Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 1030.
Mme Céline Brulin. J’essaierai d’être brève, parce que nos collègues ont déjà développé un certain nombre d’arguments.
Il y a, dans l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, un volet pouvant être considéré comme correspondant à une prestation de compensation du handicap, mais il y a aussi une part très importante qui relève de la politique familiale.
Il nous semble également tout à fait prématuré de décider de transférer l’AEEH vers la branche autonomie. Cela mérite un approfondissement de l’ensemble des sujets et – d’autres l’ont dit, et c’est très juste – une concertation avec les familles concernées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Mouiller, rapporteur. Au début de l’analyse de ce texte, je me suis posé beaucoup de questions, je dois l’avouer, sur la pertinence de ce transfert. Or j’ai eu l’occasion, en tant que rapporteur, d’entendre en audition les associations, notamment celles du monde du handicap, et celles-ci ont émis, d’une façon à peu près générale, au début de mes consultations, un avis favorable ou neutre sur cette évolution. Pourquoi ? Parce que leur motivation première était avant tout la coordination entre la PCH et l’AEEH, dans une période où le chantier concernant la PCH était engagé, avec une vraie volonté d’accélérer.
Par ailleurs, quand le rapport Vachey, qui comportait un certain nombre de préconisations, a été présenté, tout le monde a regretté l’absence de mesures issues de ce rapport. Or nous avons là une décision qui est issue de ce rapport et qui est motivée par la coordination de deux dispositifs.
Enfin, il y a une semaine ou dix jours, certaines associations ont commencé à émettre un avis différent sur ce rapprochement, parce qu’elles pensaient pouvoir négocier, de façon plus générale, un certain nombre de concertations et accélérer les discussions autour de la PCH.
Ainsi, sur le fondement des analyses et des rapports, et en considérant l’avis global des associations émis dans la durée et non la veille de la lecture du PLFSS, la commission a émis – même si l’on peut entendre les arguments des uns et des autres – un avis défavorable sur ces amendements de suppression, de façon à accélérer les choses sur la question de la prise en charge du handicap et en ayant en tête l’intérêt de l’enfant dans sa globalité.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir séquencé les différents avis des uns et des autres ; c’est bien ce qu’il s’est passé, en effet.
Ces amendements visent à supprimer l’intégration de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé au sein du périmètre de la branche autonomie. Cette allocation, parce qu’elle s’adresse aux familles dont l’un des enfants est handicapé, se trouve naturellement, dans l’esprit de beaucoup, à la frontière entre la branche famille et la branche autonomie. La prestation de compensation du handicap, elle, est bien une prestation de compensation par nature, donc elle est attachée à la branche autonomie.
Dès lors, pour nous donner les moyens d’articuler ces deux prestations, déjà liées, d’ailleurs, par un droit d’option, très complexe pour les familles, nous les avons rapprochées au sein de la cinquième branche. Je dis bien « rapprochées » et non pas « fondues », car les logiques de prestation familiale et de compensation du handicap ont une nature différente, et les acteurs sont particulièrement attachés à cette distinction.
Je veux vous rassurer, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que les associations, l’allocation de base de l’AEEH conserve ses mécanismes et ses critères d’attribution ; elle est bien instruite par les MDPH, de même que ses compléments et que la PCH. Le rôle des CAF dans le versement de l’AEEH ne sera pas modifié. Le fonctionnement et les attributions de cette allocation ne sont nullement remis en question par son rattachement à la cinquième branche. D’ailleurs, dans le cadre du comité prévu par la loi du 20 mars dernier et que j’installerai début décembre, je continuerai de mener les réflexions et d’apporter les adaptations nécessaires au droit à la compensation et, surtout, au droit d’option, afin de répondre aux besoins spécifiques des enfants.
Ainsi, cette disposition représente bien un vecteur potentiel de simplification. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.
Mme Jocelyne Guidez. Nous nous connaissons bien, madame la secrétaire d’État, nous discutons assez souvent du handicap, et, sur le fondement de vos explications et de celles de M. Mouiller, je retire mon amendement.
Toutefois, j’espère qu’il y aura un peu plus de discussions sur cette question, car nous avons eu des retours en ce sens tant des parents que des associations. D’ailleurs, si j’ai bien compris ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur, il y a eu des changements à ce propos.
Un certain nombre de personnes nous ont contactés, et je pense qu’il s’agissait peut-être aussi d’une question de symbole. Certaines familles avaient l’impression – c’est comme ça que je l’ai compris – que, quelque part, on enlevait l’enfant de la famille parce qu’il était handicapé ; voyez-vous ce que je veux dire ? Il fera partie non plus de la branche famille mais de la branche autonomie. Elles avaient donc le sentiment, que je peux comprendre, qu’on les excluait de cette branche, alors même qu’il s’agit de leur enfant.
