M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J’entends bien ce que vous venez de nous dire, monsieur le ministre. Mais tout de même, vous parlez de 350 millions d’euros collectés ! Or, depuis le 1er janvier, ce sont des milliards d’euros de bénéfices supplémentaires que réalise Amazon, pour ne citer que cette entreprise !
Nous n’allons pas ouvrir ici le débat sur le type de confinement le plus adéquat, mais cette mesure crée inévitablement une distorsion de concurrence entre le commerce de proximité et ces plateformes, qui, elles, peuvent continuer d’alimenter les consommateurs français en produits non essentiels.
Allons-nous continuer à les regarder empocher ces bénéfices grâce à des tours de passe-passe ? Vous le savez aussi bien que moi, puisqu’un rapport remis à Bercy voilà environ un an explique la manière dont un certain nombre d’entreprises passant par Amazon s’exonèrent du paiement de toute TVA dans notre pays, alors qu’elles y vendent des produits.
On nous annonce, et c’est bien normal, des plans de relance, des mesures de soutiens, etc. Et ceux qui aujourd’hui, à tort ou à raison – je ne suis pas là pour porter un jugement de valeur –, tirent des bénéfices de cette crise sanitaire sans précédent à l’échelon national et mondial, nous devrions continuer à les regarder sans rien faire ? Et peut-être faudrait-il même, comme l’a fait l’un des ministres de votre gouvernement au cours des dernières questions d’actualité, les remercier parce qu’ils créent des emplois dans notre pays ? Vraiment, on marche sur la tête !
La réponse que vous apportez n’est pas à la hauteur. Que vous ne souhaitiez pas soutenir cet amendement, je l’entends. Chacun jugera ici quel type d’économies il souhaite défendre. Mais prenez garde : vous laissez entendre finalement que, face à ces grandes plateformes, qui ne sont peut-être pas très honnêtes, nous ne pouvons rien faire !
Pour ma part, je crois que le rôle de la puissance publique et du politique, aujourd’hui, c’est de s’attaquer à ces plateformes, au lieu de se satisfaire qu’elles vont contribuer à hauteur de 350 millions d’euros à la fin de l’année 2020 ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 238 rectifié bis, présenté par M. Chasseing, Mme Mélot, MM. Capus, Decool, Guerriau, Lagourgue, Malhuret, A. Marc, Médevielle et Menonville, Mme Paoli-Gagin et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le II de l’article L. 862-4 est ainsi modifié :
a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce taux est applicable aux contrats d’assurance maladie complémentaire relatifs à des opérations individuelles et collectives à adhésion obligatoire ou facultative, sous réserve que l’organisme propose un mécanisme de tiers payant intégral incluant le ticket modérateur et le forfait aux bénéficiaires de ce contrat sur les produits et prestations inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 165-1. » ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « deuxième ou troisième » sont remplacés par les mots : « deuxième, troisième ou quatrième » ;
2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 871-1, les mots : «, au moins à hauteur des tarifs de responsabilité, » sont remplacés par les mots : « intégralement pour les produits et prestations inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 165-1 ».
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Le présent amendement vise à favoriser la mise en place du tiers payant intégral dans le cadre du 100 % Santé. En effet, si la réforme permet à un assuré de bénéficier d’un équipement sans reste à charge, celui-ci n’en demeure pas moins contraint de devoir avancer les frais pour son acquisition, selon les conditions particulières d’accès au tiers payant intégral fixées par sa complémentaire de santé.
Concrètement, près de 27 % des patients en optique et 57 % en audiologie n’ont pas accès au tiers payant intégral. Pour les Français les plus fragiles, cette avance de frais peut constituer un motif de renoncement aux soins, contre lequel le 100 % Santé doit justement permettre de lutter.
Alors que certains organismes de complémentaire santé font de l’accès au tiers payant intégral un enjeu commercial et prudentiel, de nombreux bénéficiaires d’équipements inclus dans le 100 % Santé risquent de ne pas pouvoir en bénéficier. En effet, dans le cadre du contrat solidaire et responsable, les organismes complémentaires ont pour seule obligation d’assurer le tiers payant sur le ticket modérateur.
