Sommaire
Présidence de M. Georges Patient
Secrétaires :
Mme Marie Mercier, M. Jean-Claude Tissot.
2. Rappel des règles sanitaires
3. Communication relative à des commissions mixtes paritaires
4. Prestation de serment d’un juge à la Cour de justice de la République
5. Certification de cybersécurité des plateformes numériques. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la commission des affaires économiques
Clôture de la discussion générale.
M. Cédric O, secrétaire d’État
Amendement n° 2 rectifié de M. Ronan Le Gleut. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1 rectifié bis de Mme Sylvie Robert. – Retrait.
Amendement n° 3 de M. Laurent Lafon. – Devenu sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 5 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Suspension et reprise de la séance
6. Dotation d’équipement des territoires ruraux. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale :
M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi
M. Bernard Delcros, rapporteur de la commission des finances
M. Joël Giraud, secrétaire d’État
Clôture de la discussion générale.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances
Amendement n° 2 rectifié sexies de Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 5 rectifié de M. Olivier Paccaud. – Rejet.
Adoption de l’article.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État
Amendement n° 3 rectifié bis de M. Jean-Marc Boyer. – Adoption par scrutin public n° 6.
Amendement n° 14 de la commission. – Devenu sans objet.
Amendement n° 12 rectifié de M. Cédric Perrin. – Devenu sans objet.
Amendement n° 8 rectifié bis de M. Jean-Pierre Decool. – Devenu sans objet.
Amendement n° 11 de M. Olivier Jacquin. – Retrait.
Amendement n° 7 rectifié de M. Olivier Paccaud. – Rejet.
Amendement n° 4 rectifié quinquies de Mme Nathalie Goulet. – Adoption.
Amendement n° 1 rectifié de Mme Frédérique Espagnac. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
compte rendu intégral
Présidence de M. Georges Patient
vice-président
Secrétaires :
Mme Marie Mercier,
M. Jean-Claude Tissot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Rappel des règles sanitaires
M. le président. Mes chers collègues, pour le respect des règles sanitaires, je vous rappelle que le port du masque est obligatoire dans l’hémicycle, y compris pour les orateurs. Il vous est demandé de laisser un siège vide entre deux sièges occupés.
J’invite chacune et chacun à veiller au respect des distances de sécurité. Je rappelle également que les sorties de la salle des séances devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle.
3
Communication relative à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la prorogation des chapitres VI à X du titre II du livre II et de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure, ainsi que du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, ne sont pas parvenues à l’adoption de textes communs.
En conséquence, les lectures des conclusions des commissions mixtes paritaires sur ces textes, préalablement inscrites à l’ordre du jour du mardi 27 octobre et du mercredi 4 novembre, sont retirées de l’ordre du jour.
Il appartiendra au Gouvernement de demander l’inscription de l’examen de ces textes en nouvelle lecture à l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat.
4
Prestation de serment d’un juge à la Cour de justice de la République
M. le président. M. Bernard Buis, élu juge suppléant à la Cour de justice de la République le 21 octobre dernier, va être appelé à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l’article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.
Je vais donner lecture de la formule du serment. Mon cher collègue, je vous prie de bien vouloir vous lever et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure ».
Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »
(M. Bernard Buis, juge suppléant, se lève et dit, en levant la main droite : « Je le jure. »)
M. le président. Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d’être prêté devant lui.
5
Certification de cybersécurité des plateformes numériques
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Union Centriste, la discussion de la proposition de loi pour la mise en place d’une certification de cybersécurité des plateformes numériques destinée au grand public (proposition n° 629 [2019-2020], texte de la commission n° 39, rapport n° 38).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lorsqu’il lança en 2007 le Grenelle de l’environnement, M. Jean-Louis Borloo, alors ministre de l’écologie, prit une mesure majeure, qui ne retint sans doute pas suffisamment l’attention des observateurs de l’époque : la généralisation du diagnostic de performance énergétique, le DPE.
Peu à peu, ce système d’information coloriel s’est généralisé, de sorte que toute personne qui souhaite acheter sa résidence principale ou louer un nouvel appartement en prend désormais connaissance. Chacun peut ainsi évaluer de manière immédiate et lisible, sans être un spécialiste du sujet, quelle sera sa consommation énergétique.
Chacun, surtout, peut mesurer son impact sur le réchauffement climatique, grâce à l’estimation des émissions de gaz à effet de serre annuelles que fournit le diagnostic.
Le DPE illustre à merveille le rôle fondamental que le pouvoir politique peut jouer pour engager des changements majeurs, sans attendre un grand soir normatif et réglementaire.
L’information reste une priorité dans ce processus. Les consommateurs doivent disposer d’emblée d’éléments clairs, lisibles et factuels, grâce auxquels ils pourront lancer les transformations nécessaires.
Le monde de la recherche a ouvert la voie depuis plus de vingt ans, lorsque, en 2001, George Akerlof reçut le prix Nobel d’économie pour ses travaux sur l’asymétrie d’information. Selon les économistes, il ne peut y avoir de marché libre et efficace si l’État n’intervient pas pour imposer des mécanismes de certification.
Des millions de Français se disaient prêts à agir face à l’urgence climatique, mais restaient impuissants faute bien sûr de pouvoir estimer les émissions annuelles de CO2 par mètre carré de leur logement. Nous leur avons donné une information claire et lisible pour agir.
De même, des millions de Français souhaitaient améliorer la qualité nutritionnelle de leur alimentation, mais butaient sur les subtilités des étiquettes d’emballage, impossibles à déchiffrer dans les rayons d’un supermarché. Grâce aux travaux remarquables du professeur Serge Hercberg et de son équipe, ainsi qu’à la généralisation du logo Nutriscore, nous leur avons donné une information claire et lisible pour agir.
Des millions de Français s’inquiètent des trop grandes failles en matière de cybersécurité, mais manquent d’une information claire et lisible pour agir. Cette proposition de loi veut y remédier.
Les pouvoirs publics, en particulier le Sénat, se sont saisis du sujet depuis plusieurs années. En 2016, la Haute Assemblée a voté la mise en place d’un commissariat à la souveraineté numérique, sur le modèle du Chief Technology Officer de la Maison-Blanche. Plus récemment, elle a créé une commission d’enquête sur la souveraineté numérique.
Une enquête d’opinion menée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a montré combien nos concitoyens restaient préoccupés par le piratage bancaire, les actes malveillants, les risques associés à la confidentialité des données personnelles, à la possibilité de leur fuite ou de leur vente, ou bien encore à leur traitement automatisé. Tous ces sujets d’inquiétude méritaient qu’on leur apporte une réponse.
Cette proposition de loi y contribue, en se donnant pour objectif que les Français disposent d’une information transparente sur le niveau de sécurité garanti par les sites qu’ils fréquentent quotidiennement. Elle entend mettre en place un Cyberscore pour l’ensemble des plateformes numériques, depuis les réseaux sociaux jusqu’aux services de cloud computing, en passant par les marketplaces.
Ce nouveau logo, visible lors de chaque connexion, s’appliquera selon des critères objectifs et techniques définis par arrêté, grâce à l’expertise de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’Anssi.
D’une part, il permettra aux Français de privilégier les plateformes dont le niveau de cybersécurité correspond à leurs exigences. D’autre part, et surtout, en offrant une information transparente sur le niveau de sécurité des plateformes, il incitera les opérateurs à changer leurs pratiques.
En effet, quand ils sont mieux informés, les consommateurs peuvent obliger les entreprises à changer de pratiques. J’en veux pour preuve les conséquences qu’a pu avoir la généralisation du dispositif Nutriscore, dont l’usage a été amplifié par des applications comme Yuka : la composition nutritionnelle de milliers de produits alimentaires vendus dans les grandes enseignes a désormais évolué. Il en ira de même – j’en suis profondément convaincu – pour la cybersécurité et la protection des données personnelles.
Quand il s’agit de faire évoluer les plateformes, la réglementation reste moins efficace qu’un consommateur averti et bien informé, une fois levé le voile de l’ignorance ou de la complexité technologique. Par conséquent, je suis très attaché à ce que Cyberscore ne se limite pas à un diagnostic abscons et incompréhensible.
Tout l’objet de cette proposition de loi est de renforcer l’information des citoyens. Il est donc essentiel que le diagnostic de cybersécurité aboutisse à un dispositif coloriel, présenté aux Français lors de chaque connexion au service. Le Cyberscore ne doit surtout pas être relégué dans les abîmes des conditions générales d’utilisation, ce qui reviendrait à vider la proposition de loi de sa substance. J’ai déposé un sous-amendement en ce sens.
À ce stade de mon propos, je veux saluer les travaux conduits par notre collègue Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la commission des affaires économiques : ils ont enrichi le texte de manière significative. Le champ d’application de cette proposition de loi en sort renforcé.
La commission a maintenu l’application du Cyberscore aux services de communication au public en ligne et souhaité l’élargir aux services de cloud et aux outils de visioconférence, ce qui est essentiel à mes yeux. En effet, durant le confinement, une plateforme californienne de visioconférence, mondialement connue, a vu le nombre de ses utilisateurs exploser, alors même que le portail France Num du Gouvernement en déconseillait fortement l’utilisation… À l’ère du télétravail, il serait impensable que cette catégorie de services soit exemptée du diagnostic de cybersécurité.
Je me réjouis de voir que le Gouvernement souscrit à notre démarche. Cependant, monsieur le secrétaire d’État, je m’interroge sur la limitation du dispositif à un contrôle a posteriori, plutôt que le contrôle a priori que je proposais initialement : cette modification laissera aux plateformes la possibilité d’autocertifier leur niveau de cybersécurité.
Il faudra aussi que le Gouvernement donne de réels moyens humains, budgétaires et technologiques à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), pour que celle-ci soit en mesure de contrôler la véracité des logos affichés par les plateformes. À défaut, la proposition de loi perdra toute efficacité : les Français seraient induits en erreur par un Cyberscore factice et trompeur, quand bien même il bénéficierait de la bénédiction de l’État.
Je tiens également à préciser que ce dispositif s’inscrit avec cohérence dans le cadre de la politique européenne, qu’il vient même renforcer. En effet, le schéma de certification européen, défini dans le Cybersecurity Act et appelé à se déployer progressivement d’ici à 2023, restera facultatif et ne portera que sur un nombre limité de services.
Pour éviter toute superposition ou parallélisme des textes, je souhaite que les experts de l’Anssi veillent à définir des indicateurs conformes aux exigences du schéma de certification européen : on évitera ainsi la création de procédures concurrentes.
Cette proposition de loi – si vous l’adoptez– ne pourra que donner plus de poids au Cybersecurity Act. Elle le rendra de facto obligatoire. Elle garantira sa diffusion auprès des Français. Elle étendra son champ d’application aux plateformes que nos compatriotes utilisent quotidiennement.
En tant que membre de la commission d’enquête sur la souveraineté numérique et comme président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, je souhaiterais développer brièvement une réflexion prospective sur ce sujet fondamental des données personnelles et de la filière numérique en Europe. Catherine Morin-Desailly y est très attachée, son excellent travail l’a montré.
À l’ère de la data, l’absence de géant du numérique européen reste un enjeu de souveraineté majeur, car les données sont le pétrole de demain : elles nourrissent le développement de l’intelligence artificielle, dont les implications économiques, éducatives et médicales seront bouleversantes.
La certification que prévoit ce texte répond aux attentes formulées par les acteurs économiques français du numérique. Rassemblés autour de la plateforme Mailo, ils ont signé en juillet dernier une tribune appelant à la création d’un label Numérique souveraineté France, ou label NSF, pour valoriser les entreprises qui œuvrent en faveur de notre souveraineté numérique.
Le Cyberscore peut être un levier utile qui contribuera à faire émerger plus rapidement des services alternatifs aux géants du numérique américains et chinois. Chaque utilisateur qui se connecte à ces plateformes leur livre une matière première dont il ne perçoit pas nécessairement la valeur économique. L’émergence d’une filière numérique européenne est donc indispensable.
Dans son rapport, Anne-Catherine Loisier rappelle à juste titre les mots du directeur général d’OVHcloud, lors de son audition par la commission d’enquête sur la souveraineté numérique : « Choisir un acteur américain ou chinois est lourd de conséquences pour la viabilité à long terme de la filière numérique en Europe. »
Nos concitoyens doivent être conscients que les choix qu’ils font en tant que consommateurs ne sont jamais anodins, qu’il s’agisse de souveraineté numérique ou de cybersécurité. Sur ces sujets complexes, il revient au pouvoir politique de leur apporter a minima des clés de lecture lisibles et factuelles. Tel est l’objet de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Montaugé applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, La proposition de loi que nous examinons appelle notre attention sur la cybersécurité, un sujet crucial que nos concitoyens, les acheteurs publics et les entreprises ne prennent pas encore suffisamment en compte. Elle s’intéresse tout particulièrement à la sécurité des données, personnelles ou non, c’est-à-dire à l’ensemble des traces que nous laissons sur internet.
Le commissaire européen, Thierry Breton, que nous avions reçu en audition pendant la période de confinement, nous disait alors, en substance, que nous avions malheureusement perdu la bataille de l’internet, mais que nous devions rester vigilants pour gagner celle des données.
En effet, le cyber a vocation à envahir chaque jour davantage nos vies personnelles et professionnelles. Ainsi, le Gouvernement ambitionne de dématérialiser 100 % des 250 démarches les plus utilisées par nos concitoyens, d’ici mai à 2022. La crise du covid a certes amplifié les fractures numériques, sociales, territoriales ou financières qui isolent près de 13 millions de nos concitoyens, mais elle a aussi fait exploser certains usages, dont les commandes en ligne et les visioconférences, à des fins tant professionnelles que personnelles.
L’accroissement de ces usages ne va malheureusement pas de pair avec le développement des précautions nécessaires à prendre. Certes, les failles de sécurité à répétition et les scandales qui ont affecté de grandes entreprises du numérique, comme celui de Cambridge Analytica, ont sensibilisé nos concitoyens aux enjeux de la cybersécurité.
Selon un sondage, 90 % des Français considèrent que les données personnelles sont précieuses et qu’elles devraient être davantage protégées. Ils sont aussi conscients qu’elles sont convoitées par les géants du Net. Pour autant, cette prise de conscience n’entraîne pas systématiquement de changement dans les pratiques.
Or, en recourant à des plateformes plus ou moins sécurisées, les consommateurs s’exposent à des risques, dont la liste est longue : enregistrement vidéo à l’insu des participants, utilisation de la reconnaissance vocale, attribution de propos qu’on pense oubliés, espionnage, deepfake… Les pouvoirs publics sont eux aussi la cible grandissante d’attaques, en particulier les collectivités territoriales et le secteur de la santé.
Par conséquent, au-delà de la menace permanente des cyberattaques dont il faut se protéger, il est devenu essentiel pour les pouvoirs publics et pour nos concitoyens de pouvoir déterminer si les entreprises auxquelles ils ont recours pour opérer certains de leurs services présentent les garanties nécessaires de sécurisation des données qu’elles traitent.
J’en veux pour preuve la récente polémique relative au contrat passé par l’État avec Microsoft pour prendre en charge le Health Data Hub, plateforme qui centralise les données de santé des Français en vue de favoriser la recherche et l’innovation. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous éclairer sur la manière dont le Gouvernement souhaite traiter ce dossier, étant donné que de la Cour de justice de l’Union européenne a invalidé le Privacy Shield au cours de l’été dernier ?
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui comporte deux articles, dont le premier concerne l’information des consommateurs, et le second celle des acheteurs publics.
L’article 1er prévoit de créer un dispositif nommé Cyberscore, par référence au Nutriscore. Il a pour objet d’informer les consommateurs, de manière simple et transparente, sur le niveau de sécurisation des données qu’offre la solution numérique à laquelle ils ont recours.
Cette disposition comble un vide dans les textes qui encadrent actuellement la cybersécurité des solutions numériques. Elle devrait être compatible, voire complémentaire, de la stratégie de cybersécurité en cours d’adoption au niveau européen.
Nous avons adapté le dispositif aux services les plus utilisés, selon des seuils à déterminer par le pouvoir réglementaire. Il ne pèsera donc pas sur l’innovation et ne sera pas non plus un frein au déploiement de jeunes pousses du numérique. Il se veut souple et réactif aux évolutions technologiques, en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de définir des indicateurs de mesure pertinents, étape déterminante pour que la loi soit efficace.
Ces indicateurs pourront être objectifs, comme la soumission du service à une loi de portée extraterritoriale qui autorise une autorité étrangère à requérir des données – on pense bien sûr au Cloud Act. Ils pourront aussi prendre en compte le nombre de condamnations prononcées par la CNIL, ou bien les failles de sécurité qui ont entraîné des pertes de données au cours de la dernière année.
D’autres indicateurs auront un caractère plus technique, comme le chiffrement des données de bout en bout.
L’article 2 vise à ce que les acheteurs publics intègrent les impératifs de cybersécurité dans la détermination des besoins des marchés publics ; autrement dit, il tend à ce qu’ils prennent mieux en compte les paramètres de cybersécurité dans leurs achats. L’enjeu est essentiel, car il s’agit non seulement de garantir la confiance des citoyens dans les services publics numérisés, de plus en plus nombreux, mais aussi de soutenir les efforts des acteurs vertueux.
Sur ce point, la commission des affaires économiques a toutefois émis des réserves, car le code de la commande publique a vocation à s’appliquer à tous les marchés publics, pas seulement à ceux qui seraient soumis à un critère de cybersécurité. Il serait inapproprié d’inclure un impératif particulier dans un dispositif à vocation générale, car la création d’un précédent ne pourrait que favoriser la multiplication des cas, ce qui ne manquerait pas d’affaiblir la portée juridique du code.
D’autres moyens existent pour fournir aux donneurs d’ordres publics l’appui dont ils ont besoin, comme la rédaction d’un vade-mecum spécifique, ou encore une assistance en ingénierie pour les marchés publics numériques des collectivités locales les plus petites.
En résumé, la création d’un Cyberscore, telle que le texte la prévoit, a pour intérêt d’être simple et évolutive. Elle constitue un progrès indéniable en matière d’information des consommateurs sur la sécurité des solutions numériques qu’ils utilisent. Les indicateurs fournis pourraient même aller jusqu’à intégrer des paramètres de lutte contre la haine en ligne. Avec l’accord de Laurent Lafon, nous proposerons quelques amendements pour enrichir le texte.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous remercier du travail réalisé en bonne collaboration avec vos services et vous réaffirmer, comme mon collègue, notre volonté de voir prospérer ce texte dans les étapes à venir. La réflexion sur ces sujets, aussi techniques soient-ils, doit évoluer. Il y va en effet de l’éthique du numérique et du développement d’une société de confiance.
Nous comptons sur vous pour obtenir une inscription rapide de cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Sans attendre le vote définitif de la loi, nous restons disponibles, vous l’aurez compris, pour travailler avec vous et les différentes parties prenantes sur les mesures d’application réglementaire qui seront nécessaires à son entrée en vigueur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Montaugé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux d’examiner, aujourd’hui, avec vous, cette proposition de loi qui porte sur la mise en place d’une certification de cybersécurité des plateformes destinées au grand public.
Déposé par M. Laurent Lafon le 15 juillet dernier, ce texte a été examiné, la semaine dernière, par la commission des affaires économiques. Sa version amendée conserve fidèlement, je crois, l’esprit de la proposition initiale. Elle témoigne de l’importance que revêtent désormais les sujets de la cybersécurité et de la protection des données, en général.
La place du numérique ne fait que croître dans notre société : je le sais, sans doute, mieux que personne. Ce secteur nous a permis de tenir et de continuer d’avancer durant la crise sanitaire, notamment grâce au télétravail et à l’enseignement à distance. Partout, il a démontré son utilité. Pour autant, nous ne pouvons pas faire preuve de naïveté : notre vie numérique comporte aussi des risques.
Ces risques, inhérents à notre vie numérique, ne sont pas tout à fait semblables aux risques que nous prenons dans notre vie physique quotidienne.
Tout d’abord, ils sont moins tangibles : la violence d’un vol de données, par exemple, ne saurait être comparée à celle d’un vol à main armée.
De plus, ils sont souvent plus difficiles à comprendre et revêtent une sophistication qui dépasse parfois notre capacité de représentation.
Enfin, ils sont moins bien connus, car ils restent jeunes : si cela fait des siècles que l’on braque les diligences, les attaques aux logiciels malveillants n’ont tout au plus que quelques dizaines d’années derrière elles, ce qui les rend peu familières…
Cependant, force est de constater que les choses évoluent et que ces risques sont de mieux en mieux appréhendés. Les scandales de fuites de données chez des géants du numérique, tels que Facebook, Uber ou Yahoo, font ainsi régulièrement la une de l’actualité. De même, les piratages d’entreprises sont désormais partie intégrante de notre quotidien : plus un mois ne passe sans que l’une d’entre elles, et parmi les plus grandes, soit victime d’une attaque informatique !
J’en profite d’ailleurs pour saluer le travail des équipes de l’Anssi, qui luttent quotidiennement contre ces menaces et qui réalisent un travail de grande qualité.
Les risques numériques sont dans notre vie, au même titre que le numérique participe de notre quotidien. Pour s’en protéger, deux réponses s’imposent : l’une, systémique, doit être portée au niveau européen, comme pour le règlement général sur la protection des données, le RGPD ; l’autre réside dans le changement des usages et des comportements.
Apporter une réponse systémique – je le dis –, c’est le sens des travaux que mène la France, mais aussi de ceux qui sont en cours au niveau européen. Ils visent à faire émerger des lignes fortes, solides et transnationales, de nature à assurer au mieux notre souveraineté numérique.
Comme pour le RGPD, l’Europe doit se montrer à la hauteur des enjeux et définir ses propres standards, qui doivent s’imposer à tous les acteurs. De tels changements ne pourront se faire qu’à cette échelle. Nous devons les accompagner ; la France ne doit pas manquer ce rendez-vous important.
La deuxième réponse que nous devons apporter au risque en matière de sécurité numérique doit passer par l’information des utilisateurs, laquelle constitue, avec la transparence, un levier essentiel du changement. Des exemples désormais bien connus permettent de mesurer l’impact de ces deux critères sur les comportements de nos concitoyens et des acteurs économiques.
Le plus emblématique d’entre eux, déjà mentionné, concerne le secteur de l’alimentation. En quelques années, la situation est passée d’opaque à lisible, de sorte que les consommateurs peuvent désormais faire leur choix de manière éclairée, et que le comportement des industriels a évolué.
Il a suffi de mettre à la disposition des consommateurs une information claire et transparente pour que les acteurs économiques en viennent à modifier leur comportement et à adapter leurs recettes et leurs préparations, pour produire une alimentation de meilleure qualité. La transparence et l’information ont enclenché un cercle vertueux. Nous souhaitons reproduire la même dynamique dans le domaine du numérique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous me permettez de poursuivre encore l’analogie, en matière d’alimentation, la progression s’est faite par étapes. L’obligation d’affichage des ingrédients, par exemple, a été un premier pas pour renforcer l’information des consommateurs. Cependant, le processus ne pouvait pas s’arrêter là, car l’information n’implique pas forcément la visibilité ni la transparence.
Vous savez comme moi, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’une information non hiérarchisée ou bien trop abondante n’est pas utile, non plus que celle qui serait trop technique et impossible à analyser.
L’affichage des ingrédients utilisés pour produire les aliments constituait cette information utile, mais non hiérarchisée, et parfois trop technique. Il a fallu la simplifier dans un symbole clair, lisible et transparent, même si des marges d’amélioration subsistent : le Nutriscore. Ce logo simple, clair et transparent, je le répète, a permis d’influencer des industries entières.
Nous pouvons nous inspirer de cet exemple, riche d’enseignements, car si la plupart des informations sont aujourd’hui accessibles sur internet, elles restent encore trop souvent noyées dans la masse de celles qui sont disponibles.
J’en veux pour preuve les conditions générales d’utilisation, ou CGU, qui contiennent déjà une grande partie des informations qu’un consommateur avisé pourrait vouloir rechercher. Pourtant, elles restent largement inexploitables en pratique, car elles sont trop souvent noyées parmi d’autres, ou bien formulées dans des termes techniques qui les rendent inutilisables ou inaccessibles à nos concitoyens.
Voilà ce à quoi nous devons remédier pour que les industriels progressent vers des pratiques plus vertueuses, comme ils l’ont fait dans le secteur de l’alimentation.
Dans cette perspective, il nous faut garder pour objectif l’établissement d’une symbolique qui garantira aux consommateurs une compréhension claire des conditions d’hébergement de leurs données, de leur assujettissement à des lois extraterritoriales et de leur exploitation à des fins commerciales.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement soutient la proposition de loi déposée par M. Lafon et souhaite compléter le texte issu des travaux de la commission par quelques modifications, présentées dans un esprit constructif. En effet, le sujet est important, et nous partageons le même objectif.
