M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, sur l’article.
Mme Michelle Meunier. L’article 31 entend développer le soutien aux hôtels hospitaliers. Ces structures d’hébergement non médicalisées portent l’ambition de réduire les durées d’hospitalisation, en permettant un séjour avant ou après une intervention programmée à l’hôpital. Ces hôtels hospitaliers sont un appui à la médecine ambulatoire et répondent à la composition de la carte sanitaire.
Si, dorénavant, ce ne sont pas dans les hôpitaux locaux que certains soins sont prodigués, les patients devront se déplacer plus loin, parfois le jour même de leur hospitalisation. Il est donc essentiel de pouvoir compter sur des solutions d’hébergement à proximité des hôpitaux.
Le CHU de Nantes dispose d’ailleurs déjà d’une maison hospitalière, gérée par une association délégataire. On peut aisément penser que les nuitées assurées dans ces hôtels permettront de mieux utiliser les chambres hospitalières et de maîtriser les dépenses de santé.
Toutefois, si nous sommes favorables au développement de ces structures, il nous a semblé nécessaire d’apporter quelques garanties pour ce qui concerne les usagères et les usagers les plus précaires. Ainsi, nous ne pourrions soutenir le recours accru à ces hôtels, s’il s’avérait qu’il introduit une augmentation du reste à charge par rapport à l’hospitalisation classique.
Faute d’avoir été considéré comme recevable, notre amendement visant à permettre la prise en charge du coût de l’hôtellerie hospitalière pour les plus précaires ne pourra pas être examiné. En revanche, nous proposerons, par un autre amendement, que soit évalué le montant de ce reste à charge, notamment pour le public précaire ou isolé.
M. le président. L’amendement n° 1018, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet article sur les hôtels hospitaliers fait suite à un amendement adopté lors du PLFSS 2015, sur l’initiative du ministre de la santé, à une époque où celui-ci était député et appartenait à une autre famille politique.
Plus récemment, le Ségur de la santé a proposé la généralisation de cette expérimentation. À l’époque, on avait vanté une nouvelle manière de réduire la durée d’hospitalisation et de favoriser l’ambulatoire. Aussi séduisants que soient ces arguments, cinq ans plus tard, on ne peut considérer ce dispositif de la même manière.
Bien évidemment, comme tout le monde, je suis sensible au confort des patients et je ne revendique pas le tout-médical. Mais comment ne pas voir que le développement de l’ambulatoire s’accompagne en parallèle d’un large mouvement de fermetures de lits ? Ainsi quelque 100 000 lits ont-ils disparu en vingt ans, mes chers collègues, dont 3 400 en 2019.
Le résultat, nous le connaissons : nos capacités hospitalières explosent et les soignants passent leur temps à chercher des lits disponibles, des lits d’amont et des lits d’aval. Bien souvent, les patients restent des heures sur les brancards.
Ensuite, la saturation des hôpitaux permet de justifier un confinement total de la population, comme nous l’avons vécu au printemps dernier, et comme nous sommes en train de le vivre. Telle est la réalité !
Alors je ne peux m’empêcher de penser que ces hôtels hospitaliers sont une façon d’externaliser nos capacités hospitalières et de les privatiser.
Par ailleurs, je m’interroge sur la pertinence de cette généralisation. Alors que l’objectif quantitatif de ces hôtels hospitaliers avait été fixé à 35 000 séjours et 56 000 nuitées d’hébergement non médicalisées, les résultats sont nettement en deçà, avec seulement 7 800 séjours et 17 500 nuitées, d’après l’annexe 9 du PLFSS.
Bien sûr, j’entends l’argument relatif à la montée en puissance de ce dispositif encore trop méconnu, ainsi que celui sur la satisfaction des patients. Mais quand je constate que les questions de financement ne sont pas réglées, je m’interroge vraiment sur l’aspect prématuré d’une telle généralisation et sur sa dangerosité.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. L’expérimentation des hôtels hospitaliers permise par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a néanmoins connu des résultats positifs, avec quelques difficultés, il faut le reconnaître, de montée en charge pour certains hôpitaux.
En effet, ces hôtels hospitaliers améliorent le parcours de soins des patients, en leur offrant un hébergement non médicalisé, en amont ou en aval de leur séjour à l’hôpital. Ils se révèlent également utiles pour des soins itératifs.
Les enquêtes de satisfaction effectuées auprès des patients sont d’ailleurs très positives. Pour les établissements, ces hébergements permettent de rationaliser le parcours de soins et d’offrir, en leur sein, un hébergement médicalisé de meilleure qualité aux patients qui le nécessitent.