C’est pourquoi le présent amendement vise à conditionner les avantages fiscaux accordés aux complémentaires de santé à la pratique du tiers payant intégral. Il tend également à prévoir des sanctions en cas de non-respect de cette obligation, tant pour les complémentaires que pour les professionnels de santé.
De telles dispositions sont nécessaires pour assurer le plein succès de la lutte contre le renoncement aux soins pour des raisons financières ; c’était un engagement fort du Président de la République.
M. le président. L’amendement n° 66 rectifié ter, présenté par Mme Deseyne, M. Cambon, Mme Lassarade, MM. Boré, Le Rudulier et Panunzi, Mme Belrhiti, MM. B. Fournier, Houpert et Grosperrin, Mme Dumas, MM. Duplomb, Cardoux et Brisson, Mmes Deromedi et Gruny, MM. Piednoir, Bascher et Meurant, Mme Thomas, M. Bonhomme, Mme Chauvin, MM. Saury, Mandelli et Savary, Mme Garriaud-Maylam, MM. Daubresse, Pointereau, Gremillet et Regnard et Mme Noël, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le II de l’article L. 862-4 est ainsi modifié :
a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce taux est applicable aux contrats d’assurance maladie complémentaire relatifs à des opérations individuelles et collectives à adhésion obligatoire ou facultative, sous réserve que l’organisme propose aux bénéficiaires dans le cadre de ce contrat la prise en charge intégrale de la prestation adaptation de la prescription médicale de verre correcteur, après réalisation d’un examen de la réfraction, en cas de renouvellement par l’opticien-lunetier d’une ordonnance pour des verres appartenant à une classe autre que les classes à prise en charge renforcée définies en application du deuxième alinéa de l’article L. 165-1 du présent code. » ;
b) Au dernier alinéa, remplacer les mots : « deuxième ou troisième » par les mots : « deuxième, troisième ou quatrième » ;
2° Après la deuxième phrase du dernier alinéa de l’article L. 871-1, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ces règles fixent les conditions de la prise en charge intégrale de la prestation adaptation de la prescription médicale de verre correcteur, après réalisation d’un examen de la réfraction, en cas de renouvellement par l’opticien-lunetier d’une ordonnance pour des verres appartenant à une classe autre que les classes à prise en charge renforcée définies en application du deuxième alinéa de l’article L. 165-1 du présent code. »
La parole est à Mme Chantal Deseyne.
Mme Chantal Deseyne. La réforme du 100 % Santé a créé une prestation permettant aux opticiens-lunetiers de renouveler les ordonnances en adaptant la correction de leurs patients après la réalisation d’un examen de la réfraction.
Cette prestation participe très largement à l’amélioration de l’accès aux soins visuels, puisqu’elle donne lieu à un remboursement à 100 %, dans le cadre du panier de soins.
Cependant, cette même prestation n’est plus remboursée par les organismes complémentaires lorsqu’elle donne lieu à la délivrance d’un équipement en dehors du 100 % Santé, ce qui est tout à fait incompréhensible.
Cet amendement vise donc à généraliser la prise en charge de cette prestation dans le cadre des contrats solidaires et responsables.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 65 rectifié ter est présenté par Mme Deseyne, M. Cambon, Mme Lassarade, MM. Boré, Le Rudulier et Panunzi, Mme Belrhiti, MM. B. Fournier, Houpert et Grosperrin, Mmes Dumas et Deromedi, MM. Brisson, Cardoux et Duplomb, Mme Gruny, MM. Piednoir, Bascher et Meurant, Mme Thomas, M. Bonhomme, Mme Chauvin, MM. Saury, Rapin, Mandelli et Savary, Mmes Di Folco et Garriaud-Maylam, MM. Daubresse et Pointereau, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Gremillet et Regnard et Mme Noël.
