Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, je ne répéterai pas ce que j’ai dit à nombre de vos collègues concernant l’ingénierie et la façon dont il faut la concevoir. Je voudrais simplement faire un point sur votre département et sur les problèmes que vous soulevez ; une campagne sénatoriale venant de s’achever, je comprends que vous en ayez identifié.
Pour ce qui est de la Haute-Garonne, le comité local de cohésion territoriale a été installé le 4 novembre. Ce comité est présidé par le préfet, évidemment, mais il comprend beaucoup d’élus locaux, ainsi que des acteurs locaux de l’économie et de l’aménagement. La feuille de route de votre département a été tracée et présentée à l’occasion de cette récente réunion.
Le premier axe est de faire connaître et de proposer aux élus locaux les apports possibles en ingénierie territoriale et d’identifier avec eux les projets concrets qui pourraient bénéficier de cet appui.
Le second axe consiste à nouer des partenariats avec les acteurs de l’ingénierie territoriale du département, en premier lieu le conseil départemental, pour travailler efficacement.
Le troisième axe revient à définir les thématiques précises d’intervention de la délégation dans ces territoires, qui font miroir avec les priorités gouvernementales, comme le « zéro artificialisation nette », un sujet important, la souveraineté alimentaire ou la transition écologique et énergétique.
La délégation locale intervient déjà sur une série de projets, dont je vous donne quelques exemples : opération de revitalisation du territoire de Saint-Gaudens, à propos de laquelle je vous indique – je pense que vous le savez – que la candidature montée conjointement avec la commune, la communauté de communes et la DDT est lauréate d’un appel à projets intitulé « ateliers flash d’aménagement » ; accompagnement d’une requalification de friche industrielle au Vernet ; accompagnement de projets de territoires à Fronton et à Villemur-sur-Tarn ; mise en place d’une zone maraîchère à Blagnac ; accompagnement d’un projet de méthaniseur à Boulogne-sur-Gesse.
La période actuelle n’est pas très propice aux contacts de terrain – je suis moi aussi frustré de voyages officiels, et viendrais volontiers, si cela était possible, voir le développement de ces projets…
Aussi la délégation a-t-elle engagé, en partenariat avec l’association des maires de Haute-Garonne, une action d’organisation de webinaires de présentation de ses capacités d’intervention, qui va commencer en décembre prochain.
Vous parlez souvent de la posture des services territoriaux de l’État ; elle est complexe, parce qu’il s’agit à la fois de s’assurer de la légalité d’un certain nombre d’actes, en mettant en œuvre le contrôle de légalité, et de faire du développement local. Mais soyez sûrs d’une chose, mesdames, messieurs les sénateurs : la mission donnée par le ministère de la cohésion des territoires va bien dans le sens du développement local.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.
M. Pierre Médevielle. Monsieur le ministre, j’entends bien ce que vous avez dit de toutes les opérations qui sont en cours du nord au sud de mon territoire – vous en avez cité la plupart.
Il n’empêche qu’un travail de normalisation reste à faire entre les services du département et les services de l’État. J’ai pu, au cours de plus de 500 visites dans ces communes, noter tout de même un certain malaise, pas avec les préfets ni avec les sous-préfets, mais avec leurs satellites, je le précise.
Il est positif, évidemment, que les DDT s’assurent du respect des normes, tout en favorisant le développement local ; mais elles ont parfois tendance à vouloir se couvrir et à oublier quelque peu, précisément, le développement local, ouvrant les parapluies quand il fait beau…
J’espère que nous verrons davantage d’audace de la part de ces satellites ; nous avons vraiment besoin de relancer les investissements et l’activité économique sur ces territoires, notamment sur les territoires ruraux.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Prince.
M. Jean-Paul Prince. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Agence nationale de la cohésion des territoires, créée par la loi du 22 juillet 2019, a vu le jour le 1er janvier 2020. La création de cette agence apparaît d’autant plus justifiée aujourd’hui, à l’instant critique où notre pays se trouve et au regard des défis gigantesques qu’il aura à relever dans l’avenir.