Ces aménagements portent principalement sur la mécanique de diagnostic : elle ne peut reposer que sur l’entreprise elle-même, car les plateformes changent très souvent d’algorithmes, à un rythme souvent hebdomadaire, de sorte qu’un système d’audit ou de diagnostic par un tiers serait inopérant en pratique.
Par conséquent, les opérateurs doivent être considérés comme responsables des informations qu’ils affichent et s’assurer qu’elles restent exactes à chaque mise à jour de leur logiciel.
Les ajouts proposés par le Gouvernement concernent également le champ d’application du dispositif, afin de le restreindre, dans un premier temps, aux plateformes de taille mondiale, soit les acteurs auprès desquels il est le plus important d’intervenir.
Enfin, ces changements concernent l’inscription dans le code de la commande publique, qui ne me semble pas être la voie la plus efficace pour agir : j’y reviendrai.
Cela dit, je souhaite vous redire la volonté constructive du Gouvernement sur ce texte. Celui-ci traite d’un sujet important et ouvre les perspectives prometteuses d’une meilleure information du consommateur et d’une plus grande transparence. Il pose ainsi les bases d’un cercle vertueux qui a fait ses preuves et qui serait, je le crois, très utile pour favoriser une plus grande cybersécurisation des opérateurs.
Je souhaite que nous puissions avancer sur le sujet, non seulement dans le cadre des débats qui vont suivre, mais aussi au cours de la navette parlementaire.
Pour finir, je me permets cette brève remarque, madame la rapporteure, puisque vous m’avez interpellé au travers d’une question précise. Comme je l’ai déjà indiqué voilà deux semaines devant une commission d’enquête du Sénat, le Gouvernement a pris la décision de faire migrer, prochainement, le Health Data Hub sur une plateforme européenne, afin de tenir compte, notamment, de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne invalidant, au travers de son arrêt du 16 juillet 2020, Schrems II, la décision relative au Privacy Shield. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le monde réel voit sa part, dans nos existences, diminuer chaque jour, au profit du monde virtuel. En 2019, les Français ont passé, en moyenne, plus de deux heures par jour sur internet, et rien n’indique que cette tendance soit appelée à s’inverser ; le développement du télétravail et la distanciation sociale contribueront probablement à des records en la matière.
Si nous connaissons les avantages du numérique, nous appréhendons moins ses dangers. Ainsi, la proposition de loi de M. Lafon a pour objectif de mieux informer les consommateurs sur le niveau de sécurité des services qu’ils utilisent.
La commission des affaires économiques a introduit un mécanisme de score qui a l’avantage d’apporter plus de clarté, et il me semble d’ailleurs que cela est assez symptomatique : le sujet n’est pas lisible. Hormis certains spécialistes, très peu d’entre nous connaissent le fonctionnement des outils numériques. Nous savons les utiliser – les concepteurs veillent d’ailleurs à produire des logiciels très ergonomiques –, mais nous ignorons les principes qui régissent ce monde particulier, encore naissant à bien des égards.
L’information du public sur les risques est une avancée qu’il nous faut soutenir. Elle implique toutefois un travail important, parce qu’il sera nécessaire d’établir, mais aussi de mettre à jour, ces diagnostics ; cela exigera des efforts prolongés.
Pour améliorer l’information des consommateurs, nous devrons également développer l’enseignement du numérique, à l’école et hors de l’école. Je veux saluer ici le rôle de l’Anssi, qui, d’une part, veille à la protection des opérateurs d’importance vitale, et, d’autre part, travaille à développer en France la culture de la cybersécurité, en diffusant les bonnes pratiques et les bons outils.
Les responsables de la sécurité des systèmes d’information sont encore trop nombreux à plaisanter en affirmant que la plupart des failles se situent « entre la chaise et le clavier » ; sans une bonne connaissance de l’outil, il est difficile de se prémunir contre les risques…
En vérité, il est même probablement impossible de se prémunir totalement contre le risque « cyber » ; d’ailleurs, à la suite des révélations d’Edward Snowden, les services russes de renseignement ont résolu de commander des machines à écrire mécaniques…
Sans nous condamner à un retour à l’âge de pierre, les spécialistes de la cybersécurité font de la résilience l’une des composantes essentielles de la défense. En effet, personne n’étant immunisé contre une cyberattaque, il s’agit de savoir se relever lorsque l’agression a réussi. Tout comme l’évaluation du risque et les moyens d’y faire face, la résilience implique de développer une culture numérique. L’usager doit être averti des pièges à éviter et être conscient des failles ; cela n’est possible qu’avec une bonne connaissance du milieu.
Le cyberespace est un espace à part entière, où les enjeux sont multiples : souveraineté, extraterritorialité, sécurité des personnes dans la gestion de leurs données et protection de la vie privée. Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus dépendants de services numériques souvent étrangers. Il est donc urgent de maîtriser pleinement cet outil, avant qu’il ne soit trop tard.
Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires considèrent que les mesures proposées représentent une avancée pour nos concitoyens, mais qu’elles devront être plus largement complétées, afin de parvenir à un usage plus sûr des services numériques. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi la proposition de loi pour la mise en place d’une certification de cybersécurité des plateformes numériques destinée au grand public. Au travers de cette proposition de loi, on cherche à répondre aux craintes légitimes, exprimées pendant le confinement, sur le traitement de nos données personnelles collectées via les outils et autres plateformes de visioconférence facilitant le télétravail.
Tout d’abord, je me réjouis que la problématique de l’exploitation des données personnelles soit à l’ordre du jour du Sénat. Voilà un sujet majeur, qui touche aux questions de transparence et d’information du consommateur internaute sur la sécurisation de ses données et aux questions de souveraineté numérique, tant en France qu’à l’échelon européen.
Si l’évolution des technologies permet aujourd’hui une expansion bienvenue du télétravail, nous devons sensibiliser nos concitoyens à ces enjeux de cybersécurité et rappeler que la pratique du numérique conduit à s’exposer à un certain nombre de risques. Ainsi, les internautes, mais aussi les entreprises, sont particulièrement sujettes aux risques et doivent encore, pour une large majorité d’entre elles, s’approprier certains réflexes.
À l’heure où le numérique est partout et où le Gouvernement pousse au déploiement, sans débat et sans concertation, de la 5G, rappelons que la vigilance et la tempérance dans les pratiques et les usages du web sont primordiales pour ne pas exposer nos concitoyens ni aggraver notre bilan carbone.
Si de nombreux textes, à commencer par le RGPD, régissent déjà la cybersécurité, cette proposition de loi représente un pas supplémentaire vers plus de transparence et de droits pour les internautes, ce qui va évidemment dans le bon sens. Nous soutenons donc la principale mesure de ce texte : la mise en place d’un Cyberscore, un diagnostic de cybersécurité lisible, clair et compréhensible par tous.
Je m’interroge néanmoins sur la portée de l’amendement de Mme la rapporteure adopté en commission : si cette disposition étend le champ d’application du dispositif à tous les services numériques, notamment aux logiciels de visioconférence, elle limite le champ d’application aux services numériques les plus utilisés, selon des seuils à définir.
La commission a justifié cet aménagement en indiquant que cela « évitera d’imposer de trop fortes contraintes à de petites structures », mais nous pensons au contraire que les petites entreprises du numérique ont tout à gagner à faire valoir la fiabilité de leur plateforme et à faire respecter une gestion responsable des données. C’est justement une belle occasion pour elles de se démarquer des géants du numérique, qui ne sont pas toujours exemplaires en la matière. En outre, nous pensons également que c’est un pli à prendre pour toutes les nouvelles entreprises qui se lanceront dans ce secteur.
Nous souhaitons par ailleurs alerter la Haute Assemblée de l’amendement qu’a déposé le Gouvernement sur l’article 1er. Cet amendement tend à atténuer largement la portée de cet article, notamment en retirant l’obligation d’une évaluation des plateformes par une autorité administrative indépendante et à amoindrir la lisibilité du logo Cyberscore. Nous nous opposerons à cette réécriture, qui affaiblira forcément l’ambition initiale du texte.
Je dirai pour conclure que, si le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires soutient ce texte en l’état, il considère également qu’il s’agit là d’un premier pas. Nous devons aller plus loin encore, notamment dans le cadre d’une évolution du RGPD. En effet, c’est bien évidemment à l’échelon européen que la démarche globale de certification de cybersécurité doit s’engager et avancer. Des évolutions récentes ont été actées, avec le Cybersecurity Act ; la France doit maintenant rapidement s’approprier ce chantier de la certification.
Dans un monde numérique dominé aujourd’hui par les grands acteurs américains et chinois, notre souveraineté nationale dépend de l’Europe, tout comme l’Europe a besoin de la France pour se développer dans ces domaines. Nous disposons de tous les outils pour y parvenir : la technologie, le savoir-faire, une main-d’œuvre hautement qualifiée. Il faut être à l’avant-garde de ces enjeux d’avenir, mais il faut aussi garder une lucidité pleine et entière pour analyser les avantages et les inconvénients de la numérisation de la société.
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si le confinement a eu une vertu, c’est celle de nous montrer à quel point les Français pouvaient, malgré leurs privations de liberté, faire preuve d’imagination, de créativité, de réactivité et de résilience pour briser les barrières physiques que nous imposaient les règles sanitaires. Télétravail, télémédecine, visioconférence, sport en ligne, représentations artistiques : c’est en grande partie grâce au numérique que ces solutions de remplacement salvatrices ont pu s’exprimer.
L’écosystème français a donc dû s’adapter à ces nouvelles règles, grâce au numérique, qui connaît en France une certaine maturité : notre pays compte en effet 53 millions d’internautes mensuels, ce qui représente 92 % de foyers connectés dans l’Hexagone.
Bloqués à leur domicile pendant deux mois, les Français n’auront jamais autant utilisé internet que pendant la période de confinement. Par exemple, en avril 2020, les trois quarts des Français, soit 46 millions de personnes, se sont connectés tous les jours.
Les géants américains du web, désignés par l’acronyme « Gafam » – Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft –, en ont profité pour asseoir leur domination ; Google, avec 39 millions de visiteurs quotidiens, Facebook, avec 31 millions de visiteurs quotidiens et YouTube, qui appartient à Google, sont les sites les plus visités chaque jour.
Or la sécurité requise dans l’espace public vaut aussi pour l’espace numérique. L’ensemble de notre quotidien, personnel et professionnel, repose un peu plus chaque jour sur des outils et plateformes numériques susceptibles d’utiliser nos données personnelles en vue d’actes malveillants.
Le nombre d’attaques en ligne ne cesse d’augmenter. Dans ce contexte, le travail de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’Anssi, qui assure un service de veille, de détection, d’alerte et de réaction aux attaques informatiques, notamment sur les réseaux de l’État, est crucial. Néanmoins, au regard des menaces grandissantes, il paraît nécessaire que cette agence soit renforcée par de nouveaux moyens humains et structurels.
L’Agence est déjà intervenue 104 fois cette année pour régler des attaques par rançongiciel, c’est-à-dire au moyen d’un logiciel malveillant prenant en otage des données personnelles et réclamant une rançon ; en 2019, l’Anssi n’avait compté que 54 cas. C’est donc déjà deux fois plus, alors que l’année n’est pas encore finie…
Face à cette insécurité qui progresse de façon exponentielle, il ne fait pas de doute que nous accueillons cette proposition loi avec bienveillance. Son article 1er propose que les consommateurs soient mieux informés sur la sécurisation des données lorsqu’ils utilisent solutions numériques, l’objectif étant de mettre place, à terme, une sorte de Nutriscore de la cybersécurité. Nous ne pouvons que souscrire à cette proposition.
Il faudrait toutefois que les modalités du diagnostic soient précisées par un arrêté conjoint des ministres chargés du numérique et de la consommation, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL ; tel est l’objet d’un amendement du Gouvernement.
Cela montre également qu’un travail coconstruction entre la rapporteure et le Gouvernement a pu être mené pour aboutir à un texte aussi efficace que techniquement réalisable.
Aussi, au travers d’un sous-amendement, la rapporteure souhaite intégrer, parmi les fournisseurs de service en ligne, les acteurs de services de visioconférence en ligne, particulièrement sollicités dans cette situation sanitaire particulière, notamment pour le télétravail. Il est vrai que nous n’avons que peu d’informations sur le stockage des données de ces plateformes, qui s’accommodent assez facilement du règlement européen sur la gestion des données, auxquelles elles doivent se soumettre. Il nous paraît donc assez cohérent de souscrire, au premier abord, à l’idée d’un tel sous-amendement.
Plus globalement, c’est l’ensemble de cette proposition de loi que nous soutenons. L’information du consommateur, au travers de dispositifs comme l’étiquetage dans le domaine de la consommation énergétique ou alimentaire, est la grande oubliée des supports numériques. Aussi ce projet de Cyberscore nous paraît-il particulièrement bienvenu pour répondre aux nombreuses interrogations des internautes.
Nous voterons donc cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte, issu de la commission des affaires économiques, s’inscrit dans la série de travaux réalisés par le Sénat, depuis un certain temps, dans le domaine du numérique et des technologies de l’information.
Ainsi, rappelons la proposition de loi adoptée en début d’année visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace, la question du statut des travailleurs de plateforme, qui a fait l’objet de plusieurs propositions de loi, et, enfin, la lutte contre l’illectronisme et l’encouragement de l’inclusion numérique, qui ont fait l’objet, sur l’initiative du groupe du RDSE, d’une mission d’information ayant rendu ses conclusions le mois dernier.
La cybersécurité, enjeu de longue date, est une question encore plus centrale depuis les mesures de lutte contre la pandémie de covid-19 et le recours massif au travail à distance, au moyen d’outils numériques. En effet, le confinement a accéléré l’utilisation de ces outils, à des fins tant professionnelles que privées. Dans ce contexte, le recours, parfois dans l’urgence, à des applications de téléconférence n’est pas allé sans augmenter les risques de piratage, d’enregistrement indu ou de détournement de données personnelles.
Je fais également remarquer que les collectivités territoriales, ne bénéficiant souvent pas des mêmes ressources que l’État, sont plus vulnérables à la cybercriminalité.
Avec cette proposition de loi, l’initiative du groupe UC et de notre collègue Laurent Lafon procède d’une intention légitime : renforcer la sécurité des plateformes numériques, en particulier des outils de téléconférence et de commande en ligne, en instaurant une obligation de certification.
Concrètement, les services de communication en ligne devront communiquer les informations relatives à la sécurité des données hébergées par eux ou par un autre prestataire. Cette démarche devra néanmoins s’articuler avec, d’une part, les travaux en cours à l’échelon européen, et, d’autre part, les aspects relevant du domaine réglementaire.
Si la pertinence du sujet ne fait pas de doute, le véritable enjeu se trouve dans sa technicité et dans l’applicabilité de nouvelles dispositions : champ d’application de la certification, niveau adéquat de norme, effectivité face à des acteurs de niveau mondial.
Le groupe du RDSE souscrit en principe à cette initiative. Je me permets simplement d’exprimer une réserve ou, du moins, une interrogation sur les éventuelles conséquences financières de cette nouvelle obligation. La certification sera-t-elle payante ? Les start-up et autres petites entreprises n’ont pas forcément les moyens de remplir ce type d’obligation, ce qui risque de créer une concurrence déloyale avec les plus grands acteurs.
La rapporteure a assuré que la modification adoptée en commission la semaine dernière les protégera de ce risque, mais elle renvoie à un décret pour la définition des seuils d’utilisation. Or on sait que les décrets prennent parfois du temps à être adoptés… Combien de temps faudra-t-il attendre pour obtenir le précieux sésame ?
En conclusion, le groupe du RDSE salue cette initiative dans un domaine pleinement d’actualité, où les risques d’abus sont généralement sous-estimés. La cybersécurité est de la responsabilité de chacun ; la maîtrise minimale des outils et des enjeux du numérique, donc la lutte contre la fracture numérique, sont également un objectif.
Aussi, nous voterons en faveur de l’adoption de ce texte, excepté l’un d’entre nous, qui s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de nombreux enjeux éthiques, démocratiques et économiques auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui sont directement liés à l’essor des nouvelles technologies et à la généralisation de l’utilisation d’outils informatiques et numériques.
À l’ère de l’omniprésence de l’informatique et des objets connectés, la question de la sécurité des systèmes est donc centrale. Aussi, en matière de cybersécurité, deux axes nous semblent essentiels.
La première problématique est celle de la cybercriminalité et des piratages. En effet, 80 % des entreprises disent avoir été touchées par au moins une cyberattaque en 2018. Le pire est que l’on observe à la fois une professionnalisation des cyberattaquants et une multiplication des cyberdélinquants. À cet égard, l’explosion du télétravail, en cette période de crise sanitaire, a mis en lumière la fragilité des particuliers et de nombreuses entreprises.
Plusieurs questions se posent : pourquoi mes données personnelles doivent-elles être protégées ? Que se passerait-il si nos objets numériques partageaient librement nos données avec un tiers ? Que pourrait en faire ce dernier ? Et les mêmes interrogations se posent pour une entreprise, pour un service public ou pour un État.
Si l’acquisition, par les usagers, de connaissances sur la cybersécurité et une meilleure information sont une nécessité, il n’en demeure pas moins que c’est d’un véritable effort de formation que nous avons besoin, d’autant que la France fait face à une pénurie de cyberspécialistes.
De nombreux objets connectés d’un usage quotidien ne sont souvent que très faiblement sécurisés, alors même qu’ils pénètrent dans les foyers et sont susceptibles de donner accès à toutes sortes d’informations sensibles.
Je donnerai quelques exemples récents : la découverte, dans un robot-cuiseur, d’un micro, dont aucune mention n’était faite dans la notice, ou encore les Vtech Leaks, en 2015, avec le piratage de plus de 6 millions de comptes de tablettes pour enfants, qui était, fort heureusement, le fait d’un militant souhaitant démontrer la non-fiabilité de ces appareils. Ajoutons à cela l’étude de chercheurs de l’université de l’Iowa, qui ont trouvé une douzaine de failles de sécurité que la 5G pourrait aggraver, sans qu’il soit nécessaire, pour les pirates, de disposer d’un équipement de pointe.
À toutes ces questions sociétales, commerciales et économiques, on pourrait ajouter des problématiques de défense nationale, alors même que le cyber fait partie des nouveaux champs de bataille de la guerre hybride.
La deuxième problématique à laquelle nous devons faire face est l’extraterritorialité des lois états-uniennes, qui permettent au gouvernement des États-Unis de demander, en justice, l’accès à toute donnée personnelle détenue par une entreprise américaine, où qu’elle soit implantée dans le monde. Rappelons-le, aux États-Unis, le secret professionnel n’existe pas face à la raison d’État. Il est donc impératif, en cas de marché public, de prendre en compte ces risques.
D’ailleurs, le 16 juillet dernier, la Cour de justice de l’Union européenne a cassé l’accord sur les données personnelles passé entre les États-Unis et la Commission européenne, considérant que ce traité ne protégeait pas suffisamment les citoyens européens. Le risque est que, avec le cloud, les données publiques sensibles tombent sous le coup de la législation états-unienne.
C’est notamment le cas pour ce qui concerne les données de santé, qui devaient être hébergées dans les data centers de Microsoft, aux Pays-Bas.
Or Microsoft étant une société américaine, elle est soumise au Cloud Act des États-Unis. Qui plus est, en raison du fonctionnement même de son cloud, une partie des données peut déjà se trouver aux États-Unis. Ainsi, ces données devraient, au minimum, être gérées par une société européenne, avec un cloud et des serveurs exclusivement situés sur le territoire de l’Union européenne, voire, dans le meilleur des cas, rester dans le « tout français ».
Mes chers collègues, même si cette proposition de loi reste limitée dans son champ, elle pose une première pierre ; nous voterons donc en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Cardon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la cybersécurité est un enjeu mondial pour l’ensemble des acteurs.
Aujourd’hui, le développement des technologies de l’information et des communications est de plus en plus difficile à encadrer. Permettre le développement du numérique, tout en garantissant la sécurité, la protection des données et la confiance des consommateurs, est un défi difficile à relever.
Ce débat est l’occasion de le rappeler, le déploiement d’un parcours d’identification numérique, au travers duquel chaque citoyen pourra prouver son identité en ligne, dépend aussi de la capacité de chaque usager à s’approprier de tels systèmes, aussi intelligents soient-ils. Cette capacité dépend directement du degré de confiance qu’auront ces usagers à l’égard des plateformes numériques.
L’actualité montre à quel point nous sommes devenus vulnérables face à un nouveau modèle, qui s’impose implacablement. Il faut apprendre à vivre dans ce monde où chaque instant de notre vie devient perméable à toutes sortes d’intrusions, en raison du développement des objets connectés.
Même au siècle de l’intelligence artificielle, personne ne peut contester le fait que le risque zéro n’existe pas. Les failles existeront toujours, et les victimes doivent être prises en charge. C’est une question tant juridique, s’agissant des dispositifs législatifs à améliorer, que technologique, pour ce qui concerne les outils de protection a posteriori qui pourraient être développés.
Aussi, la question des données personnelles des citoyens doit être au cœur de nos préoccupations. La protection de ces derniers doit être renforcée, notamment dans le cadre d’une évolution du RGPD, le règlement européen traitant de la gestion des données, en vigueur depuis mai 2018.
Il faut améliorer le dispositif de consentement des utilisateurs et mieux alerter ceux-ci quant aux risques liés à l’exploitation de leurs données. Cette réflexion doit être menée rapidement, dans le cadre d’une approche qui englobe la question de la neutralité des réseaux et des terminaux, la portabilité des données et l’interopérabilité des plateformes.
Le Sénat a beaucoup travaillé ces derniers mois sur ces sujets, qu’il s’agisse du rapport sur la souveraineté numérique ou encore de la proposition de loi visant à renforcer le droit des consommateurs dans le cyberespace, adoptée à l’unanimité dans cet hémicycle, mais l’appropriation de cette question par le grand public doit être renforcée. Il est difficile de choisir, sans repères simples, une solution de visioconférence ou autre.
Il faut aussi consolider les évolutions amorcées tant en France qu’à l’échelon européen. Comme tout État membre, la France aura jusqu’au 28 juin 2021 pour mettre en conformité sa législation nationale avec les règles européennes. Elle doit rapidement s’approprier ce chantier de la certification.
J’en viens au texte lui-même.
À l’article 1er, le Cyberscore, issu des travaux en commission et équivalent à un Nutriscore de la cybersécurité des solutions numériques, aura le mérite d’apporter aux utilisateurs un repère simple, pour qu’ils puissent s’y retrouver dans la multitude d’offres de service de communication en ligne, à propos notamment du niveau de sécurité garanti.
Le sous-amendement proposé par M. Lafon vise à rendre plus contraignante la présentation du diagnostic : le Cyberscore devrait figurer lors de chaque connexion au service, à l’image du diagnostic de performance énergétique. La version proposée par le Gouvernement nous convient, d’autant qu’elle inclut la consultation de la CNIL sur les indicateurs qui seront pris en compte par le diagnostic de cybersécurité. Elle satisfait donc l’amendement que nous avions déposé initialement.
Il est également indispensable que l’ensemble des opérateurs de service de communication en ligne soit concerné, et non pas seulement les plateformes numériques. Nous voterons donc pour le sous-amendement de la rapporteure, afin d’inclure, dans le champ de la proposition de loi, les éditeurs d’application de visioconférence, par exemple.
Dans un monde de réseaux, où l’information circule de plus en plus rapidement, il est indispensable de garantir aux acteurs publics la sécurité de leurs données stratégiques. Il s’agit donc de protéger leur développement et leur transformation numérique.
Les collectivités territoriales, par exemple, traitent un volume croissant de données personnelles, afin d’assurer le fonctionnement des services publics dont elles ont la charge. La divulgation de ces données – fiscales, sociales ou autres –, leur altération, leur suppression ou leur vol constituent des atteintes dommageables en soi, mais elles ont également de graves répercussions sur le déroulement du processus de modernisation de l’administration et des services des collectivités visées.
Même si nous comprenons l’esprit des auteurs de la proposition de loi, les impératifs de cybersécurité ne sont toutefois pas applicables à la plupart des achats publics ; nous voterons donc pour l’amendement, proposé par le Gouvernement, de suppression de l’article 2.
Au-delà de notre débat juridique, la cybersécurité est un sujet qui touche tous les territoires et ses acteurs : les entreprises – notamment les grands groupes et leurs filiales, mais aussi, et surtout, les entreprises de tailles intermédiaires, les PME et les start-up –, mais encore les collectivités, les hôpitaux, les élus et les associations. La présence d’un écosystème dédié sur un territoire, composé de pure players et complété par des PME et des start-up, ainsi que par la présence d’une offre de formation, sont autant d’atouts pour favoriser le développement de la filière sur les territoires et l’accueil de nouvelles entreprises.
