M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet article est évidemment essentiel, puisque c’est lui qui va fixer la trajectoire budgétaire de cette loi de programmation.

Nombreux ont été celles et ceux qui ont souligné que le compte n’y était pas, en particulier pour rattraper les retards accumulés ces quinze dernières années.

Ce qui est frappant dans cette affaire, c’est tout de même que la somme de 25 milliards d’euros étalée sur dix ans ne représente pas un montant considérable, si vous la comparez à une série d’autres dépenses, par exemple les dépenses d’allègements de cotisations sociales, dont on nous dit à longueur de journée qu’elles vont donner de l’attractivité à notre pays.

Mes chers collègues, je peux vous dire que, si la France ne redresse pas la barre du côté de la recherche et de l’innovation, son attractivité ne va faire que décliner ! Ce n’est pas une simple aide à la baisse du « coût du travail » qui va nous permettre de relever les défis et de réindustrialiser le pays. On est là au cœur du débat sur la compétitivité.

Par ailleurs, pour ma part, je pense qu’il y a aussi une dimension culturelle dans le rayonnement scientifique.

La stratégie du Gouvernement, c’est de prévoir une durée de dix ans, de sorte qu’il donne l’impression de voir loin. En fait, c’est plutôt « demain, on rase gratis » et, aujourd’hui, « petit braquet », en deçà du minimum minimorum nécessaire pour redresser la barre.

J’entends bien l’argument de Mme la ministre, qui nous dit que le plan de relance va « mettre du beurre dans les épinards ». Très bien, mais le problème, c’est qu’il s’agit de crédits exceptionnels, fléchés, et non pas d’une inscription programmatique budgétaire qui va se cumuler au cours des années.

Pour résumer, il faut tout d’abord raccourcir la durée de dix ans.

Ensuite, il n’est pas vrai que, au XXIe siècle, on dispose d’horizons budgétaires à dix ans. C’est aussi vrai des sept ans adossés à la dimension européenne, qui n’est d’ailleurs pratiquement pas abordée dans ce texte, alors qu’une bonne articulation des deux approches serait nécessaire.

Enfin, nous avons impérativement besoin de décisions immédiates.

Nous souhaitons donc que ce texte, même amendé par le Sénat, ne serve pas de base à notre politique de recherche. Certes, il est meilleur, mais il donne l’impression que l’on a réglé un problème – à tort ! En effet, nous n’atteindrons ni les 3 % du budget, ni les 1 % de PIB en matière de recherche publique.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous ne pouvons donc accepter en l’état le texte qui sort de notre commission, et encore moins les propositions du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, sur l’article.

M. Joël Labbé. Je vais oser un propos un peu décalé, peut-être pas très académique, mais nous sommes au début de l’examen du texte, et j’avais envie de m’exprimer ainsi.

On va beaucoup parler de recherche, de science et, partant, de progrès. Notre société moderne est une société dite « de progrès ». Jamais nous n’aurons connu autant d’avancées, et la recherche scientifique y a apporté une immense contribution, mais il n’aura pas fallu plus d’un demi-siècle à la science pour mettre la planète au bord du gouffre et la vie humaine en péril.

Pourtant, des scientifiques, très tôt, avaient sonné l’alarme, notamment Rachel Carson, que mon collègue Daniel Salmon a citée hier soir, dans Printemps silencieux.

Hier soir, lors des débats sur les néonicotinoïdes, on nous a dit de faire confiance à la science. Toujours la science au singulier !

Madame la ministre, j’ai apprécié de vous entendre parler des sciences, au pluriel, et de leur complexité. Le nouveau progrès pour construire le monde de demain dépendra de la contribution croisée de l’ensemble des sciences, y compris des sciences humaines, que vous avez également évoquées, madame la ministre, parce qu’elles ont justement le grand avantage d’être humaines.