L’amendement n° 232 rectifié quinquies est présenté par M. Chasseing, Mme Mélot, MM. Capus, Decool, Guerriau, Lagourgue, A. Marc, Médevielle et Menonville, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Guillotin, MM. E. Blanc et Pellevat, Mme Joseph, MM. Bonne, Perrin, Rietmann et Fialaire et Mme N. Delattre.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article L. 862-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce taux est applicable aux contrats d’assurance maladie complémentaire relatifs à des opérations individuelles et collectives à adhésion obligatoire ou facultative, sous réserve que l’organisme ne module pas, au-delà d’un seuil fixé par décret et au titre de ce contrat, le niveau de prise en charge des actes et prestations médicaux en fonction du choix de l’assuré de recourir ou non à tout professionnel de santé ayant conclu une convention mentionnée à l’article L. 863-8. » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « deuxième ou troisième » sont remplacés par les mots : « deuxième, troisième ou quatrième ».
La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l’amendement n° 65 rectifié ter.
Mme Chantal Deseyne. Cet amendement vise à encadrer la pratique du remboursement différencié dans le cadre du contrat solidaire et responsable.
Cette pratique permet aux complémentaires de moins bien rembourser leurs assurés qui ne se rendraient pas chez un professionnel de santé affilié à leur réseau de soins, y compris lorsque celui-ci est leur professionnel de santé habituel.
Le niveau de remboursement des assurés peut varier, par conséquent, du simple au double chez certaines complémentaires de santé. Par ailleurs, cette pratique va à l’encontre des objectifs fixés par la loi.
Cet amendement a donc pour objet d’apporter des conditions aux avantages fiscaux accordés aux complémentaires de santé, en limitant le niveau possible de différenciation des remboursements dans et hors réseau de soins.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 232 rectifié quinquies.
M. Daniel Chasseing. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit ici de majorer de 7 points la taxe de solidarité additionnelle, la TSA, pour les OCAM qui proposent des différenciations, notamment sur le tiers payant et le 100 % Santé sur les lunettes.
La commission a émis un avis de sagesse sur ces amendements. Je préciserai cependant que, à force de vouloir se mêler de la gestion des OCAM, nous pourrions nous poser la question de savoir s’il faut les maintenir, et s’il ne faudrait pas les intégrer complètement dans la sécurité sociale.
C’est ce que proposent certains d’entre nous, depuis fort longtemps. Monsieur le ministre, nous pourrions récupérer des sommes importantes sur les frais de gestion. La gestion de la sécurité sociale – il faut s’en louer – est beaucoup moins onéreuse que celle des OCAM. Certains professeurs éminents ont calculé que cette intégration pouvait rapporter à la collectivité nationale 6 milliards d’euros.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Et même 7 milliards d’euros !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas rien !
J’émets donc un avis de sagesse sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Discriminer les contrats en fonction du recours, ou non, à un réseau de soins ne nous paraît pas souhaitable, les réseaux de soins autorisant régulièrement des économies d’échelle qui nous paraissent intéressantes.
L’adoption de l’amendement no 66 rectifié ter reviendrait à mettre en cause l’équilibre de négociation trouvé avec les OCAM dans le cadre de la mise en œuvre du reste à charge zéro. Nous ne souhaitons pas contrarier, si vous me passez l’expression, cet équilibre de négociation.
S’agissant de l’amendement no 238 rectifié bis présenté par M. Chasseing, il est satisfait par l’article 33 quater, introduit à l’Assemblée nationale par l’adoption d’un amendement de Mme Firmin-Le Bodo. Je précise d’emblée que Mme la rapporteure Doineau a déposé sur cet article 33 quater un amendement auquel le Gouvernement sera favorable : l’article ainsi modifié sera plus opportun et couvrira totalement l’objectif du sénateur Chasseing.
Aussi, le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement no 238 rectifié bis et émet un avis défavorable sur les amendements suivants.