Mes chers collègues, il me reste quelques secondes de temps de parole pour vous indiquer que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera pour cette proposition de loi, malgré quelques nuances. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme la rapporteure applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite naturellement exprimer, à mon tour, mon plein et entier soutien à la démarche de notre collègue, M. Laurent Lafon, que je félicite d’ailleurs pour son élection à la présidence de la commission de la culture.
Je rejoins les différents orateurs pour souligner la nécessité de ne pas laisser les consommateurs démunis face aux solutions numériques qu’ils utilisent. La solution d’un Cyberscore, proposée ici, me paraît, ainsi qu’à l’ensemble de la commission des affaires économiques, particulièrement pertinente. Nous avons donc enrichi le texte en commission afin de le faire prospérer, et je remercie notre collègue Anne-Catherine Loisier, rapporteure de ce texte, de son travail efficace et rapide.
Il existe un véritable enjeu de protection du consommateur sur internet, laquelle protection passe par une meilleure information sur les solutions utilisées.
Monsieur le secrétaire d’État, vous connaissez mon attachement à la défense du consommateur dans le cyberespace. Aussi, je ne manque pas l’occasion de rappeler que cette protection du consommateur passe également, à notre sens, par un encadrement plus structurel des pratiques des géants du numérique. Ces pratiques tendent à enfermer le consommateur dans un web en silo, à rebours du web eldorado des libertés et des opportunités.
Ce matin, en commission mixte paritaire, nous ne sommes pas parvenus à un accord sur ce sujet : alors qu’une majorité se dessinait clairement, le Gouvernement a donné l’ordre à sa majorité de renoncer à toute ouverture au motif que tout devait être édicté au niveau européen, dans le cadre du Digital Services Act, ou DSA, dont la première version, qui n’est pas bouclée à ce jour, sera présentée – « si tout va bien » – au début du mois de décembre.
Même l’interdiction des « interfaces trompeuses », c’est-à-dire de celles qui sont conçues pour induire les consommateurs en erreur, n’a pas trouvé grâce aux yeux du Gouvernement, alors que le DSA ne traite pas ce sujet. Nous avons donc une vision différente de la défense du consommateur.
J’ajoute que nous avions proposé de reporter à 2023 la mise en application des dispositifs adoptés deux fois à l’unanimité par le Sénat, afin de vous permettre de mener les négociations européennes et d’avoir des solutions nationales en cas de retard ou d’échec de ces mêmes négociations.
Je suis donc surprise – heureusement surprise ! – que le Gouvernement ne retienne pas la même approche sur cette proposition de loi, par essence de portée nationale, alors qu’il reconnaît la nécessité d’une législation européenne.
Le Gouvernement semble donner ici un gage de sa volonté d’avancer sur ce point relatif à l’information du consommateur, même si tout dépend encore de l’inscription du texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Nous verrons donc…
Cette proposition de loi me donne l’occasion d’évoquer la question de la sécurisation des données de nos entreprises, en particulier de leurs données stratégiques. Comme l’a brillamment souligné notre collègue, la confidentialité de ces données peut être fragilisée par des lois de portée extraterritoriale.
Au travers d’initiatives comme Gaïa-X, les gouvernements français et allemand veulent promouvoir les solutions européennes de confiance en matière de cloud, ce qui va dans le bon sens.
Toutefois, qu’en est-il de la traduction législative du rapport de notre collègue député Raphaël Gauvain, que le Gouvernement a annoncé à plusieurs reprises ? Qu’en est-il de la réforme de la loi de blocage, promise depuis plusieurs années ? Qu’en est-il de l’extension du règlement général européen sur la protection des données, le RGPD, aux données des entreprises ? Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous éclairer sur les intentions du Gouvernement sur ces points dans les dix-huit mois à venir ?
Le Cyberscore que vise à instaurer cette proposition de loi permettra aux entreprises utilisant des solutions « grand public » d’être mieux informées. Toutefois, cela ne résout pas tous les problèmes auxquels nos entreprises doivent faire face quant à la sécurisation de leurs données.
Monsieur le secrétaire d’État, malgré notre réel désaccord de ce matin et, je dois le dire, notre réel mécontentement sur le fond et sur la forme, nous sommes bien évidemment disposés à travailler avec vous sur ces sujets stratégiques pour notre économie et notre pays. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Louault. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pierre Louault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis heureux de soutenir cette proposition de loi portée par notre collègue Laurent Lafon et rapportée par Anne-Catherine Loisier. Nous sommes également satisfaits de votre soutien, monsieur le secrétaire d’État.
À partir du moment où nous faisons face aux attaques par rançongiciel, à l’hameçonnage, à la cybercriminalité et même à l’espionnage de la part d’un certain nombre d’États, il est important de commencer à agir.
J’entends bien que cette proposition de loi est incomplète et imparfaite, mais elle a le mérite de commencer à cadrer un certain nombre de sujets et de permettre au consommateur d’avoir des repères sur la fiabilité des plateformes et des logiciels qu’elles utilisent.
Les conséquences des attaques concernent une multitude d’enjeux. La portée financière dépasse de loin celle des postes informatiques à remplacer ou des systèmes à repenser intégralement, qui coûteront toujours moins cher que ces cyberattaques.
En sus de ces enjeux économiques, chacun, dans son quotidien, confie plus ou moins volontairement aux plateformes numériques qui les gèrent de plus en plus de données personnelles et intimes qui seront stockées, utilisées, traitées et même vendues. La sécurité de ces données est essentielle ; il est de notre rôle de l’assurer.
Malheureusement, la prise de conscience de l’importance de cette sécurité est loin d’être généralisée chez nos concitoyens. Finalement, les mesures à prendre en matière de cybersécurité recouvrent le même champ que celles qui sont préconisées actuellement en matière de sécurité sanitaire : mise en œuvre de barrières, de restrictions, ou encore nettoyage systématique… Dans certains cas, la sécurité numérique peut être aussi importante, sinon davantage, que la sécurité sanitaire.
Or les usages se développent toujours plus. La période de confinement que nous venons de traverser et le développement du télétravail interrogent sur cette conscience et sur la protection que nous proposons aux usagers. Ce fut réellement l’occasion d’une prise de conscience sur la fiabilité de ces différents logiciels.
À ce stade, aucune disposition ne garantit l’information du consommateur quant à la sécurité informatique de la solution numérique utilisée. C’est l’objet principal de cette proposition de loi, portée par notre collègue Laurent Lafon. Afin que les consommateurs prennent davantage en compte les impératifs liés à la cybersécurité, le texte oblige les plateformes numériques à fournir aux consommateurs un diagnostic de cybersécurité, pour mieux les informer sur la sécurisation de leurs données.
La mise en place de cette forme de Nutriscore numérique, également appelée Cyberscore, doit impérativement être simple, avec une information immédiate. En effet, un dispositif trop compliqué à comprendre ou à lire ne pourrait qu’être inefficace.
Naturellement, ce Cyberscore doit proposer des garanties aux consommateurs en termes de conception – l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’Anssi, y trouvera tout son rôle – et de contrôle – la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, doit obtenir des moyens pour assumer cette mission. À cet égard, je soutiens les propositions qu’a formulées Laurent Lafon en ouverture de la discussion générale.
Il semble également nécessaire d’aborder cette thématique avec un regard européen. Pour affronter ces nouvelles menaces, l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information, l’Enisa, recommande aux États membres d’adopter de véritables politiques en matière de cybersécurité, en collaboration étroite avec des experts. Au-delà des législations nationales, l’Union européenne doit également agir en construisant une nouvelle stratégie de cybersécurité d’ici à la fin de l’année 2020.
Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous éclairer sur ces engagements, sans botter en touche et toujours attendre que les autres fassent le travail, qui devrait d’ailleurs être mieux fait ?
En ce qui concerne cette proposition de loi, je suis heureux de souligner que ce travail est bien fait. Il doit être mis en application rapidement, car il y a véritablement urgence. Nous soutiendrons ce texte.
Je tiens à féliciter non seulement son auteur, Laurent Lafon, mais aussi Mme la rapporteure, Anne-Catherine Loisier, et Mme la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, qui ont travaillé sur ce dossier et apporté trois amendements dont l’adoption améliorera encore cette proposition de loi déjà parfaitement bien construite. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Bernard Buis et Jean-Claude Requier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le numérique est décidément à l’honneur au Sénat : le 19 février dernier, nous adoptions à l’unanimité la proposition de loi de notre présidente Sophie Primas visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace – la liberté de choix des utilisateurs d’équipements terminaux et l’interopérabilité des services de communication au public en ligne étaient alors des points cardinaux de ce texte.
Le 24 juin dernier, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable adoptait le rapport d’information de Guillaume Chevrollier et de Jean-Michel Houllegatte sur l’empreinte environnementale du numérique, après les six mois de travaux de la mission d’information que j’ai eu l’honneur de présider.
Le Sénat n’a pas attendu la crise sanitaire pour se pencher sur les nouveaux enjeux du numérique. Force est de reconnaître que nous avons été bien inspirés. Disons-le simplement : les données, qui seront la matière première stratégique du XXIe siècle, ne sont pas encore traitées avec la rigueur qu’il conviendrait de leur réserver.
Les données informatiques ne doivent pas être confondues avec de l’information. Qu’il s’agisse de la gestion de volumes exponentiels, de la protection contre des utilisateurs malveillants ou encore du risque de manipulation, nous n’avons pas encore déterminé de politique publique idoine.
Faut-il légiférer ? Que peut-on espérer du cadre communautaire actuel ? Doit-on attendre le futur Cybersecurity Act, qui doit permettre, à terme, de définir un cadre de certification européen ? Toutes les questions que pose le développement exponentiel des usages ne trouveront pas de réponse aujourd’hui.
Pourtant, cette proposition de loi s’attaque et, je le crois, répond à un chantier essentiel, celui de l’information du public sur la sécurité de l’information qu’il transmet aux plateformes numériques.
Je citerai deux chiffres pour nous convaincre de l’importance du sujet : depuis le début de l’épidémie du coronavirus, le nombre d’utilisateurs du logiciel de la société américaine Zoom a augmenté de 2 900 %, atteignant 300 millions par jour ; entre le 14 et le 21 mars 2020, les téléchargements d’applications de visioconférence ont augmenté de 90 %, soit pas moins de 62 millions de téléchargements.
Aussi, comme le souligne le rapport de notre collègue Anne-Catherine Loisier, que je salue pour la pertinence de ses travaux, si les consommateurs sont protégés, en tant que personnes physiques, par le règlement général de protection des données adopté à l’échelon européen en 2016, ce dernier n’impose cependant pas d’informer sur la cybersécurité des solutions proposées par un prestataire de solutions numériques. Autrement dit, si le droit européen de la cybersécurité prévoit, à terme, des certifications harmonisées de cybersécurité, une telle certification reste, à ce jour, une démarche volontaire de l’entreprise concernée.
L’article 1er de cette proposition de loi, qui oblige les plateformes numériques à fournir aux consommateurs un diagnostic de cybersécurité, afin de mieux les informer sur la sécurisation de leurs données, répond donc à cette lacune.
Toujours en ce qui concerne l’article 1er, je trouve bienvenu l’amendement de Mme la rapporteure adopté en commission. Je souscris au fait qu’il faille élargir le champ d’application du dispositif à tout fournisseur de services de communication au public en ligne. Je souscris également à la proposition de substituer un arrêté au décret définissant les indicateurs. Enfin, je trouve cohérent de permettre la désignation des organismes habilités par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information.
Le recours trop systématique aux décrets d’application était l’un des griefs que l’on pouvait adresser à cette proposition de loi, y compris pour le cœur du dispositif. S’il arrive que le pouvoir législatif déborde maladroitement sur le pouvoir réglementaire, nous n’étions pas loin, en l’espèce, de l’incompétence négative. Désormais, seuls les indicateurs et la durée de validité devraient être fixés par arrêté.
La rédaction actuelle de l’article 1er me semble donc cohérente, même si j’ai cru comprendre qu’elle pouvait encore évoluer d’ici à la fin de notre examen, notamment pour renforcer la cybersécurité des entreprises utilisatrices.
Il est loisible d’émettre des réserves sur les moyens d’atteindre l’objectif fixé à l’article 2, conservé à l’issue de nos travaux en commission. Comme le rappelle notre rapporteure, une loi de portée générale est affaiblie si elle inclut des objectifs particuliers. Les impératifs de cybersécurité ne concernant pas tous les marchés publics, cet ajout n’est peut-être pas indispensable.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, dans sa rédaction actuelle, et compte tenu des évolutions possibles que peut connaître ce texte en séance, notre groupe votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi pour la mise en place d’une certification de cybersécurité des plateformes numériques destinée au grand public
Article 1er
Le code de la consommation est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 111-7-2 du code de la consommation, il est inséré un article L. 111-7-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-7-3. – Les fournisseurs de services de communication au public en ligne informent les consommateurs quant à la sécurisation des données qu’ils hébergent, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers.
« À cette fin, ils fournissent un diagnostic de cybersécurité dont les indicateurs et la durée de validité sont fixés par arrêté et effectué par des organismes habilités par l’autorité administrative compétente. Les indicateurs sont réévalués à échéance régulière.
« Le diagnostic est présenté au consommateur de façon lisible, claire et compréhensible et peut être accompagné d’une présentation ou d’une expression complémentaire au moyen de graphiques ou de symboles.
« Le présent article ne s’applique qu’aux fournisseurs de services de communication au public en ligne dont l’activité en France dépasse un ou plusieurs seuils définis par décret » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 131-4, les mots : « à l’article L. 111-7 et à l’article L. 111-7-2 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 111-7, L. 111-7-2 et L. 111-7-3 ».
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, sur l’article.
M. Franck Montaugé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour évoquer l’action de fond que mène de longue date la Haute Assemblée sur la question de la numérisation de la société, je voudrais saluer le travail qu’avait en son temps conduit notre collègue Catherine Morin-Desailly.
Ce travail a été poursuivi dans le cadre d’une commission d’enquête sur la souveraineté numérique que j’ai eu l’honneur de présider, laquelle s’est notamment appuyée sur le rapport de Gérard Longuet, dont je veux également saluer la contribution.
Notre commission d’enquête a défini les orientations que nous considérons nécessaires pour la reconquête, ou même la simple conquête, de notre souveraineté numérique. La proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace, présentée par notre présidente Sophie Primas, allait dans le sens de certaines des recommandations de la commission d’enquête.
Or vous avez rejeté ce texte, monsieur le secrétaire d’État. Nous avions pourtant travaillé sur le fond avec l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), avec l’Autorité de la concurrence et avec le Conseil d’État. Je crois que la qualité juridique de ce texte était incontestable.
À bien des égards, cette proposition de loi lançait un défi à l’Union européenne. Or vous êtes resté sur une position de refus, que nous avons tous regretté, ce texte ayant été adopté ici à l’unanimité.
Ce matin, la commission mixte paritaire relative au projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière a achoppé sur ceux des points qui reprenaient les dispositions de la proposition de loi sur le libre choix du consommateur dans le cyberespace. Encore une fois, le Gouvernement refuse de prendre en compte cette dimension pourtant essentielle ! Pouvez-vous nous dire pourquoi, monsieur le secrétaire d’État ?
Je ne comprends pas les raisons pour lesquelles le Gouvernement ignore les travaux du Sénat sur ce sujet fondamental pour l’avenir de notre société et de notre nation.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes nombreux à m’interpeller sur la proposition de loi de la présidente Primas. Je vais donc répéter ce que je vous ai déjà dit à de multiples reprises.
Sur le fond, en ce qui concerne la lutte contre un certain nombre de plateformes structurantes, nous avons une convergence de vues.
Toutefois, une directive européenne qui concerne précisément ces sujets est sur le métier. Lors de l’examen de la proposition de loi Avia, le président Retailleau et d’autres sénateurs nous ont reproché de vouloir légiférer sur un élément dont il serait question dans le Digital Services Act qui sera présenté en décembre prochain.
En effet, pourquoi légiférer alors même que l’Europe va prendre position ? Or ce qui était valable en novembre 2019 sur la proposition de loi Avia l’est, a fortiori, sur cette question dont traitera également le DSA dans un mois et demi.
J’ai déjà eu l’occasion d’en débattre avec Sophie Primas : nous ne faisons rien d’autre que ce que vous nous avez demandé de faire lors de l’examen de la proposition de loi Avia.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Pas du tout !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Si jamais l’ambition européenne n’est pas au rendez-vous en décembre prochain, nous en reparlerons.
Par ailleurs, si, à certains moments, nous pouvons nous mettre d’accord et progresser ensemble, comme le montre la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui et comme nous l’avons vu sur d’autres textes, repousser l’application d’un texte à 2023 ou 2024 ne me semble pas, par respect pour la loi, la meilleure façon de procéder.
Sur ce sujet structurant, je vous confirme que nous souhaitons attendre les propositions de la Commission européenne qui semblent aller dans le bon sens. Au regard des premières publications, ces propositions paraissent extrêmement ambitieuses. Finalement, si elles n’atteignent pas le bon niveau, nous aurons l’occasion d’en reparler tous ensemble.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne tiens pas un autre discours que celui que je vous ai tenu lors de l’examen de la proposition de loi de la présidente Primas.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l’article.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je remercie Franck Montaugé, qui a présidé la commission d’enquête sur la souveraineté numérique, de ses propos.
Je souhaite non seulement remettre en perspective cette proposition de loi et son article 1er, mais aussi soutenir la question que M. Montaugé a adressée à M. le secrétaire d’État.
Nous vivons une semaine quelque peu stratégique : voilà quelques jours, le ministère de la justice américain accusait Google d’abus de position dominante – enfin, aurais-je envie de dire, sachant qu’il aura fallu sept ans à l’Europe pour faire de même !
Interrogée par un journaliste, je soulignais que le Sénat avait cinq ans d’avance sur la réflexion des politiques américains sur le cyberespace – mes chers collègues, je vous conseille de lire l’excellent rapport issu des travaux des démocrates du Congrès sur les plateformes –, ce nouveau monde dans lequel nous sommes entrés et dont dépend aujourd’hui toute notre activité.
Le Sénat engrange ainsi depuis quelques mois des propositions de loi. Je pense bien évidemment à celle de Mme Primas du 19 février dernier, mais aussi à celle de M. Assouline sur les droits voisins, que nous avons votée à l’unanimité voilà quelques jours.
Nous avons pris ces initiatives parce que nous pensons que cela ne va pas assez vite, depuis que nous avons posé le diagnostic. Il est urgent de traiter ces sujets pour protéger nos citoyens et nos entreprises. Aujourd’hui, la donnée est devenue un actif stratégique majeur. L’absence de réponse nous force à bouger pour tenter de provoquer des réactions.
Nous sommes dans notre rôle en tenant ces débats et en adoptant des propositions de loi ou ces propositions de résolution européenne dont nous vous invitons à vous emparer, monsieur le secrétaire d’État. J’ai d’ailleurs déposé aujourd’hui même une proposition de résolution européenne sur la data residency, la localisation des données européennes en Europe ; je sais, chère Anne-Catherine Loisier, que nous partageons cette préoccupation. Nous aurons l’occasion d’en débattre.
Encore une fois, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes dans notre rôle en vous posant ces questions aujourd’hui. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, sur l’article.
M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai participé ce matin à la commission mixte paritaire qui, hélas, a échoué sur les sujets que Franck Montaugé a évoqués. Je ne puis que le déplorer, compte tenu des attentes extrêmement fortes qui s’expriment.
Pourquoi faut-il attendre ? Autant nous avons été extrêmement actifs sur la taxe dite « Gafam », jusqu’à être en avance sur le droit de l’Union européenne, pour entraîner les autres États membres, autant nous sommes en arrière du jeu sur cette question.
C’est uniquement par esprit de compromis que le rapporteur du Sénat avait proposé de reporter l’application du texte à 2023, monsieur le secrétaire d’État. Il eût effectivement mieux valu mettre tout de suite en œuvre les dispositions de la proposition de loi de Sophie Primas. Mais nous voulions ainsi laisser le temps au Gouvernement de trouver une solution négociée à l’échelon européen, qui constitue, bien évidemment, le bon niveau.
Nous devons être particulièrement proactifs, tant les difficultés sont devant nous. Il est nécessaire de légiférer. Comme l’a souligné Catherine Morin-Desailly, les États-Unis prennent de premières dispositions. L’Europe doit aussi être capable d’avancer sur le sujet.
Reporter l’examen de ce texte ne fait que retarder la mise en œuvre de dispositions absolument nécessaires pour mieux réguler ces plateformes numériques. Il est nécessaire de protéger le consommateur. Il est nécessaire d’avancer pour être moins dépendants des décisions des grands acteurs mondiaux en la matière.
Monsieur le secrétaire d’État, j’appelle le Gouvernement à une réaction vive et rapide, de façon à trouver des solutions. Le Parlement est prêt à légiférer, mais il aurait été encore plus rapide de le suivre, car son rôle est justement de guider l’action du Gouvernement.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements et de deux sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 111-7-3. – Les opérateurs de plateformes en ligne mentionnés à l’article L. 111-7-1 affichent un diagnostic de cybersécurité portant sur la sécurisation des données qu’ils hébergent, directement ou par l’intermédiaire d’un tiers, dans les conditions prévues par le présent article. »
II. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Un arrêté conjoint des ministres chargés du numérique et de la consommation, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les critères qui sont pris en compte par le diagnostic prévu au premier alinéa, ses conditions en matière de durée de validité, ainsi que les modalités de sa présentation. »
III. – Alinéa 5
Après le mot :
compréhensible
Supprimer la fin de cet alinéa.
IV. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État. Cet amendement vise à modifier la rédaction de l’article 1er, en rendant obligatoire pour les principaux opérateurs de plateformes en ligne la communication auprès de leurs utilisateurs d’un diagnostic de cybersécurité.
Le Gouvernement propose ainsi de recentrer le dispositif sur les principaux opérateurs de plateformes en ligne, mentionnés à l’article L. 111-7-1 du code de la consommation.
Concrètement, il s’agit des plateformes ayant au moins 5 millions de visiteurs uniques par mois. Ce seuil permet notamment d’appréhender les principales plateformes en ligne de notoriété mondiale, c’est-à-dire une vingtaine au maximum.
En conséquence, il n’est pas nécessaire de prévoir, à l’article 1er, qu’un décret fixe un seuil pour définir le champ d’application du dispositif, qui sera en effet celui de l’article L. 111-7-1 du code de la consommation.
Plus simplement, nous cherchons à rendre le Cyberscore obligatoire pour les plus grandes plateformes les plus utilisées, sans le généraliser à l’ensemble des entreprises, afin d’éviter un risque de surcharge pour certaines TPE et PME du numérique qui ne présentent pas les mêmes risques. Il sera toujours loisible aux plateformes françaises qui n’atteignent pas le seuil indiqué de se saisir de leur Cyberscore pour mettre en avant leurs performances, notamment en matière d’hébergement des données.
M. le président. Le sous-amendement n° 6, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 4, alinéa 3
Remplacer les mots :
Les opérateurs de plateformes en ligne mentionnés à l’article L. 111-7-1
par les mots :
Les fournisseurs de services de communication au public en ligne dont l’activité dépasse un ou plusieurs seuils définis par décret, dont un seuil de nombre de connexions,
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Il s’agit d’un sous-amendement de précision.
Le Gouvernement et la commission ont une légère divergence de vues sur la notion d’opérateur de plateforme en ligne au sens du code de la consommation. Je rappelle que cette notion ne renvoie qu’aux services dont l’activité consiste en un référencement de produits en ligne ou en une mise en relation de personnes en vue de réaliser des échanges.
La commission estime que cette terminologie reviendrait – éventuellement, car ce point reste à débattre – à exclure un certain nombre de services numériques pourtant visés par la proposition de loi initiale, comme les services de visioconférence en ligne. Ce sous-amendement vise donc à revenir à la rédaction initiale.
Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, nous nous inscrivons dans un esprit d’ouverture et de dialogue. Notre objectif commun est bien de prendre en compte, dans le cadre de cette proposition de loi, l’ensemble des services présentant des risques sur les données.
M. le président. Le sous-amendement n° 7, présenté par M. Lafon, est ainsi libellé :
Amendement n° 4, alinéas 8 à 10
Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :
1° Remplacer les mots :
peut être
par le mot :
est
2° Après le mot :
moyen
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
d’un système d’information coloriel. Lorsque l’utilisation du service de communication au public en ligne nécessite de s’identifier électroniquement, le diagnostic est présenté systématiquement à l’utilisateur sur la page permettant de s’authentifier.
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. Ce sous-amendement a pour objet la forme que prendra ce diagnostic, en particulier dans sa dimension colorielle.