Je crois dans le croisement de l’ensemble des sciences au service d’un véritable progrès, pour en finir avec la science unique, au service d’une pensée unique, pour un modèle unique. En cette période trouble, dans ce monde insensé en quête de sens, au-delà de la science, réhabilitons aussi le rôle de la poésie, pour un progrès où science rime avec conscience et politique avec éthique. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. le président. Merci, monsieur Labbé, de ce moment de poésie. (Sourires.)

La parole est à M. Julien Bargeton, sur l’article.

M. Julien Bargeton. Dans ce qui vient d’être dit, il y a des choses que je partage : la poésie n’est pas incompatible avec la science ; d’ailleurs, nous avons connu de grands scientifiques qui étaient aussi des grands poètes.

Je suis aussi d’accord avec ce qu’a déclaré au début de notre discussion Marie-Noëlle Lienemann : bien sûr, la recherche, donc l’innovation, fait partie de la compétitivité. Là où je suis un peu moins d’accord avec elle, c’est que je pense que cela va de pair avec une baisse des cotisations. Il faut plutôt faire les deux si l’on veut renforcer la compétitivité du pays, mais, c’est vrai, il faut également investir massivement dans notre recherche.

Ce que je partage encore moins, c’est le reproche adressé à cette loi de vouloir corriger des errements passés. On peut toujours dire : « Ce n’est pas assez ! », « Il faudrait faire davantage ! », « Le compte n’y est pas ! », autant d’expressions qui sont faciles à prononcer. Mais regardons tout de même d’où nous venons ! On l’a plus ou moins tous dit dans la discussion générale : il y a eu une baisse de 40 % des crédits de l’Agence nationale de la recherche entre 2010 et 2015 ; nous n’avons pas respecté l’objectif de Lisbonne depuis quinze ans.

On ne peut pas reprocher à un texte de mettre massivement des moyens dans la recherche, et cela dès les deux premières années – Mme la ministre a parlé de plus de 6 milliards d’euros. J’ajoute qu’est prévue également une clause de revoyure, donc nous pourrons vérifier que les efforts sont vraiment réalisés.

On sait que l’on pourra financer un grand projet de recherche par mois pendant les années à venir. Ce n’est pas rien ! Évidemment, nous pouvons tous dire que le saut à faire est plus important, mais, tout de même, observons la réalité : ce texte vient corriger une lente dégradation, engagée depuis des années, ce que montre un certain nombre de chiffres. (Mme Marie-Noëlle Lienemann sexclame.)

C’est un projet qui va dans le bon sens. Nous aurons bien entendu ce débat. Il est aussi ambitieux dans sa dimension budgétaire. Je voulais le rappeler, après avoir entendu des propos qui, à mon avis, correspondent plus au passé qu’à la réalité de ce texte.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-François Rapin, rapporteur pour avis de la commission des finances. M. Bargeton se pose en défenseur du texte. C’est son rôle, et j’entends tout ce qui est dit. D’ailleurs, lors de la discussion générale, je ne pense pas avoir douté de la volonté de Mme la ministre d’aller plus loin.

Néanmoins, nous avons bien analysé la trajectoire budgétaire et constaté qu’elle n’aboutissait pas, à terme, aux progrès escomptés. Nous attendons bien plus !

Certes, on peut toujours demander plus, mais quand vous dites, monsieur Bargeton, qu’aucune loi de programmation ne s’est faite en euros constants, je m’inscris en faux : regardez la loi de programmation militaire 2009-2014. Elle n’a peut-être pas abouti aux résultats espérés, mais elle a été courageusement proposée et appliquée en euros constants.

Nous aurions souhaité, madame la ministre, et n’y voyez aucune injure, une véritable transparence, qui vous aurait fait dire : voilà ce que l’on a au bout du compte. En effet, dix ans, c’est loin ; dix ans, c’est compliqué ; dix ans, ce sont deux mandats présidentiels.