J’avais aussi ce sentiment, et je voulais le partager avec vous. J’espère donc qu’il y aura des discussions à ce sujet.
Mme la présidente. L’amendement n° 131 rectifié quater est retiré.
Mme Florence Lassarade. Je retire également mon amendement !
Mme la présidente. L’amendement n° 458 rectifié quater est retiré.
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour explication de vote.
Mme Valérie Boyer. Au regard des explications données, je retire mon amendement, mais j’aimerais que l’on ait des garanties sur la non-exclusion des enfants handicapés de la branche famille.
Mme la présidente. L’amendement n° 674 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 477 rectifié ter, 919 et 1030.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 156, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéas 92 à 96
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à supprimer des alinéas qui habilitent le Gouvernement à légiférer par ordonnances afin de mettre le code de l’action sociale et des familles en cohérence avec le code de la sécurité sociale.
Une telle habilitation est d’autant moins nécessaire que le Gouvernement nous annonce l’examen imminent d’une grande réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie. Il paraît donc naturel à la commission d’attendre de pouvoir traiter ce sujet directement dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’avis est défavorable.
Il s’agit, au travers de ces ordonnances, de tirer les conséquences très techniques de ce dont nous sommes en train de débattre. On ne peut pas mettre sur le même plan, monsieur le rapporteur général, ces dispositions et les dispositions de fond qui seront effectivement débattues en 2021, dans le cadre du projet de loi Grand âge et autonomie.
Nous avons besoin de légiférer par ordonnances pour mettre en conformité les deux codes. Il s’agit de dispositions extrêmement techniques, et les ordonnances nous semblent être le véhicule approprié.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je vais voter l’amendement du rapporteur général, parce que je le trouve cohérent. Excusez-moi, monsieur le secrétaire d’État, mais l’attitude du Gouvernement me paraît – le mot est peut-être un peu fort – un peu méprisante à l’égard du Parlement.
Depuis tout à l’heure – c’était particulièrement criant avec l’AEEH –, vous répondez à toutes nos propositions que ce n’est pas le moment, qu’il y aura une grande réflexion et une grande loi et que nous allons travailler tous ensemble pour la construire. Mais, en même temps, vous nous dites : « on va construire cette grande loi, mais sous la forme d’ordonnances, donc taisez-vous ! »
Cela commence à être insupportable. Je voterai donc l’amendement de M. le rapporteur général avec beaucoup de joie.
Au bout du compte, je me demande, comme Bernard Bonne, ce que fait cet article 16 dans le PLFSS. Pourquoi nous faites-vous voter un article sur l’autonomie qu’on devra revoter par la suite, dans le cadre d’une grande loi, que, d’ailleurs, on ne votera pas, puisque vous procéderez par ordonnances ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je vais ajouter un argument à ce que vient de dire M. Milon.
L’actuel gouvernement, tout le monde l’aura constaté, est le recordman, toutes catégories confondues, des ordonnances, sous prétexte que ça va plus vite et que ça permet de mieux légiférer.
Prenons un sujet comparable : le logement. Rappelez-vous l’histoire d’Action Logement, mes chers collègues : une ordonnance a été prise et mise en œuvre, mais jamais on ne l’a fait ratifier par le Parlement, et ça va faire trois ans qu’elle s’applique ! On voit donc, avec ce précédent, qu’on peut totalement shunter le Parlement.
Ils se sentent tellement géniaux avec leurs ordonnances que, lorsqu’ils se rendent compte, deux ans après, que ça ne va pas et qu’il faut refaire une réforme, que proposent-ils ? De procéder par ordonnances ! Génial !
Aussi, je vous le dis tout net : sur des sujets aussi importants que ceux-là, on peut essayer de nous faire le coup selon lequel c’est une affaire technique, neutre et sans importance, mais nous ne sommes pas dupes ! Ainsi, au-delà de l’argumentaire déjà très pertinent de M. Milon, nous ne pouvons pas voter une habilitation à légiférer par ordonnances.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Monsieur le secrétaire d’État, vous parlez d’un grand projet de loi, que tout le monde attend et qui doit répondre à une grosse préoccupation sociétale, mais, dès son annonce, vous multipliez les déceptions : du Parlement, des associations – on l’a vu avec les amendements précédents sur l’AEEH – et, demain, des départements, quand ils comprendront qu’ils sont juste bons à payer et qu’ils sont dépouillés de leurs prérogatives.
