Mme la présidente. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis heureuse que mon groupe ait mis à l’ordre du jour ce débat relatif à l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
Les missions qui lui ont été confiées en termes de conseil et de soutien aux collectivités dans la mise en œuvre de leurs projets la rendront, je l’espère, incontournable auprès des territoires, notamment les territoires hyper-ruraux, comme mon département de la Lozère.
Publié en juillet dernier, le rapport intitulé Les Collectivités et l’ANCT au défi de l’ingénierie dans les territoires, de nos collègues Josiane Costes et Charles Guené, a mis en avant des faits que nous observons sur nos territoires.
Si l’ingénierie locale s’est développée, elle n’est pas venue compenser le retrait progressif de l’État. Ainsi, nombre de territoires en manque de moyens financiers ne peuvent répondre aux appels à projets, ce qui alimente la concurrence entre territoires, au profit des pôles urbains.
Les auteurs du rapport ont pris en compte la demande d’ingénierie, en proposant de faire de l’ANCT le pivot de la mutualisation et des ressources locales. Les propositions 15 et 16 de ce rapport prévoient notamment la création d’une plateforme numérique centralisant les moyens d’ingénierie publique et la diffusion des bonnes pratiques, par un retour d’expérience sur l’espace « projet ».
Cette notion de diffusion et de partage est, selon moi, centrale si l’on souhaite non pas alimenter la concurrence, mais bien faire primer l’alliance entre nos territoires.
Aussi, monsieur le ministre, après plus d’un an d’existence de l’ANCT, pouvez-vous nous éclairer sur l’articulation de ses prérogatives d’ingénierie, ainsi que sur la manière dont celles-ci s’exercent aujourd’hui ? Des évolutions ou des ajustements sont-ils prévus ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur les prérogatives d’ingénierie au sein de l’ANCT. Il s’agit bien évidemment d’une question centrale pour nos territoires.
Vous avez raison de le souligner, cette notion de diffusion et de partage est primordiale, notamment grâce à la centralisation des moyens d’ingénierie publique et la diffusion des bonnes pratiques par un retour d’expérience sur l’espace « projet ».
La loi créant l’ANCT a donné à cette dernière la mission de « faciliter l’accès des porteurs de projets aux différentes formes, publiques ou privées, d’ingénierie juridique, financière et technique qu’elle recense […]. »
La disponibilité des ressources en ingénierie est aujourd’hui extrêmement morcelée et inégalement accessible sur le territoire. Les acteurs sont nombreux. Ils proposent des aides financières, des dispositifs d’accompagnement et une expertise qui sont souvent difficiles à identifier pour les porteurs de projets, surtout les plus petits d’entre eux.
De ce fait, différentes plateformes ont été développées. Elles impliquent des acteurs variés – l’État, les collectivités, des associations et des opérateurs –, pour diffuser les outils de méthode et les ressources disponibles. Il y a là des annuaires, des guides, des boîtes à outils et des sites internet consacrés à des retours d’expérience et de bonnes pratiques.
Aussi, plutôt que de développer un nouvel outil de recensement de l’ingénierie, l’ANCT a souhaité s’associer et contribuer au développement d’une plateforme existante, qui dispose des fonctionnalités utiles à la mission de l’agence. Il s’agit de la plateforme Aides-territoires, qui est développée dans le cadre de la Fabrique numérique par le ministère de la transition écologique.
C’est un portail internet qui référence les aides, qu’elles soient ou non financières, à tous les territoires. Il s’adresse aux agents des collectivités et leur permet de s’y retrouver face à la multitude d’aides publiques qui sont à leur disposition.
Elle permet de dresser rapidement un état des lieux des aides publiques disponibles sur un territoire donné, de l’échelle communale jusqu’à l’échelle nationale, d’offrir à toutes les collectivités le même niveau d’information et de faciliter et d’améliorer la communication sur les aides publiques pour ceux qui les portent.
Si vous y ajoutez les moyens locaux que nous allons mettre à disposition des collectivités – je pense en particulier aux VTA, les volontaires territoriaux en administration –, je pense que cette plateforme sera plus facile encore à manier avec le meccano qui se met en place.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il y a un an, le Parlement a donc voté la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, préfigurée par le rapport Morvan et censée incarner une vision profondément renouvelée de l’action de l’État dans les territoires.