Dans la période d’épidémie que nous traversons, les collectivités sont aux avant-postes, dans des conditions d’autant plus difficiles que cette crise sanitaire est doublée d’une grave crise économique. La mise en œuvre des mesures de distanciation sociale dans les lieux publics et les mairies et les achats supplémentaires de matériel rendus nécessaires par la crise ont eu un coût important, en particulier pour les petites communes.
En outre, des investissements futurs sont à prévoir dans ce domaine. Je pense, par exemple, aux dispositifs de détection de virus dans les eaux usées des stations d’épuration gérées par les collectivités ; ceux-ci sont en train de faire leurs preuves à l’étranger et viennent de recevoir l’agrément qui autorise leur commercialisation en France.
Il est évident que, après la fin de la pandémie de covid-19, la politique de prévention et de lutte contre les épidémies sera renforcée et remaniée, tant à l’échelon national qu’à l’échelon local. Les collectivités seront nombreuses à vouloir agir dans ce domaine, pour protéger leur population.
Mon propos n’est pas de faire peser toute la charge qui en résultera sur l’État, et encore moins sur l’ANCT, mais je prévois que toutes les collectivités ne feront pas face à armes égales aux difficultés financières et techniques afférentes, surtout si l’on considère le contexte, celui d’une crise économique, et les dépenses liées à l’épidémie déjà engagées.
C’est pourquoi je souhaiterais savoir si l’ANCT prévoit de mettre en place, à l’avenir, un dispositif spécifique d’aide aux collectivités dans le domaine de la lutte contre le risque épidémique.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Prince, il y a, dans les dispositions qui ont déjà été votées par votre assemblée, des mesures relatives notamment à ce qu’on appelle le « compte covid », à savoir l’étalement des dépenses sur cinq ans, permettant – je le précise, même si cela n’a pas de rapport direct avec l’ANCT – de donner une réponse partielle aux questions que vous posez.
Plus globalement, vous m’interrogez pour savoir si l’ANCT va mettre en place un dispositif d’aide aux collectivités dans le domaine de la lutte contre le risque épidémique.
C’est l’occasion pour moi de rappeler que, en tant qu’autorité de coordination interfonds, l’ANCT a en charge le pilotage et la conduite des travaux visant à réunir les conditions d’une « opérationnalisation » en France des propositions de la Commission européenne et à faciliter ainsi la mobilisation des fonds européens, en réponse à la crise de la covid-19, notamment par l’identification des besoins qui sont remontés des territoires et par la recherche de solutions opérationnelles.
C’est donc bien par le biais de l’ANCT que ce dispositif trouve à s’appliquer, et vous avez raison de poser cette question, qui est originale dans le cadre de cette discussion, de sorte que nous puissions y répondre.
À la suite de la propagation de l’épidémie de covid-19 en France et en Europe, plusieurs niveaux se sont mobilisés pour répondre aux enjeux liés à la mise en œuvre des fonds européens.
Je citerai notamment le Feder, le Fonds européen de développement régional : le règlement européen du 30 mars 2020 autorise le soutien des investissements nécessaires au renforcement des capacités de réaction aux crises dans le domaine sanitaire. Le financement des dispositifs médicaux et des matériels de protection peut également faire l’objet d’un soutien de la part du FSE, le Fonds social européen : de nombreuses réponses ont été apportées, en lien avec des remontées de terrain coordonnées par l’ANCT.
En tant qu’autorité de coordination, l’agence a conduit tous ses travaux en collaboration avec Régions de France, avec les autorités de gestion des fonds européens et avec les services de l’État qui étaient directement concernés par ces fonds. Un dialogue en temps réel avec les services de la Commission a permis de bien faire remonter les problématiques et permet aujourd’hui de financer un certain nombre d’opérations.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Monsieur le secrétaire d’État, la crise sanitaire a révélé comment l’inégal accès de nos concitoyens au numérique crée une rupture d’égalité et renforce les injustices. Travailler, accéder à ses droits, engager des démarches administratives, étudier, se soigner devient pour beaucoup un défi insurmontable.