M. le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 238 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 238 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3, et les amendements identiques nos 65 rectifié ter et 232 rectifié quinquies n’ont plus d’objet.
Article 4
I. – Par dérogation à l’article L. 14-10-1 et au IV de l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles, et à titre exceptionnel pour 2020, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie finance une aide aux départements pour le financement de la prime exceptionnelle mentionnée à l’article 11 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 pour les personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile relevant des 6° et 7° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, dans la limite de 80 millions d’euros.
Cette aide est financée par des crédits prélevés, pour une partie, sur ceux mentionnés au c de l’article L. 14-10-9 du même code et, pour le solde, par les fonds propres de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Elle est répartie entre les départements en fonction des dernières données disponibles portant sur le volume total d’activité réalisée par les services d’aide et d’accompagnement à domicile au titre des allocations prévues aux articles L. 231-1, L. 232-1 et L. 245-1 dudit code. Elle est versée aux départements dans la limite de la moitié du montant de prime exceptionnelle financé par chacun d’entre eux.
II. – Le XI de l’article 25 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 est abrogé.
III (nouveau). – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er mars 2021, un rapport d’information sur l’attribution de l’aide mentionnée au I du présent article, précisant les ventilations entre les publics notamment et plus largement les personnels mentionnés au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles ainsi que les départements bénéficiaires.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, sur l’article.
Mme Michelle Meunier. Décidément, 2020 est une année très particulière !
La survenue de la pandémie a bousculé le quotidien des Françaises et des Français. Des expressions nouvelles sont apparues : la « première ligne » et la « deuxième ligne », expressions qui filent la métaphore guerrière du Président de la République, par opposition à celles et ceux qui se retranchaient à leur domicile pour contenir la propagation du virus.
Certains métiers sont soudainement apparus comme essentiels à celui qui n’avait d’yeux que pour « les premiers de cordée »… En première ligne se trouvent les soignantes et les soignants des hôpitaux, applaudis, mais aussi les employés de l’aide à domicile, indispensables pour pallier la perte d’autonomie de ceux qui vieillissent chez eux, ou encore les auxiliaires du quotidien des personnes en situation de handicap.
L’attribution d’une prime covid pour rétribuer ses personnels a pris du temps. La doctrine, le « quoi qu’il en coûte », est plus simple à formuler qu’à appliquer. Un accord conclu en août dernier entre l’État et les départements de France a abouti à une prise en charge de la prime covid pour les personnels de l’aide à domicile. Quatre-vingts millions d’euros y seront consacrés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, en contrepartie du même effort consenti par les conseils départementaux.
Les socialistes soutiendront ce financement de la prime covid, par égard pour les salariés mobilisés, mais nous formulons des remarques. Son financement repose sur les 50 millions d’euros des crédits qui avaient été ouverts afin d’esquisser une réforme du financement de l’aide à domicile et des services d’accompagnement et d’aide à domicile, les SAAD.
L’abandon de cette expérimentation n’est pas un bon signal au regard du chantier de l’autonomie qui est devant nous. Nous avions proposé un amendement pour ne pas y renoncer, mais il a été jugé irrecevable.
Pour nous, cette rallonge de 80 millions d’euros est clairement insuffisante au regard de l’ensemble des surcoûts rencontrés par les services d’aide à domicile, difficilement équipés en masques par les dotations des ARS.
Les associations elles-mêmes ont engagé des frais imprévus pour acheter des gants, des masques et des surblouses, et ainsi protéger le personnel, en même temps que leurs recettes diminuaient. Les représentants des SAAD estiment à 265 millions d’euros le besoin de financement nécessaire pour équilibrer les dépenses engagées durant la crise. Nous sommes loin du compte !
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, sur l’article.
Mme Monique Lubin. Sur le même sujet, je ferai simplement remarquer que les départements, pour la plupart, se sont prononcés bien en amont sur le versement de la prime aux personnels dont vient de parler ma collègue Michèle Meunier.
Nous n’avons pas attendu, malgré les difficultés que nous pouvons éprouver dans certains départements, et bien que l’État nous soit encore très fortement redevable, au regard de toutes les allocations individuelles que nous versons et qui sont loin d’être compensées. Ce retard est certes très ancien, mais aucun gouvernement – celui-ci non plus – ne l’a rattrapé.
Le Gouvernement a suivi, en prévoyant cette aide qui est insuffisante. Cependant, j’irai plus loin. Ce n’est pas une aide complémentaire que nous sollicitons, mais tout simplement un budget annuel pérenne, nécessaire, pour aider les départements à augmenter les salaires de toutes les aides à domicile de manière durable.
Il n’est plus possible de continuer ainsi ! Nous allons travailler, espérons-le, sur une loi relative à la dépendance et à l’autonomie. Nous savons que le maintien de l’autonomie passe par le maintien à domicile. Sans ces personnes, nous ne pouvons rien faire. Ainsi, nous souhaitons insister sur ce sujet, et je pense que, sur ces travées, nous sommes à peu près tous d’accord.
M. le président. L’amendement n° 947, présenté par Mme Poncet Monge, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après les mots :
L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles
insérer les mots :
et pour les assistants familiaux relevant de l’article L. 421-2 du même code
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je suis quelque peu gêné !
En effet, je suis évidemment favorable à ce que les assistants familiaux bénéficient d’une prime exceptionnelle, mais l’élargissement prévu par cet amendement est à enveloppe constante – c’est d’ailleurs pour cette raison que la commission des finances, contrairement à ce que nous pensions au début, l’a déclaré recevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
De ce fait, l’adoption de cet amendement entraînerait une diminution de la prime pour les aides à domicile. Je ne suis pas certain que c’est ce que souhaitent les auteurs de l’amendement… Vous le savez, nous n’avons pas le pouvoir d’élargir l’enveloppe ; seul le Gouvernement peut en prendre l’initiative.
C’est pourquoi, alors même que je suis favorable à l’élargissement de la prime aux assistants familiaux, je ne puis qu’être défavorable à cet amendement, sauf si le Gouvernement décide d’augmenter l’enveloppe…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Mon avis sera défavorable, monsieur le président, mais avant de m’en expliquer, je voudrais répondre aux deux sénatrices qui se sont exprimées sur l’article.
Dès le mois de juillet dernier, nous avons eu, comme vous, des remontées de terrain. Vous savez, nous ne sommes pas hors sol. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Je connais d’ailleurs assez bien le secteur des soins à domicile, puisque j’y ai travaillé il y a longtemps. Nous savions donc parfaitement qu’il fallait faire quelque chose et qu’une prime covid était due à ces professionnels. Pour autant, il ne vous a pas non plus échappé que ce sont les départements qui sont les employeurs de ces associations.
Certains départements n’avaient d’ailleurs pas attendu pour prendre des décisions, mais force est de constater que, début juillet, seuls dix-neuf d’entre eux, sur les cent départements métropolitains, l’avaient fait, même si d’autres y réfléchissaient.
C’est pourquoi j’ai engagé des négociations avec Dominique Bussereau et Frédéric Bierry en tant que représentants de l’Assemblée des départements de France. L’État s’est ainsi engagé à compenser aux départements le versement d’une prime aux professionnels des services à domicile, lorsque celle-ci s’élève au minimum à 1 000 euros.
J’ajoute que cette prime nous apparaît comme tout à fait légitime et que c’est la première fois que l’État intervient dans ce secteur, qui n’est pas de sa compétence.
Je demande très régulièrement des informations sur l’état de la situation, et, à ce jour, plus de quatre-vingt-cinq départements ont décidé de verser cette prime.
Par ailleurs, certains départements ont versé une prime à d’autres professionnels du secteur médico-social, hors du champ des services à domicile.
