Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Guidez, la collecte et le traitement des pneumatiques usagés sont des préoccupations importantes pour notre ministère et pour l’ensemble des acteurs impliqués dans cette filière. Les objectifs assignés à cette dernière visent à ce que l’équivalent de 100 % des pneumatiques neufs mis sur le marché français puissent être récupérés en pneumatiques usagés par la filière des producteurs. Pour l’instant, seuls 90 % sont collectés chaque année par des organismes tels qu’Aliapur, FRP, Mobivia, qui ont été mis en place depuis 2003 par les principaux manufacturiers et leurs partenaires économiques. Nous devons donc encore progresser.
Pour aller plus loin, les acteurs de la filière ont présenté en juillet 2019 au ministère de la transition écologique un engagement volontaire. Ils ont notamment proposé aux agriculteurs une solution de collecte et de traitement des anciens pneus utilisés pour l’ensilage. Cette opération s’appuie sur l’association Ensivalor et permet d’assurer aujourd’hui la collecte de 2,3 millions de pneus d’ensilage usagés chaque année, ce qui est assez notable.
Les acteurs métropolitains de la filière se sont également engagés dans un soutien opérationnel et technique aux acteurs ultramarins afin de contribuer à l’optimisation de leurs conditions et de leurs performances de recyclage sur ces territoires.
L’une des spécificités de cette filière, que vous avez soulignée, est qu’elle s’adresse principalement aux professionnels de la réparation automobile. C’est assez rare que les particuliers disposent de moyens techniques permettant de changer eux-mêmes les pneumatiques, même si on peut le voir dans certaines régions, où l’hiver est plus rude et où certains particuliers ont des pneus hiver à changer. Il est toutefois possible pour les particuliers d’avoir à gérer le recyclage de leurs pneus.
Il nous appartient, je vous rejoins totalement, de mieux communiquer et de faire connaître, aussi bien aux professionnels qu’aux particuliers, la possibilité de venir déposer des pneumatiques usagés, en lien avec les dispositions de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.
programme syndièse
Mme le président. La parole est à M. Bruno Sido, auteur de la question n° 1284, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Bruno Sido. La pandémie actuelle place la question des mobilités au cœur de nos réflexions. Les usages des moyens de transport s’en trouvent brutalement bouleversés. Nous n’échapperons donc pas, une fois la crise sanitaire jugulée, à des mutations importantes en matière de transport collectif, d’une part, et de transport aérien, d’autre part.
J’ai bien noté que le Gouvernement entendait assortir de conditions environnementales exigeantes le soutien apporté par l’État à Air France. Il a notamment été précisé qu’Air France devait s’engager à réduire de moitié les émissions de CO2 des vols métropolitains à l’horizon de 2024, à renouveler sa flotte pour des avions moins émetteurs de CO2 et à atteindre 2 % de carburants alternatifs durables dès 2025.
La question du carburant sans énergie fossile pose, pour les avions, une question épineuse. Je crois réellement nécessaire de traiter ce sujet avec détermination et volonté.
Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a développé les procédés nécessaires à la production de carburant liquide, du kérosène par exemple, à partir de biomasse forestière, en associant plusieurs briques technologiques autour du procédé bien connu Fischer-Tropsch. Ces travaux ont été menés dans le cadre du programme Syndièse. Ils ont été suspendus en 2016, trop hâtivement, selon moi, au motif d’une baisse du prix du baril de pétrole.
Dans sa vision stratégique sur les sujets de l’énergie et des mobilités, il me semble absolument nécessaire que l’État mobilise le CEA pour que la question du carburant issu de la biomasse forestière soit de nouveau étudiée et que le programme Syndièse soit remis en œuvre et poursuivi sur la plateforme technologique qui lui est dédiée, en Haute-Marne, aux confins de la Meuse. (M. Franck Menonville applaudit.)