Malgré les actions en faveur de l’inclusion numérique menées depuis une dizaine d’années, près de 13 millions de Français et de Françaises en demeurent exclus ; mais ce chiffre est, dit-on, largement sous-estimé.
Ce qu’il faut bien appeler un échec est lié à l’absence de rationalisation de l’action publique. Le foisonnement de l’offre de médiation, avec des initiatives diverses, des situations différentes, des ressources dispersées et plusieurs niveaux de décisions, rend ces actions difficilement identifiables. La preuve en est la faible utilisation du pass numérique. Éclatées, ces actions manquent de cohérence, d’organisation, de lisibilité et donc d’efficacité.
La relance de notre pays ne peut faire l’impasse sur une véritable appropriation du numérique et de ses usages par tous. Certes, 250 millions d’euros gérés par l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’ANCT, sont prévus pour cela, mais ce n’est pas suffisant. Encore faut-il que cet argent soit efficacement utilisé.
Monsieur le secrétaire d’État, il est urgent de mettre en place une véritable politique publique de la transformation numérique et surtout de l’inclusion numérique.
Concrètement, c’est d’un chef d’orchestre que nous avons besoin. L’ANCT pourrait jouer ce rôle, car ce sont les territoires qui permettront de mettre en œuvre une telle politique. L’agence est-elle prête à assurer ce leadership pour, enfin, nous doter d’une stratégie cohérente, équilibrée territorialement et ciblée en direction des populations qui en ont besoin ? Si oui, comment ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, vous avez entièrement raison d’aborder la question de l’inclusion numérique. La fracture numérique, en ce qui concerne tant la qualité de l’accès à internet que la maîtrise des usages du numérique, est un élément extrêmement important dans la crise que nous traversons.
L’action de l’ANCT porte sur le développement des infrastructures numériques dans les territoires, notamment ruraux, mais aussi sur la montée en compétences numérique des Français, ce qui constitue votre question principale en matière de formation et d’inclusion. La crise sanitaire actuelle a renforcé la pertinence de cette action.
Aujourd’hui, 13 millions de Français sont en difficulté avec le numérique, ce qui est tout à fait considérable. Plusieurs facteurs sont déterminants dans ses difficultés : le niveau d’études, l’âge, la pauvreté, l’implantation territoriale, voire la situation personnelle.
Hier, Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, maintenant sous la double tutelle de Bercy et du ministère de la cohésion des territoires, ont annoncé les principales mesures du plan de relance en faveur de l’inclusion numérique lors de l’ouverture de l’édition 2020 du forum Numérique en Commun[s].
L’objectif est de donner un coup d’accélérateur absolument inédit à l’inclusion numérique et d’en faire une vraie politique publique, telle que vous l’appelez de vos vœux.
Ce sont 250 millions d’euros qui sont mobilisés pour rapprocher le numérique du quotidien de tous les Français. L’idée est très simple : pour mieux former, il faut plus de professionnels, des lieux équipés et multiples, et davantage d’outils pour les aidants.
Pour développer des ateliers et des formations numériques sur le terrain, 4 000 conseillers numériques France Services seront recrutés, formés et déployés sur l’ensemble du territoire. L’État finance leur formation à hauteur de 200 millions d’euros. Il finance également pour 40 millions d’euros la conception et le déploiement de kits d’inclusion numérique importants dans les mairies, les bibliothèques et les centres sociaux.
Enfin, 10 millions d’euros serviront à financer la généralisation du service public numérique – France Connect – et la montée en compétences numériques des aidants professionnels, en première ligne dans le cadre de l’inclusion numérique.
Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le secrétaire d’État, nous avons bien perçu votre ambition pour la ruralité – nous nous rejoignons en cela.
Pour autant, ce dont ont besoin les élus de la ruralité, c’est que ce type d’agence soit au rendez-vous en matière d’agilité et de réactivité, notamment dans leur capacité à mobiliser au plus vite les fonds du plan de relance. Plus encore, il ne faudrait surtout pas que l’ANCT soit une façon de « réinventer l’eau chaude », si vous me permettez d’être un brin trivial !