Nous sommes d’accord pour indiquer qu’il y a un effort considérable, mais attention, nous ne sommes pas dans le cadre des règles budgétaires habituelles. C’est notamment ce qu’a souligné le Conseil d’État.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, sur l’article.

M. Éric Kerrouche. Je souhaite tout de même réagir aux propos de M. Bargeton. C’est très pratique : sous le quinquennat précédent, il soutenait la restriction, et, maintenant qu’il a changé de camp, il soutient le développement.

M. Julien Bargeton. Je n’étais pas dans cet hémicycle !

Mme Frédérique Vidal, ministre. Moi non plus !

M. Éric Kerrouche. Et moi non plus, mais cela ne nous excuse pas collectivement. Il ne suffit pas de dire « J’y étais » ou « Je n’y étais pas ». Nous avons tous une couleur politique. Certaines couleurs ont évolué. C’est le droit de chacun, mais il ne faut pas oublier l’évolution. (M. Julien Bargeton sexclame.)

Je ne veux pas exonérer les deux précédents quinquennats, mais je rappelle seulement que, en 2008, il y a une « petite » crise financière et, en 2012, que le déficit public était de 5,3 % du PIB, contre 3,4 % en 2016.

Je le répète, il ne s’agit pas de nous exonérer. Avons-nous investi assez ? La réponse est « non ». Il aurait fallu faire mieux et plus. Toutefois, une fois que l’on a dit cela, on se rappelle que trois années du présent quinquennat ont déjà passé, donc évitez de nous ressortir sans cesse l’argument de l’héritage ! Depuis trois ans, c’est vous qui pilotez.

Vous dites que vous voulez faire une loi exemplaire. Dans ce cas, prouvez-le, et nous vous accompagnerons. Néanmoins, en l’état, le compte n’y est pas. Pis, vous vous plaignez du passé, mais en fait vous reportez la réalisation de vos promesses dans le futur. Ce n’est pas beaucoup mieux !

M. le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.

M. Max Brisson. Je ne m’aventurerai pas à arbitrer le débat entre anciens et actuels socialistes. (Sourires.) En revanche, je suis d’accord avec Éric Kerrouche lorsqu’il dit que le pays a levé le pied collectivement et qu’il faut aujourd’hui réagir. J’étais heureux, même, de l’entendre soutenir le mandat de Nicolas Sarkozy.

En tout cas, cela renvoie à une absence d’ambition, à un essoufflement, dont il faut aujourd’hui prendre acte. Comme l’a dit Mme la rapporteure, votre volonté est certaine et forte, madame la ministre. Personne ne la remet en cause, mais il y a les incontestables arbitrages de Bercy. La trajectoire choisie pose problème, parce qu’elle ne répond pas aux habituelles règles de la programmation budgétaire dans notre pays, cet étalement renvoyant l’essentiel des dépenses à ceux qui suivront. Cela pose problème.

Le message adressé par le Sénat a bien été entendu, et quelques corrections ont été apportées au plan de relance. Cependant, comme l’a souligné Mme Lienemann, ces dépenses ne sont pas inscrites dans la durée, comme elles doivent l’être dans une loi de programmation.

Au passage, on voit bien que le Sénat sert à quelque chose. Monsieur Bargeton, vous avez pu constater que ce que l’on a posé ici avec force a fini par être entendu. D’ailleurs, madame la ministre, il se pourrait bien que l’on vous ait rendu un service en défendant ainsi la nécessité d’une trajectoire bien plus ramassée. Vous ne l’avouerez peut-être pas, mais nous ne manquerons pas de le faire savoir.

Enfin, il reste les questions du glissement vieillesse technicité, le GVT, et de la retraite, qui ne sont pas réglées, alors qu’elles devront s’inscrire dans cette trajectoire, comme Jean-François Rapin l’a indiqué à la tribune.

Aussi, on peut tout de même dire clairement qu’il y a une volonté de laisser aux autres l’addition des belles promesses et des belles annonces égrenées tout au long de cette loi de programmation.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. J’ai bien entendu tout ce qui a été dit et je souhaite apporter quelques compléments.