En effet, il doit être un outil de communication simple et compréhensible par tous. De nombreux orateurs ont insisté sur ce besoin de simplification de l’information et sur la nécessité de la rendre accessible. Il me semble que ce système coloriel est de nature à répondre à cette préoccupation que nous partageons tous.
J’entends bien la remarque qui m’est faite sur le caractère davantage réglementaire que législatif de ce type d’indication. Toutefois, la proposition de loi visant à améliorer la qualité nutritionnelle des aliments et à encourager les bonnes pratiques alimentaires contenait un dispositif similaire.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez souligné votre souci de nous voir avancer ensemble. À ce stade du processus législatif, il me semble important de conserver cette dimension pour bien montrer le point auquel nous voulons arriver. Nous verrons ensuite comment concilier écriture législative et écriture réglementaire.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Le Gleut, Kern, Parigi et Cuypers, Mmes Joseph et Deromedi, MM. Frassa et A. Marc, Mme Canayer, MM. Charon, Menonville et Wattebled, Mme Lopez, MM. Bonne, Mouiller et H. Leroy, Mmes Bonfanti-Dossat et Gruny, MM. Bouchet, Segouin, Panunzi, Grand, Milon, Longeot, Calvet, Piednoir, Rapin, Decool et B. Fournier, Mmes L. Darcos et Raimond-Pavero, M. Vogel, Mmes Boulay-Espéronnier et Deroche, M. Guerriau, Mme Lavarde et MM. Savary, Brisson et Bascher, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« À cette fin, ils fournissent un diagnostic de cybersécurité effectué par un organisme tiers habilité par l’autorité administrative compétente, dont la durée de validité ne peut excéder un an. Un arrêté fixe, au moins une fois par an, les indicateurs de ce diagnostic.
La parole est à M. Ronan Le Gleut.
M. Ronan Le Gleut. L’idée ici est relativement simple.
Les données d’un produit dont on calcule le Nutriscore, par exemple son taux de glucide, ne changent évidemment pas dans le temps. Là s’arrête donc, précisément, la comparaison entre le Cyberscore et le Nutriscore. Là où la cybersécurité est en cause, en revanche, les caractéristiques du produit le rendent intrinsèquement instable dans le temps. Dans les technologies concernées, en effet, le niveau de cybersécurité peut tout simplement chuter à zéro en l’espace d’une innovation technologique.
J’en donne un exemple extrêmement parlant : la mise au point de l’ordinateur quantique, qui sera très certainement achevée dans les dix prochaines années. Aujourd’hui, tous les experts s’accordent à dire que l’ordinateur quantique va faire tomber des systèmes de cybersécurité qui sont solides depuis des dizaines d’années.
Les questions de la durée dans le temps et de la caducité de ce Cyberscore étant donc posées, cet amendement vise à fixer à un an maximum la durée de validité du diagnostic afférent.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mme S. Robert, M. Cardon, Mme Artigalas, M. Montaugé, Mme Blatrix Contat, MM. Bouad, Merillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après le mot :
arrêté
insérer les mots :
, pris après consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés,
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Nous allons retirer cette disposition ; en effet, l’amendement présenté par le Gouvernement et accepté en commission satisfait la demande qui y est formulée.
Je profite simplement de cette intervention pour appeler le Gouvernement, s’il le juge judicieux, à faire la promotion des systèmes de management de la sécurité de l’information – nous avons évoqué ce sujet tout à l’heure –, en particulier de la norme ISO 27001.
Ce sujet étant un peu technique, je n’entrerai pas dans les détails. Mais il y a vraiment matière, dans les circonstances que nous vivons, et compte tenu les multiples attaques que nous subissons, à ce que nous fassions la promotion de tels systèmes. Je l’ai moi-même fait auprès de chefs d’entreprise de mon département, dans le cadre des travaux de la chambre de commerce et d’industrie du Gers. Nous n’avons rien à perdre à le faire.
Le but n’est évidemment pas d’être certifié à tout prix ; il s’agit de comprendre comment l’on fait une analyse des risques et comment l’on se prémunit contre les dangers en la matière via la mise en place de systèmes de management de la sécurité de l’information qui, je le répète, méritent vraiment d’être promus.
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 3, présenté par M. Lafon, est ainsi libellé :
Alinéa 5
1° Remplacer les mots :
peut être
par le mot :
est
2° Après le mot :
moyen
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
d’un système d’information coloriel ou de graphiques et symboles. Lorsque l’utilisation du service de communication au public en ligne nécessite de s’identifier électroniquement, le diagnostic est présenté systématiquement à l’utilisateur sur la page permettant de s’authentifier.
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. L’objet de cet amendement est presque identique à celui du sous-amendement que j’ai présenté voilà quelques instants, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Cela a été dit : l’amendement du Gouvernement vise à préserver ce qui constitue le cœur du dispositif de cette proposition de loi, à savoir l’information du consommateur en matière de cybersécurité.
C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur cet amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement que je vous ai présenté, dont l’objet est de ne pas limiter le champ d’application du Cyberscore aux opérateurs de plateforme au sens du code de la consommation, sans quoi, je le répète, des services initialement visés par la proposition de loi de notre collègue Lafon, comme les services de visioconférence en ligne, risqueraient d’être exclus du Cyberscore.
Je comprends que le Gouvernement ne soit pas tout à fait en accord avec notre proposition de rédaction, mais, comme je l’ai dit, nous sommes disposés à retravailler ce dispositif ultérieurement. À défaut d’une contre-proposition satisfaisante, je vous propose donc de maintenir ce sous-amendement.
En ce qui concerne le sous-amendement de M. Lafon, la commission n’a pas eu le temps matériel de se prononcer, mais la disposition proposée est totalement dans l’esprit de nos débats ; j’émets donc un avis favorable.
Aussi, je vous propose d’adopter l’amendement n° 4 du Gouvernement avec ses deux sous-amendements. Quant aux amendements nos 2 rectifié et 3, ils deviendraient sans objet, dans la mesure où le dispositif aurait basculé vers un contrôle a posteriori.
Par le dépôt de cet amendement, le Gouvernement s’engage aux côtés du Sénat pour faire prospérer cette proposition de loi. Je voudrais simplement attirer votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur la nécessité, compte tenu de la suppression de l’obligation de ce diagnostic – ce point a été évoqué par différents collègues en discussion générale –, de renforcer les moyens de contrôle a posteriori, et en tout cas d’y prêter une attention toute particulière.
Ces moyens de contrôle seront déterminants dans l’efficacité du système – nous visons là les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), dont nous savons, d’ailleurs, qu’ils sont déjà largement sollicités, et de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information(Anssi). Il faudra qu’ils soient vraiment vigilants quant à l’efficacité de ces contrôles a posteriori.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Madame la rapporteure, nous cherchons à déterminer quelles sont les entreprises qui sont concernées par cette proposition de loi. Or, en la matière, me semble-t-il, nous avons encore besoin de travailler.
Je reconnais assez volontiers que notre amendement ne concerne pas assez d’entreprises ; j’ai peur, a contrario, qu’avec votre sous-amendement on « attrape » trop d’entreprises, qu’elles soient commerciales ou non.
J’émets donc un avis de sagesse sur le sous-amendement n° 6, sachant que l’objectif est que nous puissions continuer, au fil de la navette parlementaire, à débattre sur cette question du périmètre des entreprises concernées.
Quant au sous-amendement n° 7, présenté par M. le sénateur Lafon, il est satisfait, sauf erreur de ma part. En effet, nous avons proposé – tel est l’objet de l’amendement n° 4 – que les modalités de présentation du diagnostic soient précisées par un arrêté conjoint des ministres chargés du numérique et de la consommation.
Il nous semble que la rédaction proposée par le Gouvernement permet d’atteindre l’objectif visé par le sous-amendement ; c’est dans cet esprit, avec la volonté d’afficher une signalétique claire, largement visible et probablement appuyée sur un système coloriel, qu’est rédigé l’amendement du Gouvernement, qui tend à renvoyer la définition de ces critères au niveau réglementaire, plutôt que législatif.
Je demande donc à M. le sénateur Lafon de bien vouloir retirer son sous-amendement.
Je me permets par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous présenter mes excuses : compte tenu de la situation sanitaire et de la relance de l’application TousAntiCovid, dont chacun ici est bien conscient qu’elle est nécessaire,…
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je l’ai téléchargée, monsieur le secrétaire d’État !
M. Cédric O, secrétaire d’État. … et qui devrait être progressivement disponible, je dois participer à la conférence de presse du Premier ministre sur la pandémie de covid-19.
J’ai tenu à rester le plus longtemps possible parmi vous pour répondre notamment à Mme la présidente de la commission. Je vais maintenant vous laisser, pour l’examen de l’article 2, avec mon collègue Joël Giraud, que vous connaissez bien. Je vous prie une nouvelle fois de m’excuser de ce départ anticipé, qui se fait bien malgré moi.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Je soutiens sans réserve le sous-amendement n° 6, dont nous avons débattu avec la présidente de la commission des affaires économiques. Je vous remercie d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, de l’avis de sagesse que vous avez émis et des perspectives que vous avez données en vue de la navette parlementaire.
Le point ici abordé est absolument essentiel. Je souhaite donc vraiment que ce sous-amendement soit voté ; son adoption permettra d’améliorer sensiblement l’amendement du Gouvernement.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 2 rectifié et 3 n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
L’article L. 2111-1 du code de la commande publique est complété par les mots : « , ainsi que les impératifs de cybersécurité ».
M. le président. L’amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’étais venu vous parler de la dotation d’équipement des territoires ruraux ; je vais vous parler de cybersécurité…
L’article 2 de cette proposition de loi nous pose un problème : son adoption aurait pour conséquence d’imposer une obligation de prendre en compte les impératifs de cybersécurité dans la définition du besoin pour l’ensemble des marchés publics.
L’objectif visé est certes tout à fait louable – il s’agit d’améliorer la sécurité des systèmes d’information des personnes publiques –, mais la modification proposée ne permet pas de l’atteindre ; en l’état du droit, cette modification de l’article L. 2111-1 du code de la commande publique est totalement inappropriée, puisqu’elle porte sur l’ensemble des marchés, quel que soit l’objet du marché.
Or, à la différence d’un critère comme celui du développement durable, qui est susceptible de concerner tous les marchés, le critère de la cybersécurité ne saurait porter que sur les achats de prestations informatiques. Le principe fondamental d’égalité devant la commande publique, qui impose de ne formuler d’exigence en termes d’expression des besoins, de critères de choix et de clauses d’exécution qu’en lien avec l’objet du marché, serait totalement bafoué.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous propose la suppression de l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. La commission émet un avis favorable sur cette demande de suppression de l’article 2 formulée par le Gouvernement, tout en soulignant que les motifs de préoccupation sont réels aujourd’hui en matière de marchés publics et de cybersécurité.
Monsieur le secrétaire d’État, j’invite les services compétents à renforcer l’assistance numérique apportée aux collectivités, peut-être sous forme d’un vade-mecum ou d’une ingénierie. Encore récemment, des collectivités, y compris parmi les plus importantes, ont témoigné auprès de nous des difficultés auxquelles elles sont confrontées pour réaliser des cahiers des charges capables de préserver la sécurité de leurs données. Le sujet est bien réel, monsieur le secrétaire d’État.
Cela dit, je rejoins la position du Gouvernement et émets un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Bien entendu, je voterai ce texte, que j’ai d’ailleurs souhaité cosigner, sur l’initiative de notre collègue Laurent Lafon, que je félicite, tout comme Mme la rapporteure Anne-Catherine Loisier.
En effet, je le disais : chacun des textes que nous votons, depuis quelques mois, est une avancée – peut-être petite, mais incontestable – vers une réglementation devenue nécessaire.
Cependant, nous devons bien en avoir conscience, c’est seulement par une réforme beaucoup plus structurelle que nous pourrons définitivement assurer, dans le cyberespace, la protection du consommateur et des données des citoyens et des entreprises.
C’est donc bien au niveau européen qu’il nous faut maintenant avancer, en étant très vigilants sur les trois textes qui vont arriver d’ici à la fin décembre, le Digital Services Act, le Digital Single Market Act et, bien sûr, le Cybersecurity Act, qui sont extrêmement importants. Il faut porter un haut niveau d’exigence : le gouvernement français doit émettre un certain nombre de revendications que nous avons nous-mêmes relayées de très longue date.
Je regrette le départ de Cédric O ; je note en effet, et j’aurais voulu le souligner devant lui, que le Gouvernement a fait un virage à 180 degrés concernant sa position sur le prestataire gestionnaire de la plateforme des données de santé.
Je me permets un petit rappel : le 27 mai dernier, lors d’un débat sur l’application StopCovid, comme le 16 juillet, à l’occasion d’une question d’actualité que je posais au nom de mon groupe, on m’a affirmé qu’il n’y avait pas d’entreprise française de dimension européenne et internationale pour gérer la plateforme. Il a fallu que la Cour de justice de l’Union européenne invalide le transfert des données dans le cadre du Privacy Shield. Je note avec satisfaction qu’on nous a enfin entendus ; c’est une bonne chose !
Malgré tout, il nous faut encore travailler sur ces sujets, car, au-delà de la redevabilité et de la responsabilité des plateformes, qui sont à revoir dans le cadre du Digital Services Act, c’est bien aussi le modèle même des plateformes qui est en cause : le modèle prédateur d’un capitalisme de surveillance théorisé par Shoshana Zuboff, professeure à Harvard, dont l’excellent ouvrage, que je vous recommande, vient d’ailleurs d’être traduit en français – il y a eu, la semaine dernière, de nombreux articles dans la presse française pour vanter la réflexion menée par cette universitaire.
Le chemin est encore long, on le voit, vers un monde sécurisé, mais une proposition de loi comme celle-ci constitue un premier pas en avant. Il est important que le Sénat reste en pointe sur ces sujets. Il nous faut faire valoir nos travaux ; comme je le disais, nous sommes, en la matière, largement en avance par rapport à de nombreuses assemblées de par le monde, et c’est notre fierté. Je me tourne d’ailleurs vers Mme la présidente de la commission des affaires économiques : je sais qu’elle partage cette ambition.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Mes chers collègues, malgré l’adoption de l’amendement n° 4, nous voterons cette proposition de loi, parce que le vote des sous-amendements nos 6 et 7 lui redonne son essence – à défaut de tels sous-amendements, nous ne l’aurions pas votée.
Cette réécriture presque totale de la proposition de loi lui faisait perdre toute lisibilité. Nous perdions l’idée de création d’un Cyberscore lisible ; la communication avec les utilisateurs en aurait largement pâti.
Nous regrettons en particulier, dans cet amendement n° 4 du Gouvernement, l’abandon de l’obligation d’une évaluation des plateformes par une autorité administrative indépendante ; à la place, on nous propose une autoévaluation. L’autoévaluation, nous savons bien ce que ça veut dire : cela veut dire être juge et partie !
Nous voterons néanmoins ce texte, qui va dans le bon sens.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Au terme de cette discussion, je veux remercier une nouvelle fois notre collègue Laurent Lafon de cette proposition de loi.
Je sais qu’il a été soutenu par l’ancienne présidente de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly, qui travaille depuis longtemps sur ces sujets, avec beaucoup d’obstination. Je salue également, bien sûr, le travail remarquable accompli par Anne-Catherine Loisier et par le personnel de la commission des affaires économiques, en un temps record – je dois le dire. Il s’agit d’un travail de longue haleine, sur lequel aucune de ces deux commissions ne lâche jamais.
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons eu, depuis ce matin, des différends sur l’adoption d’un certain nombre de dispositions. La concorde règne cet après-midi, mais le temps ne joue pas pour nous. Et quand nous sommes obligés d’attendre des actes européens dont la transcription dans les législations nationales, en particulier dans la nôtre, peut prendre un an, deux ans, trois ans, alors nous perdons deux siècles ! En 2024, quand nous légifèrerons pour transcrire des dispositions européennes, peut-être les enjeux auront-ils passé, sans doute le modèle numérique aura-t-il changé.
Quatre ans, dans le monde du numérique, c’est un siècle dans le monde de l’ancienne économie ! Je dis, par conséquent : « Allons-y, soyons volontaristes, faisons passer des lois à l’échelon national pour envoyer des signes aux opérateurs ! »
Les États-Unis eux-mêmes sont en train de le faire vis-à-vis de grandes plateformes qui ont, pourtant, la nationalité américaine : ils ont la volonté de les démanteler. Ne soyons pas à la traîne derrière eux ; soyons novateurs, soyons précurseurs, soyons volontaires. Il y va de notre souveraineté nationale et de notre souveraineté européenne ; de grâce, ne perdons pas trop de temps ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Claude Raynal. Bravo !
Mme Catherine Morin-Desailly. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Je confirme que les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain voteront ce texte.
Je veux à mon tour remercier l’auteur de cette proposition de loi, qui était d’ailleurs membre de la commission d’enquête sur la souveraineté numérique.
Parmi les conclusions du rapport de cette commission d’enquête figurait une recommandation consistant dans le vote d’une loi de programmation et de suivi de la souveraineté numérique, qui permettrait au Parlement français dans son ensemble de s’approprier ces problématiques liées au numérique dans toutes leurs dimensions, sociales, sociétales, économiques, etc. Cette proposition reste tout à fait d’actualité ; je ne me résous pas, pour ma part, à dire qu’il faut laisser faire l’Europe et que tout ainsi ira bien. Il faut que nous soyons actifs, nous, parlementaires nationaux.
Cette recommandation renvoie aussi à un autre sujet que je veux ici évoquer : celui de l’écosystème numérique national et étatique. Sommes-nous suffisamment organisés, équipés, structurés pour suivre correctement ce sujet, non pas en chambre, mais en lien avec l’ensemble des acteurs de la société ?
Nous ne le croyons pas. Il y a des progrès à faire ; donner au numérique un simple secrétariat d’État n’est pas forcément à la hauteur des enjeux. Avec tout le respect que nous devons à M. le secrétaire d’État Cédric O, nous ne sommes pas à la hauteur des conséquences de ce sujet sur l’avenir de notre société et de la façon dont elle s’organise.
Mme Catherine Morin-Desailly. Tout à fait !
M. Franck Montaugé. Je voulais profiter de cette occasion pour le dire ; tout cela figure dans le rapport fait par Gérard Longuet au nom de la commission d’enquête sur la souveraineté numérique. Il ne faut pas l’oublier : c’est un travail de fond ; il faut s’y référer et continuer à avancer dans ce sens. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. À mon tour de confirmer, au nom du groupe CRCE, que nous voterons cette proposition de loi. Nous remercions nos collègues qui ont travaillé sur ce dossier, notamment M. Lafon et Mme la rapporteure.
Je partage les propos de Mme Primas : plus nous prenons du retard, plus nous nous mettons en difficulté sur une question essentielle, la souveraineté numérique. Et lorsque l’on évoque cette question, il faut parler aussi d’industrie.
Nous avons eu tout un débat, l’an dernier, sur la 5G. Mais le choix auquel nous confronte cette norme, comme nous l’avons vu en examinant une proposition de loi sur le sujet, est le suivant : soit des opérateurs chinois, soit des opérateurs américains. Pourquoi en sommes-nous là ? Parce que nous nous sommes nous-mêmes amputés de notre capacité industrielle à former un champion européen, en démantelant Alstom et en laissant Nokia subir des pertes sèches de salariés, qui concernent y compris ceux qui travaillent sur la 5G.
Le problème est donc pour partie industriel. Mais c’est aussi une question de société. Nous avons tous évoqué, dans nos interventions, même rapidement, le télétravail.
Le télétravail pose question ; il peut certes être porteur de gains pour l’entreprise et pour les salariés – je pense aux enjeux liés aux déplacements –, mais il peut être aussi source de reculs démocratiques et sociaux. Le télétravail peut être plus aliénant encore que le travail ordinaire, puisqu’il abolit la distinction entre vie professionnelle et vie sociale et privée.
Vous voyez que des questions de société se posent non pas à l’avenir, mais aujourd’hui même, avec force. De grands débats sont nécessaires : sur les questions de souveraineté numérique, sur les questions industrielles, sur le développement de la 5G – pour quoi faire ? Dans quelle société voulons-nous vivre ? Tout doit-il être connecté ? Des questions démocratiques, aussi, sont soulevées : qui aura accès aux nouveaux réseaux ? Comment ? Qui contrôlera ? Quid des données ? Et quel sera le travail de demain ?
J’entends, par ailleurs, que l’on veut soutenir les entreprises. Oui, nous avons d’importantes capacités, dans les start-up notamment ; mais nous avons aussi des difficultés.
Nous voterons cette proposition de loi. Reste que, au-delà des rapports que nous faisons, qui sont souvent de qualité, il nous faut véritablement travailler en commun, et assez rapidement, sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. Chacun a bien fait valoir l’engagement du Sénat sur les sujets de cybersécurité, et plus largement sur le numérique ; je me permets néanmoins d’y insister à nouveau.
Monsieur le secrétaire d’État, la formule que nous avons développée à l’occasion du travail sur cette proposition de loi, celle d’une collaboration dans la confiance – j’ose le dire –, en acceptant de confier un certain nombre de dispositions à des débats ultérieurs ou au pouvoir réglementaire, peut être de bon augure s’agissant de notre capacité à travailler ensemble dans des domaines qui sont par définition évolutifs.
Je puis comprendre la frustration d’un certain nombre de collègues, qui pensent que nous n’allons pas assez loin aujourd’hui. Mais c’est aussi que nous n’avons pas vraiment les moyens, ni techniquement ni en termes d’information, d’aller plus loin sans risquer la surtransposition – ce mot est bien connu au Sénat… – et la création de dispositions qui pourraient se révéler, à terme, préjudiciables.
Cette méthode de travail collaborative et évolutive, qui s’inscrit dans la durée, me semble donc de bon augure. Nous espérons vraiment que nous pourrons nous retrouver dans les prochaines semaines pour travailler avec le Gouvernement sur tous les aspects réglementaires qui restent à déterminer.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Dotation d’équipement des territoires ruraux
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Union Centriste, la discussion de la proposition de loi visant à réformer la procédure d’octroi de la dotation d’équipement des territoires ruraux, présentée par M. Hervé Maurey (proposition n° 594 [2019-2020], texte de la commission n° 36, rapport n° 35).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la dotation d’équipement des territoires ruraux constitue, vous le savez, une dotation essentielle pour les communes et leurs groupements. Elle l’est plus que jamais, pour plusieurs raisons.
La première raison, ce sont les baisses successives de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, durant le dernier quinquennat ont représenté plus de 11 milliards d’euros, soit une diminution de 20 %, entraînant une réduction des capacités d’investissement des communes.
J’ajoute que, malgré une stabilisation globale de l’enveloppe depuis le début de ce quinquennat, la baisse se poursuit pour certaines communes, puisque, dans le département dont je suis élu, plus de 300 communes ont connu une diminution de DGF entre 2017 et 2020. Il y a malheureusement tout lieu de craindre, avec les conséquences de la crise sanitaire, que la situation financière des communes ne s’améliore pas !
La seconde raison de l’importance de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, aujourd’hui, c’est la suppression de la réserve parlementaire par l’actuelle majorité, qui a privé de nombreuses communes de précieux concours. Je le rappelle, ce dispositif permettait de financer principalement des petits projets de communes rurales, avec une très grande souplesse.
Elle constituait soit un complément utile a des projets d’ores et déjà subventionnés, soit un régime de subvention pour compenser le fait que certains projets ne pouvaient être subventionnés, parce qu’ils étaient inférieurs à un coût plancher ou parce que les travaux n’entraient dans aucun dispositif.
Lors de sa suppression en 2017, le Gouvernement avait annoncé dans un premier temps qu’une nouvelle dotation serait créée. Il n’en a rien été. Il s’est même opposé au dispositif adopté par le Sénat sur mon initiative, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, qui prévoyait les mêmes avantages que la réserve parlementaire.
Le Gouvernement a ensuite indiqué que la suppression de la réserve parlementaire serait compensée par une augmentation de la DETR. Il n’en a rien été non plus, puisque seuls 50 millions sur 150 millions d’euros que représentait la réserve parlementaire ont été réaffectés à la DETR. Dans certains départements, les effets n’en ont pas été ressentis. Ainsi, le montant de la DETR dans l’Eure a même connu une baisse entre 2017 et 2018.
C’est dire que la DETR est devenue, dans de nombreux cas, indispensable à la réalisation et à la faisabilité d’un projet. La décision du préfet d’octroyer, ou non, cette subvention conditionne ainsi dans la plupart des cas le sort d’un projet.
Son attribution doit donc être plus que jamais transparente et juste. Or, force est de constater que, malheureusement, la procédure d’attribution est, à plusieurs égards, insatisfaisante, et les choix des projets subventionnés peuvent, de ce fait, être l’objet de légitimes incompréhensions, voire de suspicions, de la part des élus.