Cette structure a soulevé une vague d’espoir parmi les élus, qui en attendaient du soutien financier, mais également de l’expertise pour mener à bien leurs projets, surtout pour les plus petites collectivités. Celles-ci subissent en effet, et de plein fouet – nous en voyons beaucoup d’exemples dans nos départements ruraux –, l’affaiblissement de l’ingénierie des services de l’État sur le terrain et le désengagement, voire la fermeture, des services publics de proximité, ce recul se conjuguant avec une baisse continue des dotations.
Pourtant, en cette période inédite, comment méconnaître qu’elles sont les acteurs incontournables de la relance ? Face à ce constat, malheureusement, l’agence peine toujours à convaincre.
Tout d’abord, elle a confirmé nos craintes concernant un renforcement des pouvoirs des préfets, devenus omnipotents.
Par ailleurs, au regard de l’ensemble de ses missions, son activité aura été bien faible et resserrée. Ainsi l’agence a-t-elle été sollicitée uniquement pour 81 projets, hors programmes nationaux ; sur ces 81 projets, 70 dossiers de restructuration commerciale étaient déjà en cours. D’autres dossiers relèvent d’une ingénierie sur mesure ; ceux-ci sont dotés d’une enveloppe doublée cette année à hauteur de 20 millions d’euros, une somme dérisoire.
L’agence, qui devait également nouer des partenariats avec l’ensemble des acteurs de l’État pour la transition écologique, risque enfin d’être pénalisée par la perte de 800 postes parmi les opérateurs de l’État en matière d’écologie cette année.
Quelle est donc la plus-value réelle de l’agence, dont la fonction essentielle est de jouer le rôle d’un guichet unique en mutualisant des moyens et des outils le plus souvent déjà existants, portés y compris par les départements ?
Monsieur le secrétaire d’État, ma question sera simple : comment faire toujours plus avec toujours moins ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, je vous trouve un peu dure avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires, tout simplement parce qu’il s’agit d’un nouveau-né, comme je l’ai dit ; et vous jetez déjà ce nouveau-né avec l’eau du bain… Je ne pense pas que ce soit utile.
Justement, si cette agence a été créée, c’est pour faire en sorte que des partenariats se nouent entre un certain nombre d’agences de l’État, qui mutualiseront ainsi leurs moyens au bénéfice des collectivités territoriales. C’est dans ce cadre qu’une ingénierie de qualité pourra être mise à disposition par ce que vous appelez, vous, une autorité préfectorale, mais qui selon moi relève plutôt du dialogue entre les maires, les autorités locales et, en effet, les préfets, un dialogue qui, tout de même, a fait ses preuves, pendant la crise du covid-19 notamment.
Je suis donc quelque peu étonné de vous entendre. Je viens de détailler les moyens d’ingénierie que nous mettons en œuvre sur les territoires. Il s’agit de moyens d’ingénierie centraux : clairement, les agents de l’ANCT peuvent être mobilisés par les préfets.
Des partenariats ont été mis en place avec les agences qui travaillent pour le compte de l’ANCT de telle sorte que, justement, s’il s’agit d’un besoin spécifique, une agence d’État à forte compétence comme l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, ou le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le Cerema, intervienne sur ces territoires.
En complément de ces aides des agences d’État, des journées d’ingénierie ont été payées par un marché public de l’État afin d’obtenir du « cousu main », c’est-à-dire des ressources plus accessibles pour les territoires.
Je citais tout à l’heure les volontaires territoriaux en administration, ces jeunes diplômés forts de cinq à dix ans d’expérience auxquels on demande en général de bien vouloir s’adresser aux collectivités territoriales, ce qui veut dire qu’ils ne travaillent jamais ; ces jeunes diplômés, au nombre de 800 pour la seule année 2021, ce qui correspond grosso modo au nombre d’intercommunalités dans notre pays, vont pouvoir développer des projets dans ce cadre, avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires et évidemment avec les préfets.
