue Pascal Savoldelli. Comme nous n’avons pas été associés aux discussions qu’a permises la suspension de séance, nous nous sommes concertés entre nous.
Or, si nous avons beaucoup de choses à reprocher au Gouvernement – je vous renvoie à nos interventions lors de la discussion générale –, sur ce point précis, nous ne voyons bien pas quel est le problème susceptible de créer un blocage. Si j’ai bien compris, on nous soumet une actualisation provisoire. Il y en aura d’autres, au Sénat ou à l’Assemblée nationale, en 2020 ou au cours de l’année 2021.
L’actualisation provisoire est-elle insincère ? Je n’en suis pas certain.
Pour nous prononcer, nous aurions besoin d’être davantage éclairés sur la nature du problème qui semble opposer la majorité sénatoriale et le Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Le groupe GEST n’a pas pu suivre l’ensemble des débats. Mais, de toute manière, nous avions décidé de nous prononcer contre l’article liminaire, parce que nous ne voyons pas où est l’équilibre.
Cet amendement ne répond pas à la totalité de nos interrogations. Nous nous opposons à la façon même dont ces prévisions de croissance, ces calculs et ces indicateurs sont construits. Ils sont obsolètes au regard de la crise et de la manière dont l’Europe met en place ces dispositions.
Quels que soient les débats en cours, nous ne pouvons voter ni cet amendement ni cet article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je le rappelle à nos collègues, et notamment à M. Savoldelli, qui avait dû s’absenter à ce moment de nos débats de commission ce matin, j’ai exprimé la position de la commission.
Simplement, avant d’émettre un avis de sagesse, j’avais souhaité entendre l’avis du Gouvernement.
Je note en outre que nous avons obtenu encore plus de précisions de la part de M. le ministre à l’issue de la suspension. Nous comprenons un peu mieux le délai très court qu’il a devant lui, le Haut Conseil n’ayant été saisi que mardi. Ces éléments ne nous avaient pas été communiqués avec autant de précision avant la suspension de séance.
M. le président. Nous passons à la discussion des articles de la première partie.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
M. le président. Nous allons tout d’abord examiner, au sein du titre Ier de la première partie du projet de loi de finances pour 2021, l’article 31, relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
article 31 et participation de la france au budget de l’union européenne
M. le président. Dans la discussion, la parole est à M. le rapporteur spécial. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous allons désormais procéder à l’examen de l’article 31 du projet de loi de finances pour 2021, relatif à la participation de la France au budget de l’Union européenne.
Au préalable, il est nécessaire de rappeler que notre contribution dépend directement de l’issue des négociations du prochain cadre financier pluriannuel (CFP).
Après deux ans de négociations houleuses, les États membres ont trouvé un accord sur le budget pluriannuel de l’Union européenne lors du Conseil européen qui s’est tenu du 17 juillet au 21 juillet dernier. Cet accord a été obtenu dans un contexte de fortes attentes des citoyens européens sur la réponse à apporter à la crise.
Dans cette perspective, l’accord de juillet constitue un tournant budgétaire et politique majeur. Il définit un CFP dit « socle », s’élevant à 1 074 milliards d’euros en crédits d’engagement, complété par un instrument de relance de 750 milliards d’euros. Le Parlement européen a négocié une hausse de 16 milliards d’euros du CFP. Cette somme qui devrait être ciblée sur les éléments jugés prioritaires par le Parlement européen, comme Erasmus ou les programmes relatifs à la santé.
L’articulation entre le CFP socle et cet instrument de relance retient un schéma inédit, avec, pour le second, un financement assuré par des ressources levées sur les marchés financiers par la Commission européenne, au nom de l’ensemble des États membres.
Toutefois, la commission des finances estime que des interrogations subsistent sur la mise en œuvre du nouveau CFP et du plan de relance.
La première, et non des moindres, tient au veto opposé par la Hongrie et la Pologne, rejointes hier par la Slovénie, sur le mécanisme de conditionnalité des fonds européens. Il met en péril l’adoption pour le 1er janvier du nouveau CFP et du plan de relance européen. Après qu’un accord a été arraché au mois de juillet et que des ajustements de compromis ont été négociés avec le Parlement européen, voilà le plan de relance suspendu à un désaccord politique qui préexistait à la crise sanitaire…
Monsieur le secrétaire d’État, depuis le début des négociations en 2018, le Sénat n’a eu de cesse d’alerter sur les risques d’un éventuel retard de celles-ci, retard qui serait très préjudiciable pour les porteurs de projets locaux, en particulier dans le domaine de la politique de cohésion. Cette crainte devient aujourd’hui une véritable angoisse, alors que le calendrier paraît plus contraint que jamais.
Un déblocage de la situation vous semble-t-il possible dans les prochaines semaines ? Quelles seront les conséquences d’un échec sur le projet de budget pour 2021, première année du nouveau CFP ?
La deuxième interrogation concerne la gouvernance et le décaissement des crédits de la facilité. La procédure de décaissement est guidée par le souci de garantir que les sommes issues de l’endettement commun sont utilisées à bon escient, mais force est de constater qu’elle est complexe et longue. Dans ces conditions, il paraît évident que les plans de relance nationaux restent en première ligne pour assurer le soutien à la reprise économique. Il faut être transparent : le plan de relance européen constitue bien un remboursement a posteriori des dépenses engagées par les États membres dans leur plan de relance national.
La commission des finances a exprimé des inquiétudes quant au coût in fine du plan de relance pour la France. En effet, en l’absence de nouvelles ressources propres, le remboursement sera assuré par les États membres en fonction de part dans le revenu national brut de l’Union européenne. Pour la France, le remboursement du plan de relance européen pourrait s’élever à 2,5 milliards d’euros par an.
Certes, le Conseil européen a fait de l’introduction de nouvelles ressources propres une priorité. Toutefois, la tâche reste immense pour aplanir les désaccords entre les États membres en la matière. Alors que le Parlement européen estime que le calendrier de la mise en place de nouvelles ressources propres est « juridiquement contraignant », le Conseil considère qu’il s’agit d’une simple feuille de route, témoignant ainsi du caractère sensible du sujet. En tout état de cause, il faudra être particulièrement vigilant pour que ces nouvelles ressources propres ne soient pas vécues comme la création d’un impôt supplémentaire par nos concitoyens.
Dans ce contexte, l’évaluation du montant de la contribution de la France au budget de l’Union européenne pour 2021 constitue un exercice de haute voltige.
Pour l’année prochaine, l’article 31 du projet de loi de finances évalue à 26,9 milliards d’euros le montant de ce prélèvement, soit une hausse de 13 % par rapport à 2020.
L’évaluation de ce montant est très incertaine cette année. Les perspectives économiques dégradées rendent les ressources propres de l’Union européenne volatiles, sans compter que le règlement sur le CFP n’a pas encore été formellement adopté.
Certes, une part significative de la hausse de ce montant s’explique par le retrait du Royaume-Uni du budget européen. Mais il convient de rappeler que l’accord du mois de juillet dernier a modifié les règles de calcul des contributions nationales. Cela se traduit par un ressaut de 700 millions d’euros pour la France en 2021. À cet égard, l’accord de juillet a entériné un renoncement de la France sur la question des rabais. Si le coût budgétaire aurait pu être mieux maîtrisé, il est certain que le coût politique d’une absence d’accord aurait été beaucoup plus élevé. En outre, la France a tout de même réussi à faire prévaloir certaines de ses positions sur le plan des dépenses, notamment en matière de politique agricole commune.
Sous réserve de ces différentes observations, je recommande, au nom de la commission des finances, d’adopter sans modification l’article 31 du projet de loi de finances pour 2021. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDPI, INDEP et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je salue d’abord notre rapporteur spécial, Jean-Marie Mizzon, dont la présentation des enjeux liés au prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est très éclairante.
La contribution prévue à l’article 31 matérialise la participation de la France au budget de l’Union européenne pour la première année du nouveau cadre financier pluriannuel, un CFP en discussion depuis le mois de mai 2018, et je sais de quoi je parle…
Ce nouveau CFP, complété par un instrument de relance en réponse à la crise de la covid-19, devait marquer une nouvelle étape pour l’Union européenne, une étape de solidarité, dont l’emprunt réalisé au nom de l’Union européenne est la marque symbolique.
Ce paquet budgétaire venait de faire l’objet d’un accord entre la présidence allemande du Conseil européen et le Parlement européen, qui a obtenu une rallonge, en l’occurrence une belle rallonge. Les signaux semblaient donc au vert. Mais la Hongrie et la Pologne, rejointes par la Slovénie, ont bloqué le processus, comme M. Mizzon l’a expliqué.
Le point de blocage est connu : c’est leur opposition au mécanisme de conditionnalité au titre de l’État de droit. Ce point de blocage n’est pas une surprise. Comme le Sénat l’avait souligné dès sa première résolution sur le CFP, la mise en œuvre d’une telle conditionnalité dans l’accès aux fonds européens suppose des critères objectifs et une méthode d’appréciation transparente. C’est aujourd’hui le cœur du sujet.
Ce blocage devrait être évoqué aujourd’hui au Conseil européen. Hier, lors des questions d’actualité au Gouvernement, le secrétaire d’État chargé des affaires européennes nous a indiqué que « des solutions pratiques pouvant passer par certaines clarifications techniques de ce mécanisme » étaient à l’étude. Mais, monsieur le secrétaire d’État, vous avez ajouté : « En dernier ressort, s’il le faut, nous regarderons comment avancer sans les pays qui bloquent, car l’Europe ne peut pas être retenue en otage par un certain nombre de gouvernements ne souhaitant pas respecter le socle essentiel de notre projet politique. » Je suis d’accord avec vous sur ce point.
Néanmoins, ce ne serait pas le moindre des paradoxes : au moment de la fin des négociations avec le Royaume-Uni et alors que l’Europe se veut plus solidaire, plus forte et plus résiliente, nous laisserions certains États membres au bord du chemin…
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite donc que vous nous éclairiez sur les solutions pratiques à l’étude et que vous nous confirmiez qu’en tout état de cause, il n’y aura pas de décalage dans la mise en œuvre du CFP et du plan de relance français.
Mais ce qui compte plus encore à mes yeux, c’est de partager de nouveau la conviction que le tout est plus grand que la somme des parties, que l’Europe, fondée sur des valeurs communes, porte un projet d’avenir que nous assumons collectivement : un projet qui répond aux attentes et aux besoins de nos concitoyens en matière de sécurité, de gestion des frontières, de développement économique et social ; un projet qui répond aux défis actuels en matière de numérique et de lutte contre le changement climatique.
Tel sera l’enjeu essentiel de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Si nous ne parvenons pas à redonner du sens à l’ambition européenne et à le faire partager à nos concitoyens, nous irons au-devant de sérieuses difficultés.
Monsieur le secrétaire d’État, l’une des clés se trouve ici, au Sénat, et, plus largement, dans les Parlements nationaux. C’est à nous que reviendra la responsabilité de ratifier la décision sur les ressources propres. C’est à nous que reviendra la responsabilité de permettre l’introduction de nouvelles ressources propres sur la feuille de route qui a été négociée.
La commission des affaires européennes du Sénat prendra pleinement sa part dans ces débats au cours des mois à venir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP.)