Si le cadre légal définit les critères d’éligibilité des collectivités locales à cette dotation, il a pu être observé dans certains cas l’introduction par le préfet dans le règlement départemental de critères qui excluent de fait et sans base légale des communes du bénéfice de la DETR.
Ainsi, dans mon département, toutes les communes sur le territoire desquelles des implantations de lotissements ont été décidées au cours des années précédentes se sont vues privées de DETR de manière rétroactive. Ce cas n’est pas unique : notre collègue Frédérique Espagnac a ainsi évoqué en commission des finances une expérience similaire dans son département.
Un autre élément particulièrement insatisfaisant est le rôle très limité de la commission des élus, tant par le cadre légal qu’en pratique, à tel point que la participation à ses réunions procure bien souvent le désagréable sentiment de participer à une structure totalement inutile.
La loi prévoit que la commission des élus fixe les catégories d’opérations prioritaires à financer, ainsi que les taux de subventionnement plancher et plafond. Dans les faits, le préfet dispose de la capacité de retenir les projets de son choix sans être lié par les catégories retenues par la commission.
J’ai pu ainsi observer des cas où le préfet a rejeté systématiquement les dossiers relevant d’un type d’opérations jugé pourtant prioritaire par la commission.
La commission a par ailleurs un rôle consultatif très limité, puisqu’il concerne uniquement les projets qui portent sur une subvention supérieure à 100 000 euros, soit dans mon département 20 % des projets.
La loi prévoit également que la commission se voit communiquer la seule liste des opérations retenues par le préfet. Elle n’est donc pas informée de l’ensemble des demandes déposées, en particulier de celles auxquelles le préfet n’envisage pas de donner suite. Il est de ce fait extrêmement difficile d’apprécier les choix du préfet et d’émettre un avis.
De la même manière, le préfet n’a pas l’obligation de rendre compte devant la commission de la liste des dossiers qu’il a sélectionnés et des critères appliqués pour choisir les projets à financer.
Ces différentes limites conduisent à réduire la commission des élus à une instance d’enregistrement de choix unilatéraux du préfet, tout en donnant une apparence de concertation à cette procédure.
L’objectif de cette proposition de loi vise donc à remédier à cette situation, sans toutefois remettre en cause le rôle décisionnaire du préfet. Elle tend à réaffirmer dans son article 1er le caractère exclusif de la loi dans la définition des critères d’éligibilité des collectivités locales à cette dotation. Aussi, les communes et leur groupement ne doivent pas pouvoir se voir opposer d’autres critères d’éligibilité à la DETR que ceux qui sont déjà prévus par la loi.
L’article 2 tend à renforcer le rôle de la commission des élus et la transparence de la procédure d’attribution. Il convient ainsi de modifier le seuil de 100 000 euros précédemment évoqué, qui a pour effet de restreindre très fortement le rôle consultatif de la commission des élus.
C’est pourquoi, dans la version initiale de ma proposition de loi, je proposais de supprimer ce seuil, afin que l’avis de la commission porte sur l’ensemble des dossiers. Le rapporteur vous exposera tout à l’heure les raisons qui l’ont conduit à une proposition de substitution, à savoir à un abaissement du seuil à 80 000 euros, plutôt qu’à une suppression pure et simple. J’ai bien sûr accepté cette solution de compromis.
Afin d’améliorer la transparence de la procédure, l’article 2 vise également à prévoir que tous les dossiers soient communiqués à la commission des élus, et non plus seulement les dossiers retenus par le préfet. Cette disposition permettra que la commission rende un avis éclairé, en connaissant les dossiers que le préfet compte subventionner comme ceux qu’il propose de rejeter.
Il impose également que le préfet détaille pour chaque catégorie d’opérations les éléments sur lesquels il s’est fondé pour retenir ou rejeter les demandes de subvention, quel que soit leur montant. Il prévoit également une communication sur la répartition territoriale et par catégorie des opérations retenues.
L’article 2 vise par ailleurs à inscrire dans le marbre de la loi l’obligation pour le préfet de respecter les catégories définies par la commission des élus.
Enfin, l’article 3 de cette proposition de loi consacrait dans sa version initiale un « droit à l’erreur » au profit des communes et de leurs groupements dans le cadre de leur demande de subvention.
J’avais introduit cette disposition en observant des dossiers refusés au motif de pièces manquantes ou d’une erreur matérielle dans le dossier constitué par la commune, sans qu’une possibilité de régularisation soit offerte à cette dernière. Ainsi, une omission, même minime, peut faire perdre dans certains cas le bénéfice d’une subvention à la collectivité locale.
Le rapporteur a fait remarquer que cette disposition était déjà satisfaite par le cadre réglementaire, et il a en conséquence supprimé l’article 3 de ce texte. Il conviendrait donc que les préfets l’appliquent avec une plus grande rigueur ce dispositif. Nous sommes un certain nombre à pouvoir témoigner que ce n’est pas toujours le cas !
Mes chers collègues, je vous sais sensible à ces sujets, puisque notre Haute Assemblée a déjà adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018 les mesures prévues par ce texte visant à renforcer le rôle de la commission des élus et la transparence dans l’attribution de la DETR.
Malheureusement, ces dispositions avaient été supprimées par l’Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement, comme toujours…
J’espère que vous renouvellerez dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi, que votre commission des finances a adopté à l’unanimité, votre soutien à ces mesures, alors que nos communes, notamment celles de petite taille, sont encore plus dépendantes de ce dispositif à l’heure où leurs finances ont été fortement fragilisées par la crise sanitaire.
J’espère également que le Gouvernement percevra enfin le bien-fondé de ce texte et donnera un avis favorable à son adoption au Sénat, puis à son examen et à son adoption l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Delcros, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est un sujet bien connu des élus de la ruralité dont nous allons débattre maintenant : celui de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR.
Il s’agit d’un outil financier de l’État très important pour des milliers de maires et d’élus des territoires ruraux, particulièrement dans les petites communes, car il soutient leurs projets d’investissement à hauteur de 1 milliard d’euros en 2020 ; plus de 20 000 projets ont pu en bénéficier.
L’une des particularités de ce dispositif tient à la mise en place, dans chaque département, d’une commission composée d’élus locaux et de parlementaires, qui fixe les catégories d’opérations prioritaires, ainsi que les taux planchers et plafonds applicables aux subventions attribuées, et qui est saisie pour avis, comme l’a rappelé Hervé Maurey, sur les opérations qui appellent une subvention supérieure à 100 000 euros.
C’est précisément sur le rôle de cette commission et la procédure d’attribution de la DETR que porte la proposition de loi de notre collègue Hervé Maurey. En effet, si dans l’immense majorité des départements les règles d’attribution de la DETR et les prérogatives de la commission sont parfaitement respectées, dans le cadre de relations transparentes entre le préfet et la commission des élus, des cas de dysfonctionnement ont parfois été constatés.
C’est pourquoi je partage les préoccupations de notre collègue et l’esprit de sa proposition de loi, qui vise à éviter ces dysfonctionnements et à améliorer, là où c’est nécessaire, la transparence du processus.
Toutefois, avec la commission, j’ai souhaité trouver un juste équilibre entre, d’une part, la nécessaire transparence des procédures et, d’autre part, le besoin de préserver réactivité et efficacité dans l’attribution des subventions : il y va de l’intérêt des collectivités et de leurs investissements. À cet effet, j’ai proposé, avec l’accord de son auteur, plusieurs amendements au texte initial que la commission a bien voulu adopter.
L’article 1er porte sur les critères d’éligibilité des communes et de leurs groupements à la DETR, et non sur les critères d’éligibilité des projets.
L’auteur de la proposition de loi m’a décrit le cas d’un règlement départemental ayant pris la décision d’exclure a priori tout projet porté par une commune au motif qu’elle ne se serait pas engagée dans une démarche de non-artificialisation des terres. Si l’appréciation de l’opportunité du financement des projets relève bien du préfet et, le cas échéant, de la commission, les critères d’éligibilité des collectivités ne peuvent en revanche relever que de la loi. Il n’est donc pas permis d’opposer aux collectivités territoriales des critères supplémentaires.
Cet article 1er, modifié en commission par un amendement de précision rédactionnelle, vise à lever toute ambiguïté sur ce point. Pour répondre à une question qui m’a été posée, il va de soi que cette disposition n’a aucunement pour effet de créer une obligation de subventionner automatiquement les projets présentés par une collectivité.
L’article 2 comporte quant à lui diverses dispositions visant à renforcer le rôle de la commission DETR.
Premièrement, il vise à enrichir l’information portée à la connaissance de la commission. Il tend notamment à prévoir que toutes les demandes de DETR lui soient transmises, que celles-ci aient été retenues par le préfet ou non. Sur ce point, il me semble utile que les élus disposent de cette information.
Aujourd’hui, leur vision se limite aux seules opérations retenues par le préfet. Je suis convaincu que cet effort de transparence est de nature à améliorer la qualité des travaux de la commission DETR et à éclairer son jugement, pour définir les opérations prioritaires et fixer les taux planchers et plafonds.
Toutefois, la commission a voulu préciser le champ de cette nouvelle obligation d’information, qui ne concernerait évidemment que les dossiers complets et recevables.
Par ailleurs, l’article 2 visait initialement à prévoir que la commission DETR soit saisie pour avis de l’ensemble des demandes de subvention, et non plus seulement des projets qui appellent une subvention supérieure à 100 000 euros.
Je l’ai souligné en commission, je n’y suis personnellement pas favorable. Il me semble en effet que la suppression de tout seuil alourdirait considérablement la procédure et en allongerait les délais, au détriment de l’investissement des collectivités territoriales.
Il faut, me semble-t-il, laisser aux préfets une certaine souplesse, par exemple pour financer des projets devenus urgents, pour faire face à des imprévus ou pour redéployer de faibles montants de DETR avant la fin de l’année – cela arrive souvent –, afin qu’ils ne soient pas perdus pour le département. Voilà pourquoi une telle souplesse est importante, d’autant que cette procédure fonctionne très bien dans de nombreux départements.
Néanmoins, afin de renforcer les prérogatives de la commission DETR, et en accord avec l’auteur de la proposition de loi, la commission des finances a adopté un amendement visant à abaisser de 100 000 euros à 80 000 euros le seuil au-delà duquel une saisine pour avis de la commission est requise.
On peut estimer que l’application de ce nouveau seuil permettrait à la commission DETR de se prononcer sur les deux tiers environ des crédits octroyés.
Enfin, l’article 3 de la proposition de loi initiale visait à instaurer un « droit à l’erreur » pour les collectivités dans leur dossier de demande de subvention au titre des dotations de l’État.
L’idée qui sous-tendait cet article 3 était simple : une commune ne doit pas pouvoir se voir refuser la subvention au seul motif que son dossier serait incomplet, sans même lui avoir laissé la possibilité de le compléter dans un délai raisonnable.
Là encore, l’auteur de la proposition m’a fait part d’une situation locale tout à fait inadmissible, où une commune au dossier incomplet perdait toute chance de se voir octroyer la DETR. J’ai toutefois proposé à la commission de supprimer cet article.
Cette suppression ne traduit en aucun cas une opposition de principe de la commission. Elle relève simplement que le droit à l’erreur est déjà garanti par les textes en vigueur. En effet le code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction actuelle, dispose que dans le cas d’un dossier incomplet le préfet doit demander les pièces manquantes dans les trois mois ; dans cette hypothèse, le délai accordé à la commune est suspendu. L’enjeu réside donc seulement dans la bonne application du droit existant.
Pour terminer, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais attirer votre attention sur deux difficultés rencontrées par les élus locaux et pour lesquelles des solutions pourraient être envisagées.
La première concerne la date d’attribution des subventions DETR. Chaque début d’année, les élus attendent avec impatience la décision du préfet pour l’attribution ou non de la subvention DETR, car elle conditionne la plupart du temps la mise en œuvre de leurs projets.
Ils doivent souvent voter le budget de leur commune avant même de connaître la réponse, et par conséquent sans pouvoir inscrire les dépenses et recettes affectées à leur projet.
C’est pourquoi il serait véritablement utile de notifier les attributions de la DETR avant le vote des budgets communaux. Il me semble qu’une telle notification doit être possible.
Deuxième difficulté, les crédits non consommés et qui n’ont pas été redéployés dans l’année en cours doivent être restitués et sont donc perdus pour le département. Or les raisons de cette sous-consommation sont la plupart du temps indépendantes de la bonne gestion des collectivités.
Monsieur le secrétaire d’État, les élus locaux vous seraient très reconnaissants si vous pouviez imaginer un mécanisme permettant de conserver ces crédits à l’échelle départementale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de me trouver parmi vous, pour la première fois au Sénat dans mes fonctions de secrétaire d’État chargé de la ruralité, pour examiner un texte relatif aux collectivités territoriales.
Bien que je n’aie jamais siégé à la chambre haute, nous avons en partage, vous le savez, ce beau sujet de l’aménagement de l’espace rural. Et c’est bien de ruralité que nous allons discuter cette après-midi, en nous penchant sur la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR.
Il s’agit d’ailleurs d’un sujet qui ne m’est pas totalement étranger, car, avant ma nomination au Gouvernement, j’étais justement corapporteur avec la députée Christine Pires Beaune, et sous la présidence de Jean-René Cazeneuve, président de la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale, d’une mission d’information sur la refonte des critères d’attribution de la DETR.
L’objet de cette mission était de faire en sorte que cette dotation aille davantage aux « territoires ruraux », conformément à ce que signifient les lettres TR du sigle DETR… J’espère qu’elle pourra aboutir rapidement, en vue d’éventuelles propositions pour la seconde partie du projet de loi de finances. Les choses sont à mon sens bien parties.
Les sénateurs Hervé Maurey et Bernard Delcros ont parfaitement décrit le caractère absolument essentiel de la DETR pour le financement des investissements dans les territoires ruraux.
J’aimerais simplement revenir sur quelques points et vous faire part de mes réserves sur les articles du texte inscrit à l’ordre du jour.
Je rappelle que la DETR, c’est d’abord une enveloppe de plus de 1 milliard d’euros de crédits : 1,046 milliard pour être précis.
J’insiste un peu sur le chiffre, car, vous le savez tous, en 2014 la DETR s’élevait à environ 600 millions d’euros : aujourd’hui, c’est 60 % de plus. Vous avez d’ailleurs constaté que l’enveloppe est sanctuarisée dans le projet de loi de finances pour 2021, en dépit du fait que plusieurs milliards d’euros de crédits soient ouverts par ailleurs en faveur des territoires dans le plan de relance.
Je crois que cette stabilité de la DETR, budget après budget, est un bon signal adressé aux 30 000 communes rurales de France : c’est la preuve que cette dotation est incontournable dans le paysage des finances locales et qu’elle le restera. C’est en tout cas mon souhait, et vous pouvez compter sur moi pour la défendre.
La DETR, ce sont aussi des modalités de gestion particulières, adaptées aux besoins des communes rurales.
Contrairement aux autres subventions d’investissement, la DETR est gérée à la fois de manière déconcentrée et décentralisée. En effet, une commission est instituée dans chaque département, auprès du préfet. Composée de maires et de présidents d’intercommunalités représentant leurs collègues et, depuis 2018, de parlementaires, cette commission a deux fonctions principales.
Tout d’abord, elle fixe les catégories d’opérations prioritaires à la dotation dans le département, catégories que le préfet doit ensuite respecter dans sa programmation. J’insiste sur ce point, qui sera parfaitement contrôlé. J’ai entendu vos remarques, monsieur le sénateur. S’il apparaît que cet aspect de la procédure n’était pas respecté, les contre-exemples dont vous avez fait état seront remontés au niveau de notre ministère.
Ces priorités diffèrent d’un département à l’autre : ici, les élus demandent au préfet de faire un effort sur les routes ; là, sur les réseaux d’assainissement. Ce système permet que la DETR aille bien régler des questions locales qui se posent à certains endroits, mais pas partout. Les orientations fixées par l’État sont donc indicatives : in fine, ce sont les élus locaux qui fixent les règles du jeu.
Par ailleurs, elle contrôle l’utilisation des crédits en rendant un avis sur les subventions supérieures à 100 000 euros. Pourquoi ce seuil ? Tout simplement parce qu’il permet de concilier, comme l’a rappelé à l’instant M. le rapporteur, un travail efficace, rapide et raisonnable de la commission qui examine en moyenne 16 % des subventions, tout en contrôlant une grande part des crédits, soit 58 % des enveloppes budgétaires. C’est ce qu’à Bercy ou dans mes précédentes fonctions de rapporteur général j’aurais appelé un bon contrôle hiérarchisé de la dépense !
Bien entendu, ce n’est pas la commission, qui se réunit en moyenne deux fois par an, parfois trois, qui reçoit les dossiers, les instruit, les sélectionne et les valide. C’est le rôle de l’État, en l’occurrence du préfet.
Des modifications significatives ont été mises en œuvre depuis le début du quinquennat, afin de renforcer la transparence de la gestion de la DETR et de mieux associer les élus. Bon nombre d’entre elles ont d’ailleurs été prises soit sur mon initiative en tant que rapporteur général, soit sur l’initiative du président de la mission d’information de l’Assemblée nationale, soit sur l’initiative du rapporteur général du Sénat.
La commission a été élargie aux parlementaires du département : tous en sont membres quand il y a moins de cinq parlementaires, ce qui est le cas chez moi dans les Hautes-Alpes, où nous n’avons que deux députés et un sénateur. Le seuil d’avis a été abaissé de 150 000 euros à 100 000 euros, permettant de passer d’un examen de 42 % à 58 % des crédits aujourd’hui. La liste exhaustive des subventions est transmise à la commission, aux parlementaires – membres ou non de la commission DETR –, puis publiée en ligne.
Le préfet présente maintenant le bilan d’utilisation de la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, devant la commission – ce n’était pas le cas jusqu’à présent, et nous avons vraiment beaucoup insisté sur ce point -, ainsi que les orientations qu’il entend retenir pour celle-ci pour l’année en cours.
Je ne suis pas là pour accorder un satisfecit général sur la DETR, mais je crois que, dans l’immense majorité des départements, même s’il peut y avoir des exceptions, les élus font le constat que le système fonctionne et leur permet d’obtenir des subventions rapidement dans un cadre clair, avec des procédures connues et des acteurs bien identifiés. J’ai néanmoins bien noté les problèmes de date limite évoqués par M. le rapporteur.
Je ne partage pas du tout l’image sombre que l’on nous présente parfois de préfets décidant en dehors de tout cadre légal, sans tenir compte de la commission, sans contrôle ni obligation de rendre compte, tout en profitant de la moindre erreur de parcours des communes pour leur refuser des subventions… C’est un tableau très éloigné de la réalité que je connais.
J’ai été maire pendant vingt-sept ans, membre de la commission DETR pendant le même nombre d’années, et je n’ai, en tout état de cause, jamais constaté la moindre entorse au dialogue républicain entre la préfecture et les maires sur ce sujet. Certes, il existe sans doute des exceptions. J’en prends acte, mais le ministère que je représente et le Gouvernement sont là pour étudier avec vous les difficultés qui pourraient remonter au niveau central.
Mon message est donc simple : les évolutions récentes sont de vraies avancées. Il faut donc exploiter à plein la procédure existante et toutes les possibilités qu’elle offre. À l’inverse, les évolutions prévues dans la proposition de loi pourraient brouiller les rôles respectifs de l’État et de la commission et remettre en cause le point équilibre atteint aujourd’hui dans la plupart des départements.
C’est pourquoi le Gouvernement ne sera pas favorable aux deux articles de la proposition de loi. Je m’en explique.
L’article 1er tend à prévoir que les communes et EPCI qui satisfont les conditions démographiques d’éligibilité à la DETR « ne peuvent se voir opposer aucun autre critère d’éligibilité à cette dotation ».
Il faut s’entendre sur le sens de cette disposition : soit elle signifie que ni le préfet ni la commission n’ont le droit de fixer de cadre d’emploi à la DETR, ce qui est évidemment impossible, car les communes auraient une sorte de droit de tirage sur la dotation ; soit elle signifie que la commission a seulement le droit de fixer des priorités des projets, mais pas des critères d’éligibilité des communes. Si c’est cette dernière interprétation qui prévaut, alors nous sommes d’accord, mais il s’agit déjà du droit applicable.
M. Hervé Maurey. Eh non !
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Je citerai un exemple très concret : la loi autorise la commission à dire que « la dotation financera prioritairement les équipements dans les petits bourgs-centres exerçant des fonctions de centralité », mais elle ne l’autorise pas à dire que « ne sont éligibles que les petits bourgs-centres de plus de 2 000 ou de 3 000 habitants ».
C’est une nuance importante, car la première disposition est légale, l’autre non. L’article 1er n’apporte donc rien, si ce n’est un peu d’ambiguïté.
Comme je comprends qu’il peut y avoir des interprétations locales trop libérales par rapport à la norme, je m’engage à rappeler ce point aux préfets dans l’instruction que nous signerons avec Jacqueline Gourault au début de l’année prochaine.
D’autres sujets pourront d’ailleurs être précisés dans cette circulaire, notamment le fait de rappeler la possibilité de cumul entre la DSIL et la DETR. C’est un aspect extrêmement important, car nous avons là relevé de nombreux dysfonctionnements.
J’effectue beaucoup de voyages officiels dans nos départements. J’ai constaté que ce point particulier de la non-fongibilité avait été noté, soit à la demande des élus dans certaines commissions d’élus, alors que c’est parfaitement illégal, soit par les préfectures. Nous éclaircirons donc les choses. Je rappelle, par ailleurs, qu’un amendement en commission mixte paritaire lors du PLFR 3 avait reprécisé ces conditions.
Quant à l’article 2, il vise à modifier la répartition des rôles entre le préfet et la commission, ainsi que les équilibres internes à la commission, en y intégrant jusqu’à six parlementaires, en portant à sa connaissance les projets déposés, mais refusés, en abaissant le seuil d’avis à 80 000 euros ou en demandant au préfet de justifier les éléments sur lesquels le préfet s’est fondé pour faire ses choix.
Je pense que cet article aurait des conséquences concrètes que les élus ne souhaitent pas, sans apporter de plus-value réelle au travail de la commission.
Par exemple, introduire davantage de parlementaires dans la commission conduirait souvent à ce que la réunion compte davantage de députés et de sénateurs que de maires et de présidents d’EPCI, alors que c’est bien à eux que s’adresse la DETR. Je ne crois pas que les associations d’élus locaux, telles que l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, que je rencontre et consulte fréquemment, soient favorables à une telle proposition !
Autre exemple, je ne connais aucun maire rural qui demande que la commission ait connaissance du projet refusé, que le préfet aura peut-être tout simplement décidé de réserver pour l’exercice suivant, souvent en bonne intelligence avec l’élu local.
J’insiste un peu sur ce point : il est normal et sain que la commission dispose de la liste des subventions versées, car c’est de l’argent public dépensé. Il est entièrement différent de lui donner un droit de regard sur une procédure qui relève de la relation bilatérale entre le préfet et le maire concerné.
Dernier exemple, l’abaissement du seuil à 80 000 euros conduirait les commissions à examiner 1 000 dossiers de plus par an, dont le démarrage serait donc conditionné à une réunion en bonne et due forme. C’est compréhensible pour les gros projets, mais il faut bien placer le curseur, pour ne pas pénaliser les communes en ralentissant la procédure d’attribution.
C’est un problème qui a d’ailleurs été soulevé par M. le rapporteur. J’ajouterai que ce débat a déjà eu lieu, lors du projet de loi de finances pour 2020, et qu’il a permis de trouver un point d’équilibre qui me semble aujourd’hui satisfaisant.
Je suis en revanche tout à fait ouvert à ce que les préfets fournissent aux commissions et aux parlementaires des informations générales sur les critères ayant permis de retenir les dossiers. Ce point pourrait faire l’objet de la circulaire que j’ai mentionnée.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais vous dire en introduction de nos échanges de ce jour.
M. le président. La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.
M. Paul Toussaint Parigi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui arrive devant la Haute Assemblée dans un contexte économique inquiétant pour l’avenir financier des collectivités. La crise sanitaire que nous connaissons, hélas, aggrave les difficultés que rencontrent déjà nos territoires ruraux.
Plus que jamais, il est nécessaire d’ajuster le fonctionnement de la DETR aux réalités qui s’expriment sur le terrain. Cette dotation est le symbole du besoin constant et du devoir vigilant qui nous incombe, celui de repenser l’interaction entre l’État et les collectivités, de défendre ces dernières et de porter leur voix.
En soutenant les investissements des communes et des intercommunalités, et à côté d’autres dotations, la DETR représente un enjeu financier de taille, contribuant au développement des territoires, à la relance de l’économie locale et à l’articulation des projets.