Je ne reviendrai pas sur le passé. Je ne vous rappellerai pas le temps et l’énergie que nous avons dépensés à écrire des livres blancs, des stratégies nationales, à nous déplacer, à nous mobiliser pour atteindre la perfection, mais, concrètement, rien n’en est ressorti. Nous souhaitons pour notre part porter des réponses concrètes.

J’ai entendu l’expression « petit braquet ». Tout de même, si consacrer 400 millions d’euros en plus cette année rien que pour la recherche, et 800 millions d’euros l’année prochaine, soit 1,2 milliard d’euros en deux ans, c’est être « petit braquet », j’aurais aimé que tout le monde le soit ! Les 6,5 milliards d’euros du plan de relance, avec un programme prioritaire de recherche lancé chaque mois, cela représente un financement de recherches pour six à huit ans, soit la durée d’un programme. Et cela, c’est « petit braquet » ?

L’articulation avec Horizon Europe est expliquée dans le rapport annexé, donc je ne reviendrai pas sur ce point, mais vous devez savoir qu’elle concerne tous les programmes prioritaires de recherche. Toutes nos équipes sont préparées pour aller gagner sur les programmes européens. Je vous laisse prendre connaissance de l’annexe.

La loi de programmation militaire en euros constants, vous l’avez rappelé, n’a pas abouti. Pour ma part, je préfère dire les choses telles qu’elles sont. Qui est capable de dire si nous connaîtrons l’inflation ou la déflation ? Qui est capable de dire ce que sera le PIB de notre pays ? M. Kerrouche a rappelé la crise financière de 2008. Est-ce que vous pensez vraiment que nous allons échapper à une grave crise ces prochaines années, si tant est que nous n’y soyons pas déjà ?

Porter une loi de programmation pour la recherche avec une ambition budgétaire, confirmée dans le plan de relance, c’est aussi penser à l’avenir dans une période de crise et de pessimisme. C’est être capable de voir un cran plus loin, en soutenant la recherche. C’est extrêmement important à mes yeux.

Comme tout le monde veut soutenir la recherche, je n’ai vraiment aucun doute sur le fait que, à chaque clause de revoyure, tous les trois ans, vous augmenterez ce budget de la loi de programmation… Croyez-moi, j’en serai ravie, où que je sois alors !

Par ailleurs, la Conseil d’État a clairement indiqué que cette loi de programmation était exceptionnellement longue, mais que « sa sincérité n’en était pas affectée » ; je le rappelle à l’intention de ceux qui parlent sans cette d’insincérité.

Enfin, monsieur Labbé, la connaissance n’est ni bien ni mal. Les sciences disent ce que l’on comprend du monde, et c’est le politique qui fait des choix.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 206, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

1° Première phrase

a) Remplacer l’année :

2027

par l’année :

2030

b) Remplacer les mots :

des sept années suivantes

par les mots :

de la décennie suivante

2° Seconde phrase

Remplacer l’année :

2027

par l’année :

2030

La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Sans surprise, cet amendement vise à remplacer l’année 2027 par l’année 2030, c’est-à-dire à revenir à une programmation sur dix ans. J’ai eu l’occasion d’exprimer dans la discussion générale les raisons qui incitent le Gouvernement à cette préférence.

Il est important que la recherche dispose d’une visibilité sur le temps long. La durée moyenne d’un projet de recherche est de dix ans. Avoir des marches successives, année après année, permet de garantir que, dans les dix prochaines années, de nouveaux projets pourront être financés au sein des laboratoires.

M. le président. L’amendement n° 88, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 1, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Ce rapport précise les objectifs de l’État pour revaloriser les métiers et les carrières de la recherche et de l’enseignement supérieur et les traduit en besoins financiers et ressources budgétaires jusqu’en 2027.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Il s’agit, avec l’accord de la commission – je vous remercie, madame la rapporteure, d’avoir émis un avis favorable sur cet amendement –, d’apporter une correction lexicographique, en remplaçant « ressources humaines » par « les métiers et les carrières de la recherche et de l’enseignement supérieur ».