La logique des projets que nous lançons est une logique où les territoires reprennent leurs droits, notamment leur droit à exister.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Je voudrais tout d’abord saluer l’initiative de nos collègues du RDSE, qui ont en quelque sorte provoqué la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires et qui, aujourd’hui, mettent en œuvre cette démarche parlementaire remarquable consistant à en assurer le suivi.
Monsieur le secrétaire d’État, la délégation aux collectivités territoriales s’est très tôt intéressée à cette agence et, par le biais de nos collègues Josiane Costes et Charles Guené, a formulé treize propositions – c’est un chiffre porte-bonheur ! (Sourires.)
Il est sans doute un peu tôt pour faire un état des lieux de l’écho qu’ont reçu ces propositions, qui me paraissaient fort pertinentes. Pouvez-vous néanmoins vous engager à ce que cet écho puisse faire l’objet d’un suivi de la part de la délégation ?
Ma question sera double, monsieur le secrétaire d’État. Premièrement, comment éviterons-nous que l’agence soit simplement le bras armé de l’État pour aider des collectivités à répondre à des appels à projets qui sont souvent très frustrants et très mobilisateurs de temps ? Comment pourrait-elle devenir plutôt le bras armé des collectivités elles-mêmes, les aidant à réussir leurs propres projets ? Comment articulez-vous son action avec celle des agences départementales, quand elles existent ?
Deuxièmement, évaluer étant un souci et un devoir du Parlement, puis-je vous solliciter, en sorte que notre délégation obtienne un suivi de l’évolution de l’efficacité et du travail de cette agence par le biais d’un tableau de bord ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice Gatel, vous avez posé un nombre important de questions, qui sont autant d’invitations à venir vous voir dans le cadre de la délégation aux collectivités territoriales, pour que nous puissions en discuter plus avant – en deux minutes, il est difficile de faire le tour de vos questions !
Vous m’interrogez sur les moyens d’appui en ingénierie qui sont ceux de l’agence et sur leur rapport aux projets locaux.
Vous le savez, l’ANCT dispose, pour 2021, d’un budget de 20 millions d’euros de crédits d’ingénierie sur mesure au profit des projets locaux. Mais la plus-value de l’agence ne réside pas seulement dans ces crédits : l’ANCT est avant tout un ensemblier – j’ai employé tout à l’heure le terme de « meccano » –, qui, via ses propres personnels et les équipes du préfet dans les départements, parvient à rassembler des porteurs de projets, des apporteurs de solutions, des financeurs et des savoir-faire.
J’ai pendant longtemps été président d’un comité de massif ; j’ai donc eu l’habitude de travailler avec des gens qui sont des ensembliers des politiques publiques. Et je vous prie de croire que ce qui fonctionne dans les massifs peut parfaitement bien fonctionner en dehors de ces derniers.
L’ANCT offre également un moyen de partager des expériences, des savoirs, des réussites ou des difficultés rencontrées. L’élément financier est certes indispensable, mais il ne saurait à lui seul résumer ce qu’apporte l’agence.
S’agissant de cet accompagnement totalement sur mesure des projets des collectivités territoriales, la doctrine d’intervention de l’agence repose sur trois principes.
Premier principe : la complémentarité avec l’intervention des acteurs locaux, l’ANCT n’ayant vocation à intervenir qu’en l’absence ou en raison de l’insuffisance de ressources mobilisables localement. Pour connaître particulièrement bien, notamment, les agences créées par les conseils départementaux et les moyens qui ont été mis en œuvre dans ce cadre, je sais très bien le caractère essentiel de cette complémentarité.
La déconcentration, ensuite : c’est le préfet, délégué territorial de l’agence, qui examine en premier ressort toutes les demandes des collectivités.
Enfin – c’est l’un des piliers de l’agence –, la simplification et la coordination des acteurs : il y sera pourvu grâce à ces fameuses conventions qui seront conclues entre l’ANCT et les grands opérateurs de l’État que je citais tout à l’heure.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour la réplique.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le secrétaire d’État, les membres de la délégation seront ravis de vous recevoir !