Vous vous y prenez mal. Il y a sans doute des choses à faire, mais elles ne peuvent être réalisées que dans la concertation, et la concertation doit se faire dans les territoires !
Les collectifs associatifs ont, à juste titre, une puissance extraordinaire, notamment dans le domaine du handicap ; cela a été bien dit par ma collègue. Ce sont des gens particulièrement affectifs, nous n’avons pas le droit de les décevoir ; on ne peut pas être dans l’affichage et leur faire des promesses qui ne seront pas tenues. C’est avec eux qu’il faut relancer la discussion.
Ce soir, vous entendez un signal d’alerte, madame la secrétaire d’État. Le Gouvernement aurait tout intérêt à en tenir largement compte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’entends bien vos propos, monsieur le secrétaire d’État. Vous dites qu’il faut des ordonnances, tout de suite, pour mettre en conformité les deux codes. Soit ! Mais, à l’alinéa 92 de l’article 16, il est précisé que « le Gouvernement est habilité à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, » un certain nombre de mesures. Or j’espère bien que, d’ici à douze mois, le Parlement aura adopté la loi sur le grand âge et l’autonomie. Il n’y a donc pas besoin d’ordonnances ; nous voterons la loi directement.
Faites un peu confiance au Parlement, il sait travailler rapidement, pour peu que le Gouvernement le saisisse. Il est trop facile de dire que l’on prendra des ordonnances. En outre, cela a été rappelé, elles sont parfois longues à venir, et, trois ans plus tard, on attend toujours la loi de ratification.
On ne fait pas suffisamment confiance au Parlement, et je le regrette. Nous avons accepté d’adopter la création de la cinquième branche, parce que nous nous sommes dit qu’il y avait là une chance inespérée d’accélérer le cours de l’histoire. En effet, cela faisait des années que l’on nous parlait de cette branche et qu’on ne la faisait pas. Vous avez décidé de la créer, avec l’aide de l’Assemblée nationale ; bravo ! Mais, maintenant, il faut aller au bout. Nous attendons donc non des ordonnances, mais une loi, qui ne soit pas renvoyée aux calendes grecques, mais que l’on examine au début de l’année prochaine. En tout cas, c’est ce que nous espérons.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Certains ont indiqué qu’ils s’étonnaient qu’on discute de cet article 16.
À l’occasion du vote du transfert de la dette sociale à la Cades, j’ai voté pour la création de la cinquième branche de la sécurité sociale ; j’ai même eu cette expression : « on ne va pas faire la fine bouche. »
On discute maintenant de l’article 16 du PLFSS. Or, quand il y a des propositions sur la gouvernance, on nous répond qu’il faut attendre le projet de loi sur l’autonomie ; quand il y a des propositions sur les financements – une proposition de financement émanant de parlementaires ne relève d’ailleurs pas de la démagogie –, on nous dit qu’il est trop tôt, qu’il faut attendre la conférence de financement ; quand on aborde la question du périmètre, on nous indique que ce n’est pas possible. Maintenant, on nous explique qu’on ne doit pas restreindre le champ des ordonnances…
Monsieur le secrétaire d’État, malgré tout le respect que je vous porte, permettez-moi de m’interroger sur la marge de manœuvre dont vous disposez quand vous venez devant le Parlement. Elle est, au fond, extrêmement faible, et c’est tout le problème de nos débats.
Je comprends bien qu’il faille cadrer les débats, mais un peu de liberté et de dialogue tout de même ! Sincèrement, nous en venons à douter de l’utilité de nos débats si tout est décidé par avance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.
M. Bernard Bonne. Je vais répéter ce que j’ai déjà dit.
J’ai évoqué la difficulté que nous posait l’article 16. Cependant, nous allons le voter. En revanche, nous voterons aussi très fortement le présent amendement, parce qu’il est inconcevable que l’on nous traite de cette façon. Nous n’avons pas eu la possibilité de discuter directement avec le ministre Olivier Véran des propositions qui nous sont faites dans le cadre de cet article 16 sur la cinquième branche. Il n’y a aucune possibilité de négocier.
Comment voulez-vous que nous acceptions aujourd’hui que le Gouvernement nous présente une ordonnance dans les mois qui viennent, compte tenu de toutes les propositions que nous aurions pu faire nous-mêmes ? Pensez-vous vraiment que le Sénat n’aura pas la capacité de formuler des propositions sur la cinquième branche lors de l’examen du projet de loi Grand âge ?