Au demeurant, et malgré la montée en puissance de cette dotation, plusieurs acteurs relèvent son manque d’efficacité. Une vigilance accrue doit donc être portée à la dynamique des finances locales.
À cet égard, cette proposition de loi est intéressante. Elle permet de rendre la procédure d’attribution de la DETR plus accessible et transparente. Elle conforte également son rôle de fixation des opérations prioritaires et de leur taux de subvention.
L’abaissement du seuil au-delà duquel une saisine pour avis de la commission DETR est requise à 80 000 euros nous semble aller dans le bon sens. Cependant, d’autres améliorations nous paraissent envisageables.
À titre personnel, je vis la ruralité au quotidien depuis 1994 : vingt-six années au cours desquelles j’ai endossé les responsabilités de maire, puis de président de communauté de communes. Durant cette période, j’ai appris les difficultés du quotidien liées à l’éloignement géographique, à la désertification, à l’isolement parfois, mais surtout au manque de moyens financiers et humains.
Aujourd’hui encore, il existe un différentiel entre les crédits disponibles et les crédits consommés, souvent dû au manque d’ingénierie de moyens des petites collectivités. Une analyse plus complète serait nécessaire sur ce point, car il est souvent impossible de prendre en charge via la DETR les dépenses des études préalables, pourtant indispensables. Sur ce point, une information régulière du préfet à destination de la commission DETR sur les crédits restant disponibles serait souhaitable.
Enfin, comme il appartient à la commission DETR de fixer les catégories d’opérations prioritaires, nous souhaiterions que l’écoconditionnalité d’un projet puisse être retenue pour allouer une fraction supplémentaire de dotation. À titre d’exemple, en Corse ou dans d’autres régions, les projets qui favoriseraient l’utilisation des ressources locales, comme le bois, pourraient se voir attribuer un pourcentage de subvention supplémentaire. Dans le contexte de relance que nous connaissons, cela permettrait de favoriser l’économie locale, les circuits courts, ainsi que les filières essentielles au développement économique des territoires ruraux.
La valorisation des ressources locales est à l’heure actuelle au cœur des recherches et des expérimentations sur les leviers du développement économique dans les territoires ruraux. Ainsi, nous pourrions soutenir un modèle de développement basé sur une utilisation durable de l’environnement, dans lequel les territoires sont porteurs de démarches de valorisation des ressources locales.
Je conclurai en rappelant que la diversité de nos territoires et les contraintes de la ruralité sont constitutives de notre identité profonde. Nous devons y consacrer une attention particulière eu égard à l’égalité des chances, parfois mise à mal dans nos territoires.
Je connais le formidable potentiel de la ruralité, mais aussi son extrême fragilité. Au sein de mon groupe, je serai donc porte-parole de ces petites communes. À cet égard, le texte que nous examinons est vertueux, car il permet d’avancer vers une efficacité accrue de l’attribution de la DETR. Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires y sont favorables. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la gestion de la DETR vise à soutenir la réalisation d’investissements, ainsi que les projets dans les domaines économique, social, environnemental et touristique, ou encore ceux qui favorisent le développement ou le maintien des services publics en milieu rural. C’est un levier indispensable dans les projets soutenus par les élus, comme nous le mesurons lors de chacun de nos déplacements ou inaugurations dans les communes de nos départements.
Depuis 2011 et la création de cette dotation, les montants ouverts en loi de finances ont connu une augmentation très significative : entre 2011 et 2014, le montant ouvert était d’environ 616 millions d’euros ; en 2015 et en 2016, il a atteint 816 millions d’euros ; en 2017, il a été porté à 996 millions d’euros, puis à plus d’un milliard d’euros depuis 2018.
La DETR obéit aussi à une logique de décentralisation, et tant mieux. En effet, la décision d’attribuer les subventions relève du préfet de département, dans le cadre fixé à l’échelon de chaque département par une commission d’élus.
D’importantes avancées ont été récemment apportées dans le fonctionnement de la commission, afin de renforcer l’information des élus et la transparence des travaux. Depuis 2018 par exemple, les membres de la commission sont destinataires avant chaque réunion d’une note explicative de synthèse sur les affaires inscrites à l’ordre du jour, note également communiquée à l’ensemble des parlementaires du département, lesquels sont d’ailleurs membres de la commission depuis 2017.
L’objet de cette proposition de loi est de renforcer le rôle de la commission, de fluidifier et de compléter le niveau d’information des membres de la commission, et de faire en sorte qu’il y ait davantage de transparence entre les élus et le préfet.
Sur le principe, nous ne pouvons qu’en rejoindre l’esprit, mais, concrètement, ce texte pose quelques difficultés.
Ainsi, en termes de philosophie, avec cette proposition de loi, c’est-à-dire sous le sceau du législateur, le principe est de rigidifier davantage les règles fixées pour la DETR. Si des invraisemblances existent dans certains départements, cela peut très bien être clarifié par circulaires aux préfets, qui sont tenus de respecter les priorités définies dans les commissions départementales.
Dans le détail, l’article 1er du texte inscrit dans la loi que les communes et EPCI qui satisfont les conditions démographiques d’éligibilité à la DETR « ne peuvent se voir opposer aucun autre critère d’éligibilité à cette dotation. » Du coup, ne doit-on pas s’interroger sur le rôle et la légitimité de la commission ? L’impossibilité d’écarter tout type de projet qui ne serait pas défini collégialement dans cette instance pourrait être considérée comme une restriction des pouvoirs de la commission, et donc un retour en arrière quant au caractère décentralisé de ses compétences.
L’article 2 prévoyait initialement de transmettre la liste de toutes les opérations faisant l’objet d’une demande de subvention à la commission. Un problème se pose : il n’est pas certain que le maire soit très enthousiaste à l’idée de soumettre son projet à l’ensemble de la commission d’élus pour que soit souligné, le cas échéant, le manque d’aboutissement du dossier.
Ce caractère intrusif suscitait quelques interrogations. L’amendement présenté en commission par le rapporteur Bernard Delcros visait donc à limiter cette transmission aux dossiers complets et recevables, ce qui va dans le bon sens.
Toujours à l’article 2, il était question de saisir pour avis la commission de l’ensemble des projets, quel que soit leur montant. Cela paraissait infaisable et de nature à alourdir techniquement la procédure d’attribution.
L’abaissement du seuil de consultation à 80 000 euros va également dans le bon sens, mais il convient de veiller à ne pas engorger la commission. À l’heure de la simplification des normes, et comme c’est le cas avec le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dit ASAP, adopté hier en commission mixte paritaire, il faut faire très attention à ne pas envoyer de signaux contradictoires.
Par ailleurs, l’article 2 institue une obligation pour le préfet de motiver des décisions d’acceptation et de refus. Là encore, c’est un bon outil de lisibilité de l’information pour la commission. Il est cependant important de souligner que, dans leur immense majorité, préfets et élus travaillent en bonne intelligence.
Pour les raisons invoquées, et même si nous comprenons l’objet de ce texte, qui vise à mettre fin à certaines incohérences locales, et donc à ce que les compétences soient mieux partagées entre la préfecture et la commission DETR, nous considérons que cette proposition de loi est trop coercitive et trop centralisatrice.
L’examen de cette dernière permet publiquement de témoigner des difficultés et interrogations qui se posent au cas par cas dans certaines commissions, et tel est le rôle du Sénat. Nous attendons donc du Gouvernement des réponses à ces difficultés, mais nous ne sommes pas certains que ces réponses soient de nature législative.
Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants a ainsi choisi de s’abstenir.
M. le président. Je vous prie, mes chers collègues, de respecter les temps de parole impartis. Ce débat s’inscrit en effet dans un ordre du jour réservé et la séance doit être impérativement levée à dix-huit heures trente.
La parole est à M. Christian Bilhac. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Claude Requier. C’est sa première intervention !
M. Christian Bilhac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion que je m’exprime aujourd’hui à la tribune du Sénat, pour la première fois depuis mon élection, le 27 septembre dernier. Je tiens à remercier de nouveau les élus de mon département, l’Hérault, qui m’ont ouvert les portes de la Haute Assemblée.
J’ai également une pensée pour les Pérétoises et les Pérétois, les quelque 1 000 habitants de la commune de Péret, dont j’ai été le maire pendant trente-sept ans, de 1983 à 2020. Cette expérience au plus près des problèmes concrets de mes concitoyens a été déterminante dans mon parcours puisqu’elle m’a conduit aux fonctions que j’ai tout récemment transmises à mes successeurs : président de l’association des maires du département de l’Hérault, membre du centre de gestion de la fonction publique de mon département, ou encore du comité des finances locales.
Ces responsabilités m’ont donné le goût des chiffres, des finances locales et une connaissance des contraintes budgétaires pesant sur les communes, plus particulièrement dans les territoires ruraux. Voilà pourquoi, mes chers collègues, j’ai souhaité rejoindre la commission des finances à mon arrivée au Sénat.
Cette rapide présentation terminée, je dois dire qu’à mes yeux le texte d’Hervé Maurey, visant à modifier les conditions d’octroi de la DETR, est une heureuse initiative. Avec les membres du groupe RDSE, je pense en effet que la procédure d’examen des commissions d’attribution de cette dotation manque encore de transparence, qu’elle n’est pas homogène d’un département à l’autre et que le rôle du préfet est par trop prédominant par rapport à celui de la commission.
Plusieurs points méritent d’être améliorés, comme le prévoit le texte. Il s’agit, par exemple, de renforcer le rôle et l’information des élus au sein des commissions d’attribution. L’article 2 vise, notamment, à améliorer la transparence de la procédure d’attribution. Il prévoit, d’une part, que l’ensemble des dossiers déposés par les collectivités locales soit porté à la connaissance des élus, quel que soit le montant de subvention demandé, et, d’autre part, que la commission rende un avis sur tous ces dossiers.
Aux termes de cet article également, le préfet doit tenir compte des priorités fixées par la commission pour définir la liste des opérations à subventionner et justifier ses choix et les critères de sélection ou de rejet.
Le texte issu des travaux de la commission prévoit d’abaisser à 80 000 euros le seuil minimal exigé pour déposer un dossier de demande de subvention, seuil au-delà duquel la saisine pour avis de la commission est requise. Cette disposition serait la bienvenue, même si mes collègues du Rassemblement Démocratique et Social Européen et moi-même estimons ce montant encore trop élevé. Nombre de petites communes sont en effet dans une situation budgétaire qui leur interdit d’engager des travaux pourtant essentiels pour la vie quotidienne de leurs habitants.
Comment, dans ce contexte, assurer l’attractivité de nos territoires ruraux sans octroyer davantage de financements pour soutenir les plus petites communes dans leurs projets les plus modestes ? Ces dépenses participent à la lutte contre la désertification rurale et sont à ce titre primordiales, davantage encore dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons. Le groupe RDSE est très attaché à tout ce qui peut contribuer à résoudre cette problématique.
Avant de conclure, je précise que d’autres améliorations me sembleraient utiles.
Il s’agit, par exemple, de prendre en compte non pas la population, mais uniquement le nombre de communes pour la répartition de la dotation par arrondissement. J’avais déposé un amendement en ce sens, que j’ai finalement décidé de retirer, une telle évolution relevant selon moi davantage du domaine réglementaire, voire du niveau de la circulaire.
Au vu de ces considérations, le groupe RDSE votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC. – M. Antoine Lefèvre applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Pascal Savoldelli. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi nous permet d’aborder le sujet des dotations de l’État en faveur des collectivités, alors que le projet de loi de finances pour 2021 sera bientôt discuté dans cette enceinte. Il donnera lieu, sans doute, à un débat plus animé et plus vivant…
En l’occurrence, la DETR peut être abordée, comme l’ont fait certains collègues, sous l’angle de son montant, soit 1 milliard d’euros pour 2021, et de sa procédure d’attribution. Cela reflète souvent l’état des relations entre l’exécutif et les élus locaux avec un gouvernement qui a tendance à faire des économies sur le dos des collectivités, notamment à l’occasion de sa gestion actuelle de la crise.
La DETR est intéressante puisqu’elle est liée à une commission instituée dans chaque département, composée d’élus locaux et de parlementaires. Comme les associations d’élus, mon groupe regrette que seule la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ait été augmentée dans la troisième loi de finances rectificative, et non pas la DETR. Pourtant, l’existence de cette commission suppose que les élus aient leur mot à dire sur la répartition de cette dotation, ce qui n’est pas le cas pour la DSIL, laquelle – disons-le avec diplomatie – est plus ou moins « confisquée » par les préfets de région.
Mme Cécile Cukierman. Absolument !
M. Pascal Savoldelli. Nous saluons le travail effectué dans le cadre de cette proposition de loi pour renforcer la transparence et la proximité de cette commission.
Les priorités fixées par la commission demeurent évidemment dans un cadre législatif national, afin qu’il y ait une égalité des collectivités devant la loi en termes de répartition des dotations. Par ailleurs, du fait de l’importance de cette commission, il conviendrait que le pluralisme politique y soit ardemment respecté.
L’information de cette instance doit également être améliorée, afin qu’elle juge mieux des orientations à donner à la DETR et qu’elle rende ses avis après avoir pris connaissance de l’ensemble de demandes.
Vous avez évoqué, monsieur le secrétaire d’État, l’abaissement du seuil de saisine à 80 000 euros, arguant du fait que cela conduirait les commissions à examiner 1 000 dossiers supplémentaires par an, dans 80 départements. On vous demande non pas de produire de la technocratie, mais de ne pas faire d’économies sur la démocratie locale !
Cette réduction du seuil de saisine permettra à la commission de se prononcer sur les projets représentant près de deux tiers des crédits octroyés. Une meilleure communication et une plus grande transparence de la part du préfet sur les motivations à l’origine de dossiers acceptés ou refusés, avec un détail des critères utilisés, complèteront ces avancées.
Tous ces éléments amélioreront la procédure d’attribution de la DETR et, in fine, les relations entre les collectivités locales et l’État. Nous avons été habitués à trop de verticalité dans l’organisation des finances locales de la part des gouvernements successifs. En prenant davantage en compte l’éclairage des élus locaux pour soutenir les investissements des communes et EPCI ruraux en matière économique, sociale, environnementale, le Gouvernement rendrait l’attribution de cette dotation plus pertinente.
Au-delà de ces propositions, l’examen d’un texte relatif à la DETR permet de nous rendre compte que la notion de ruralité est à géométrie variable. En raison du manque de clarté du périmètre de la ruralité, la DETR est attribuée en partie à des collectivités non rurales, c’est-à-dire de plus de 2 000 habitants, car 67 % des communes de plus de 3 500 habitants perçoivent cette subvention.
Alors que l’Insee a récemment mis en place un groupe de travail chargé de proposer une définition statistique des espaces ruraux, nous estimons que le Parlement devrait être mieux informé de la répartition de la DETR en fonction du type de collectivité, mais également de sa capacité financière.
Une mission d’information a été créée à l’Assemblée nationale, mais ses travaux ont été perturbés par la crise – n’y voyez pas un élément de polémique, c’est une réalité factuelle, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues… Mon groupe espère que ceux-ci pourront reprendre rapidement, afin de nourrir la réflexion sur le seuil d’habitants, le type de collectivité et les choix d’investissements soutenus. Il est nécessaire de cibler davantage les communes rurales, puisque cette dotation est censée leur être dédiée.
Pour ce qui concerne tant la proposition de loi que les amendements, nous avons été vigilants à une éventuelle fragilité liée aux conflits d’intérêts ou au clientélisme. Comme nous n’en avons pas trouvé, le groupe CRCE votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et UC. – M. Antoine Lefèvre applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons une proposition de loi, présentée par Hervé Maurey, qui vise à réformer la procédure d’octroi de la fameuse DETR, bien connue des élus locaux.
La DETR est issue de la fusion, en 2011, de la dotation globale d’équipement (DGE), et de la dotation de développement rural (DDR). Il s’agit de la dotation de soutien aux investissements des collectivités locales la plus importante en volume.
Depuis sa création, les montants ouverts en loi de finances ont connu une augmentation très significative, dans un contexte de réduction de la DGF et de ralentissement des dépenses d’équipement des collectivités locales. Ces montants étaient de 616 millions d’euros entre 2011 et 2014, aux alentours de 800 millions en 2015, 2016 et 2017, et d’environ 1 000 millions d’euros depuis 2018.
Je rappelle néanmoins qu’en 2018 a été supprimée la réserve parlementaire, dont 50 millions d’euros ont alimenté la DETR. J’ai presque envie de dire « seulement » 50 millions, car il ne s’agit pas de la totalité de cette réserve…
La gestion de la DETR obéit à une logique de déconcentration et de décentralisation. La décision d’attribution des subventions relève du préfet de département, dans le cadre fixé à l’échelon de chaque département par une commission d’élus.
Cette commission détermine à la fois les catégories d’opérations prioritaires susceptibles de bénéficier de la DETR et les taux minimaux et maximaux de subventions applicables à chacune d’elles. Elle se fait communiquer la liste des opérations retenues par le préfet, car elle est saisie au préalable pour avis lorsque la subvention dépasse 100 000 euros – du moins, tel était le cas jusqu’à présent.
Il faut reconnaître que des avancées ont été récemment apportées en matière d’information des élus et de transparence. La composition de la commission a été modifiée à compter de 2017, pour y associer les parlementaires, dans la limite de quatre. Cette modification avait été suggérée au Sénat par nos collègues du groupe socialiste Yannick Botrel et René Vandierendonck dans le cadre de leur proposition de loi de 2016.
Depuis 2018, les membres de la commission sont destinataires avant chaque réunion d’une note explicative de synthèse sur les affaires inscrites à l’heure du jour, celle-ci étant également communiquée à l’ensemble des parlementaires du département.
En 2018, le seuil au-delà duquel la commission rend un avis a été abaissé de 150 000 à 100 000 euros, ce qui a permis aux commissaires d’examiner cette année près de 2 900 dossiers – j’ajouterai « seulement »…
Cette articulation entre la déconcentration des crédits et une logique de décentralisation permet à la DETR d’apporter un soutien décisif aux priorités qui sont celles du monde rural, en adaptant les stratégies de programmation aux besoins locaux. La DETR a exercé en 2018 un véritable effet de levier en contribuant à réaliser près de 4 milliards d’euros d’investissements dans ces territoires. Elle joue un rôle très complémentaire de la DSIL en finançant des projets de proximité, en particulier ceux qui sont soutenus par les petites communes pour des montants parfois très modestes.
Les règles de gestion de la DETR permettent d’adapter la programmation aux besoins du département, s’agissant par exemple des priorités ou des taux de subvention.
Certaines priorités communes aux territoires ruraux ont fait l’objet d’efforts spécifiques : transition écologique, école et gendarmerie, rénovation thermique et aide au maintien des services publics, dont on connaît l’importance dans ces zones.
Néanmoins, je partage les préoccupations de l’auteur de la proposition de loi. Si les règles d’octroi de la DETR sont respectées dans la très grande majorité des cas – je veux bien le reconnaître –, et si les relations entre la commission d’élus, le préfet et les services de l’État ne posent pas de difficultés majeures, des dysfonctionnements ont pu être constatés localement. J’en ai moi-même été témoin.
Certaines de ces difficultés sont mineures, mais d’autres suscitent des interrogations : je pense, par exemple, à la conditionnalité de ces dotations à l’acceptation par les élus, à mots couverts, de telle ou telle décision gouvernementale, comme, monsieur le secrétaire d’État, la réintroduction de l’ours dans mon département… (Sourires.) Cela n’est pas compréhensible, et je crois que vous me rejoindrez sur ce point.
M. Max Brisson. Très bien !
Mme Frédérique Espagnac. L’objet de cette proposition de loi est donc, tout d’abord, de poser des garde-fous. Le texte, enrichi par les amendements adoptés en commission et élaborés par le rapporteur, avec l’accord de son auteur, vise à trouver un juste équilibre entre transparence et efficacité des procédures.
L’article 1er concerne les critères d’éligibilité des communes à la DETR, qui sont définis par la loi. Dans un département, nous avons pu constater que le règlement départemental établi sur proposition du préfet excluait par principe certaines communes, pourtant éligibles au regard des critères déterminés par la loi. La rédaction du code général des collectivités territoriales qui résulterait de l’adoption de cet article 1er permettrait de lever toute ambiguïté sur ce point.
L’article 2 comporte plusieurs dispositions qui tendent à renforcer le rôle de la commission, grâce à une transparence et une information accrues. À défaut, le rôle de la commission deviendrait théorique. Cet article enrichit l’information apportée à la commission, qui aura connaissance de tous les dossiers déposés, qu’ils aient été ou non retenus par le préfet. J’ai bien entendu que vous n’y étiez pas favorable, monsieur le secrétaire d’État. Néanmoins, je pense que c’est utile, afin que la commission puisse définir ses priorités et les taux de subvention.
L’article 2 prévoit également que la commission soit saisie pour avis de tous les dossiers de demande de subvention, et non pas seulement de ceux pour lesquels le préfet propose une subvention supérieure à 100 000 euros. Je me suis interrogée sur ce point : cette mesure me semble compliquée et risque d’alourdir considérablement la procédure en allongeant son délai au détriment des investissements des collectivités territoriales.
Il faut laisser aux préfets une certaine souplesse – je l’admets –, par exemple pour financer des projets d’urgence ou faire face à des imprévus. Pour autant, je me suis rangée à la proposition du rapporteur d’abaisser ce seuil de saisine à 80 000 euros.
Je vous le dis de bonne foi, monsieur le secrétaire d’État, laisser seulement 15 % de ces dossiers à l’arbitrage de la commission, ce n’est pas suffisant. Le seuil de 80 000 euros serait donc fort utile et bénéfique aux territoires.
L’article 2 prévoit aussi que le préfet devra tenir compte des priorités retenues – cela semble aller de soi –, et rendre compte de ses choix et des critères arrêtés pour l’attribution des subventions. Vous en êtes d’accord, et je le salue. Cela se fait déjà dans de nombreux départements, notamment le mien, mais manifestement pas partout.
L’article 3 visait à instaurer un droit à l’erreur pour les collectivités territoriales pour ce qui concerne la constitution et le dépôt de leur dossier de demande de subvention au titre des dotations de l’État. Or cette disposition est satisfaite par le droit en vigueur.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Frédérique Espagnac. Nous aurions également besoin d’avoir une vision consolidée et territorialisée des dossiers déposés.
Le groupe socialiste votera ce texte, considérant qu’il comporte des avancées réelles en termes d’attribution de la DETR. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog.
Mme Christine Herzog. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons permet enfin de réformer l’injustice de l’actuelle et inégale procédure d’octroi de la DETR.
Ce texte à un sens tout particulier, puisqu’il a pour ambition de rendre cette procédure plus transparente et accessible, dans un seul but : l’efficacité. C’est pourquoi je tiens personnellement à saluer Hervé Maurey pour cette initiative !
Pour nos élus ruraux, pour nos concitoyens, une telle proposition de loi honore également le rôle du Sénat. Car nous, sénatrices et sénateurs, sommes des acteurs de terrain, proches des élus locaux et de leurs réalités. Notre rôle, notamment, est justement là : les défendre. En effet, trop souvent, les communes rurales et leurs habitants sont oubliés, au bénéfice des grandes villes et de leurs visibles et médiatiques « grands projets ».
Le texte conforte le rôle des élus locaux, lequel consiste à fixer les catégories prioritaires, ainsi que les taux de subvention applicables. Cette disposition permet de défendre les petites communes qui rencontrent toutes, nous le savons, de croissantes difficultés financières.
Cette proposition de loi permet, enfin, d’améliorer et de renforcer le rôle des commissions d’élus car, aujourd’hui, le rôle consultatif de ces commissions est limité, voire – osons le dire – carrément bridé. Les élus sont en effet consultés sur les seuls projets susceptibles de bénéficier d’une subvention supérieure à 100 000 euros. Évidemment, cela ne correspond en rien aux besoins et aux demandes des petites communes, lesquelles ne présentent jamais, ou rarement, des projets aussi importants.
M. François Bonhomme. Absolument !
Mme Christine Herzog. Je fais l’impasse, sans ajouter de commentaire, sur le fait que seuls les projets sélectionnés par les préfets sont portés à la connaissance des élus. Je le sais, car je siège au sein de la commission DETR dans mon département.
L’article 3 était unique par son bon sens même. Il visait simplement à créer un droit à l’erreur lors de la demande de DETR, ce qui aurait permis aux élus de rectifier d’éventuelles erreurs.
Cette proposition de loi, je le répète, va dans le bon sens. Elle soutient les territoires ruraux et le juste octroi de leurs dotations. J’ai personnellement cosigné un certain nombre d’amendements visant à appuyer et à renforcer les aides aux élus des petites communes, qui en ont tant besoin.
Soyons ambitieux pour nos petites communes. Aujourd’hui et maintenant, tous ensemble, préservons leurs moyens financiers. Permettons-leur de participer pleinement à cette grande relance économique si nécessaire à nos territoires. Envoyons à nos élus, aux maires de France un signal fort, donnons-leur des moyens !