Vous disiez que l’agence est un nouveau-né ; mais il importe que ce bébé grandisse vite et bien et que, vraiment, les élus locaux puissent saisir, tout simplement, cette agence. Il y a, dans nos territoires, un vrai besoin d’ingénierie, non seulement en conception de projets mais aussi, parfois, en matière juridique.
Je souhaite que le dispositif soit simple d’accès et que chacun puisse repérer l’agence dans son territoire.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot.
M. Joël Bigot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie tout d’abord le groupe RDSE d’avoir permis la tenue de ce débat.
L’affaiblissement de l’État territorial a renforcé les inégalités en matière d’ingénierie et a contribué à ce sentiment d’abandon que, en tant qu’élus locaux, nous connaissons bien. L’ingénierie locale a souvent compensé efficacement ce retrait de l’État, mais de manière non uniforme.
Les collectivités les plus fragiles, dépourvues d’équipes et de moyens suffisants, sont amenées à se focaliser sur une logique où les dépenses d’investissement, l’ingénierie opérationnelle notamment, l’emportent sur les études en amont, alors que celles-ci permettent justement d’économiser des moyens en aval.
Face à cette situation, l’Agence nationale de la cohésion des territoires est apparue comme le remède à la désertion de l’ingénierie publique d’État.
En lieu et place du guichet unique annoncé et tant attendu par les élus locaux, l’ANCT serait une fabrique à projets à la main des préfets du département, apportant si elle le peut l’ingénierie nécessaire là où elle est défaillante. Ainsi, ce sont les territoires les plus vulnérables qui pourront bénéficier de l’ingénierie étatique, comme il est expliqué dans la feuille de route pour 2020 en date du 17 juin dernier.
Pour le moment, l’ANCT est, pour les élus, une espérance davantage qu’une réalité concrète, mais une espérance tout de même. Le programme Petites villes de demain vient tout juste d’être lancé, les comités locaux s’organisent, des « contrats de relance et de développement écologique » ont été promis par le Premier ministre lors du deuxième comité interministériel aux ruralités qui s’est tenu samedi dernier.
Toutefois, concrètement, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser quelle complémentarité vous envisagez entre l’ingénierie locale et l’ingénierie nationale ? Va-t-il y avoir une contractualisation, une labellisation, une mutualisation ? L’ANCT sera-t-elle bientôt en capacité de fournir aux élus une cartographie exhaustive de tous les moyens d’ingénierie publique, au sens large du terme ?
Enfin – c’est le nerf de la guerre –, qui décidera, en dernier ressort, d’attribuer les crédits ? L’ANCT ? La direction générale des collectivités locales (DGCL) ? Les comités locaux de cohésion territoriale ? Les comités régionaux des financeurs ?
Voilà des questions simples, que se posent les élus et qui appellent des réponses simples.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Bigot, vous m’interrogez essentiellement sur l’articulation concrète entre l’offre d’ingénierie proposée par l’ANCT et l’ingénierie locale.
Dans plusieurs départements, je le disais, ont été déployés des dispositifs d’ingénierie ou d’appui à l’ingénierie au profit des collectivités ; je pense par exemple à toutes les agences techniques départementales, mais aussi aux services, déjà en fonction dans plusieurs collectivités, qui réalisent ces missions dans des domaines parfois très larges.
Cette dynamique d’ingénierie territoriale réaffirme notamment la place du département – vous avez en face de vous un membre du Gouvernement qui est plutôt départementaliste, parce qu’il est issu d’un territoire rural – dans son rôle d’assistance technique aux collectivités territoriales.
L’offre de l’ANCT – je l’ai dit tout à l’heure à Mme Gatel, mais je le répète volontiers – n’a vraiment pas vocation à entrer en concurrence avec l’existant, au contraire : sa vocation est d’être complémentaire. C’est pourquoi chaque préfet de département arrête lui-même la composition des comités locaux de cohésion territoriale : il a la possibilité d’y intégrer tout acteur susceptible d’y apporter des compétences, un savoir, une expérience, afin de favoriser les mutualisations lorsqu’elles sont possibles – et elles sont possibles dans nombre de cas.