Enfin, je le précise, le Gouvernement a engagé des travaux avec les fédérations hospitalières pour proposer un accompagnement financier suffisant permettant aux établissements de déployer les hôtels hospitaliers de façon soutenable.
La commission soutient la généralisation de ce dispositif. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je partage les remarques de Mme la rapporteure.
Ces hébergements s’inscrivent en effet dans une dynamique de virage ambulatoire, tout en assurant, pour les patients résidant loin des structures de soins, un accès aux services hospitaliers quand ils en ont besoin.
Nous souhaitons généraliser le dispositif des hébergements temporaires non médicalisés, dont l’expérimentation a démontré les bénéfices en termes d’accès aux soins.
Je le souligne, les services d’oncologie ont particulièrement apprécié cette approche. À mes yeux, il s’agit non pas d’un service en moins, mais d’un service en plus. Tout n’est pas fait en vue d’éventuelles diminutions de dépenses ; il s’agit parfois du confort de vie des patients.
S’agissant de la présence des aidants, je suis très sensible à cette question, que vous avez soulevée, madame Meunier. Nous y travaillerons, afin de vous apporter une réponse le plus rapidement possible.
M. le président. L’amendement n° 1019, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il s’agit d’un amendement de repli.
L’alinéa 3 de cet article permet à un hôpital de sous-traiter à un acteur privé la mise en place d’un dispositif d’hébergement non médicalisé pour les soins ambulatoires. Dans un contexte où les établissements de santé ont du mal à assumer leurs dépenses de fonctionnement, cela ouvre la voie à une privatisation rampante du service hospitalier.
Cette mesure s’inscrit également dans la poursuite du virage ambulatoire, à l’origine de la fermeture, dans les hôpitaux, de lits dont nous manquons aujourd’hui pour faire face à la crise sanitaire.
Or le développement des hôtels hospitaliers procède de la même logique, par l’externalisation de capacités hospitalières. Il s’agit en effet de continuer à remplacer les hospitalisations par des séjours en hôtels non médicalisés, afin de réaliser des économies.
Il faut cesser de penser que l’hôpital est une compilation de services que l’on peut décider de privatiser lorsqu’il ne s’agit pas directement de soins.
En réalité, l’hébergement est une composante du soin, car l’hôpital est un tout. Si la qualité des chambres d’hospitalisation est bien moindre à l’hôpital public que dans les hôtels hospitaliers, c’est en raison du désinvestissement financier de l’État depuis de nombreuses années.
Pour toutes ces raisons, nous demandons de limiter le recours à ces hébergements à des opérations simples et à des patients bien identifiés dans un cadre public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ma chère collègue, votre amendement vise à supprimer la possibilité de recourir à un tiers pour externaliser la prestation d’hébergement hôtelier hors de l’établissement de santé.
Or c’est le principe même de l’hôtel hospitalier : offrir la possibilité aux établissements de santé d’externaliser l’hébergement de patients ne nécessitant pas de prise en charge médicalisée, afin de mieux organiser les parcours de soins. J’ai rappelé précédemment l’intérêt de ce dispositif pour les patients et pour les établissements.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je n’ai rien à ajouter à ce que vient de dire excellemment Mme la rapporteure, si ce n’est que le décret d’application encadrera les conditions d’accueil, qu’il faut bien sûr garantir.
M. le président. L’amendement n° 494 rectifié, présenté par Mme Jasmin, MM. Lurel et Antiste et Mme Conconne, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après les mots :
en particulier pour sa mise en place
insérer les mots :
, notamment dans les départements ruraux, insulaires ou enclavés
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement vise justement à conforter la pratique des hôtels hospitaliers.
Je vis sur un archipel, celui de la Guadeloupe, qui comprend aussi Marie-Galante, les Saintes et La Désirade ; un service est également fourni à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, comme vous le savez.
Ce genre de structures pourrait permettre, d’une part, de maîtriser les dépenses – cela a été dit par ma collègue Mme Meunier – et, d’autre part, d’anticiper. Très souvent, en effet, il faut recourir à l’Évasan, c’est-à-dire à l’évacuation sanitaire ou médicale, et au Dragon 971 – j’en ai parlé.
Dans un certain nombre de cas, ce sont des urgentistes qui sont obligés de se déplacer pour aller chercher les personnes en attente de soins, pas forcément parce qu’il y avait une urgence, mais tout simplement parce que, faute d’anticipation, les conditions de transfert le nécessitent. Ainsi, depuis la fermeture de la maternité de Marie-Galante, à chaque accouchement dans l’île, il faut que l’hélicoptère aille chercher la parturiente.