J’en reviens à l’amendement n° 947, qui vise les assistants familiaux, c’est-à-dire des personnes qui ne s’occupent pas de personnes âgées ou handicapées. Or l’article 4 du projet de loi concerne la branche autonomie.
Plus généralement, il faut savoir que les primes destinées aux assistants familiaux sont défiscalisées et exonérées de charges sociales dans le cadre de l’article 11 de la loi de finances rectificative d’avril dernier. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. René-Paul Savary. Complètement hors-sol !
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je suis très étonnée, parce que le groupe CRCE avait déposé un amendement qui allait dans le même sens, mais qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40. Y aurait-il deux poids deux mesures dans cet hémicycle ? (Mme la présidente de la commission des affaires sociales le conteste.) Je ne comprends pas bien la manière dont les choses se sont passées. Il faudra tout de même que l’on m’explique ! En tout cas, cela nous permet de discuter de ce sujet.
Quoi qu’il en soit, puisque nous avions déposé un amendement quasiment identique, nous sommes évidemment favorables à cette mesure.
Nous savons bien que la question des primes a beaucoup divisé les soignants et les professionnels du médico-social, notamment parce qu’elles sont attribuées à certains et pas d’autres. En outre, les primes ne comptent pas dans le calcul des retraites. C’est pour ces raisons que, en ce qui nous concerne, nous préférons des augmentations de salaire.
En tout cas, je regrette qu’une nouvelle fois les départements aient été obligés de mettre la main à la poche,…
Mme Cathy Apourceau-Poly. … ce qui pose encore et toujours la question de l’égalité de traitement. En effet, les aides à domicile qui travaillent dans le Pas-de-Calais et ceux qui travaillent dans les Bouches-du-Rhône ne touchent pas nécessairement la même prime.
Vous nous dites, madame la ministre, que la situation est différente pour les assistants familiaux, mais c’est pourtant exactement la même chose ! Nous savons tous qu’ils gardent des enfants dans des conditions parfois difficiles. Dans mon département, qui est aussi le vôtre, madame la ministre, il y a près de 7 000 enfants placés. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Les assistants familiaux s’occupent d’enfants, parfois en situation de handicap, qui n’ont pas pu voir leur famille pendant un moment.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Cathy Apourceau-Poly. La situation a été extrêmement difficile, et je regrette que les réponses n’aient été à la hauteur de cette situation.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Ce débat est très intéressant.
Tout d’abord, nous ne sommes pas favorables à ce que des primes, que ce soit la prime Macron ou la prime covid, soient défiscalisées et exonérées de charges sociales, parce que cela prive la sécurité sociale de ressources – la compensation est une autre question.
Ensuite, les primes ne remplacent effectivement pas une revalorisation salariale, parce que, après leur versement, les professionnels qui ont eu la chance de les toucher retrouvent leur niveau antérieur de rémunération. Or je rappelle que les aides à domicile sont des travailleurs pauvres. Une prime ne peut donc absolument pas être un solde de tout compte !
Surtout, une prime facultative et cofinancée est profondément inégalitaire, puisqu’elle varie selon les territoires et les secteurs d’activité, ce qui entraîne frustration et colère. En effet, tous les départements – il arrive que leur épargne nette soit négative… – n’ont pas la capacité de participer à son financement, même si certains de ceux qui sont dans une situation difficile l’ont fait malgré tout.
Dans le cas de cette prime, aucun financement n’a été demandé aux départements lorsqu’elle était versée dans les établissements médico-sociaux.
Ainsi, pour les Ehpad, il n’y a eu aucun reste à charge – c’est tant mieux ! –, et les professionnels des services à domicile, qui étaient tout autant en première ligne, ont naturellement demandé la même chose. Mais pour eux la prime était facultative et cofinancée, ce qui est évidemment un facteur d’inégalité et de mécontentement. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je vous donne un exemple : la métropole de Lyon a accordé une prime de 1 500 euros aux services à domicile, en se calquant sur ce qu’avaient reçu les services de soins infirmiers à domicile.