Il faut s’assurer qu’une collectivité qui a un besoin auquel il peut aisément être répondu avec des moyens existants localement ne passe pas à côté faute d’en avoir eu connaissance ; en effet, cela arrive. Il s’agit aussi de permettre aux dispositifs existants d’être pleinement mis en œuvre.
Ainsi, je le répète, la complémentarité avec l’ingénierie locale est constamment recherchée : l’ANCT propose une offre de services d’ingénierie sur mesure, qui n’est activée que lorsque l’offre d’ingénierie disponible localement ne suffit pas.
Elle est, en ce sens, particulièrement équitable : les départements qui n’ont pas été en mesure de mettre cette ingénierie en œuvre pour des raisons par exemple financières pourront bénéficier de compléments émanant de l’ANCT, qui prendra ainsi en compte l’ingénierie disponible auprès de ses opérateurs partenaires, l’ANAH, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, l’Agence de la transition écologique, ou Ademe, le Cerema, la Banque des territoires, mais aussi l’ingénierie proposée par les collectivités territoriales.
Permettre le parfait déploiement de l’offre existante localement et assurer la bonne connaissance des dispositifs existants : voilà les conditions d’interaction entre l’ingénierie déployée par l’agence, d’une part, et l’ingénierie locale, d’autre part.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Force est de constater que, un an après sa création, quelques retards ont été pris dans l’installation de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, pour des raisons explicables notamment par la crise sanitaire et par le changement de préfigurateur.
Je voudrais néanmoins saluer la présidente de l’agence, Caroline Cayeux, ainsi que son directeur général, Yves Le Breton, et toute son équipe, pour leur volonté de mettre en place un fonctionnement efficace et partagé fondé sur la coordination des opérateurs nationaux avec lesquels l’agence a contractualisé ainsi qu’avec les préfets de département.
Trois aspects me paraissent aujourd’hui mériter de véritables garanties de votre part, monsieur le secrétaire d’État.
Il est nécessaire, tout d’abord, de valoriser et de mieux faire reconnaître l’action d’accompagnement des territoires dans leurs projets structurants qui est celle de l’agence et de mettre en exergue son rôle de pivot de la mutualisation des ressources locales d’ingénierie.
Le doublement de ses crédits d’ingénierie pour 2021 est un signe positif ; j’espère que ce geste sera par la suite amplifié. Il faut avant tout éviter que les grandes agglomérations, mieux pourvues, aspirent l’essentiel des financements, au détriment des territoires les moins outillés, et arriver au « cousu main ».
J’insisterai également sur l’importance des actions à mener pour garantir le rôle de l’agence et ses missions, en particulier auprès des territoires ruraux, dans la territorialisation du plan de relance. L’absence de toute référence à l’agence dans la circulaire du Premier ministre m’étonne et m’inquiète, alors que l’ANCT doit être l’outil des ministères sur les territoires.
Enfin, concernant le guichet unique, je constate un réel risque de perte d’efficacité et de doublon entre les nouvelles instances du plan de relance et les comités existants de l’agence, ce qu’il faut absolument éviter.
En conclusion, je forme le vœu que l’année 2021 montre l’efficacité de l’agence et clarifie le « qui fait quoi ». L’ANCT ne saurait être une simple réorganisation administrative d’agences de l’État sans moyens supplémentaires ; 2021 doit témoigner de sa performance dans la mise en place des politiques publiques au service des territoires, chose que nous appelions de nos vœux, Hervé Maurey et moi-même, dans un rapport dès 2017.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur de Nicolaÿ, je salue le rôle qui a été le vôtre dans la création de cette agence, puisque vous étiez le rapporteur du texte ici au Sénat. Vos questions sont nombreuses ; c’est légitimement que vous suivez un bébé que vous avez contribué à faire naître… (Sourires.)
Concernant cet accompagnement sur mesure, vous avez raison sur le « cousu main » : il faut avant tout éviter que les grandes agglomérations – ce sujet nous préoccupe particulièrement –, mieux pourvues en ingénierie, n’aspirent l’essentiel des financements, qu’il s’agisse des crédits du plan de relance, de la DSIL, la dotation de soutien à l’investissement local, ou d’autres crédits, au détriment de collectivités moins outillées. Il faut arriver au « cousu main » que tous, au ministère, nous souhaitons.