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Sido, vous le savez, en tant qu’ancienne rapporteure de la loi d’orientation des mobilités et élue de la Haute-Marne, je suis moi aussi attachée à ces questions.
Le projet Syndièse, lancé par le CEA en 2008, se donnait pour objectif de démontrer l’intérêt technico-économique de produire par une voie thermochimique du carburant de synthèse à partir de ressources forestières locales. La première étape de ce projet a consisté à valider le choix des composants technologiques envisagés. Elle a été menée à son terme en 2015 et s’est traduite par l’achat et la viabilisation par le CEA de trente-cinq hectares dans le territoire de Bure-Saudron pour la mise en place d’une plateforme technologique.
À l’issue de cette première phase et avant d’en lancer une deuxième consistant à construire un pilote préindustriel de fabrication, le CEA a demandé une analyse technico-économique à un cabinet extérieur. Ce dernier a conclu à la non-viabilité économique de ce projet dans le contexte des années 2015. Dans ces conditions, le comité de haut niveau de Cigéo du 16 décembre 2016 a décidé de différer de cinq ans la décision de lancement de la phase 2 et a demandé au CEA de lui présenter une mise à jour des données industrielles et économiques du projet à cet horizon, soit fin 2021.
Outre le projet Syndièse, et dans l’attente de la décision de sa poursuite ou non en 2021, le CEA continue d’instruire d’autres actions de développement économique en Meuse et en Haute-Marne pour répondre par l’innovation aux besoins des territoires et de leurs populations. Le projet Cicéron, plateforme qui vise à produire des pièces métalliques pour les secteurs de l’aéronautique, de la défense et de la santé par une technologie de pointe, à savoir la compression isostatique à chaud, a été inscrit à ce titre dans le projet de développement du territoire signé en octobre dernier avec l’ensemble des parties prenantes.
Concernant les biocarburants aériens, le CEA est également partenaire de l’Ifpen dans le projet BioTFuel, qui vise également à développer un procédé à partir de biomasse ligno-cellulosique par synthèse Fischer-Tropsch, avec un démonstrateur qui est actuellement en fonctionnement et une commercialisation industrielle de la licence prévue en 2021.
Un appel à manifestation d’intérêt est en cours d’instruction pour développer une filière nationale de production de carburant renouvelable pour l’aérien, dans le cadre du pacte productif. Vous pouvez donc compter sur notre engagement dans cette voie.
Mme le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour la réplique.
M. Bruno Sido. Madame la secrétaire d’État, je suis particulièrement heureux que vous m’ayez répondu vous-même. Les Haut-Marnais se retrouvent… Il s’agit d’une véritable question. Le Gouvernement ne peut pas avoir trente-six politiques en la matière. Il y a urgence climatique !
Le CEA a travaillé pour voir comment on pouvait utiliser le bois. Il sait maintenant comment le faire. Aujourd’hui, il faut passer à une expérimentation non pas grandeur réelle, mais au dixième, pour voir si, industriellement, c’est réalisable.
La question économique est autre. Il conviendra de la régler en 2021.
réouverture du train de nuit la palombe bleue
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, auteur de la question n° 1280, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
M. Max Brisson. Ma question concerne les trains de nuit, plus particulièrement La Palombe bleue.
La fermeture de cette ligne en 2017 a été fort controversée. Dès 2019, le Président de la République lui avait d’ailleurs montré tout son attachement en soulignant la nécessité d’investir au profit de cette ligne. Lorsque fut présenté, début septembre, le plan France Relance, la réouverture de deux lignes de train de nuit, à savoir Paris-Nice et Paris-Pau-Lourdes-Tarbes, a été évoquée, sans que soit explicitement citée la liaison avec Hendaye et, donc, avec l’Espagne.
