Mme Raymonde Poncet Monge. Ce dernier amendement de repli a pour objet de conditionner les allégements de cotisations patronales accordés aux entreprises à des obligations en matière sociale, environnementale et fiscale. C’est la voie vertueuse de l’efficacité.
Premièrement, dans le but de respecter les accords de Paris, nous demandons la remise d’un rapport annuel faisant état de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de 2030 pour atteindre les objectifs fixés par le plafond national des émissions de gaz à effet de serre.
Deuxièmement, nous prévoyons l’obligation de ne pas délocaliser des activités à l’étranger entraînant une diminution d’emplois en France – ce point est totalement d’actualité, notamment par l’exemple de Bridgestone.
Troisièmement, nous proposons d’accélérer l’égalité salariale entre les femmes et les hommes par la mise en place d’un index d’égalité.
Pour respecter ces trois axes – écologique, social et économique –, nous sommes convaincus du nécessaire développement de mesures plus ambitieuses d’incitation plutôt que de perpétuer un chèque en blanc inopérant en matière de création d’emploi. C’est le sens du récent rapport sur l’évaluation du CICE de France Stratégie. Ces objectifs répondraient en outre à la forte sensibilité écologique et sociale de la société.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est un avis défavorable pour les mêmes raisons : les politiques sociales et environnementales sont distinctes et ne relèvent pas des mêmes instruments juridiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Madame la sénatrice, nous sommes bien sûr attachés aux objectifs que vous évoquez : la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’égalité homme-femme – nous avons mis en place un index à cet effet.
La conditionnalité de certaines des aides accordées aux entreprises est un débat que nous pourrons avoir à moyen terme. Toutefois, dans le contexte actuel, l’adoption de votre amendement aurait pour conséquence de pénaliser fortement certaines entreprises, qui font déjà face à des difficultés très importantes. Notre avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Lors de sa première intervention télévisée sur la crise sanitaire et les conséquences qu’il en tirait, le Président de la République a indiqué qu’il était prêt à se remettre en cause. Nous avions compris qu’il s’apprêtait à remettre en cause son soutien au libéralisme comme principal moteur de création de richesses et de régulation de nos sociétés.
Depuis le début de cette discussion, centrale, sur la question du médicament et de l’industrie pharmaceutique, j’observe que tous les amendements proposés sont systématiquement récusés par le Gouvernement. Ils visent pourtant à aider le Président de la République à remettre en cause ses dogmes antérieurs.
Nous pouvons légitimement nous interroger sur la valeur des engagements du Président de la République. Que veut-il dire lorsqu’il évoque l’idée de remettre en cause son addiction au libéralisme, alors que vous ne semblez nullement capable de soutenir des amendements visant justement à réguler la politique de santé ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le prix du médicament, son accès, sa production en France et l’existence de stocks suffisants, c’est le cœur de la question. Or je ne vois absolument rien dans ce qui nous est proposé aujourd’hui qui va améliorer la situation. Résultat : on va continuer à pleurer sur l’impuissance publique, le déclin de la France, etc. Je ne sais pas si vous vous rendez compte à quel point ça démoralise les Français.
Là, il s’agit des conditionnalités des aides publiques.
On passe son temps à pleurer devant chaque fermeture d’usine, assurant que tout a été fait pour l’éviter. On s’en moque que vous ayez tout fait ! La réalité, madame Bourguignon, c’est qu’il y a une désindustrialisation massive. Et le covid va servir d’accélérateur ! Les entreprises sont déjà en train d’investir ailleurs, mais elles vont nous expliquer que c’est à cause de la crise du covid en France qu’elles sont obligées de fermer leurs usines dans notre pays. On le voit tous les jours !
Dites-nous que la puissance publique ne sert plus à rien, que la France est devenue une vaste terre de libre-échange et que plus on distribuera d’aides publiques plus on va soutenir notre économie. Ce discours, on aurait pu le croire il y a dix ou quinze ans – j’étais déjà dubitative –, mais, aujourd’hui, on ne peut plus le croire ! Chaque fois que vous accordez des aides publiques, ça continue, parce qu’elles ne sont pas conditionnées !