Je pense également aux patients qui subissent des chimiothérapies ; certains d’entre eux, faute de solution de rechange, sont obligés, alors qu’ils sont encore malades et vomissent, d’aller tout de suite à l’aéroport et de prendre l’avion pour Saint-Martin ou Saint-Barthélemy.
Ce dispositif est donc une très bonne chose. Nous devons évidemment le codifier comme il se doit, en fonction de l’aménagement du territoire, pour prévenir les dérives. J’ai entendu mes collègues qui se sont précédemment exprimés : il ne s’agit pas de privatiser, mais de rendre un service nécessaire aux populations de territoires enclavés, parfois insulaires, qui n’ont pas de solution de rechange au regard du plateau technique existant sur place.
Il faut donc vraiment que nous puissions travailler pour tenir compte de ces données-là, et non pas procéder n’importe comment et de façon catégorielle.
Nous avons parlé des déserts médicaux ; c’est aussi un vrai sujet. Dans certains endroits, on manque de médecins. Il faut que le cas des patients qui arrivent par bateau ou par avion à leurs rendez-vous médicaux soit pris en compte, ne serait-ce que pour ne pas faire perdre de temps aux médecins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de précision.
Il vise à ce que le décret en Conseil d’État fixant les modalités d’application et de financement du dispositif, en particulier pour sa mise en place, prenne en compte la situation des départements ruraux, insulaires ou enclavés. Rien ne s’oppose, selon moi, à ce que l’on prenne en considération ce type de spécificités.
La commission a donc émis un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Cet amendement est satisfait. Il est bien précisé que le financement afférent à cette modalité d’hébergement sera généralisé sur l’ensemble du territoire français, dont les zones éloignées disposant d’une offre de soins limitée. Autrement dit, votre territoire est concerné, madame la sénatrice.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. L’amendement de Mme Jasmin a un mérite : mettre un coup de projecteur sur un rôle de l’hôtel hospitalier dont nous n’avons pas parlé. On a tendance à voir l’hôtel hospitalier comme un simple facteur de raccourcissement de la durée d’hospitalisation.
Toutefois, c’est le domicile que l’hôtel hospitalier, de fait, remplace, en aval de l’hospitalisation, pour des personnes qui vivent dans des territoires éloignés d’une offre de soins : elles ne peuvent tout simplement pas quitter l’hôpital car leur domicile est trop éloigné, et elles ont besoin d’une certaine surveillance. Cette fonction-là de l’hôtel hospitalier est extrêmement importante, particulièrement pour ces territoires.
Au fond, l’hôtel hospitalier, c’est la langue d’Ésope : la meilleure et la pire des choses.
C’est la pire des choses si on le conçoit uniquement comme une source d’économies et de réduction de la durée des séjours hospitaliers. C’est la meilleure des choses, en revanche, s’il représente une transition et une coordination entre la ville et l’hôpital, donc s’il permet, quand c’est possible, de réduire la durée de séjour, parce que personne n’a envie de rester à l’hôpital plus longtemps que nécessaire, mais à la condition qu’en ce lieu s’organise, comme je l’ai dit, la transition entre les soins hospitaliers et les soins de ville.
Alors que cette expérimentation a été lancée en 2015, on peut tout de même regretter le caractère extrêmement faible de son développement : le rapport de juin 2020 porte sur l’existant, c’est-à-dire sur 28 seulement des 41 hôtels hospitaliers dont la création avait été autorisée. Il faut les concevoir comme utiles, à la fois en tant que substituts à l’hôpital quand l’hospitalisation n’est plus nécessaire et en tant qu’appuis au domicile.
De manière générale, penser que le virage ambulatoire est une source majeure d’économies est une erreur : le virage ambulatoire ou la réduction de la durée des séjours nécessite d’investir dans le système de santé et dans la coordination. Si l’on part de l’idée que l’on va s’en servir pour faire des économies, c’est l’échec assuré.
M. le président. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour explication de vote.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Je voterai cet amendement. Des personnes qui, justement, se trouvaient en Guadeloupe m’ont fait part d’expériences de ce type. Je crois donc que cette précision serait bienvenue.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. J’entends Mme la ministre nous dire que cet amendement est satisfait. J’aimerais avoir un peu plus d’explications…
Notre collègue Victoire Jasmin a évoqué les surcoûts inhérents à un territoire comme le nôtre, qui est « archipélique », comme je dis toujours, plutôt qu’« archipélagique ». C’est un archipel : on doit prendre l’avion ou, selon l’urgence, le bateau, par exemple lorsque l’on vient de Marie-Galante. Il faut une régulation des prix pour éviter tout surcoût. En quoi cette exigence est-elle satisfaite ?