Depuis le début de la crise sanitaire et de la crise économique, les communes, les intercommunalités et nos élus apportent, quant à eux, des réponses concrètes. Ils doivent répondre au quotidien aux besoins des habitants et des entreprises locales. Garantissons-leur de participer pleinement aux décisions les concernant pour leurs projets locaux, des décisions confisquées par l’État.
C’est pourquoi cette proposition de loi pleine de bon sens a tout mon soutien. Je vous y invite, mes chers collègues : comme moi, soutenez ce texte, défendez les petites communes, leurs habitants, leur économie et notre France ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la présente proposition de loi – je remercie Hervé Maurey de l’avoir présentée et je l’aurais volontiers cosignée – s’attache à parfaire le fonctionnement de la DETR ; j’appartiens d’ailleurs à la commission DETR de mon département, l’Aisne.
Déjà, en 2018, nous avions constaté le rôle limité de cette commission, le préfet ayant la capacité de retenir les projets de son choix, d’en refuser d’autres, pourtant éligibles ou prioritaires, et ce sans devoir motiver son refus. Il est même arrivé dans le passé – on s’en apercevait au détour d’une discussion – que certains dossiers ressortissant d’une politique expressément écartée par la commission soient cependant retenus, au titre des demandes inférieures au seuil de la saisine pour avis de ladite commission. Évidemment, dans l’état actuel, celle-ci n’est pas non plus informée de l’ensemble des demandes formulées.
Bref, il n’y a que peu de transparence, voire aucune, sur les dossiers en amont, donnant une effectivité toute relative à cette consultation des élus qui ne se prononcent ainsi que sur une infime partie des besoins de nos communes ou EPCI.
Fruit de la fusion de la dotation de développement rural et de la dotation globale d’équipement des communes en 2011, et, dans une certaine mesure, de feu la réserve parlementaire en 2018, la DETR doit répondre aux besoins d’équipement des territoires ruraux.
Lors de la campagne sénatoriale que j’ai menée l’été dernier, j’ai rencontré moult élus qui regrettent la réserve parlementaire. En son temps, celle-ci permettait en effet de verser des subventions de petit montant, qui apportaient une grande aide aux communes rurales à faible potentiel financier. C’est pourquoi le Sénat s’était battu pour qu’elle soit conservée – Hervé Maurey l’a rappelé.
Mais, vous le savez tous, l’Assemblée nationale a décidé de supprimer la réserve parlementaire à la fin de 2017, au prétexte d’un prétendu manque de transparence, alors même que tout était contrôlé depuis le cabinet du ministre de l’intérieur, en liaison étroite avec les préfectures. En moyenne, les subventions par le biais de la réserve parlementaire, publiées chaque année – ne l’oublions pas –, étaient de 5 000 euros. Il nous avait alors été dit que ces sommes seraient reversées vers la DETR, puis ciblées en direction des petites communes. Mais force est de constater que, sur les deux années écoulées, le compte n’y est pas.
Dans mon département, qui compte 800 communes, dont presque 600 de moins de 500 habitants, le mot « rural » est dominant, et les besoins en investissements structurants, même petits, sont légion. Résultat, avec le relèvement systématique du plafond – de ce fait, les petits dossiers échappent à la vigilance de la commission –, personne ne peut plus mesurer l’étendue des besoins correspondants. C’est ainsi que les conditions d’attribution ont été très régulièrement évoquées par mes interlocuteurs durant cette campagne électorale.
Pour l’année 2020, l’appel à projets a été lancé par circulaire du 7 janvier 2020, avec un dépôt limite fixé au 28 février suivant, par voie dématérialisée, le début d’exécution des travaux devant impérativement intervenir en 2020.
Début mars, la pandémie de covid-19 a tout bousculé – je dirais même qu’elle a tout arrêté –, et les collectivités n’ont pas été en mesure d’anticiper les conséquences budgétaires, telles que l’augmentation des dépenses immédiates relatives à la protection de la population, mais aussi la baisse induite des recettes fiscales.
De plus, 30 millions d’euros sont globalement prélevés sur la fiscalité propre de mon département au titre de la suppression de la taxe d’habitation, pour ne citer qu’un exemple.
Ces deux facteurs conjugués vont représenter un coût très important pour les finances locales.
Par ailleurs, l’immobilisation des entreprises durant le confinement et la difficile reprise de l’activité ont perturbé fortement l’investissement public, dont la DETR est un véritable levier.
Aussi, compte tenu de la baisse continue des dotations, et parce qu’elle souffre d’un carcan certain, la DETR nécessite une adaptation à la réalité. Il va falloir nécessairement assouplir son fonctionnement. Je salue donc les dispositions de la proposition de loi et les améliorations apportées par le rapporteur, comme la fin des critères additifs départementaux excluant du bénéfice de la DETR, la communication de tous les dossiers déposés, une information plus complète et la baisse du seuil. Je soutiens également une partie des amendements qui ont été proposés.
Enfin, et ce n’est pas le moins important, la chaîne d’exécution ayant pris beaucoup de retard – dans certains cas, il n’y a même pas de commencement de travaux –, il paraît nécessaire de revoir la durée de validité de la demande de subvention, tout comme les délais réglementaires de commencement et d’achèvement de l’opération – ceux-ci pourraient être allongés d’un exercice supplémentaire.
Pourquoi ne pas envisager également le déblocage des aides publiques tout au long de l’année, dès lors qu’un projet d’investissement a été déclaré éligible ? La relance des territoires par le biais des commandes publiques aux entreprises du BTP passera par une DETR plus souple, inclusive, argumentée et motivée, aussi bien lors de l’octroi que lors du refus, qui pourrait donc être acceptable par tous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau. (M. Michel Canevet applaudit.)
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, il est un risque que nous prenons souvent en tant que parlementaires lorsque nous abordons des sujets aussi cruciaux pour les élus locaux que la décentralisation et l’aménagement du territoire : accorder plus d’importance à la théorie qu’à la pratique, en fait perdre pied avec le terrain.
La proposition de loi que nous examinons ne devrait pas nous faire courir ce risque. En discutant des modalités de la procédure pour l’octroi de la DETR, nous sommes bien en prise avec la réalité des élus locaux. Ce texte soulève des problèmes techniques, mais y apporte des solutions politiques, au bon sens du terme, car il pose la question de la prise de décision dans le cadre très précis de la DETR.
La DETR – faut-il encore le rappeler ? – constitue un élément structurant pour nos politiques d’aménagement du territoire, avec une enveloppe d’un milliard d’euros pour les territoires. Elle participe à la cohésion de la Nation en opérant des transferts au bénéfice de la ruralité et des petites communes. Mais si nous sommes tous très attachés à ce dispositif vital pour le développement de nos territoires, nous n’en sommes pas moins regardants et exigeants quant à sa mise en œuvre concrète.
Le texte dont il est aujourd’hui question apporte à cet égard des solutions pragmatiques.
La première de ces solutions concerne le champ d’application du dispositif. À l’heure actuelle, de nombreuses communes qui répondent à un appel à DETR se voient opposer un critère d’inéligibilité qui les prive de ce levier de développement.
Pour répondre à ce problème, l’article 1er consacre le principe d’universalité de la DETR en modifiant directement l’article du code général des collectivités territoriales qui institue la DETR. Il vise ainsi à clarifier la loi.
L’article 2 apporte des solutions techniques aux problèmes rencontrés sur le terrain dans la procédure d’octroi de la DETR. La méthode retenue me semble bonne : réinjecter de la décision politique dans les procédures administratives. Je pense bien sûr au seuil des 100 000 euros. Ce seuil marque de façon symbolique, mais assez symptomatique, le point de bascule entre décision administrative et décision politique : en deçà, c’est l’apanage du préfet ; au-dessus, la décision est partagée avec les élus. On pourrait inverser ; on pourrait considérer qu’il suffit d’abaisser ce seuil pour redonner mécaniquement plus de poids aux élus face à l’administration.
Personnellement, je crois qu’il serait plus clair et plus honnête de revenir à la vision originale de la proposition de loi, et de supprimer purement et simplement le seuil, en définissant une méthode, puisqu’il y aurait – cela a été dit – beaucoup plus de demandes à examiner.
L’orateur précédent l’a indiqué, la DETR sert aussi à compenser la suppression de la réserve parlementaire, que beaucoup regrettent et qui nous permettait de répondre aux petites demandes. Manifestement, ce n’est plus le cas ! Nous sommes confrontés à un magma de demandes bien plus importantes qui ne correspondent pas du tout aux besoins des maires ruraux.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, les enjeux d’aménagement du territoire sont éminemment politiques. C’est aux élus des territoires de prendre les décisions, de concerter, et de représenter les intérêts parfois divergents, souvent convergents, des différents acteurs des territoires.
C’est dans la même logique que nous abordons les autres mesures de cette proposition de loi, telles que les obligations faites aux préfets de respecter les orientations prises par la commission des élus et de rendre compte des raisons pour lesquelles ils choisissent de rejeter des demandes de subvention.
Je pense aussi à la meilleure représentation des parlementaires au sein de la commission DETR. Les dispositions contenues dans cette proposition de loi vont dans le bon sens, mais je présenterai un amendement, proposé par mon collègue Jean-Pierre Decool, qui vise à élargir cette mesure aux départements qui comptent au moins quinze parlementaires.
Vous l’aurez compris, le groupe Les Indépendants – République et Territoires accueille très favorablement cette proposition de loi. Celle-ci permettra de matérialiser de façon concrète le souhait formulé par nombre de nos concitoyens : redonner du pouvoir au local et rapprocher la décision du terrain. Il s’agit non pas de jouer de façon simpliste le politique contre l’administration, mais bien de redynamiser la décision politique à l’échelon local.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord me réjouir, au nom du groupe Union Centriste, que le sujet de la DETR ait été mis au centre de nos débats cet après-midi. Cela montre l’intérêt que nous portons aux questions de financement des collectivités territoriales, en particulier rurales.
Mon groupe est en effet attaché – c’est l’une de ses caractéristiques – à ce que nos collectivités aient les moyens de fonctionner et d’investir dans les meilleures conditions. Je tiens à saluer tout particulièrement Hervé Maurey, qui est à l’origine de cette proposition de loi, laquelle est largement fondée sur ce qu’il a pu entendre du fonctionnement de l’attribution de cette dotation dans chacun de nos départements.
Je veux féliciter le rapporteur, Bernard Delcros, qui, au nom de la commission des finances, a fait un travail approfondi et des propositions intéressantes.
Le groupe Union Centriste tient aussi à saluer l’effort consacré par l’État et le Gouvernement au soutien aux collectivités territoriales et à leurs investissements au travers de cette DETR. Monsieur le secrétaire d’État, je pense que vous ne siégiez pas depuis vingt-sept ans dans une commission DETR, puisque, comme cela a déjà été dit, cette dotation a été instituée en 2011. Cet effort financier a permis de doter la DETR de moyens importants, qui sont aujourd’hui de l’ordre d’un milliard d’euros.
Les membres de mon groupe apprécient l’effort effectué pour les investissements locaux au travers de la DSIL. Il est important que nous puissions continuer à investir. L’effort consacré dans la troisième loi de finances rectificative témoigne de cet objectif de soutien à l’investissement local. On sait, à ce moment de la crise sanitaire, combien il est essentiel que nous puissions relancer l’économie.
Nous partageons ces finalités, monsieur le secrétaire d’État. En revanche, nous ne sommes pas du tout d’accord avec l’interprétation du texte que vous avez effectuée précédemment. L’article 1er, contrairement à ce que vous avez dit, ne vise pas à interpréter différemment de la loi la façon dont est attribuée la DETR. Il tend simplement à considérer que, dans les départements, l’attribution de cette dotation doit se faire dans le respect de ce qui a été décidé à l’échelon national. En tant que législateurs, nous sommes respectueux de la loi, et nous souhaitons qu’elle puisse être interprétée de la même façon dans l’ensemble des départements.
On le voit bien au travers des nombreux exemples qui nous proviennent des départements, la commission DETR fonctionne de façon extrêmement disparate selon les territoires. La proposition de loi a au moins le mérite de mettre en exergue les difficultés qui ont été identifiées et de souligner la nécessité d’avoir un fonctionnement homogène sur l’ensemble du territoire départemental.
Dans son département, chacun a des exemples montrant que la dotation n’est pas utilisée comme elle le devrait ou, en tout cas, comme il serait logique qu’elle le soit dans un objectif de répartition équitable. Une interprétation plus restrictive est souvent appliquée, et c’est ce que nous combattons. C’est le sens des propositions qui ont été faites, y compris en accroissant la participation des parlementaires – il faut y réfléchir, et ne pas l’exclure de facto parce que ces derniers ont une bonne connaissance du terrain et sont légitimes à intervenir.
Il faut aussi revoir le niveau d’information : il est nécessaire d’avoir connaissance non seulement des attributions proposées, mais également des demandes qui ont été refusées, et des raisons de ces rejets.
Mon groupe se pose même la question de savoir si cette commission d’élus ne devrait pas avoir un rôle de décision pour un certain nombre de dossiers. Pourquoi son avis reste-t-il consultatif ? Pour les dossiers de plus de 100 000 euros – ou 80 000 euros, comme cela est proposé dans le texte –, il pourrait être conforme, ce qui signifie que la commission aurait la faculté de décider. (M. Jean-Marc Boyer opine.) Si l’on veut faire confiance aux élus dans un État décentralisé et déconcentré, allons jusqu’à dire qu’il est légitime que ceux-ci aient la capacité de décider en l’espèce !
Il faut aussi s’interroger, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous êtes chargé de la ruralité, sur l’exclusion des petits projets. Vous le savez, les budgets de certaines communes, dans lesquelles nous nous sommes rendus, sont extrêmement étriqués. Un « petit » projet à 30 000 euros est important pour la commune. La DETR peut servir à l’accompagner à 50 % avec 15 000 euros. De tels projets doivent pouvoir être concrétisés, pour qu’il y ait un véritable aménagement du territoire.
Je regrette, pour ma part, que, au titre de l’article 45 de la Constitution, l’information des membres de la commission sur la DSIL n’ait pas pu être améliorée, car il faut – me semble-t-il – de la cohérence entre DSIL et DTER. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nadine Bellurot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord saluer le travail de l’auteur et du rapporteur de cette proposition de loi réformant la procédure d’octroi de la dotation d’équipement des territoires ruraux.
Comme ils l’ont rappelé, la DETR vise à un juste équilibre entre transparence et efficacité des procédures. Elle me semble participer à notre souci commun que la décentralisation au quotidien fonctionne à partir des projets des territoires, et non dans un cadre contraint qui en limiterait le champ des possibles.
C’est donc une bonne chose que toutes les demandes de dossiers, complets et recevables, soient connues par la commission départementale, car cela permettra de mieux identifier les projets sur le territoire et d’adapter, si besoin, les catégories d’opérations prioritaires retenues par la commission départementale.
Abaisser à 80 000 euros le seuil de subvention au-delà duquel la saisine est requise va également dans le bon sens, en ouvrant la concertation sur un plus grand nombre de dossiers. Il sera intéressant de faire une évaluation de cette mesure, afin de s’assurer de la pertinence du maintien de ce seuil ou de son abaissement à 50 000 euros dans les années à venir.
Enfin, le rappel qu’aucun autre critère que ceux qui sont fixés par la loi ne peut justifier une inéligibilité conforte l’importance que nous accordons au respect du projet, tel qu’il est librement élaboré par les collectivités qui le présentent.
Comme l’ont rappelé l’ensemble des orateurs, la DETR est une dotation essentielle pour les territoires ruraux, et elle doit être au plus près des besoins des élus. Elle est aussi un outil important au service de la relance territoriale voulue par le Gouvernement.
De ce point de vue, on peut regretter que le milliard d’euros supplémentaires affecté à la DSIL dans le plan de relance ne soit pas alloué à la DETR, au moins pour une part : cela aurait permis de financer plus rapidement les projets et de favoriser la concertation entre l’État et les collectivités territoriales sur le développement des territoires.
J’ajoute que, compte tenu des priorités retenues par l’État pour le fléchage de la DSIL supplémentaire, en déterminant les opérations éligibles, les plus petites collectivités sont de fait écartées. Les financements accordés au titre de la DSIL seront concentrés sur les plus grandes collectivités et, par nature, ne produiront pas d’effets sur l’économie réelle avant plusieurs mois.
Ainsi, 60 % de l’investissement public national est réalisé par les communes : toutes y contribuent à proportion de leur taille. C’est souligner et redire leur importance dans la réussite de la politique de relance engagée par l’État. Mais je ne suis pas certaine qu’elles pourront être au rendez-vous tant la crise sanitaire pèse sur leurs dépenses comme sur leurs recettes et ne leur laisse que peu de marges de manœuvre.
Le plan de relance n’a pas considéré les communes comme des acteurs économiques dont il convenait de soutenir l’équilibre financier dans une période difficile, à la différence du parti pris pour le secteur privé. Ce choix a pour conséquence que le bloc communal reconstituera d’abord sa capacité d’autofinancement, en privilégiant l’épargne de précaution sur l’investissement.
Cela conduit mécaniquement, dès cette année, à une baisse durable des capacités d’investissement du bloc communal dans un contexte de recentralisation progressive de ses recettes, transformées à marche forcée en dotations de l’État. L’expérience nous montre que ce mécanisme a toujours conduit à une diminution des ressources locales.
C’est pourquoi le texte que nous examinons cet après-midi, dans le contexte financier que je viens de rappeler, s’inscrit en parfaite cohérence avec les propositions de loi étudiées par le Sénat cette semaine pour le plein exercice des libertés locales. Il faut redonner aux collectivités territoriales plus de compétences et cesser de grignoter leur autonomie financière, en tout cas pour ce qu’il en reste ! Monsieur le secrétaire d’État, faisons simplement confiance aux élus ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit dans mon intervention liminaire, qui répondait préalablement à un certain nombre de remarques. Je tiens, en revanche, à apporter une réponse à certains propos qui ont été tenus, notamment sur des sujets extérieurs à la proposition de loi.
Madame Espagnac, la suppression de la réserve parlementaire en 2018 que j’avais négociée pour qu’elle se traduise par la réinjection d’argent dans les budgets généraux a permis d’alimenter non seulement la DETR, mais également le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA). (Mme Frédérique Espagnac fait un signe dubitatif.) Cela n’a pas été du 100 % – je le reconnais volontiers – mais pas non plus seulement 50 % ! À l’époque – je pense que vous vous en souvenez –, nous avons dû adopter un projet de loi de finances rectificative de fin d’exercice en raison de la non-sincérité des comptes : il a bien fallu faire de la réfraction sur un certain nombre de budgets. Sans cela, je vous prie de croire que j’aurais insisté pour que les sommes « remontent ». Sur les 92 millions d’euros, 50 millions ont été affectés à la DETR et 25 millions au FDVA.
De nombreux orateurs ont parlé de la DSIL. Je vous rappelle qu’elle avait été conçue pour être temporaire : devant disparaître en 2018, elle a finalement été pérennisée. J’y insiste, cette pérennisation est un élément important.
Par ailleurs, il serait abusif de la part de l’État de faire des économies sur le dos des collectivités locales pendant la gestion de la crise. Je rappelle le milliard d’euros de la DSIL fongible avec la DETR, le filet de sécurité sur les pertes de ressources fiscales, les avances de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pour les départements et, dans le projet de loi de finances pour 2021, les crédits territorialisés du plan de relance. Cela donne matière à réfléchir à ceux qui ont fait cette remarque.
Enfin, la commission DETR fixe des catégories d’opérations et des taux minimaux et maximaux. Elle n’a pas à définir quoi que ce soit d’autre, je le répète. C’est la raison pour laquelle, dans les circulaires qui seront produites en 2021, les choses seront clairement rappelées aux préfets : au travers de la commission DETR, il ne s’agit ni de faire de la sélection, notamment une sélection complémentaire par rapport aux dispositions légales, ni, comme je l’ai vu, de prévoir une interdiction de fongibilité entre DSIL et DETR. Nous veillerons à ce que la commission DETR respecte les textes qui lui donnent certaines prérogatives, et non pas des pouvoirs généraux.
M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Mes chers collègues, il nous reste trente-sept minutes, puisque la séance doit être levée à dix-huit heures trente. Or nous devons examiner des amendements – même si leur nombre est limité – et certains d’entre vous ont annoncé leur intention de prendre la parole sur les articles.
Si nous souhaitons voter cette proposition de loi ce jour, je vous invite à être concis et à vous en tenir à des interventions d’une minute pour les explications de vote et les prises de parole sur article.
M. le président. Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à réformer la procédure d’octroi de la dotation d’équipement des territoires ruraux
Article 1er
L’article L. 2334-32 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les communes et leurs groupements qui y répondent ne peuvent se voir opposer aucun autre critère d’éligibilité à cette dotation. »
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.
M. Olivier Paccaud. Au cœur de notre vocabulaire d’élus un sigle est incontournable : DETR. Tous les maires, conseillers départementaux et régionaux, et parlementaires le connaissent. Dans le contexte financier qui a vu les dotations globales de fonctionnement des communes fondre comme neige au soleil entre 2014 et 2017, avant de se stabiliser à un niveau médiocre, la désormais fameuse DETR est devenue une manne précieuse, indispensable à la réalisation de bien des investissements municipaux, surtout lorsque certains conseils départementaux ne peuvent dégager un budget important d’aide aux communes.
Or cette source de financement gagnerait à devenir un peu plus transparente. Certains orateurs ont évoqué feu la réserve parlementaire, stigmatisée, diabolisée, guillotinée pour crime de clientélisme. Celle-ci rendait pourtant bien des services, notamment aux communes peu fortunées et aux associations locales, dont nous connaissons tous l’importance pour entretenir le lien social. Nombreux sont aujourd’hui les parlementaires qui regrettent de l’avoir sacrifiée sur l’autel de la démagogie.
Mais qu’est donc la DETR si ce n’est une gigantesque réserve préfectorale ? Cette distribution de subventions à la discrétion du préfet ne constitue-t-elle pas une forme de clientélisme ? Quand on met en parallèle les 130 000 euros annuels dont bénéficiaient nos collègues et les 15 millions d’euros que répartit le préfet de l’Oise, on voit toute la relativité entre le clientélisme parlementaire et l’influence préfectorale, dont personne ne peut nier le rôle politique.
Qui mieux qu’un élu enraciné depuis des décennies connaît son territoire et ses habitants, sait quels sont leurs attentes et leurs besoins ? Personne ! C’est pourquoi associer plus et mieux les élus à l’attribution des crédits de la DETR, ainsi que le prévoit cette proposition de loi du toujours remarquable Hervé Maurey, est une démarche de bon sens et de cohérence. Un préfet éclairé par la lanterne de celles et ceux qui ont, à la fois, la légitimité démocratique et la lucidité offerte par un fil d’Ariane local est toujours plus efficace, préférable et plus équitable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. J’avais prévu d’intervenir deux fois, mais je ne ferai qu’une seule prise de parole pour gagner du temps, comme l’a demandé le président de la commission des finances.
Je salue l’initiative, de bon sens, d’Hervé Maurey, le travail du rapporteur, et les différentes interventions. Dans les critères d’éligibilité des dossiers à la DETR, dont l’historique a été rappelé, il est important que l’on prenne en compte la notion de proximité, au travers des élus, car les choses se font un peu trop sous l’autorité des préfets et sous-préfets.
La DETR, qui s’élève à un milliard d’euros, doit aussi servir à relancer l’activité du bâtiment et des travaux publics. L’économie souffre, il faut aider et soutenir les entreprises. Quand les communes et intercommunalités investissent, elles donnent du travail à l’artisanat et au BTP.
Il faut soutenir financièrement les communes, dont l’État reste le premier partenaire financier, autant pour le fonctionnement que pour l’investissement. Un rapprochement doit aussi être fait avec la DSIL, comme cela a été dit. Il faut surtout une bonne communication en direction des élus, en particulier dans les plus petites communes, parce que nous n’avons pas toujours la bonne information. Un tel partenariat de confiance est indispensable, notamment au sein des commissions d’élus dont le fonctionnement doit être amélioré, afin de renforcer la proximité et le soutien aux territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié sexies, présenté par Mmes N. Goulet, Billon et Férat, M. S. Demilly, Mme de La Provôté, MM. de Belenet, Chatillon et Reichardt, Mme Puissat, MM. Laménie, Lafon, Kern et Joyandet, Mme Joseph, M. Iacovelli, Mme Imbert, MM. Lévrier, Levi et Laugier, Mme Noël, MM. Wattebled et Vogel, Mmes Vérien et Mélot, MM. Médevielle, D. Laurent, Lagourgue, Janssens et Houpert, Mme Havet, MM. Guerriau, Decool, Calvet, Bazin, Artano et Delahaye, Mmes Belrhiti, Canayer, Artigalas et Harribey, MM. Lefèvre et Sol, Mmes Vermeillet et Demas, M. P. Joly, Mme de Cidrac, MM. Bouchet, Labbé, Canevet et Longeot, Mmes Sollogoub, Paoli-Gagin et Raimond-Pavero, MM. Brisson, Gueret et Guené, Mme Morin-Desailly, M. Cabanel, Mme Dumas, MM. Courtial et Marseille et Mmes Perrot, Herzog, F. Gerbaud, Gatel, Berthet, Bonfanti-Dossat et Schalck, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Les refus sont motivés.