Je vous renvoie à ce que je disais sur la complémentarité avec les acteurs locaux. La déconcentration est aussi extrêmement intéressante : elle permet un dialogue avec le préfet, délégué territorial officiel de l’agence, qui examine en premier ressort l’intégralité des sollicitations et qui est l’interlocuteur unique des collectivités en matière d’accompagnement.
Il y a là une simplification et une coordination de tous ces grands acteurs. Pour avoir été maire pendant longtemps, je sais la difficulté de mobiliser par exemple l’ANAH ou l’Ademe sur un certain nombre de sujets. Il était très difficile d’obtenir un accès direct dans un cadre administratif classique.
Je rappelle également – je l’ai dit, mais j’y insiste encore – l’importance des 800 volontaires territoriaux en administration. C’est un élément de l’agenda rural, porté par la mission « Agenda rural », notamment par le député Daniel Labaronne et le sénateur Patrice Joly, qu’il me semble intéressant de mettre en œuvre, parce que cela revient à placer de l’ingénierie au sein des collectivités territoriales de base, avec de jeunes diplômés – j’en ai déjà fait l’expérience dans le cadre d’autres fonctions.
C’est là le ressort même d’un travail accompli en bonne intelligence entre le patron, qui est le chef d’une collectivité territoriale, d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’une commune, et un jeune qui a envie de voir développer des projets sur un territoire dont il n’est pas forcément originaire, mais où il vient poser ses valises.
C’est de cette manière, parce que nous avons voulu que ces jeunes soient mobilisés dans le cadre du plan de relance, que nous arriverons à faire en sorte que ledit plan commence par les territoires, en particulier par les plus petits d’entre eux.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour la réplique.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Je dirai juste un mot pour remercier M. le secrétaire d’État de sa vision des choses très positive. À défaut de Dieu (Sourires.), puissent les services de l’administration vous entendre, afin que la coordination soit parfaite dans les actions de l’agence !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais vous livrer un retour d’expérience. Lors de la campagne des élections sénatoriales de cette année, j’ai relevé que, sur mon territoire, le département de la Haute-Garonne, l’ANCT suscitait de réelles inquiétudes, mais était aussi motif d’espoirs.
Ces craintes étaient partagées par beaucoup. Elles ont trait aux relations entre les élus et certains satellites des préfectures, comme les Dreal, les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, les DDT, les directions départementales des territoires, ou les ARS, les agences régionales de santé pour ne citer que ces exemples : ces relations semblent se dégrader. J’ai pu constater que de nombreux élus voyaient plus souvent leurs interlocuteurs comme des censeurs que comme de véritables partenaires.
Il est vrai que pour sa première année, l’ANCT doit faire face elle aussi à une crise sanitaire qui complexifie les besoins locaux. Les circonstances ajoutent des complications aux difficultés auxquelles était déjà confrontée une agence qui doit trouver son rythme.
L’année a aussi été marquée par l’installation de nouveaux élus locaux, qui devront faire face à la pandémie et à des reports d’élections. On voit les difficultés s’accroître et les demandes se diversifier. Nous ne devons pas oublier que l’objectif premier de l’ANCT est de favoriser et d’améliorer ce que l’on appelle communément l’ingénierie territoriale.
Les mois et années qui viennent seront consacrés à la relance du pays. La territorialisation du plan de relance, que vous avez évoquée lors de votre audition il y a quinze jours par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, place l’ANCT dans une position d’acteur principal. La confiance dans l’agence et dans son bon fonctionnement est donc essentielle.
Monsieur le secrétaire d’État, les préfets sont considérés comme les délégués territoriaux de l’ANCT ; comment comptez-vous corriger les petits problèmes pratiques constatés sur le terrain ? Cela pourrait-il passer par un renforcement du rôle et des pouvoirs dévolus aux préfets, allié à quelques ajustements permettant de profiter pleinement du concept séduisant de « guichet unique » ?