Personnellement, tout ce qu’on peut faire pour aider l’industrie française, je suis pour. Elle est dans un tel état que je n’ai pas d’états d’âme, à condition qu’on soit sûr que ces aides servent à quelque chose et qu’il ne s’agit pas juste de les engranger pour, finalement, ensuite, délocaliser.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Quant à la transition écologique, elle ne va pas se faire par simple prise de conscience. Il est vrai que les entreprises sont en situation de concurrence, mais il nous faut tirer notre compétitivité en nous basant sur ces critères. Ça ne va pas se faire comme ça, spontanément, il faut que la puissance publique conditionne ses aides ! Or, madame Bourguignon,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … le Président de la République a tout fait pour qu’il n’y ait plus de contreparties.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il a tout fait pour transformer le CICE en exonération de cotisations sociales.
M. le président. Il faut conclure, madame Lienemann !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous savez donc très bien que, actuellement, les aides ne sont pas conditionnées.
M. le président. Mes chers collègues, nous avons royalement examiné vingt amendements en une heure et quart. Si nous continuons à ce rythme, il restera vingt-cinq heures de débat, ce qui veut dire que la séance de demain, samedi, ne suffira pas à tout boucler. Moi, je « m’en tape », je suis Francilien. Je peux donc être là dimanche. Toutefois, je vous invite à respecter votre temps de parole, même si, je le reconnais, ce sont des sujets importants.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Les colères exprimées au sein de cet hémicycle par Marie-Noëlle Lienemann, Laurence Cohen, Cathy Apourceau-Poly ou Fabien Gay correspondent à des colères rentrées de la majorité des Français. Elles sont tellement rentrées qu’elles se traduisent par une abstention au moment des élections et, plus généralement, par une défiance envers le politique. Cela mène au populisme et à des aventures extrêmement graves pour notre République.
Madame la ministre, oui, nous critiquons vos choix politiques, mais ce qui vient d’être dit touche tous les courants politiques de cette assemblée. L’État ne peut pas tout, a-t-on entendu, et pas seulement de la part du Président de la République Macron et de ses Premiers ministres. On assiste depuis plusieurs décennies à une déliquescence de la force d’action de l’État, notamment sur ces questions de répartition des richesses. Il est donc normal qu’on aborde le sujet ici.
Précédemment, sur les stocks de médicaments, on nous a dit que l’État n’avait pas tous les leviers. Maintenant, on nous dit qu’on ne peut pas partager les dividendes des entreprises pour financer la protection sociale.
Vous venez d’évoquer, madame la ministre, un débat que nous pourrons avoir à moyen terme sur la conditionnalité des aides. Cela intéresse tous les parlementaires. Que signifie donc ce moyen terme mentionné par le Gouvernement pour poser des conditions à l’ensemble des subventions versées aux entreprises ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. Exactement !
M. Pascal Savoldelli. Merci de nous répondre, madame la ministre !
M. Pascal Savoldelli. Pas de réponse ?
M. le président. Le Gouvernement peut choisir de ne pas répondre.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 967 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement vise à supprimer les exonérations de cotisations sociales patronales sur les bas salaires, appelées « zéro cotisation Urssaf ». C’est un autre dispositif très coûteux produisant des effets économiques limités aux secteurs connaissant déjà un haut niveau de main-d’œuvre. Il incite les employeurs à contenir certaines augmentations en bas de l’échelle salariale pour continuer à bénéficier à plein des allégements, conduisant ainsi à ce que certains salariés se trouvent durablement rémunérés au voisinage du SMIC. C’est ce que l’on dénomme la « trappe à bas salaires », depuis le relèvement des exonérations à 3,5 SMIC avec l’intégration du CICE. Il y a un effet d’opportunité pour les postes en bas de l’échelle ; mais lorsque l’on progresse au-dessus du SMIC, les employeurs se refusent à augmenter les salaires.
Ces indications datant d’avant la crise sanitaire et économique, on peut penser que la situation, au contraire de s’améliorer, s’est dégradée.
M. le président. L’amendement n° 968, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La première phrase du troisième alinéa du III de l’article L. 241-13 est complétée par les mots : « , sans pouvoir excéder 20 % à compter du 1er janvier 2021 et 10 % à compter du 1er janvier 2022 » ;
2° Au II de l’article L. 243-6-1, les mots : « des dispositions relatives à la réduction dégressive de cotisations sociales prévue à l’article L. 241-13, » sont supprimés ;
3° Au II de l’article L. 243-6-2, au premier alinéa du III de l’article L. 243-6-3 à l’article L. 243-6-7, les mots : « sur la législation relative à la réduction dégressive de cotisations sociales mentionnée à l’article L. 241-13, » sont supprimés ;
4° À l’article L. 711-13, les mots : « des articles L. 241-13 et » sont remplacés par les mots : « de l’article ».
II. – Après le taux : « 10 % », la fin de la deuxième phrase de l’article L. 2242-7 du code du travail est ainsi rédigé : « du chiffre d’affaires annuel. »
III. – Aux l’article L. 741-4 et L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime, la référence : « L. 241-13, » est supprimée.
IV. – L’article 8-2 de l’ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales est abrogé.
V. – L’article 4 de la loi n° 96-1143 du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse est abrogé.
VI. – Au cinquième alinéa du VI de l’article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail, les mots : « à l’article L. 241-13 et » sont supprimés.
VII. – L’article 10 de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi est abrogé.
VIII. – Les dispositions des II à VII ci-dessus entrent en vigueur le 1er janvier 2022.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. J’invite ceux qui pensent que le moment n’est pas opportun pour remettre en cause les aides publiques aux entreprises à voter le présent amendement. Il vise également à supprimer des exonérations sur les bas salaires, mais de manière progressive, afin de donner le temps aux entreprises de s’y préparer.
M. le président. L’amendement n° 571, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le VIII de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est ainsi rétabli :
« VIII. – La réduction est supprimée lorsque l’employeur n’a pas conclu d’accord ou de plan relatif à l’égalité professionnelle dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-1 et L. 2242-3 du code du travail. Cette diminution de 100 % du montant de la réduction est cumulable avec la pénalité prévue à l’article L. 2242-5-1 du même code. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement a pour objet de supprimer des exonérations de cotisations pour les entreprises ne respectant pas l’égalité professionnelle et salariale homme-femme.
Une très grande majorité de femmes ont des emplois précaires et vivent avec des salaires au-dessous de celui des hommes à qualification comparable. Cet écart s’est réduit pendant quelques années, mais il stagne depuis quatre ou cinq ans. Le temps de l’action est venu ! Les bonnes intentions ne suffisent plus !
Le name and shame, l’effet de honte, ne marche pas en France – nous ne sommes pas de culture anglo-saxonne – ; d’ailleurs, aux États-Unis, le résultat n’est pas non plus mirobolant. Je préconise donc une sanction pour ceux qui n’appliquent pas la loi, c’est-à-dire la suppression des exonérations de cotisations patronales.
M. le président. L’amendement n° 964, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« .… – La réduction est supprimée lorsque l’employeur n’a pas conclu d’accord relatif à l’égalité professionnelle dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code ou qu’il n’a pas établi le plan d’action mentionné à l’article L. 2323-47 dudit code. Cette diminution de 100 % du montant de la réduction est cumulable avec la pénalité prévue à l’article L. 2242-7 du même code. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement est similaire au précédent, ce qui m’amène à poursuivre la démonstration de ma collègue en donnant quelques chiffres.
Depuis mercredi dernier, 16h16, les femmes travaillent gratuitement, et ce jusqu’à la fin de l’année, si on tient compte des écarts de salaires entre les femmes et les hommes. Selon les données de l’office statistique de l’Union européenne, Eurostat, le salaire des Françaises est de 15,5 % inférieur à celui des hommes, contre 15,4 % en 2019. Cela représente, cette année, 39,2 jours ouvrés de travail rémunéré.
Le fossé entre le salaire horaire brut moyen des femmes et des hommes ne se résorbe que fort lentement malgré les lois successives en matière d’égalité professionnelle. Selon une étude du ministère du travail réalisée auprès de 40 000 entreprises françaises de plus de cinquante salariés, seules 6 % des entreprises versent des salaires égaux à leurs employés ; pour les entreprises de 1 000 salariés, seules 1 % d’entre elles sont exemplaires.
Il va sans dire que la crise sanitaire que nous traversons n’est pas facteur d’amélioration en la matière. C’est pourquoi il nous semble important d’aller plus loin que les mesures qui ont été prises contre les inégalités salariales. Nous sommes en 2020 : nous avons suffisamment patienté ! Il faut au minimum conditionner les aides aux entreprises à des critères d’égalité beaucoup plus stricts et beaucoup plus encadrés. Faisons une différence entre les entreprises vertueuses et celles qui ne respectent pas à la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’avis est défavorable.
La mesure proposée par les deux premiers amendements reviendrait à alourdir de plus de 50 milliards d’euros le coût du travail.
L’absence d’accord ou de plan relatif à l’égalité professionnelle fait déjà l’objet d’une sanction financière, qui peut atteindre 1 % des rémunérations versées. Je pense donc que, de ce point de vue, on ne peut être que satisfait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Même avis que M. le rapporteur général. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous savons qu’il y a une sanction financière qui peut atteindre 1 % des rémunérations. J’ai fait exprès de vous donner des chiffres montrant que cela ne fonctionne pas. Vous nous dites que nous devrions être satisfaits, car il y a la loi. Nous ne le sommes pas, puisque ces remèdes ne fonctionnent pas en matière d’égalité salariale.
Il faut donc aller plus loin ou choisir une autre méthode, c’est ce que nous proposons. Si les mesures prises par le Gouvernement fonctionnaient, ces amendements n’auraient pas lieu d’être.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Bien sûr !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je n’en ai rien à faire de vos protestations, chers collègues : j’exerce mon droit de parlementaire ! Je sais que ce débat peut vous gêner,…
Mme Frédérique Puissat. Pas du tout !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … mais pas nous.
Ces amendements apporteraient des recettes à la protection sociale. On a calculé que, s’il y avait l’égalité salariale homme-femme, près de 70 % du déficit de la protection sociale serait résorbé. Ça, pour serrer le kiki aux avantages sociaux, vous êtes toujours là !
Comme je l’ai dit hier, notre République n’est crédible que si l’égalité progresse. Or elle régresse, en tout cas elle n’avance pas assez pour ce qui est de l’égalité homme-femme.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je vais voter ces amendements, car, effectivement, les inégalités se creusent. Sur ce sujet, nous n’avons pu avancer que par la contrainte.
Mme Laurence Rossignol. Elle est passée où, la grande cause du quinquennat ?
M. le président. L’amendement n° 973, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale, le nombre : « 3,5 » est remplacé par le nombre : « 1,6 ».
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Je sais que nous ne serons pas d’accord sur cet amendement de repli concernant le CICE. Vous pariez sur le ruissellement, tandis que nous vous opposons la question de la conditionnalité.
Permettez-moi de revenir sur ce qu’a dit M. le rapporteur général sur les estimations qu’on peut avoir sur les 35 heures suivant qu’on est de gauche ou de droite.
Eh bien, si, il est possible de les évaluer ! L’Insee ainsi que la Dares, l’outil statistique du ministère du travail, ont évalué les effets des 35 heures entre 300 000 et 400 000 créations nettes d’emplois. Si vous avez une autre étude qui prouve le contraire, nous aimerions en disposer.
Pour en revenir au CICE, je citerai le dernier rapport de France Stratégie – vous entendez, ce n’est pas le groupe communiste, mais une institution rattachée au Premier ministre ! –, particulièrement savoureux sur le sujet : « Les conclusions sont plus riches que celles des rapports précédents grâce à la distinction des effets sur les groupes fiscaux et les entreprises individuelles. Le CICE aurait permis de créer ou sauvegarder » – souvenez-vous du badge « Un million d’emplois », mes chers collègues : on nous avait parlé de créations nettes ! – « environ 115 000 emplois en 2014 et autour de 100 000 en moyenne sur les périodes 2014-2015 et 2014-2016. » On n’a plus les chiffres à partir de 2017, car ils ne sont plus rendus publics.
Je poursuis : « L’effet serait très hétérogène entre les entreprises : l’effet sur l’emploi viendrait uniquement des entreprises individuelles tandis que les groupes fiscaux les plus bénéficiaires du CICE n’auraient pas systématiquement créé plus d’emplois. » Vous comprenez pourquoi nous défendons la conditionnalité des aides accordées aux très grands groupes.
« L’analyse sectorielle reste peu concluante : les résultats ne sont pas robustes sur l’emploi dans l’industrie tandis que l’effet emploi dans le tertiaire n’est pas directement interprétable comme étant lié au CICE. » Et les effets sont quasi nuls sur les prix et les investissements !
Il n’y a pas mieux que la lecture d’un rapport de France Stratégie pour démontrer que le CICE a bénéficié non pas à l’emploi, mais plutôt aux actionnaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si la question de l’efficacité d’une réduction des cotisations – qui va aussi loin dans l’échelle des salaires que 3,5 fois le SMIC – peut se poser, est-ce bien le meilleur moment de remettre en cause ce dispositif et d’alourdir le coût du travail, alors que nous traversons une période – certes, pour d’autres raisons – de chômage élevé ?
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Fabien Gay. Pas de réponse ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 973.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 19
Est approuvé le montant de 5,3 milliards d’euros correspondant à la compensation des exonérations, réductions ou abattements d’assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale, mentionné à l’annexe 5 jointe au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.
M. Bernard Jomier. Le présent article approuve un montant de 5,3 milliards d’euros, correspondant à la compensation des exonérations, des réductions ou des abattements d’assiette de cotisations ou de contributions de sécurité sociale pour 2021. Je voudrais juste appeler l’attention sur le fait qu’il nous paraît curieux que ce montant n’ait pas bougé d’un iota depuis le début de l’examen de ce texte, d’autant que les incertitudes pour 2021 sont importantes.
Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer comment ce montant a été fixé ? Prend-il en compte l’ensemble des amendements qui prévoient de nouvelles mesures fiscales et qui ont été votés à la fois à l’Assemblée nationale et au Sénat ? En effet, si l’on veut bien entendre que cet article présente un caractère estimatif et informatif, et non normatif, encore faudrait-il qu’il soit vraiment estimatif et informatif !
M. le président. L’amendement n° 961, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 962.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 962, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Le montant de la contribution est majoré de 15 % pour tout revenu d’activité ou du patrimoine dépassant un montant dépassant un seuil fixé par un décret en Conseil d’État, sans que ce montant puisse excéder quatre fois le salaire horaire minimum légal. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Avec ces deux amendements, nous nous opposons complètement à ce que le Gouvernement défend et, d’abord, à la réponse que le ministre Dussopt a faite à notre motion tendant à opposer la question préalable, réponse qui est évidemment révélatrice de la vision du Gouvernement sur la sécurité sociale.
On peut le dire, il s’agit ici d’un débat politique avec deux visions qui s’affrontent.
D’un côté, les tenants d’une participation plus forte de l’État dans le financement de la sécurité sociale plaident pour le recours à des contributions comme la CSG, qui est payée essentiellement par les salariés et les retraités, parce qu’ils considèrent que la sécurité sociale est finalement l’extension des dépenses sociales de l’État en matière de santé, de famille, de vieillesse, de retraites et de perte d’autonomie.
De l’autre, on trouve les tenants – dont nous faisons partie – d’une vision dans laquelle la sécurité sociale et l’État ont des rôles complémentaires mais distincts. Cette position fait davantage référence aux racines de la sécurité sociale de 1945 : nous considérons que celle-ci est une caisse commune où l’on partage le produit de la valeur ajoutée, une caisse pour laquelle les employeurs et les travailleurs cotisent selon leurs moyens et reçoivent selon leurs besoins.
Ce n’est pas être ringard que de défendre cette sécurité sociale, puisque, contrairement aux start-up et autres entreprises privées qui ont fait faillite, celle-ci a fait la démonstration de sa résistance et de sa capacité d’adaptation durant la pandémie de covid-19.
Alors que l’article 19 prévoit la compensation des exonérations de cotisations sociales par l’État, nous rappelons notre opposition au principe même d’exonérations de cotisations sociales. Pour nous, derrière la participation commune de la cotisation sociale, il y a une grande partie du pacte social. Si l’on continue d’exonérer les entreprises de leur contribution à la sécurité sociale et de remettre en cause l’universalité des prestations sociales, le pacte s’écroulera.
Dans la période actuelle, nous pensons qu’il faudrait renforcer ce pacte et le moderniser. C’est le sens de notre amendement n° 962, qui vise à majorer les cotisations des plus hauts salaires, alors que les écarts de salaires ont fortement augmenté ces dernières années.