En effet, désigner des chercheurs, qui sont parfois médaille Fields ou prix Nobel, par l’expression « ressources humaines » n’est sans doute pas tout à fait approprié…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Madame la ministre, cela ne vous étonnera pas, la commission a voté pour ramener la durée de la programmation à sept ans. Elle émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 206.

En revanche, elle émet un avis favorable sur l’amendement n° 88.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 88 ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 206.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 88.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 142 rectifié, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I.- Première phrase

1° Remplacer les mots :

3 % du produit intérieur brut annuel

par les mots :

14 % des dépenses nettes de l’État

2° Remplacer les mots :

1 % du produit intérieur brut annuel

par les mots :

4,6 % des dépenses nettes de l’État

II- Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Un seuil de dépense minimale pour les programmes susmentionnés est instauré en 2027 à 3,305 milliards en euros courant.

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Il s’agit de retravailler l’échéancier budgétaire ; vous l’avez sous les yeux, je ne le détaille donc pas. Je formulerai deux observations sur la discussion budgétaire que nous avons.

Sur la forme, tout d’abord, j’ai vraiment du mal à accepter que nous discutions maintenant de ce projet de loi de programmation de la recherche, notamment de sa première année 2021, alors que, en même temps – selon la formule consacrée ! –, l’Assemblée nationale vient d’adopter le budget pour 2021. (M. Julien Bargeton lève les bras au ciel.)

Monsieur Bargeton, ne levez pas les bras au ciel : celui-ci ne vous sera d’aucun secours ! Même Jupiter s’est éteint ce soir. (Sourires.)

M. Julien Bargeton. C’est vers vous que je les tends ! (Nouveaux sourires.)

M. Pierre Ouzoulias. Même moi, je ne suis plus en phase avec le parti communiste chinois. C’est dire que tout fiche le camp ! (Rires.)

En principe, quand un gouvernement définit une politique pour la recherche, il met la loi de programmation en début de mandat.

Reprenez les différentes lois de programmation : toutes ont été présentées en début de mandat, parce que le Gouvernement prend devant la représentation nationale l’engagement qu’il respectera la programmation. Vous, vous prenez l’engagement pour des gouvernements dont on ignore s’ils respecteront jamais cette loi. C’est là un point fondamental, monsieur Bargeton.

Sur le fond, ensuite, dans les groupes d’études qui ont été promus par le Gouvernement et par Mme la ministre, MM. Villani et Petit et Mme Retailleau ont estimé que, pour essayer de remettre à niveau l’enseignement supérieur et la recherche, il fallait entre 2 milliards d’euros et 3,6 milliards d’euros par an. Or, dans ce texte, vous nous proposez 1 milliard d’euros pour dix ans ! Il faut bien mesurer que ce projet de loi de programmation ne permettra pas de satisfaire les objectifs nécessaires de rattrapage et de remise à niveau.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons un autre échéancier sur cinq ans, avec un volontarisme budgétaire bien plus important.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Cette intention est tout à fait louable, mais l’objectif proposé n’est ni clairement raisonnable ni crédible.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 142 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Hingray et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L’évaluation du montant des dépenses intérieures de recherche et développement rapporté au produit intérieur brut prend en compte non seulement les crédits retracés dans la présente loi de programmation, mais également les crédits de paiement de la mission « Plan de relance », les crédits du quatrième programme d’investissements d’avenir, les crédits alloués à la recherche par les collectivités territoriales ainsi que ceux alloués à la recherche intérieure par l’Union européenne.

La parole est à M. Jean Hingray.

M. Jean Hingray. Pour plus de sincérité et de transparence, il est proposé de mettre en place un tableau permettant de mieux prendre en compte la totalité des sommes allouées à la recherche par le Gouvernement – plan de relance, programme d’investissements d’avenir et différents crédits alloués à la recherche.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Cette proposition répond à un souci d’exhaustivité que je trouve intéressant.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. L’évaluation du montant de la dépense intérieure de recherche et développement des administrations, la Dirda, résulte en réalité d’une enquête auprès des établissements et services publics ayant une activité de recherche et de développement.

Dans le cadre de cette enquête, les établissements déclarent le montant de toutes les dépenses de R&D, qu’elles soient adossées à des crédits budgétaires de l’État, à des crédits des collectivités, à des actions des programmes d’investissements d’avenir, à des actions du plan de relance, à des financements européens et même à des ressources propres liées aux contrats que les laboratoires publics ont avec des entreprises.

Par conséquent, cet amendement est satisfait. C’est pourquoi le Gouvernement en demande le retrait ; à défaut, il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Fialaire, l’amendement n° 8 est-il maintenu ?

M. Bernard Fialaire. Bien sûr, monsieur le président, je le maintiens !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement est adopté.)

Article 1er et rapport annexé (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur
Article 2

Rapport annexé

M. le président. L’amendement n° 165 rectifié, présenté par MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Après le mot :

climatique,

insérer le mot :

alimentaire,

La parole est à M. Bernard Fialaire.

M. Bernard Fialaire. Au mois de septembre dernier, M. le ministre de l’agriculture a déclaré vouloir mettre la souveraineté alimentaire au cœur des politiques agricoles européennes.

Mon groupe se réjouit de cette perspective, car il a toujours été attentif à cette question. Je rappelle en particulier la proposition de résolution sur la résilience alimentaire des territoires et la sécurité nationale de notre ancienne collègue Françoise Laborde, que le Sénat a examinée l’année dernière.

M. Joël Labbé. Excellente résolution !

M. Bernard Fialaire. Au-delà de la seule autonomie alimentaire de la France et de son caractère stratégique, nous sommes bien évidemment face à un enjeu d’ordre mondial. On estime à 9 milliards le nombre d’individus qu’il faudra nourrir à l’horizon de 2050. Le monde sera-t-il en capacité de produire les ressources nutritives nécessaires pour répondre à ce défi ?

À la problématique de la dynamique démographique s’ajoute, on le sait, la question du changement climatique et de son impact sur potentiel agricole, notamment sur le continent africain. Les études prospectives montrent que, à technologie inchangée, des tensions pourraient émerger entre les pays, notamment sous la forme de conflits d’usage des terres et de l’eau.

Aussi, la recherche doit s’engager à garantir l’autosuffisance alimentaire pour notre pays et à tous les États qui en auront besoin. Il faudra de nouvelles réponses techniques au défi agricole sous-jacent à la question alimentaire, un défi qui doit en outre répondre aux impératifs de développement durable.

Dans le projet de loi, le rapport annexé mentionne la nécessité d’entretenir en continu la production de connaissances et énumère les enjeux essentiels : sanitaire, climatique, énergétique ou numérique. L’amendement vise à compléter cette énumération par l’enjeu alimentaire, qui, comme je viens de le dire, a grandement besoin de la science et de la recherche pour s’adapter aux évolutions du monde de demain.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laure Darcos, rapporteure. Avis très favorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. L’alimentation constitue en effet un enjeu essentiel pouvant être abordé par plusieurs disciplines et approches scientifiques à même de contribuer conjointement à relever ce défi.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Je soutiens chaleureusement cet amendement.

Mes chers collègues, je vous invite à vous pencher sur le rapport de l’Institut du développement durable et des relations internationales, l’Iddri, sur les perspectives 2050, publié en 2018, et sur les conclusions de l’enquête « Résilience alimentaire et sécurité nationale », dont s’inspire la proposition de résolution de Françoise Laborde.

Il s’agit donc d’un amendement éminemment intéressant, qui vise à chercher de futures perspectives.