Les choses vont mieux, selon moi, en les disant, en les précisant et, s’il le faut, en les codifiant. Si, au cours de la navette, vous vous rendez compte que cette disposition est véritablement satisfaite, le Parlement fera son travail.
Toutefois, il me semble de grande sagesse de voter cet amendement, qui me paraît une disposition de bon sens, tenant compte des réalités géographiques qui sont celles de l’archipel guadeloupéen, mais aussi des autres îles – la Polynésie, qui a certes la compétence en matière de politique de santé, est composée de 118 îles ; et lorsqu’il faut faire des Évasan en Guyane ou en Nouvelle-Calédonie, cela coûte affreusement cher.
Il faudrait une précision, à mon sens, pour que les choses soient claires et non pas sujettes à interprétation. Nous présenterons d’ailleurs tout à l’heure un amendement qui vise à répondre à une situation analogue : sur la base de la simple interprétation d’un décret, on décide de couler tout un secteur, celui des transports sanitaires.
M. le président. L’amendement n° 876 rectifié bis, présenté par Mmes Meunier et Féret, M. Fichet, Mmes Préville et Poumirol, MM. Jeansannetas et Vaugrenard, Mme Van Heghe, M. Gillé, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Mérillou, Lurel, Redon-Sarrazy et Tissot, Mme Artigalas, MM. Antiste et Assouline, Mme Le Houerou et MM. Montaugé et Kerrouche, est ainsi libellé :
Alinéa 7
1° Après le mot :
isolés
insérer les mots :
ou précaires
2° Compléter cet alinéa par les mots :
et évalue les éventuels restes à charge pour les patients par rapport à l’hospitalisation complète
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Il me semblait que cet amendement avait été frappé du sceau de l’irrecevabilité, monsieur le président… Mais je le défends volontiers ! (Sourires.)
Il s’agit d’inclure, dans le rapport, une analyse des éventuels restes à charge pour les personnes isolées et précaires, par rapport à la couverture correspondant à une hospitalisation complète.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Même si ce sujet est important, je ne suis pas certaine, compte tenu de l’absence de normativité des demandes de rapport, qu’il soit utile d’introduire cette précision dans la loi.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michelle Meunier. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 876 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’article 31, modifié.
(L’article 31 est adopté.)
Article additionnel après l’article 31
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 559 est présenté par M. Lurel, Mmes Jasmin et Conconne, MM. Antiste et Assouline, Mme G. Jourda et M. P. Joly.
L’amendement n° 809 rectifié est présenté par MM. Théophile, Iacovelli, Rohfritsch et Buis, Mme Duranton, M. Dennemont, Mme Schillinger, M. Patient et Mme Havet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 31
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 322-5 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En Guadeloupe, les frais d’un transport effectué par une entreprise de transport de personnes à mobilité réduite ne peuvent donner lieu à remboursement que si cette entreprise a préalablement conclu une convention avec l’organisme local d’assurance maladie. Cette convention, conclue pour une durée au plus égale à cinq ans, conforme à une convention type établie par décision du directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie après avis des organisations professionnelles régionales les plus représentatives du secteur, détermine, les tarifs de responsabilité et fixe les conditions dans lesquelles l’assuré peut être dispensé de l’avance des frais. Les modalités d’application du présent alinéa sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 559.
M. Victorin Lurel. Voilà une affaire importante et délicate.
Mes chers collègues, vous noterez que ce sont les sénateurs des outre-mer, en particulier de la Martinique et de la Guadeloupe, qui ont signé cet amendement.
Il s’agit en effet d’une spécificité de la Guadeloupe : il y a une vingtaine d’années, la caisse générale de sécurité sociale, la CGSS, avait décidé, pour faire face à la pénurie d’ambulances et de taxis, de passer convention avec des transporteurs privés, qui sont équipés selon des modalités imposées par les textes, pour le transport des personnes à mobilité réduite, le TPMR.
Chaque année, ces contrats individuels étaient renouvelés par tacite reconduction. Or, depuis quelques mois, le directeur général de la CGSS de la Guadeloupe a décidé d’euthanasier toute une filière, une quarantaine d’entreprises, près de 350 salariés. Et jusqu’ici, l’État ne bouge pas.
Quatre jours avant sa nomination, j’ai appelé le directeur de cabinet du Premier ministre, M. Revel, qui m’a répondu que le cabinet s’occuperait de cette affaire et trouverait une solution amiable. Ces jours-ci, un décret est signé – je vous épargne le numéro ! Le directeur général de la CGSS de la Guadeloupe décide, lui, que ce problème n’existe pas, ou plutôt que le décret lui donne le droit de ne pas prendre en compte la vie des entreprises.