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement, déposé sur l’initiative de Nathalie Goulet et cosigné par de nombreux collègues, vise à introduire une mesure de bon sens dans le texte. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, le Sénat avait déjà adopté un amendement relatif à la motivation des refus de DGE.
La transparence est plus que jamais nécessaire, compte tenu des difficultés budgétaires des collectivités locales et des demandes légitimes des citoyens en matière de distribution et de redistribution de l’argent public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Delcros, rapporteur. Sur le fond, la commission est d’accord avec les auteurs de l’amendement. Mais une telle disposition n’a pas sa place à l’article 1er. En revanche, nous serons saisis d’un amendement ayant le même objet lors de l’examen de l’article 2 et, là, l’avis de la commission sera favorable. En attendant, je sollicite le retrait de l’amendement n° 2 rectifié sexies.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à cette disposition, quel que soit d’ailleurs l’article auquel elle se rattache.
En effet, d’un point de vue juridique, il me paraît peu opportun de déroger pour la seule DETR au régime de motivation des actes administratifs institué en 1979 et aujourd’hui codifié, puisqu’il figure dans le code des relations entre le public et l’administration.
M. le président. Madame Billon, l’amendement n° 2 rectifié sexies est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. M. le rapporteur nous ayant indiqué qu’une suite favorable serait apportée à notre demande lors de l’examen de l’article 2, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié sexies est retiré.
L’amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Paccaud, Bas, Bascher, Bazin et Belin, Mme Belrhiti, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Bonneau, Bouchet et Brisson, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Chasseing, Chatillon, Cigolotti, Cuypers et Dallier, Mmes de Cidrac, L. Darcos et de La Provôté, MM. de Nicolaÿ et Decool, Mmes Deromedi, Deroche, Deseyne, Di Folco, Drexler et Eustache-Brinio, M. B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam, Gatel, F. Gerbaud et Goy-Chavent, M. Grosperrin, Mmes Gruny, Imbert et Joseph, MM. Joyandet, Laménie, D. Laurent, Le Gleut, Lefèvre, H. Leroy et Levi, Mme Lherbier, MM. Longeot, A. Marc, Médevielle, Menonville, Meurant et Mouiller, Mmes Muller-Bronn, Noël et Paoli-Gagin, MM. Pellevat et Perrin, Mmes Pluchet et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Rietmann, Sautarel, Savary et Segouin, Mme Thomas et MM. Vogel et Wattebled, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux phrases ainsi rédigées :
Les subventions accordées au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux sont cumulables avec d’autres soutiens venus des collectivités territoriales (subsides départementaux, aides régionales, fonds de concours intercommunaux). La seule interdiction possible concerne le taux de 80 % de subventions à ne pas dépasser.
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Cet amendement vise à sécuriser la possibilité de cumuler la DETR avec d’autres subventions.
Certes, une telle faculté est reconnue par la loi. Mais des problèmes se posent en pratique. Ainsi, une délibération du conseil départemental de l’Oise interdisant le cumul avait créé des situations ubuesques. Nombre de subventions accordées au titre de la DETR n’étaient pas consommées : il arrive que des communes ayant 30 %, 40 %, 45 % ou 50 % de subventions ne fassent rien, faute de moyens pour assumer les conséquences d’éventuelles actions. En l’occurrence, la non-consomption des crédits concernait à la fois la DETR et le conseil départemental ! Depuis, la majorité départementale a changé, et la délibération a été supprimée. À présent, tout fonctionne parfaitement bien.
Cet amendement tend à éviter que des communes peu fortunées ne se retrouvent en grande difficulté budgétaire et dans l’impossibilité de réaliser leurs investissements du fait de décisions politiques, voire politiciennes un peu abusives.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Delcros, rapporteur. En effet, en l’état actuel du droit, le cumul est possible, mais une intercommunalité, un département ou une région peuvent décider, par exemple dans le cadre du pacte de gouvernance institué par la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, de ne pas verser de fonds de concours à un projet bénéficiant d’autres subventions. Cela relève donc de la libre administration des collectivités territoriales.
En outre, les auteurs de l’amendement proposent une interdiction de dépasser le taux de 80 % de subventions. Cela nous paraît inopportun. Des dérogations permettent de dépasser ce taux, par exemple pour la rénovation du patrimoine, lorsque les collectivités ne peuvent pas réaliser 20 % d’autofinancement.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
L’article L. 2334-37 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « , de deux députés et deux sénateurs lorsqu’il compte cinq ou six parlementaires et de trois députés et trois sénateurs lorsqu’il compte au moins sept parlementaires » ;
b) La seconde phrase est ainsi rédigée : « Lorsque le département compte cinq parlementaires ou plus, les députés et sénateurs sont désignés, respectivement, par l’Assemblée nationale et par le Sénat. ». ;
1° Après le dixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La liste des opérations faisant l’objet d’une demande de subvention au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux, dont le dossier a été déclaré complet et recevable par le représentant de l’État, est portée à la connaissance de la commission. » ;
2° L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après les mots : « et dans », sont insérés les mots : « le respect des priorités et » ;
b) À la dernière phrase, le chiffre : « 100 000 » est remplacé par le chiffre : « 80 000 » ;
c) Sont ajoutées trois phrases ainsi rédigées : « Elle se réunit à cette fin au moins une fois par an. La note explicative de synthèse mentionnée au huitième alinéa doit alors présenter, pour chaque catégorie d’opérations, les éléments sur lesquels s’est fondé le représentant de l’État dans le département pour retenir ou rejeter les demandes de subvention, quel que soit leur montant, au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux. Les délibérations de la commission sont précédées d’une présentation par le représentant de l’État dans le département de la répartition territoriale et par catégorie des opérations retenues. »
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.
M. Olivier Jacquin. Je tiens d’abord à saluer Hervé Maurey, qui a déposé la présente proposition de loi.
Monsieur le secrétaire d’État, j’aurais besoin que vous nous apportiez une précision sur la composition des commissions. J’avais déposé un amendement sur le sujet, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution.
Dans mon département, le préfet a proposé qu’il y ait un représentant par territoire intercommunal, en plus des parlementaires. De ce fait, les présidents des associations représentatives d’élus ne peuvent pas siéger. C’est le cas, par exemple, du président de l’association des maires ruraux de mon département. Je vais donc demander par courrier au préfet de l’inviter.
La question de la bonne représentation des différentes parties prenantes nous intéresse toutes et tous.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.
M. Olivier Paccaud. Mon amendement relatif à la DSIL a été déclaré irrecevable sous prétexte qu’il s’agirait d’un « cavalier ». La cavalerie a une croupe large ! Il n’y aurait, nous dit-on, aucun rapport entre la DSIL et la DETR. C’est pourtant bien la même commission qui est saisie des deux dotations. J’ai assisté lundi dernier à une réunion de la commission DTER, et nous n’avons parlé que de la DSIL !
La DSIL n’est pas une réserve préfectorale ; c’est une super réserve préfectorale ! Dans le département de l’Oise, son montant sera de 15 millions d’euros en 2021. En l’occurrence, le préfet fait strictement ce qu’il veut ; pour lui, c’est open bar ! Il peut aussi bien accorder 5 % que 80 % de subventions ; personne ne pourra rien lui dire. Où est donc la fameuse « transparence » ? J’ai le sentiment qu’elle est un peu à géométrie variable.
Je déposerai prochainement une proposition de loi relative à la DSIL. Le dispositif conçu par Hervé Maurey est parfait. Faisons de même pour la DSIL. Car la recentralisation à outrance, cela commence à bien faire !
M. Vincent Segouin. C’est certain !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Précisément, monsieur Jacquin, lorsqu’il y a un conflit de ce type, le préfet est tenu d’organiser un scrutin pour la désignation des élus. Cela s’est déjà produit dans un certain nombre de départements. Nous vous ferons parvenir les textes correspondants.
Je prends un engagement devant vous, comme je l’ai fait sur d’autres sujets ; je veillerai à ce qu’un certain nombre de dispositions soient rappelées dans la circulaire, afin que tout soit bien clair.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. J.M. Boyer, Duplomb, Cuypers, Segouin et Priou, Mmes Puissat et Noël, M. Brisson, Mmes Gruny et M. Mercier, MM. D. Laurent, Sautarel et Chaize, Mme Deroche, MM. Bonne et Reichardt, Mme Eustache-Brinio, MM. Cardoux, Joyandet, Meurant, Sol, Bascher, Belin, de Legge et Piednoir, Mme Lopez, MM. Milon et Courtial, Mmes Imbert et Dumont, MM. Laménie, Savary, Allizard, Chatillon, B. Fournier et Babary, Mmes Thomas et de Cidrac, M. Vogel, Mmes Berthet, Chain-Larché et F. Gerbaud, M. Calvet, Mme Micouleau, MM. C. Vial, Pointereau, Bouchet et Perrin, Mme Muller-Bronn, MM. Houpert, Pellevat, Panunzi, Saury et Charon, Mmes Joseph, Perrot et Férat, M. Kern, Mmes Guidez et Schalck, MM. P. Martin, Bouloux, Chauvet et Henno, Mme Loisier, M. Burgoa, Mme Pluchet, MM. Grosperrin et Longeot, Mme Borchio Fontimp, M. Favreau, Mme Primas et MM. Gremillet et Darnaud, est ainsi libellé :
I. – Avant l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
….- À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 2334-36 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « département », sont insérés les mots : « ou par les parlementaires élus dans le département, dans les conditions fixées à l’article L. 2334-37, ».
II. – Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
1° A Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° De l’ensemble des députés et sénateurs élus dans le département ; »
III. – Alinéa 10
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
La commission est saisie pour statuer sur les projets dont la subvention au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux porte sur un montant inférieur à 100 000 €, lorsque ces projets sont proposés par un parlementaire élu dans le département. Le montant total des subventions proposées par les parlementaires élus dans le département, nommées dotation parlementaire, ne peut excéder 20 % du montant de l’enveloppe versée au département au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux.
La parole est à M. Jean-Marc Boyer.
M. Jean-Marc Boyer. L’attribution de la DETR dépend uniquement du préfet du département.
L’avis des parlementaires qui siègent dans les commissions DETR n’est que consultatif, et non décisionnel. Pourtant, les sénateurs et les députés sont en contact permanent avec les élus locaux. Leur connaissance des besoins du terrain est beaucoup plus fine que celle du représentant de l’État. Même des besoins correspondant à des montants peu élevés peuvent être très importants pour de petites communes aux moyens budgétaires limités. Cela a été fréquemment rappelé aujourd’hui.
Afin de mieux répondre aux besoins, nous proposons donc d’instituer dans l’enveloppe globale de la DETR une dotation parlementaire permettant aux députés et aux sénateurs de soutenir un projet de subventions d’un montant inférieur à 100 000 euros. Ledit projet est alors présenté à la commission DETR du département, dont l’avis est non pas consultatif, mais décisionnel.
L’enveloppe de subventions au titre de la DETR que peuvent proposer les parlementaires du département ne peut pas être supérieure à 20 % de l’enveloppe totale. Cela correspond peu ou prou au ratio du montant de l’ancienne dotation parlementaire de 2017 et du montant de la DETR en 2020, soit, respectivement, 86 millions d’euros et un milliard d’euros.
Par ailleurs, nous souhaitons ouvrir les commissions DETR à l’ensemble des parlementaires du département.
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par M. Delcros, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Delcros, rapporteur. Cet amendement concerne également la représentation des parlementaires dans les commissions DETR.
La commission des finances avait adopté un amendement tendant à porter le nombre de parlementaires membres de la commission DETR à trois députés et trois sénateurs, contre deux députés et deux sénateurs la plupart du temps auparavant. Mais cela pourrait poser des difficultés techniques de mise en œuvre, notamment en matière de parité ; je vous renvoie à la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
Nous proposons donc de revenir sur l’amendement adopté en commission, afin d’en rester au droit actuel. Mais nous souhaitons surtout ouvrir une réflexion plus globale sur la composition et le rôle de la commission, en considérant en particulier la place des parlementaires.
M. le président. L’amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Perrin et Rietmann, Mme M. Mercier, M. Joyandet, Mme Gruny, M. Gremillet, Mmes Raimond-Pavero et Noël, MM. Saury et Bouchet, Mme Lopez, M. Brisson, Mme Chauvin, MM. Calvet, Reichardt, Cuypers et B. Fournier, Mmes Drexler et Lherbier et M. Grosperrin, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
1° A Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° De l’ensemble des députés et sénateurs élus dans le département. » ;
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Cet amendement est défendu.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Decool, Capus, Chasseing, Guerriau, A. Marc et Menonville, Mme Paoli-Gagin, M. Wattebled, Mme Noël, M. Milon, Mme Sollogoub, M. S. Demilly, Mme Saint-Pé, MM. Bonne, Levi et Daubresse, Mme Dumont, M. Nougein, Mme Herzog et MM. Laménie et Longeot, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
six parlementaires
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, de trois députés et trois sénateurs lorsqu’il compte entre sept et quatorze parlementaires et de cinq députés et cinq sénateurs lorsqu’il compte au moins quinze parlementaires » ;
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Dans un souci d’équité et de représentation territoriale, nous proposons que cinq députés et cinq sénateurs puissent siéger en commission DETR dans les départements comptant au moins quinze parlementaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Delcros, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 3 rectifié bis. Il nous semblerait démesuré que tous les parlementaires participent à la commission DETR. Celle-ci est avant tout une commission d’élus. Il ne faudrait pas qu’elle soit composée aux deux tiers de parlementaires et au tiers seulement d’élus locaux !
Je réaffirme ce que j’ai indiqué en présentant l’amendement n° 14 : nous sommes très attachés à l’ouverture d’une réflexion sur la composition et le rôle de la commission DETR.
L’avis de la commission est défavorable sur l’amendement n° 12 rectifié, ainsi que sur l’amendement n° 8 rectifié bis. En effet, M. Guerriau propose de faire siéger cinq sénateurs et cinq députés, soit dix parlementaires, alors qu’il n’y a que dix élus locaux dans certaines commissions. Ce serait disproportionné.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Là encore, le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Il est favorable à l’amendement n° 14, qui tend à rétablir un équilibre à nos yeux indispensable entre les parlementaires et les élus locaux, et défavorable aux trois autres, en particulier à l’amendement n° 3 rectifié bis.
L’adoption de ce dernier aurait pour conséquences de recréer la réserve parlementaire et, du fait de son maximalisme, de porter à quarante le nombre de parlementaires au sein de la commission DETR du Nord ! Je suis pour le moins interrogatif quant à la gouvernance et au respect du quorum dans une telle commission…
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. Je soutiens l’amendement n° 8 rectifié bis.
Quel est le degré d’indépendance des élus locaux par rapport au préfet au sein des commissions ? Étant parfois « clients » de la DETR, il leur est beaucoup plus compliqué qu’aux sénateurs et aux députés d’exprimer un avis contraire à celui du préfet.
Je pense donc que renforcer la présence des parlementaires permettrait de muscler ces commissions.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Boyer. Je souhaite expliciter notre proposition d’instituer une dotation parlementaire à la discrétion des sénateurs et des députés.
Actuellement, les parlementaires font simplement acte de présence en commission DETR. Ils entérinent des décisions déjà prises par le préfet.
Il s’agit non pas de rétablir la réserve parlementaire, mais de recréer un lien entre le parlementaire et les maires des communes, via une commission transparente et collégiale. Cela peut vous faire sourire, monsieur le secrétaire d’État, mais je rappelle qu’il existe une réserve ministérielle dotée de 90 millions d’euros en 2020 et, semble-t-il, de 47 millions d’euros en 2021.
On nous a accusés de manquer de transparence dans la gestion de l’ancienne réserve parlementaire. Soit… Mais, en l’occurrence, l’objet de notre amendement n’est pas de la rétablir. Il s’agit d’instituer une commission transparente et collégiale, afin que les élus puissent décider dans la clarté de l’attribution de subventions à des petites communes, tout cela devant être parfaitement cadré d’un point de vue législatif.
Soyons pragmatiques. Une telle dotation parlementaire doit permettre de valoriser l’action des députés et des sénateurs. Ouvrons la commission aux parlementaires du département et faisons en sorte que leur présence soit décisionnelle, et non plus seulement consultative.
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. Je veux simplement prolonger les propos de mon collègue Jean-Marc Boyer.
Monsieur le secrétaire d’État, il me semble que vous avez uniquement avancé comme argument un problème d’organisation – la mesure vous paraît compliquée – ; vous n’avez pas évoqué l’idée de confier, en toute transparence, un pourcentage de la DETR aux parlementaires. Si ce n’est qu’un problème d’organisation, je pense qu’il est assez facile de trouver des solutions…
Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous préciser quels sont les arguments qui s’opposent à l’adoption de cet amendement ?
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. En vue de l’examen du texte par la commission des finances la semaine dernière, j’avais déposé un amendement prévoyant qu’à partir de sept parlementaires dans un département la commission DETR comptait trois sénateurs et trois députés.
Je l’avoue, j’étais ravie que mon amendement ait été adopté. Je suis donc un peu désappointée de voir que le rapporteur propose aujourd’hui de revenir sur ce point.
Je comprends la difficulté que pose la loi de 2018, mais ne faudrait-il pas plutôt revoir cette loi ?
M. Antoine Lefèvre. Bonne idée !
Mme Corinne Imbert. N’oublions pas en effet que la parité n’est pas atteinte dans nos assemblées, puisque l’Assemblée nationale compte 38 % de femmes et le Sénat 32 %. Surtout, certains départements ne comptent aucune femme parlementaire – c’est par exemple le cas dans la Vienne.
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Je souhaite à mon tour défendre l’amendement n° 3 rectifié bis.
Depuis quelques années, nous assistons à une recentralisation et à une certaine dérive : les moyens des collectivités locales ont été diminués pour permettre à l’État de faire face à ses déficits et, parallèlement, les dotations de l’État – DETR, DSIL… – ont augmenté, parfois dans des proportions relativement importantes. Or l’argent versé par une préfecture l’est, évidemment, dans des conditions d’attribution nettement moins démocratiques que celui qui est versé par une collectivité locale.
J’ai la chance d’être maire encore quelques jours, je suis « client » de la DETR, pour reprendre une expression utilisée plus tôt dans notre débat, et j’ai pu constater que l’attribution d’une subvention est le résultat de négociations entre la commune et les représentants de l’État. Le mode de distribution de la dotation n’est donc pas démocratique, alors même qu’il s’agit parfois de montants qui sont élevés pour le territoire.
C’est pourquoi cet amendement, dont l’adoption permettrait aux élus de la République de participer au choix de l’attribution de ces fonds, me semble aller dans le bon sens. Nous devons absolument remettre de la démocratie dans ce système ; l’État ne peut pas jouer à être une collectivité sans la démocratie qui va avec.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Delcros, rapporteur. Cet amendement comprend en réalité deux volets.
D’une part, il tend à créer au sein de la DETR une enveloppe qui ressemble à ce qu’était il y a encore quelques années la réserve parlementaire. Si chacun peut évidemment regretter la suppression de celle-ci, la commission des finances n’est pas certaine que la DETR soit le bon support pour revenir sur cette mesure.
D’autre part, cet amendement prévoit que tous les parlementaires d’un département siègent au sein de la commission DETR. Dans certains départements, les élus locaux qui représentent les communes et les intercommunalités ne formeraient alors que le tiers, parfois moins, des membres de la commission, ce qui dénaturerait l’ensemble du dispositif. La commission des finances estime qu’une telle modification devrait au minimum être discutée avec les associations d’élus.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 6 :
Nombre de votants | 330 |
Nombre de suffrages exprimés | 235 |
Pour l’adoption | 148 |
Contre | 87 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
En conséquence, les amendements nos 14, 12 rectifié et 8 rectifié bis n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 11, présenté par M. Jacquin, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Remplacer les mots :
le chiffre : « 100 000 » est remplacé par le chiffre : « 80 000 »
par les mots :
les mots : « porte un montant supérieur à 100 000 € » sont supprimés
La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 11 est retiré.
L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Paccaud, Bas, Bascher, Bazin et Belin, Mme Belrhiti, M. E. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne, Bonneau, Bouchet et Brisson, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Chasseing, Chatillon, Cigolotti, Cuypers et Dallier, Mmes L. Darcos, de Cidrac et de La Provôté, M. de Nicolaÿ, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne, Drexler, Di Folco, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, M. B. Fournier, Mmes Garriaud-Maylam, Gatel, F. Gerbaud, Goy-Chavent, Gruny, Imbert et Joseph, MM. Joyandet et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Le Gleut, Lefèvre, H. Leroy et Levi, Mme Lherbier, MM. Longeot, A. Marc, Médevielle, Menonville, Meurant et Mouiller, Mmes Muller-Bronn, Noël et Paoli-Gagin, MM. Pellevat et Perrin, Mme Pluchet, M. Rapin, Mme Raimond-Pavero, MM. Rietmann, Sautarel, Savary et Segouin, Mme Thomas et MM. C. Vial, Vogel et Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 10, première phrase
Remplacer les mots :
une fois
par les mots :
deux fois
La parole est à M. Olivier Paccaud.
M. Olivier Paccaud. Selon le texte proposé par Hervé Maurey, la commission DETR se réunit au moins une fois par an. Étant donné que le nombre de dossiers à examiner peut être important, il me semble plus sage de prévoir que la commission se réunit au moins deux fois dans l’année.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Delcros, rapporteur. Je rappelle que les membres de la commission peuvent demander la convocation d’une réunion, si le préfet ne la convoque pas de son côté. La loi prévoira par conséquent que la commission est réunie au moins une fois par an et chaque fois que ses membres en font la demande. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.
M. Cédric Vial. Aujourd’hui, les collectivités locales sont incitées à relancer des projets pour favoriser la reprise économique. Or le montage d’un dossier, notamment son plan de financement, peut prendre du temps. Une deuxième réunion dans l’année permettrait sûrement de résoudre un certain nombre de difficultés. On pourrait peut-être envisager un dispositif de gel d’une partie des crédits, comme le fait l’État dans sa propre gestion budgétaire.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié quinquies, présenté par Mme N. Goulet, M. Bazin, Mme Belrhiti, M. Bilhac, Mmes Billon et Canayer, MM. Chatillon et de Belenet, Mme de La Provôté, MM. Decool, Delahaye et Stéphane Demilly, Mme Férat, MM. Guerriau, Houpert et Iacovelli, Mme Imbert, MM. Janssens et Jeansannetas, Mme Joseph, MM. Joyandet, Kern, Lafon, Lagourgue, Laménie, Laugier, D. Laurent, Levi, Lévrier et Médevielle, Mmes Mélot, Noël et Puissat, M. Reichardt, Mme Vérien, MM. Vogel, Wattebled et Artano, Mme Havet, MM. Lefèvre, Calvet, Bouchet, Canevet et Longeot, Mmes Sollogoub, Paoli-Gagin et Raimond-Pavero, M. Brisson, Mme Morin-Desailly, M. Cabanel, Mme Dumas, MM. Courtial et Marseille et Mmes Perrot, Herzog, Frédérique Gerbaud, Gatel, Berthet, Bonfanti-Dossat et Schalck, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les refus d’attribution de subvention sont motivés.
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Delcros, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Espagnac, MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic, Éblé, Jeansannetas, P. Joly, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Chaque année avant le 15 novembre, le représentant de l’État présente à la commission un bilan des crédits consommés et des crédits non affectés au 31 octobre de l’année.
La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Bernard Delcros, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Défavorable, dans la mesure où 99,94 % des crédits disponibles sont engagés.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Briquet. Cet amendement pose la question de la consommation des crédits. Il me semble, monsieur le secrétaire d’État, qu’il serait intéressant, en particulier dans une période de crise comme celle que nous connaissons, de donner plus de flexibilité dans la gestion de la DETR, par exemple en la rendant pluriannuelle. Pensez-vous possible d’étudier cette idée ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
(Supprimé)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 27 octobre 2020 :
À quatorze heures trente :
Éloge funèbre de Colette Giudicelli.
À quinze heures quinze et le soir :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (texte de la commission n° 67, 2020-2021) ;
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières (texte de la commission n° 61, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures trente.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication