Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur Dominique Théophile, je vous remercie de porter dans cet hémicycle le beau sujet de la maternité, de la parentalité et le rôle que les maisons de naissance peuvent y jouer. Nous aurons l’occasion d’en reparler, vous l’avez évoqué, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, la semaine prochaine.
Vous l’avez rappelé, sur la base des résultats de l’expérimentation menée depuis 2016, le Gouvernement a décidé de pérenniser et d’étendre les maisons de naissance, dont l’esprit est de permettre la réalisation du suivi de la grossesse et de l’accouchement, sous la responsabilité des sages-femmes, dans le respect de leur champ de compétence et dans le cadre d’une approche respectueuse de la physiologie de la naissance et soucieuse de l’accompagnement à la parentalité. J’y suis très attaché, vous le savez, notamment dans le cadre du projet concernant les mille premiers jours de l’enfant.
Vous abordez la question de la gestion administrative et financière des maisons de naissance par les sages-femmes. J’aimerais vous rassurer sur nos intentions.
L’expérimentation préalable des maisons de naissance a démontré que l’implication d’autres professionnels en matière de gestion administrative et financière pouvait avoir une valeur ajoutée pour ces structures. Imposer une gestion administrative et financière uniquement assurée par les sages-femmes, qui ne sont pas toujours formées sur ces champs, présente, nous semble-t-il, le risque de faire obstacle à la mise en place de partenariats qui pourraient s’avérer pertinents, féconds pour le fonctionnement de certains projets.
Les modalités de généralisation des maisons de naissance ne s’opposent pas à ce que leur direction administrative et financière soit assurée par les sages-femmes, mais il ne semble pas opportun de l’imposer de façon exclusive pour autant.
Voilà quelques éléments de réponse, avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale la semaine prochaine.
Mme le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour la réplique.
M. Dominique Théophile. Nous menons depuis l’année dernière un combat pour pérenniser ces maisons de naissance. La question, fondamentale, porte sur la gestion. Il s’agit d’éviter que des investisseurs puissent ouvrir des maisons de naissance et que les sages-femmes se retrouvent de simples salariées. Pour protéger ce type d’expérimentation, il faut confier aux seules sages-femmes l’ouverture des maisons de naissance.
conditions sanitaires dans la nièvre
Mme le président. La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 1297, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Patrice Joly. Je voudrais une nouvelle fois appeler l’attention du Gouvernement sur le désarroi de la population nivernaise au regard de la situation sanitaire délicate que connaît notre département. Cette situation tient à plusieurs causes.
Le nombre de médecins généralistes est insuffisant sur ce territoire, sachant que les deux tiers d’entre eux ont plus de 55 ans et que la problématique est encore devant nous… Entre 2010 et 2017, le nombre de médecins a diminué de 27 % dans la Nièvre. C’est l’une des plus fortes baisses de médecins généralistes constatées en France.
Aujourd’hui, il y a moins de sept médecins généralistes pour 10 000 habitants, avec une répartition qui n’est pas homogène sur le territoire. Ces inégalités territoriales accentuent les inégalités sociales d’accès aux soins. D’ailleurs, l’indicateur d’accessibilité potentielle localisée, qui mesure l’activité et le temps d’accès aux médecins, ainsi que la consommation de soins de chaque habitant sur un territoire donné, est inférieur à 2,5 consultations par an et par habitant dans la Nièvre, alors qu’il est de 3,93 au niveau national. Ce chiffre ne cesse de baisser. C’est, je le répète, l’un des plus faibles de France. Ce constat génère un sentiment d’abandon des habitants de notre territoire et donne un goût amer d’injustice et d’iniquité.
Aujourd’hui, plusieurs situations sanitaires ne sont pas traitées dans le département, alors qu’elles nécessitent des solutions urgentes.
J’évoquerai d’abord la reconstruction d’un pôle de santé à Cosne-sur-Loire à la suite de la fermeture de la clinique privée l’an dernier. Elle constitue une réponse sanitaire pour plus de 100 000 personnes, selon une étude réalisée par l’ARS.
J’insiste ensuite sur le recrutement effectif d’un médecin salarié à Château-Chinon dans les plus brefs délais, dans le cadre du dispositif « 400 médecins salariés », comme l’avait annoncé la précédente ministre de la santé. Dans les prochaines semaines, il risque en effet de n’y avoir plus qu’un seul médecin libéral sur le territoire, pour une population évaluée à 7 000 habitants. Je rappelle que notre territoire s’était retrouvé, il y a cinq ans, sans médecin libéral pendant plusieurs semaines.
Je pense encore à l’accélération de la réalisation des travaux annoncés dans certains établissements hospitaliers, notamment à l’hôpital de proximité de Château-Chinon.
S’y ajoute, dans la crise sanitaire actuelle, la difficulté à réaliser des tests et à obtenir les résultats ; il faut jusqu’à cinq jours pour passer les tests et autant voire plus pour obtenir les résultats.
Tout cela explique en partie que l’espérance de vie dans la Nièvre soit l’une des plus faibles de France : quatre ans de moins. C’est injuste et inacceptable !
Monsieur le secrétaire d’État, quelles actions concrètes entendez-vous mettre en œuvre, dans les plus brefs délais, en vue de mettre fin à cette situation intolérable, injuste et inéquitable pour les Nivernais ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le sénateur Patrice Joly, je ne voudrais pas que les Nivernais ressentent ce sentiment d’injustice et d’iniquité que vous évoquez. Le Gouvernement a évidemment conscience des difficultés rencontrées par le département, mais j’aimerais aussi mettre en valeur les actions entreprises par le Gouvernement avec les acteurs locaux, la communauté professionnelle, ainsi que les réussites.
Les dispositions de la stratégie nationale « Ma santé 2022 » font l’objet d’un déploiement dans l’ensemble de la région Bourgogne-Franche-Comté, notamment dans la Nièvre. À ce titre, plusieurs projets ont été engagés avec succès dans le département pour améliorer l’accès aux soins.
Une première CPTS a été créée pour le territoire Loire-Val d’Yonne-Morvan ; un second projet est en cours dans le sud du département. Une révision régulière du zonage médecin a permis depuis 2017 de conclure 75 contrats d’aide avec des praticiens nivernais, dont 23 contrats d’aide à l’installation. La construction d’un nouvel internat au centre hospitalier de Nevers pour l’accueil de 40 étudiants, ainsi que l’ouverture d’une première année de médecine à Nevers, suivie par 29 étudiants, sont autant de dispositifs permettant par ailleurs de faire connaître le département aux futurs jeunes praticiens.
En outre, l’offre de soins ambulatoires se structure, avec la mise en place d’un dispositif d’appui à la coordination, afin d’apporter des réponses concrètes aux professionnels de santé, sociaux et médico-sociaux pour les prises en charge complexes des patients.
Un projet territorial a été signé pour mieux articuler la prise en charge des patients dans le secteur de la santé mentale.
La situation du pôle santé de Cosne-sur-Loire fait l’objet d’une attention particulière et permanente de la part de l’agence régionale de santé, qui, en lien avec le centre hospitalier de l’agglomération nivernaise, travaille pour maintenir une activité nécessaire sur ce bassin de population, s’agissant notamment de l’imagerie.
Concernant l’hôpital de proximité de Château-Chinon, l’ARS accompagne l’établissement, vous l’avez évoqué, en modernisant la structure avec la construction d’une extension.
Par ailleurs, toutes les solutions sont recherchées, car le sujet n’est pas simple, pour recruter un médecin supplémentaire. Ce travail est réalisé en lien avec les élus locaux et avec la CPTS existante. Des travaux sont également menés pour ramener du temps médical dans le département. Ces efforts devraient aboutir dans les mois qui viennent, en tout cas, nous nous y efforçons.
Vous le voyez, les difficultés des départements sont connues, partagées avec celles que vous exprimiez et se traduisent par la pleine mobilisation par l’État des dispositifs d’accompagnement existants. C’est aussi à ce titre que j’ai souhaité revenir sur ceux qui sont tout de même des réussites pour le département, même si des efforts et des travaux doivent encore être menés. Nous avons fait le choix de la confiance aux acteurs pour innover et mettre en place des solutions adaptées au contexte local.
bulletin de paie unique pour les contrats courts à cheval sur deux mois
Mme le président. La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la question n° 1250, transmise à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Françoise Férat. Le Parlement a voté en août 2018, dans la loi Essoc, la possibilité pour les employeurs de main-d’œuvre occasionnelle d’émettre un bulletin de paie unique lorsque le contrat de travail qui s’y rattache est établi à cheval sur deux mois civils. Par exemple, dans mon département, en Champagne, les vendanges ont débuté le 24 août et se sont terminées début septembre, soit deux bulletins de paie pour moins d’un mois de travail.
Deux ans plus tard, où en sommes-nous ? Seul l’outil de paie proposé par la MSA permet la réalisation d’un bulletin de paie unique. Pour les autres employeurs, c’est impossible ! Il faut que le pouvoir réglementaire et l’administration trouvent une solution simple et efficace. Inculquons du bon sens à l’ordinateur, simplifions la charge administrative des employeurs, réduisons les surcoûts de paperasse : la loi vous y oblige depuis deux ans maintenant !
Peut-on trouver une solution technique simple pour les prochains saisonniers ? Leurs employeurs vous en seront reconnaissants. Somme toute, il suffirait simplement d’appliquer la loi…
Mettons en place le bulletin de paie unique pour les contrats de courte durée étalés sur deux mois civils.
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Madame la sénatrice Françoise Férat, nous partageons votre souci de rationalisation et de simplification de l’ensemble des démarches pour nos administrés, qu’ils soient particuliers ou employeurs. Tel est le sens d’un certain nombre de lois et de dispositions qui ont été prises par le Gouvernement et par des gouvernements précédents.
Plus précisément, depuis la généralisation de la déclaration sociale nominative, la DSN, chaque employeur, quelle que soit la taille de l’entreprise, doit effectuer cette déclaration unique en matière de données sociales et la transmettre après l’établissement de la paie de chaque mois. Ce principe structurant est l’aboutissement des travaux de simplification et de rationalisation des démarches sociales des employeurs.
Soucieux de poursuivre cette rationalisation de la gestion par les entreprises de leurs obligations sociales, le Gouvernement a apporté certaines simplifications. À cet égard, la remise d’un bulletin de paie unique pour les contrats inframensuels à cheval sur deux mois civils que vous évoquiez est effectivement permise depuis la loi Essoc.
Toutefois, cette loi n’autorise pas à déroger à la périodicité de versement des salaires non plus qu’à celle de déclaration des droits des salariés aux organismes sociaux.
En effet, les données de la DSN doivent être transmises chaque mois à chaque organisme susceptible de verser des prestations aux assurés sociaux, que ce soit au titre du risque maladie, de la vieillesse, de la retraite ou du chômage, et ce, afin de mettre à jour les droits.
Autoriser à payer une seule fois le salarié ou à déclarer une seule fois les droits à la fin du contrat aurait par conséquent des répercussions défavorables très concrètes pour ces derniers. C’est la raison pour laquelle la loi n’a pas permis une telle dérogation.
Aussi, afin de garantir les droits des salariés, d’éviter toute rupture des droits et de permettre un calcul des prestations dues dans des délais brefs, il reste nécessaire, madame la sénatrice, de transmettre une DSN chaque mois civil. C’est pourquoi il est impossible de modifier le cahier des charges de la DSN sur ce point.
Mme le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour la réplique.
Mme Françoise Férat. Il n’est pas question de déroger à la loi. Les Champenois connaissent parfaitement la DSN. La MSA peut faire ce genre de bulletin de paie : c’est bien la preuve que ce n’est pas une prouesse technique.
Je sais bien que ce n’est pas votre domaine d’expertise, monsieur le secrétaire d’État, mais soyez mon porte-parole. Dans la mesure où l’on réussit à mettre en place de tels bulletins de paie dans une administration, je ne peux pas croire ce qui vient d’être dit, et je suis réellement désolée qu’on ne puisse pas aller au-delà dans notre pays. De fait, la loi n’est pas respectée.
Soyez assuré que je reviendrai inlassablement sur ce point, car votre réponse n’est vraiment pas convaincante : il n’est pas question de déroger à la déclaration.
difficultés liées à l’agence de services et de paiement
Mme le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, auteure de la question n° 1294, adressée à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Mme Marta de Cidrac. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur un problème constaté au sein des missions locales provenant de l’Agence de services et de paiement, l’ASP, et provoquant à ce jour le blocage de plus de 3 200 dossiers de jeunes en Île-de-France.
Il y a plusieurs mois, le Gouvernement présentait une stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté qui misait sur la prévention de l’exclusion et sur l’inclusion vers l’emploi.
Les missions locales sont chargées de mettre en place des actions qui répondent à ces axes de travail, à savoir : repérer et accompagner les jeunes dits « invisibles », innover, expérimenter de nouvelles modalités d’insertion dans le cadre du Plan d’investissement dans les compétences, le PIC, et poursuivre le développement de parcours d’accompagnement adaptés aux besoins de chaque jeune en évitant les ruptures, notamment celles qui sont liées à une trop grande précarité.
Pour cela, les missions locales disposent d’enveloppes permettant de soutenir les parcours en vue d’une insertion durable. Ces enveloppes versées aux jeunes servent par exemple à financer des frais de formation, l’achat de matériel, de tenues professionnelles ou encore la préparation du permis de conduire.
Les missions locales, en particulier celle que je préside, DynamJeunes, à Saint-Germain-en-Laye, font remonter tous les mois à l’Agence de services et de paiement la liste des allocations dont le versement est indispensable au maintien de la dynamique de parcours de nos jeunes.
Or les dysfonctionnements importants de l’ASP mettent en grande difficulté 7 % à 10 % des jeunes que nous accompagnons, les exposant au risque d’une rupture de parcours – perte récurrente de dossiers, absence de traitement dans les délais, procédures administratives totalement dépassées, etc.
Cet état de fait entraîne de surcroît des situations de violence de certains jeunes qui voient leur parcours s’effondrer.
Cette difficulté a été remontée de nombreuses fois aux services de l’État, mais cela reste pour le moment sans effet, madame la ministre. Ce dysfonctionnement n’est pas à la hauteur des enjeux du plan pour notre jeunesse la plus précaire.
Madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement concernant ce dysfonctionnement totalement inadmissible ? Que comptez-vous mettre en place pour y remédier ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion. Madame la sénatrice Marta de Cidrac, je connais votre investissement dans l’insertion professionnelle de notre jeunesse, et je tiens à le saluer.
Je souhaite vous apporter plusieurs éléments d’éclairage sur le pilotage et sur le suivi des allocations versées par l’Agence de services et de paiement aux jeunes identifiés par les missions locales d’Île-de-France.
Permettez-moi d’abord d’indiquer que les services de l’État sont pleinement investis dans ce pilotage et ce suivi. En effet, des échanges très réguliers sont conduits entre la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la Direccte, l’ASP et les missions locales pour lever les différentes difficultés qui sont rencontrées.
Chaque mois, un relevé des anomalies qui apparaissent dans le paiement des allocations des jeunes d’Île-de-France est partagé entre les services de l’État, l’association régionale des missions locales et la direction régionale de l’ASP.
L’ASP transmet alors aux missions locales une version mise à jour du fichier des anomalies rencontrées afin que celles-ci puissent les traiter et y remédier.
En sus de ce suivi extrêmement régulier, d’autres échanges sont organisés pour répondre aux problèmes rencontrés par les acteurs sur le terrain. D’abord, un accueil téléphonique dédié aux missions locales est ouvert par l’ASP depuis le 31 août afin de répondre à des questions spécifiques sur des dossiers. Cette ligne directe entre les missions locales et l’ASP est un élément clé dans la résolution des problèmes que peuvent rencontrer les missions locales.
Par ailleurs, une réunion annuelle associant l’ASP, les missions locales et la Direccte est également organisée pour informer les missions locales et échanger avec elles sur les procédures de paiement. Dans la majorité des cas, le décalage des paiements est dû à des absences de pièces justificatives. Dès lors que les pièces sont intégralement fournies, le jeune est payé sous huit jours.
Tout est donc mis en œuvre pour fluidifier les échanges entre les services et faciliter la régularisation des versements d’allocations. Le cas échéant, madame la sénatrice, je resterai pleinement à votre écoute sur ce dossier.
Mme le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour la réplique.
Mme Marta de Cidrac. Madame la ministre déléguée, je vous remercie pour votre réponse. Toutefois – vous vous en doutez –, elle ne me satisfait pas pleinement.