J’ai bien entendu vos propos : il n’y aura pas de concurrence, au moins masquée, entre les agences d’ingénierie existantes sur nos territoires, qu’il s’agisse des syndicats mixtes ou autres, ni même avec l’État – vous avez cité le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le Cerema. Pouvez-vous vous engager formellement sur ce point, d’autant que nous avons besoin que ces actions soient conduites avec la plus grande réactivité ?
Par ailleurs, la plupart des élus des territoires éprouvent une forme de désespérance. Ils ont le sentiment de ne pas être entendus sur des sujets qui ont pourtant une résonance forte sur le terrain. Je pense, notamment, au développement de la téléphonie ou à certains axes de mobilité interdépartementaux, pour ne citer que les exemples auxquels je suis confronté dans mon département de l’Ardèche.
Nous avons donc aussi besoin que cette agence constitue une sorte de caisse de résonance par rapport aux problèmes que rencontrent les élus locaux. Nous comptons véritablement sur une juste articulation. Pouvez-vous nous garantir qu’il en sera ainsi ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, je me suis effectivement déjà exprimé sur ce sujet, pour souligner la complémentarité de l’ensemble des services d’intervention et de leurs fonctions sur les territoires.
L’ANCT a aussi pour mission d’être à l’écoute des problèmes locaux, s’il apparaissait que les moyens de l’agence n’étaient pas forcément utilisés à bon escient. Je vous invite à pousser la porte du secrétariat d’État : nous pourrions alors engager le dialogue et tirer les choses au clair s’il advenait localement un raté, ce qui n’est pas exclu, car rien n’est parfait dans ce monde, sans quoi nous ne serions pas là, ni le Gouvernement ni le Parlement, pour tenter d’y apporter une solution !
J’ai évoqué les agences départementales. Ce qui est en train d’être mis en œuvre par le Cerema, en termes de complémentarité, me semble intéressant. Le conseil d’administration du Cerema a pour stratégie d’augmenter la part de son activité destinée aux collectivités. C’est pourquoi le centre s’inscrit en appui aux actions de l’ANCT.
Dans le cadre de l’accompagnement sur mesure, le Cerema mobilise des compétences et ses personnels dans des domaines d’expertises propres qui ne sont souvent pas ceux des collectivités. Par exemple, il peut dans un premier temps accompagner les collectivités territoriales pendant trois à cinq jours maximum, sans facturer ce service. Au-delà, les interventions plus approfondies feront l’objet de convention, de cofinancement, d’appui opérationnel entre l’ANCT, le Cerema et la collectivité concernée. Et le Cerema peut supporter jusqu’à 50 % du coût des études engagées.
Idem pour le programme d’expertise sur les ponts. J’ai été élu local et je n’ignore pas quelle est la responsabilité d’un élu de terrain, qu’il soit maire ou président de département, lorsque des ponts sur son territoire sont concernés par cette problématique.
J’incite donc fortement les collectivités à utiliser les moyens du Cerema : c’est la meilleure façon de montrer que l’on fait le nécessaire quand il y a un problème et que l’on a entamé un processus vertueux.
Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le secrétaire d’État, soyez rassurés, nous ne manquerons pas de revenir vers vous pour vous informer de ce qui se passe sur nos territoires, singulièrement dans mon département de l’Ardèche.
Il est absolument nécessaire de disposer d’une grande agilité, car c’est bien de cela que nos élus ont besoin !
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le secrétaire d’État, vous venez de le rappeler, l’ANCT a vocation à travailler avec les opérateurs existants, dont le Cerema.
Hier, lors de l’audition de Mme la ministre de l’écologie, il a souvent été fait référence au Cerema comme point d’appui pour développer ces politiques. Je m’en félicite.
Toutefois, le Cerema connaît une diminution continue de ses moyens humains et financiers, ce qui conduit à une fragilisation de ses compétences et obère ses capacités d’investissement.
Les élus locaux ont rappelé à de nombreuses reprises la nécessité du Cerema comme outil d’ingénierie et d’expertise. Cette situation conduit à une contradiction entre les discours du Gouvernement sur la cohésion territoriale et la continuité d’un plan d’austérité, qui fragilise une expertise publique et indépendante au profit des territoires.
En deux ans, le Cerema aura perdu 188 postes. Au-delà des chiffres, il faut considérer ce que les agents peuvent vivre et exprimer. L’analyse de la démarche « Cerem’Avenir » fait office de révélateur de l’ensemble des facteurs de risques professionnels auxquels sont exposés les agents : perte du sens du travail, surcharge de travail amplifiée, dégradation de la performance opérationnelle, précarisation subjective et risques liés à un plan de sauvegarde de l’emploi, un PSE.
Dans ce contexte, quelles seront les futures relations entre l’agence et le Cerema ? La convention signée entre l’État, l’agence et le Cerema ne prévoit aucune participation claire de l’ANCT au financement du Cerema.
Enfin, comment comptez-vous garantir les moyens humains et financiers de ce centre tellement indispensable pour le développement de nos politiques publiques et pour le plein exercice de ces compétences ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, j’ai commencé à évoquer le Cerema, en réponse au précédent intervenant. Vous voulez savoir comment vont s’articuler les choses. Il s’agit effectivement d’un point important.
Le Cerema est un partenaire majeur de l’ANCT, qui est cité à trois reprises – j’y insiste – dans la loi de 2019 portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires. Ce texte précise, en particulier, que l’ANCT conclut des conventions pluriannuelles avec le Cerema, que le Cerema est représenté avec voix consultative au conseil d’administration de l’ANCT et que le comité national de coordination de l’ANCT comprend des représentants du Cerema. Sur le plan juridique, un travail législatif important a donc déjà été réalisé pour que les choses soient parfaitement en miroir l’une de l’autre.
En réalité, les échanges entre l’ANCT et le Cerema sont réguliers, car ces établissements doivent se coordonner sur de nombreux sujets d’interaction. Vous savez quelles sont les capacités d’intervention du Cerema en ingénierie. C’est une condition aussi de la capacité de l’ANCT à agir au profit des collectivités qui nous sollicitent.
Le Cerema est l’établissement de référence pour les questions territoriales, de gestion des risques – on en sait aujourd’hui quelque chose, notamment avec les expertises menées sur le bassin de la Roya –, de mobilité, d’aménagements urbain et foncier. Il est doté de 2 600 agents, qui sont des experts particulièrement reconnus.
L’ANCT considère que l’appui apporté par le Cerema aux collectivités sera fondamental pour aider ces dernières à mener leurs politiques de développement durable et à élaborer des projets de territoire. Il existe des guides, des outils cartographiques de mise en valeur des données du territoire, des assistances territoriales, des assistances à maîtrise d’ouvrage, de la maîtrise d’œuvre, etc.
Pour ne citer qu’un seul exemple, le Cerema a conçu un outil, le Cartofriches, qui cartographie l’ensemble des friches sur le territoire. Cela permettra la création d’un fonds de réhabilitation des friches soutenu par le ministère.
Nous travaillons également à un programme pluriannuel doté de 40 millions d’euros entre l’ANCT et le Cerema, afin de mettre à la disposition des petites collectivités, comme je l’ai évoqué précédemment, une expertise sur les ouvrages d’art.
Soyez donc rassuré, monsieur le sénateur, l’établissement continuera à se développer dans le cadre de ce partenariat financier, technique et d’ingénierie, au profit des collectivités.
Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour la réplique.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.
Cela dit, augmenter la charge des services tout en diminuant les effectifs, c’est un peu comme si, en mécanique, on augmentait les efforts sur un arbre en diminuant son diamètre… Cela finit par casser. Tel risque d’être le résultat de votre politique du « en même temps » !
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. Au risque d’être un peu caricatural, on peut prétendre que l’ANCT, même si elle avait été annoncée lors de la conférence des territoires ici même au Sénat, est la fille du grand débat qui a suivi la crise des gilets jaunes. Elle est aussi le syndrome français de la réponse à tout problème par une création nouvelle.
On peut aussi dire que l’ANCT veut tenter de pallier le recul ancien et constant de l’État déconcentré sur nos territoires, en particulier avec la suppression de l’assistance technique pour raisons de solidarité et d’aménagement du territoire, l’Atesat, évoquée par Josiane Costes, que je salue, dans son rapport.
Pour être factuel, on peut enfin rappeler que l’ANCT est aujourd’hui encore une coquille assez largement vide, ou presque, sur nos territoires.
Il est encore difficile de mobiliser des ressources de l’administration centrale et des opérateurs de l’État, trop éloignés, en complément de l’expertise des préfectures et des services déconcentrés de l’État, trop limitée. On ne peut pas réellement dire non plus que l’ingénierie locale est pleinement associée.
L’ANCT est encore trop souvent une réponse verticale et centralisée au besoin d’ingénierie territoriale. Elle répond à une ambition légitime, mais sans réels moyens humains de la part de l’État. Elle offre à l’échelle départementale un espace de concertation et de partage utile, dont il faut renforcer l’efficacité.
Elle n’associe pas assez les agences d’ingénierie départementales que les collectivités ont su mettre en place. L’accompagnement des acteurs publics locaux, l’accélération de la vision territoriale, l’identification de réels choix structurels portés par l’agence sont pourtant des nécessités. Le diagnostic est juste, mais la réponse n’est ni suffisamment pragmatique, ni partagée.
À l’heure du plan de relance au service des territoires ruraux, d’une relance qui mobilise tous les acteurs publics locaux, va-t-on enfin ajouter aux trois D annoncés le C de la confiance ?
La confiance appelle à mettre au cœur de l’ANCT les élus locaux, pour territorialiser son action et la relance, ainsi que pour confirmer l’attractivité accrue de la ruralité. Le comité local de cohésion territoriale présidé par le préfet pourrait-il ainsi, monsieur le secrétaire d’État, être coprésidé par le président du conseil départemental ?
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Stéphane Sautarel. L’échelle départementale est la bonne pour répondre à l’impérieux besoin d’ingénierie. Monsieur le secrétaire d’État, comment l’ANCT peut-elle le reconnaître ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Sautarel, vous m’interrogez sur le rôle que l’ANCT peut jouer dans la mise en œuvre du plan de relance sur les territoires.
Vous le savez, la philosophie du plan de relance, qui est d’apporter une réponse territorialisée à la crise, en s’appuyant sur les territoires, aussi bien s’agissant des collectivités territoriales que des services déconcentrés de l’État, est en parfaite concordance avec la démarche de l’agence. L’ANCT est l’opérateur dédié à l’accompagnement des projets des collectivités territoriales. À ce titre, elle s’impliquera pleinement dans la déclinaison territoriale du plan de relance.
Vous estimez que cette agence a un rôle trop vertical, mais elle n’a pas été créée ex nihilo : elle a été instituée pour coordonner un ensemble d’autres agences.
Je vous prie de croire qu’il est pour moi plus efficace, quand je suis obligé de rappeler un certain nombre d’opérations, notamment sur la maintenance des réseaux numériques et autres, que l’Agence du numérique soit un service de l’ANCT. C’est tout de même beaucoup plus pratique qu’auparavant, lorsque nous avions affaire à des « électrons libres ».
Plusieurs des programmes nationaux de l’Agence, dont l’action s’insère dans un cadre interministériel, seront mobilisés dans le plan de relance : Action cœur de ville, Petites villes de demain, tiers-lieux, etc.
Ces programmes pourront s’appuyer sur les crédits mobilisés dans le programme de densification et de renouvellement urbain, au travers du fonds de recyclage des friches ou des foncières, pour restructurer 6 000 commerces d’ici à 2025. Il existe donc de nombreux programmes territorialisés pour lesquels l’agence jouera pleinement et entièrement son rôle.
Symbole d’une volonté d’agir en synergie, certains présidents de conseils départementaux coprésident avec le préfet de département les instances créées localement. Je pense aux comités locaux de cohésion territoriale.
La double gouvernance sur laquelle vous m’avez interrogé à la fin de votre intervention, monsieur le sénateur, est déjà possible, et sa mise en place ne pose aucun problème particulier. Il suffit de l’élaborer de manière territoriale, en collaboration avec le conseil départemental et l’État.