Je m’explique en deux mots : l’un de mes amis possédait une entreprise de transports de personnes à mobilité réduite. Il a vendu son fonds de commerce, mais l’entreprise a gardé sa raison sociale et l’équipe est restée la même : seul le gérant a changé.
Or le directeur général de la caisse de sécurité sociale a décidé que l’on ne pouvait pas céder le fonds de commerce, donc que l’entreprise devait mourir. C’est le problème qui, historiquement, se posait en Guadeloupe aux transporteurs de personnes à mobilité réduite : au contraire des taximen, ils ne pouvaient pas vendre leur fonds de commerce.
Or, l’adoption de cet amendement et la pérennisation du secteur des entreprises de transport de personnes à mobilité réduite, pourquoi pas pour cinq ans – nous verrons –, ne changeraient rien à la situation actuelle des ambulanciers et des taximen, du point de vue des coûts notamment – depuis 2015, me semble-t-il, les tarifs n’ont jamais été revalorisés.
Pour couler des entreprises, il faut une base juridique ! Notre question fait l’objet d’un décret, mais le texte en est interprété unilatéralement par ce directeur de la caisse de sécurité sociale.
Voilà l’objet de cet amendement : régulariser une situation et sauver 350 emplois.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° 809 rectifié.
M. Dominique Théophile. Mes chers collègues, retenez bien que 350 emplois sont en jeu et que la Guadeloupe est le deuxième ou troisième département le plus âgé de France.
Cette activité fonctionne depuis près d’une dizaine d’années ; il lui faut un cadre juridique pour pouvoir perdurer. À défaut, 350 personnes perdront leur emploi – et, en Guadeloupe, il faut multiplier ce chiffre par quatre ou cinq pour obtenir le nombre de personnes affectées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Le code de la sécurité sociale encadre déjà les relations entre les prestataires de transports sanitaires et les organismes d’assurance maladie.
Vous indiquez d’ailleurs, dans l’objet de votre amendement, que ces entreprises de transport de personnes à mobilité réduite sont déjà soumises à des conventions avec la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe.
Par conséquent, il ne m’apparaît pas opportun de créer dans la loi un régime dérogatoire et spécifique à la Guadeloupe pour ces entreprises.
À défaut d’un retrait, l’avis de la commission sur ces amendements identiques serait donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je n’ai pas entendu l’avis de Mme la ministre !
Madame la rapporteure, le régime ainsi créé n’était pas dérogatoire, puisque, pendant près de vingt ans, il n’y avait pas de système vraiment officiel, mais une simple convention, conclue sur l’initiative de la caisse générale de sécurité sociale, renouvelée annuellement.
Curieusement, on décide désormais que l’on ne peut pas vendre le fonds de commerce ; on viole donc cette fois, si j’ose dire, le code de commerce. Et cela ne pose aucun problème budgétaire…
Alors que la DEAL, la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement, a donné l’autorisation de circuler, alors que toutes les autorisations préalables ont été délivrées, comment est-il possible que le directeur de la CGSS décide de ne pas rembourser une entreprise au motif que le gérant a changé ?
Quant à ce que dit Mme la rapporteure, je ne suis pas d’accord : elle interprète les textes, sachant que le décret d’application de la loi n’a pas précisé les choses. Nous demandons, nous, la régularisation. S’il le faut, au cours de la navette, vous rectifierez. Mais il est certain que l’on ne peut pas laisser faire.
Je conclus sur un point : la presse vient d’annoncer que Bridgestone allait fermer son site de Béthune. L’État, dit-on, n’a rien pu faire pour sauver 860 emplois ! Et ici, vous mettriez en cause, dans un petit département qui a 25 % de chômeurs et où 57 % des jeunes de moins de 25 ans ne travaillent pas, 350 salariés et, comme le dit Dominique Théophile, leurs familles, pour des motifs fallacieux ? Le vécu, la réalité, c’est que, par une décision unilatérale et personnelle d’un directeur, on va euthanasier une filière, la filière TPMR, en Guadeloupe !
Je demande à nos collègues de nous aider sur ce sujet, et de voter ces deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 559 et 809 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 31 bis (nouveau)
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la mise en place de la nouvelle tarification des transports bariatriques, dans le cadre du renouvellement de la convention nationale destinée à organiser les rapports entre les entreprises de transports sanitaires privées et les caisses d’assurance maladie, telle que prévue à l’article L. 322-5-2 du code de la sécurité sociale, et devant aboutir à des conclusions au plus tard en décembre 2020. Ce rapport participe de la bonne information du Parlement en ce qui concerne l’égalité d’accès aux soins pour les personnes obèses.