Je pense que nous ne pouvons pas continuer ainsi à travailler sur une cinquième branche complètement vide, sur laquelle vous ne nous donnez, aujourd’hui, aucune possibilité de faire des propositions et sur laquelle vous ne nous en donnerez peut-être pas davantage demain.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, pensez-vous vraiment que c’est cela que prévoit l’article ? Comme Mme Lienemann, vous me donnez l’impression d’avoir lu l’alinéa 92 de l’article 16, mais pas le 93 : il s’agit d’habiliter le Gouvernement à « codifier, à droit constant, dans le code de la sécurité sociale les dispositions relatives à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie prévues au code de l’action sociale et des familles ».
Monsieur le rapporteur général, il s’agit là de mesures de légistique, visant simplement à ce que certaines dispositions du code de l’action sociale et des familles passent dans le code de la sécurité sociale. Si cela vous fait plaisir, nous pourrons, lors de l’examen du projet de loi Grand âge et autonomie, qui traitera de sujets cruciaux et que nous appelons tous de nos vœux, passer une grande partie de notre temps à débattre de dispositions tendant à transférer tel article ou tel alinéa du code de l’action sociale et des familles dans le code de la sécurité sociale…
Quoi qu’il en soit, la comparaison que vous avez faite, madame Lienemann avec Action Logement est totalement hors de propos. Relisez l’alinéa 93 : il s’agit juste de tirer les conséquences, à droit constant, du transfert d’un code à l’autre.
Mme Éliane Assassi. C’est tout de même important !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, il ne s’agit pas d’habiliter le Gouvernement à faire figurer dans des ordonnances toutes les propositions que vous avez faites ici et sur lesquelles, d’ailleurs, vous votez souverainement. Vous reprochez au Gouvernement de refuser vos propositions, mais le Sénat est souverain lorsqu’il vote, comme le Gouvernement est souverain dans les avis qu’il émet sur les amendements. Je ne voudrais pas qu’il y ait de mauvaises interprétations, quelle qu’en soit la sincérité, à ce sujet.
Relisez bien les alinéas 92 et 93. Nous avons besoin, dans le cadre strict que je viens de vous exposer, de ces mesures de pure légistique. Si vous voulez que nous en débattions de nouveau lors de l’examen du projet de loi Grand âge et autonomie, soit !
Mme la présidente. L’amendement n° 157, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 96
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 722-8 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « cinq » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« 5° La branche autonomie. » ;
2° L’article L. 722-27 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« 4° La branche autonomie. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La création de la cinquième branche dans le régime général de la sécurité sociale n’a pas trouvé son pendant au sein du code rural et de la pêche maritime.
Cet amendement tend à confirmer le rôle de partenaire de la CNSA et d’acteur de la mise en œuvre de la cinquième branche sur les territoires que joue le réseau des caisses de MSA. Une convention avec la CNSA précisera le cadre de ce partenariat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’avis est défavorable.
La nouvelle branche que vous avez créée doit couvrir l’ensemble de la population, dont les salariés et les non-salariés agricoles. La CNSA, chargée de la gestion de la branche autonomie depuis la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie, a ainsi vocation à agir comme aujourd’hui pour l’ensemble des personnes âgées et des personnes handicapées, qui sont toutes rattachées au régime général pour la couverture de ce risque.
L’amendement que vous nous proposez, monsieur le rapporteur général, aboutirait, nous semble-t-il, à remettre en cause la visée universaliste de la nouvelle branche. Il aurait ainsi pour effet de complexifier par avance le pilotage de la politique en matière d’autonomie.
La solution que nous proposons n’empêche nullement la MSA de continuer à exercer un rôle dans le cadre de ses attributions et sans concurrence avec celles de la CNSA.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je suis stupéfait de la position du Gouvernement. Même dans le projet de loi de réforme des retraites, il était proposé que la MSA reste une caisse de retraite, malgré l’universalité du dispositif. Pourquoi de telles dispositions figurent-elles dans certains textes de loi et pas dans d’autres ?
La MSA est un guichet unique dans les territoires pour les prestations qu’elle réalise. Nous prônions des guichets uniques, organisés de façon locale. C’était l’occasion de maintenir un système universel, décliné au niveau de caisses d’antériorité différente et tenant compte de la territorialité.
En plus des départements, des associations et des parlementaires, c’est le monde agricole que vous allez vous mettre à dos… Félicitations, monsieur le secrétaire d’État ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L’amendement n° 798 rectifié, présenté par Mmes Lubin et Meunier, MM. Jomier et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Poumirol et Rossignol, MM. Antiste, Bouad et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Durain et Gillé, Mme Harribey, M. P. Joly, Mme G. Jourda, M. Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mme S. Robert, MM. Sueur, Temal et Tissot, Mmes Préville, Briquet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Afin de satisfaire aux exigences du paritarisme régissant les modes de gouvernance de la sécurité sociale, dans les deux mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement prévoit les modalités de mise en place d’une concertation par décret, afin de définir les modalités d’un paritarisme de représentation et de gestion au sein de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. La gestion paritaire apporte une contribution significative à la cohésion sociale et au progrès social, en même temps qu’elle est un pilier de la démocratie française.
Comme le rapport de la mission d’information sur le paritarisme de l’Assemblée nationale, dont le rapporteur était le député Jean-Marc Germain, l’a rappelé en 2016, « le paritarisme résiste aussi à toute approche simplificatrice du modèle social français. Alors que la France est parfois hâtivement dépeinte comme le lieu du conflit social permanent et d’une étatisation excessive – quand ce n’est pas prédatrice –, il s’avère que notre pays a confié près d’un quart de sa protection sociale, 150 milliards d’euros, aux représentants des salariés et des employeurs parce qu’ils semblaient les mieux à même de s’occuper de certains sujets touchant à la vie de tous les jours, pour le salarié et sa famille : les retraites complémentaires, le chômage, la prévoyance, la santé au travail, la formation professionnelle, le logement ou l’insertion des personnes handicapées sont aujourd’hui l’affaire des partenaires sociaux au moins autant que de l’État ».
Le rapport précise également que, « partout où les partenaires sociaux se sont vu confier ou se sont saisis de véritables responsabilités, cette confiance dans des corps intermédiaires pourtant très critiqués s’est traduite par une gestion consensuelle et sérieuse des cotisations des salariés et des employeurs ».
La création d’une cinquième branche de la sécurité sociale ne peut, de fait, se concevoir sans la mise en place d’une organisation paritaire, sauf à retomber dans une logique jacobine centralisatrice sur cet enjeu majeur pour la société française, ce qui serait le meilleur moyen de fragiliser encore davantage notre modèle social. La société française souffre d’un légitime sentiment de dépossession de son pouvoir de décision et de sa souveraineté sur les questions qui la concernent au premier chef. Nous n’avons pas les moyens de continuer à la fracturer en minorant le rôle des partenaires sociaux dans la gestion de la cinquième branche de la sécurité sociale qu’est destinée à devenir la branche autonomie ni à faire l’économie de la négociation collective sur les enjeux majeurs de notre temps.
La construction de la cinquième branche nécessite un travail de concertation sérieux et de longue haleine, concentré sur le paritarisme, d’autant plus que « le fait que des représentants des salariés et des employeurs, comptés en nombre égal, se réunissent pour créer de la norme, pour l’interpréter et pour gérer les institutions et les droits qui en sont issus est un procédé aussi simple à comprendre que difficile à mettre en œuvre ».
La loi doit prévoir les modalités de la mise en place du paritarisme au sein de la branche autonomie de la sécurité sociale. Tel est l’objet du présent amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Mouiller, rapporteur. Nous souscrivons à l’importance de la mise en place d’une organisation paritaire. C’est un point essentiel. Néanmoins, la commission a émis un avis défavorable, compte tenu à la fois de la rédaction de l’amendement, du délai de deux mois qu’il prévoit, mais également de l’importante question de la coordination avec l’organisation de la CNSA, qui nous pose clairement une difficulté de méthode.
Notre avis défavorable se fonde sur ces éléments, mais je répète qu’il était essentiel que le paritarisme soit évoqué. Je salue cette initiative.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je vous remercie, madame la sénatrice, de célébrer le modèle français de protection sociale, qui, historiquement, comme vous l’avez évoqué, s’est construit de façon spécifique, en conférant une place majoritaire aux partenaires sociaux. Pour autant, le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement.
Vous n’êtes pas sans savoir comment fonctionne la CNSA aujourd’hui. Dès lors que siègent au conseil d’administration de la CNSA les associations et les conseils départementaux, pour le plus grand plaisir de M. le sénateur Savary, on ne peut pas parler de jacobinisme ! Par ailleurs, vous savez probablement que les partenaires sociaux siègent d’ores et déjà au conseil d’administration de la CNSA, même si, je le concède, ce n’est pas de façon majoritaire.
L’équilibre ayant présidé à la constitution et à la création de la CNSA, qui associe l’ensemble des parties prenantes à cette politique de l’autonomie, nous semble un bon équilibre. Des débats auront peut-être lieu à son sujet lors de l’examen du prochain projet de loi Grand âge et autonomie, mais nous ne souhaitons pas y toucher à ce stade.