J’apprécie la remise au goût du jour des trains de nuit, dont l’intérêt environnemental est certain. En revanche, je suis beaucoup plus inquiet sur le tracé de La Palombe bleue. Avant que ne commence la construction de la LGV Tours-Bordeaux, elle passait par Bordeaux et Dax, où se produisait une séparation en deux branches, l’une vers Pau et Tarbes, l’autre vers Hendaye. Les horaires de cette ligne étaient tels qu’ils permettaient, dans le sens nord-sud, d’atteindre Hendaye ou Pau et Tarbes tôt le matin et, inversement, d’arriver relativement tôt le matin à Paris, à la satisfaction générale des utilisateurs.
La modification du trajet via le centre de la France après 2011 a conduit à une augmentation considérable de la longueur et de la durée du voyage, faisant perdre à cette ligne son qualificatif de train de nuit, en particulier pour les gares de la Côte basque. Le retour au tracé d’avant 2011 permettrait de desservir à la fois le Pays basque et le Béarn, au moment où les aéroports de Pau et de Biarritz voient leurs liaisons aériennes avec Paris se raréfier de façon inquiétante.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer la reprise des discussions entre l’État et la SNCF sur une réouverture prochaine des trains de nuit ? Pouvez-vous nous assurer que l’option historique, à savoir, à partir de Dax, une rame vers Hendaye et une autre vers Pau et Tarbes, est l’hypothèse privilégiée ? Enfin, pouvez-vous nous indiquer le calendrier de mise en œuvre ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Brisson, je suis très attachée à cette question, car je partage avec vous cet intérêt pour le redéploiement des trains de nuit.
Vous avez notamment appelé l’attention du ministre délégué chargé des transports sur le retour du train de nuit desservant la Côte basque, appelé La Palombe bleue. Le Gouvernement, que je représente aujourd’hui, est tout à fait convaincu de l’intérêt des trains de nuit, car ils constituent une offre de transport écologique et sociale. Il agit donc pour redynamiser cette offre, qui, disons-le, était en voie de disparition.
Tout d’abord, les deux lignes existantes, à savoir Paris-Briançon et Paris-Rodez/Toulouse-Latour-de-Carol/Cerbère, verront leurs matériels roulants rénovés d’ici à 2023. Les voitures devraient être livrées entre le début de l’année 2021 et le milieu de l’année 2023. C’est un investissement de 44 millions d’euros de la part de l’État, pour la rénovation de 71 voitures.
Ensuite, dans le plan de relance, figure une enveloppe de 100 millions d’euros pour permettre la remise en circulation de deux lignes de nuit arrêtées en 2017 sur décision du précédent gouvernement. Il s’agit de la ligne Paris-Nice, qui devrait revoir le jour en 2021, et de la ligne Paris-Tarbes, au service annuel 2022. Les 100 millions d’euros seront alloués à la remise en circulation de matériels de nuit actuellement garés, en complément des 71 voitures précédemment évoquées, ainsi qu’à l’adaptation d’installations de services et à des aménagements en gare nécessaires à l’exploitation de ces trains. L’État travaille avec la SNCF pour préciser ces conditions de remise en circulation.
Vous nous interrogez plus précisément sur la consistance du service Paris-Tarbes, que nous appelons aussi de nos vœux à compter de 2022. Cette offre est en cours de définition et sera, en particulier, liée au calendrier et à la vitesse de remise en état du matériel roulant. Le ministre a demandé à la SNCF de préciser ce calendrier et les modalités de réouverture jusqu’à Hendaye, notamment en haute saison. Je vous confirme que nous avons bien cet objectif de desservir de nouveau le Pays basque par train de nuit.
Enfin, nous tenons à rappeler que l’État réalise en ce moment une étude sur le développement des nouvelles lignes de TET, notamment de nuit. C’était une demande exprimée par les parlementaires dans le cadre de l’examen de la LOM. L’opportunité de la recréation à moyen terme d’un réseau de lignes de nuit y est étudiée. La partie technique et les auditions des représentants des régions, des opérateurs et des associations sont finalisées. Un rapport sera remis au Parlement d’ici à la fin de l’année, rapport auquel je suis évidemment très attachée, puisque je suis la rapporteure à l’origine de cette demande.
Je vous remercie, monsieur le sénateur, de cette question. Comme vous pouvez le constater, nous sommes pleinement attachés à la relance de ces trains de nuit.
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Madame la secrétaire d’État, nous avons une conviction commune : l’intérêt des trains de nuit. Vous l’avez affirmée avec force, et je la partage.
Vous nous avez donné un calendrier prometteur concernant Paris-Tarbes – 2022 est une date intéressante –, avec un investissement important. Reste la question des horaires de desserte des gares de la Côte basque. Un train de nuit, cela part tard le soir et arrive tôt le matin. Si le train arrive à onze heures ou midi à Hendaye, ce n’est plus un train de nuit. C’est le chantier qu’il vous faut ouvrir.
chasse à courre
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 1332, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Laurence Rossignol. Ma question concerne la pratique de la chasse à courre, dont il ne vous a probablement pas échappé, madame la secrétaire d’État, qu’elle donne lieu, chaque année, à des tensions de plus en plus grandes entre, d’une part, les riverains et les autres usagers de la forêt et, d’autre part, les veneurs. L’occupation des routes et des chemins forestiers est de plus en plus conflictuelle.
Pour des raisons tenant probablement à l’extension de l’urbanisme, les animaux, dans ma région, ont pris quasiment l’habitude de venir se réfugier dans des zones urbanisées, dans les centres-villes parfois. À Compiègne, par exemple, le jour de l’ouverture de la chasse, un grand cerf est venu se réfugier dans un chantier ; il a fallu l’intervention de la gendarmerie. Très récemment, une meute de chiens a attaqué un élevage de lamas et en a dévoré un.
Cette pratique n’a aucune justification écologique, le nombre de bêtes tuées dans une chasse à courre n’étant pas de nature à concourir à la régulation des espèces. Elle est même anti-écologique, puisqu’il faut chercher le plus bel animal, le plus beau trophée. Ce sont donc souvent de beaux reproducteurs qui sont tués par les veneurs. La chasse à courre ne correspond pas non plus à des traditions ancestrales, et elle est désapprouvée par nombre de nos concitoyens, ainsi que par beaucoup de chasseurs. C’est un jeu barbare qui entraîne des douleurs importantes chez l’animal. Or nous avons reconnu, voilà quelques années, la sensibilité animale dans notre droit.
Le nombre de chasses à courre est en constante augmentation, puisque les ressortissants d’autres pays européens, qui ont, eux, interdit la chasse à courre, viennent en France la pratiquer.
Ma question est simple : après avoir annoncé la fin de la chasse à la glu, le gouvernement auquel vous appartenez entend-il abolir la chasse à courre ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Rossignol, vous le soulignez à raison, notre sensibilité et notre regard vis-à-vis du monde animal ont évolué. Il suffit de voir la place très importante que cette question a prise dans le débat public aujourd’hui. Nous sommes attendus et observés sur ces sujets.
Nos habitudes, nos pratiques, nos patrimoines culturels peuvent évoluer. Ainsi, nous avons récemment pris des décisions fortes, en concertation avec les acteurs concernés, sur les cirques itinérants qui pouvaient détenir des animaux sauvages ou sur les delphinariums.
Concernant la chasse, j’appartiens à un gouvernement qui, par un dialogue régulier avec les chasseurs, a permis le plus d’avancées pour encadrer les pratiques et répondre à ces inquiétudes. Le chemin est long, et nous devons avoir ce débat.
La vénerie regroupe à ce jour 390 équipages, pour 70 000 veneurs et suiveurs. Vous évoquez les craintes sur les populations de cervidés. Or les prélèvements sont assez faibles. En outre, ils sont réalisés dans le cadre d’un plan de chasse à l’échelle d’un territoire, qui vise à assurer la conservation d’une population de cervidés viable. Le cerf élaphe a d’ailleurs vu son aire de répartition s’étendre.
Le récent incident de Compiègne a permis de réaffirmer les mesures applicables aux modalités d’encadrement de fin de chasse à courre qui ont été adoptées en réponse aux incidents de l’automne 2018 dans l’Oise. Un arrêté du 25 février 2019 a modifié celui du 18 mars 1982 relatif à la vénerie pour introduire les règles suivantes : l’animal est gracié dès lors qu’il se trouve à proximité des habitations, jardins ou zones commerciales ; le maître d’équipage veille à ce que l’animal ne soit pas approché, s’assure de la sécurité des personnes, met tout en œuvre pour retirer les chiens dans les meilleurs délais et facilite le déplacement de l’animal loin de la zone habitée ; il peut enfin être décidé de faire procéder à l’anesthésie de l’animal.
La société de vénerie a, de son côté, établi une charte de bonnes pratiques, qui impose un retrait des chiens si le gibier arrive en ville et de le gracier dans cette situation.
Enfin, je rappelle qu’à chaque incident de chasse une enquête est diligentée afin de vérifier si toutes les procédures évoquées ont bien été respectées, chacun s’exposant à des sanctions si tel n’était pas le cas.
Toute évolution, quelle qu’elle soit, qu’elle concerne les pratiques ou les outils de gestion adaptative, vous le savez, nécessite un dialogue, un échange. Ces objectifs doivent être éclairés par une donnée scientifique, qui accompagne ce nouveau regard sur le capital naturel. Des solutions et un diagnostic partagés dans le dialogue : voilà ce à quoi je m’engage.
Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de renforcer tous les arguments que j’ai avancés contre la chasse à courre. Je vous remercie également d’en apporter de nouveaux, mais la conclusion de votre propos n’est pas à la hauteur de votre sensibilité sur le sujet.
Vous avez énoncé toutes les mesures qui ont été prises pour limiter les dangers de la chasse à courre. Pour dire les choses très franchement, il me semble que, dans notre région, nos préfets et nos gendarmes ont autre chose à faire que de réguler la pratique de la chasse à courre. C’est une perte de temps pour la force publique, une perte de temps pour l’État.
Vous en appelez au dialogue. Si le Gouvernement pouvait avoir le même sens du dialogue quand il s’agit des mesures qu’il prend sur le plan social, ce serait une très bonne chose ! (Mme Catherine Procaccia s’esclaffe.)
risques radioactifs aux abords du site de l’ancienne usine de radium de nogent-sur-marne
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 1334, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Catherine Procaccia. Depuis longtemps, la ville de Nogent-sur-Marne, dans mon département du Val-de-Marne, est confrontée à un problème de pollution radioactive. Celle-ci provient d’une ancienne usine d’extraction de radium utilisée par Marie Curie. Sur ce site, seule l’ancienne école a été en partie dépolluée sous le contrôle de l’Andra. L’autre partie de la parcelle est, quant à elle, en attente de dépollution et, pour cette raison, demeure à l’état de friche.
Comme vous le savez, la crise sanitaire oblige les collectivités à assurer des missions qu’elles ne supportaient pas auparavant. Bien que la mairie se soit engagée à consacrer 1 million d’euros en 2020 à cette dépollution, l’impact de la crise sanitaire sur les finances locales a conduit à reporter les opérations. Comme, hélas, l’épidémie ne semble pas ralentir, il n’est pas concevable que la municipalité et les Nogentais attendent encore une année de plus pour dépolluer ces terrains, faute de financements.
Selon un agent de la Criirad qui a effectué des prélèvements sur le site, à titre personnel, je crois, la radioactivité ne s’arrêterait pas aux frontières des palissades de cette zone, ce qui paraît logique. Ainsi, tous les travaux aux abords de la friche comporteraient des risques pour les habitants en cas d’inhalation et d’ingestion de particules en suspension qui pourraient être libérées. Une intervention de l’État s’avère donc indispensable pour permettre l’achèvement de la dépollution du site et assurer la sécurité des habitants.
Alors que le plan de relance que vous avez présenté prévoit des fonds pour le recyclage des friches, j’ai deux questions : comment sont définies les priorités du Gouvernement dans ce domaine ? Dans quelle mesure la ville de Nogent-sur-Marne pourra-t-elle rapidement bénéficier de ces financements ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Procaccia, vous évoquez la situation d’une parcelle située sur la commune de Nogent-sur-Marne qui correspond à l’implantation de la première usine française d’extraction de radium à partir de minerai d’uranium. En effet, au début du XXe siècle, ce site hébergeait l’usine d’exploitation de radium fondée par Émile Armet de Lisle, avec la collaboration des époux Curie. L’usine fut détruite en 1968, puis le site occupé par une école, qui a été fermée en 1998. Ce site a ensuite été, en partie, dépollué par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs entre 2010 et 2011, dans le cadre d’un fonds alloué par un précédent plan de relance, pour un budget de l’ordre de 2,5 millions d’euros. Une zone résiduelle reste effectivement à dépolluer.
Pour cette friche, le projet de la commune de Nogent-sur-Marne est de réaliser une aire extérieure à vocation sportive et de loisirs, pour un budget qui est estimé à plus de 1,5 million d’euros. Dans le cadre de sa mission de service public, l’Andra a d’ores et déjà attribué fin 2016 une subvention à la mairie de Nogent, d’un montant de 92 000 euros pour assistance à maîtrise d’ouvrage.
Vous le rappelez, le Gouvernement déploie un fonds de 300 millions d’euros pour financer des opérations de recyclage des friches dans le cadre du plan de relance. La réhabilitation des friches constitue en effet un enjeu majeur d’aménagement durable des territoires, afin de maîtriser l’étalement urbain et de limiter la consommation des espaces naturels. Toutefois, l’appel à projets que l’Ademe s’apprête à lancer sur ce volet du plan de relance ne s’applique pas aux « sites pollués par des substances radioactives, par des agents pathogènes ou infectieux ou par de l’amiante », et ce pour des raisons de compatibilité avec l’encadrement communautaire et les normes françaises applicables.
J’invite votre collectivité à solliciter une demande de subvention auprès de la commission nationale des aides dans le domaine radioactif, qui est gérée par l’Andra et financée par le ministère de la transition écologique. Elle sera examinée en fonction des priorités et du budget de cette commission, qui est très sollicitée, vous l’imaginez, par de nombreuses collectivités.
Sachez que les services de mon ministère suivront avec la plus grande attention ce dossier.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Votre réponse est claire, mais un peu décevante : ce site ne fera pas partie des priorités. Il faudra donc présenter une demande de subvention à la commission nationale des aides, qui est très sollicitée. Cela veut dire que nous allons rencontrer des problèmes pour dépolluer la totalité du site, qui fait partie, d’une certaine manière, du patrimoine national puisque Marie Curie y a travaillé. Je regrette vraiment que le fonds « friches » n’intervienne pas dans ce domaine.
affichage numérique publicitaire
Mme le président. La parole est à Mme Annick Billon, auteure de la question n° 1336, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Annick Billon. Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous alerter sur les conséquences de votre projet de réforme imposant des restrictions à la publicité. Un tel projet, s’il voit le jour, sonnera le glas de toute une profession, celle des afficheurs publicitaires numériques.
Vous avez annoncé vouloir supprimer les affichages digitaux, alors que la profession regroupe des acteurs économiques très engagés dans la transition écologique depuis une vingtaine d’années. À la pointe de l’innovation technologique, ils sont aujourd’hui accusés de tous les maux : surconsommation énergétique, recours à des matériaux rares, pollution lumineuse. Pourtant, ils proposent une solution alternative écologique et positive à la prolifération des panneaux publicitaires papier. Ils ont recours à une technologie beaucoup moins énergivore, offrant un rendement parmi les plus intéressants entre puissance lumineuse et consommation énergétique.
Les écrans lumineux sont par ailleurs, d’ores et déjà, soumis à de fortes contraintes, que ce soit par le code de l’environnement, depuis le Grenelle de 2012, ou par le règlement de publicité, qui encadre strictement les possibilités d’implantation et protège les espaces naturels remarquables. De manière générale, le bilan carbone des écrans LED est bien meilleur que celui de l’affichage papier traditionnel. Le secteur développe des écrans hybrides utilisant une technologie photovoltaïque permettant une réduction de 75 % de la consommation électrique, pour atteindre une autonomie totale d’ici à quelques années. Dans ces conditions, chercher à ajouter des normes et des contraintes supplémentaires semble non seulement superfétatoire, mais aussi contraire au plan de relance voulu par le Gouvernement.
Jeter le discrédit sur toute une profession en éludant, de surcroît, les conséquences économiques et sociales est contraire à une écologie constructive. C’est également dangereux, à l’heure où la crise sanitaire se double d’une crise économique sans précédent. L’écologie que je défends, et à laquelle aspirent les acteurs de ce secteur, est une écologie pragmatique et non punitive. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir renoncer à ce projet de réforme.
M. Max Brisson. Très bien !
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Billon, vous nous interpellez sur le projet de réforme qui découle des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Cette convention était constituée de 150 citoyens tirés au sort, représentatifs de la population française, et qui ont eu pour mission de définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 1990, et ce dans un esprit de justice sociale.
Ces travaux ont débouché sur 149 propositions, réparties en cinq thématiques : se déplacer ; consommer ; se loger ; produire et travailler ; se nourrir. Votre interpellation se situe dans le cadre de la thématique « consommer ».
En 2019, l’empreinte carbone moyenne d’un Français était de 11,2 tonnes, alors qu’elle devrait être de 2 tonnes pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. En conséquence, la Convention citoyenne a retenu plusieurs propositions pour réguler la publicité afin de réduire les incitations à la surconsommation.
Ces propositions donnent lieu à des réunions de concertation pour confronter les différents points de vue et mesurer l’impact qu’aurait chaque mesure, notamment en termes d’emploi et de répercussions économiques pour les entreprises. Participent notamment à ces échanges post-Convention citoyenne des représentants de l’Union de la publicité extérieure et de la direction générale des entreprises, qui alertent systématiquement sur l’impact des mesures envisagées pour les entreprises concernées.
À l’issue de cette phase de concertation, un projet de loi sera déposé devant le Parlement. Dès lors qu’une mesure visant à mieux réguler l’affichage numérique serait introduite dans ce projet de loi, il reviendrait aux parlementaires, dont vous êtes, de statuer sur ce texte.
Je rappelle néanmoins que ces dispositifs de publicité numérique, s’ils ont le mérite d’économiser du papier, représentent une importante consommation d’énergie, puisqu’ils sont éclairés toute la journée et, pour certains, une partie de la nuit. Ils constituent en outre une source de pollution lumineuse, qui peut porter atteinte au cadre de vie, voire à la biodiversité.
Par ailleurs, ces panneaux publicitaires nécessitent, dans leur phase de fabrication, d’importantes ressources finies, comme la bauxite pour l’aluminium ou le pétrole pour le plastique et, plus particulièrement, pour le PVC. Or l’extraction de ces ressources nécessite également une consommation importante d’énergie.
Dans une approche pragmatique d’une transition écologique, que je crois aujourd’hui évidente et nécessaire, nous aborderons ce sujet, et vous aurez à l’éclairer au niveau parlementaire.