En tant que présidente de DynamJeunes à Saint-Germain-en-Laye, je vous assure que les chiffres que j’ai cités sont réels : aujourd’hui, entre 7 et 10 % de nos jeunes ne reçoivent pas ce que nous leur devons collectivement pour qu’ils puissent s’en sortir.
Vous évoquiez effectivement un délai de huit jours : celui-ci n’est pas respecté chez nous.
Mme le président. Merci, ma chère collègue.
Mme Marta de Cidrac. Je compte donc sur votre mobilisation pour nous permettre d’avancer.
compte personnel de formation
Mme le président. La parole est à Mme Sabine Drexler, auteure de la question n° 1330, adressée à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
Mme Sabine Drexler. Madame la ministre déléguée, je souhaite vous alerter sur la nécessité de reporter l’échéance impartie aux salariés pour inscrire leurs droits acquis au titre du droit individuel à la formation, le DIF, dans le compte personnel de formation, le CPF.
Le 24 octobre dernier, lors des débats relatifs au projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire à l’Assemblée nationale, vous avez fait adopter un amendement – que le Sénat a également voté – pour repousser cette date butoir de six mois.
Si l’on ne peut que s’en féliciter, nous regrettons toutefois que ce délai soit si court. En effet, nous n’avons pas de visibilité sur la durée de la crise sanitaire. De nombreux experts, mais aussi le Président de la République, pensent qu’elle devrait durer au minimum jusqu’à l’été 2021. Sans doute aurait-il été plus judicieux de repousser d’une année cette échéance.
Cette crise sanitaire aura des conséquences sociales et économiques très lourdes, qui conduiront de très nombreux actifs à utiliser leur droit à la formation pour des reconversions professionnelles.
Mes deux questions sont donc les suivantes, madame la ministre déléguée.
Premièrement, pourriez-vous nous exposer les moyens que votre ministère et la Caisse des dépôts et consignations allez mettre en œuvre d’ici au mois de juin 2021 pour faire connaître cette obligation à tous les salariés et à leurs employeurs afin que les salariés ne perdent pas du jour au lendemain une partie de leurs droits acquis ?
Deuxièmement, si la situation sanitaire perdurait, ce qui pourrait freiner le déploiement d’une campagne de communication massive par vos services, seriez-vous prête à prendre d’autres dispositions pour accorder un nouveau report de cette date ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion. Madame la sénatrice, chère Sabine Drexler, je souhaite d’abord rappeler que ce dispositif a déjà fait l’objet de cinq années de report depuis la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.
Dès le début, cette question a fait l’objet d’une communication importante et régulière de la part de l’État. De plus, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et l’ordonnance du 21 août 2019 ont déjà permis un report d’un an du CPF afin de laisser du temps aux usagers.
Je rappelle aussi que les droits devaient au départ faire l’objet d’une suppression pure et simple s’ils n’étaient pas utilisés. Nous n’avons pas voulu supprimer ces droits, car les travailleurs auraient perdu 4,8 millions d’heures de formation.
C’est pourquoi, depuis l’ordonnance du 21 août 2019, ces droits restent acquis à la seule condition d’avoir été inscrits sur le compte de l’utilisateur. Nous avons à cœur de protéger les droits à la formation acquis par le travail.
La crise sanitaire que nous traversons exige un nouveau report – vous l’avez dit, madame la sénatrice. Ce sera chose faite. L’article 5 du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, que le Sénat vient d’adopter, prévoit le report de l’inscription des droits acquis au titre du DIF au 30 juin de l’année prochaine.
Par ailleurs, une campagne de communication qui n’avait malheureusement pas pu être réalisée pendant le précédent confinement est en cours de finalisation. Dès que la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire sera promulguée, cette campagne de communication sera adressée à l’ensemble des publics concernés, ainsi qu’aux employeurs.
L’objectif que nous visons au travers de cette campagne d’information, dont vous avez justement souligné le caractère essentiel, est de fournir aux utilisateurs comme aux employeurs toute l’information et le temps nécessaires pour que chacun puisse enregistrer ses heures de DIF résiduelles dans « Mon compte formation ».
Madame la sénatrice, le Gouvernement a conscience des préoccupations que vous avez relayées, et nous y répondons.
Mme le président. La parole est à Mme Sabine Drexler, pour la réplique.
Mme Sabine Drexler. Madame la ministre déléguée, depuis le début de la réforme du DIF vers le CPF en 2015, la volonté du législateur a toujours été de préserver les droits acquis des salariés afin de booster la formation continue dans notre pays. Je vous remercie beaucoup de votre réponse.
utilisation des dons versés pour la reconstruction de la cathédrale notre-dame de paris
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteure de la question n° 1319, adressée à Mme la ministre de la culture.
Mme Catherine Dumas. Madame la ministre, la mobilisation qui a suivi l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, survenu le 15 avril 2019, a suscité un élan de générosité exceptionnel.
Dans un rapport publié au mois de septembre 2020, la Cour des comptes relève un manque de transparence dans l’utilisation de ces dons, dont le montant total s’élève à 825 millions d’euros. La Cour note que les modalités de financement de l’établissement public en charge de la maîtrise d’œuvre ne respectent pas les dispositions de la loi du 29 juillet 2019 organisant la souscription nationale.
Les magistrats financiers formulent cinq recommandations pour remédier à cette situation et renforcer la confiance des donateurs. Parmi celles-ci figure la mise en place au sein de l’établissement public d’une comptabilité analytique. Cela permettrait en effet de donner à chacun des organismes collecteurs des dons une information détaillée sur l’emploi des fonds issus de la souscription nationale et répondant aux obligations de la législation française sur la générosité publique ainsi qu’aux règles spécifiques des fondations étrangères.
Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour rassurer les milliers de bienfaiteurs qui ont fait preuve de générosité afin de restaurer ce joyau du patrimoine mondial de l’humanité ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Madame la sénatrice, vous le soulignez, les Françaises et les Français ont été nombreux à se mobiliser financièrement après l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le montant des dons collectés, vous l’avez rappelé, s’élève à 825 millions d’euros.
Le rapport de la Cour des comptes publié il y a quelques semaines formulait cinq recommandations. Quatre d’entre elles – sans doute le Premier président n’en avait-il pas été informé – correspondent à des actions déjà en cours : la mise en place d’une comptabilité analytique, le recollement des objets mobiliers, la réflexion à engager sur la gestion future de la cathédrale et le lancement d’une enquête sur les circonstances dans lesquelles est survenu l’incendie.
Permettez-moi d’indiquer que le Premier président de la Cour des comptes recommande qu’une enquête administrative soit menée, alors qu’une enquête judiciaire, dont la portée est bien supérieure à celle de toute démarche administrative, est déjà en cours.
Concernant la cinquième recommandation, le Gouvernement ne partage absolument pas l’interprétation de la loi du 29 juillet 2019 que formule la Cour : le caractère non détachable des opérations de maîtrise d’ouvrage et du fonctionnement d’un établissement dont c’est la mission statutaire justifie son financement par les dons.
L’État procède en toute transparence sur ce point. Cela avait été clairement énoncé le 10 juillet 2019 en séance publique, ici même, au Sénat, par mon prédécesseur Franck Riester, alors ministre de la culture : « Les fonds issus de la souscription nationale serviront aussi à financer [le] fonctionnement [de l’établissement public]. » C’était parfaitement clair.
Le pilotage des travaux, la passation des marchés, le suivi du bon avancement des nombreuses opérations sont essentiels à la bonne réalisation des travaux et à la tenue des délais. Compte tenu du financement intégral du projet par des donations qui seront concrétisées au fur et à mesure du chantier, la gestion des relations avec ces donateurs et leurs représentants, ainsi que l’information du public, apparaissent également comme participant de cette maîtrise d’ouvrage.
J’ajoute que l’un des éléments principaux du contrat d’objectifs et de performance en préparation sera l’exemplarité de la gestion, dans sa transparence vis-à-vis des donateurs comme dans la maîtrise des coûts de fonctionnement.
L’incendie de Notre-Dame de Paris a donné lieu à une vague de générosité sans précédent pour sauver l’un des monuments historiques les plus emblématiques de notre histoire. Soyez assurée, madame la sénatrice, que le ministère de la culture est pleinement conscient de la responsabilité qui est désormais la sienne pour garantir en toute transparence une utilisation optimale des sommes récoltées en vue d’une restauration de la cathédrale dans les meilleurs délais.