M. Henri Cabanel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’évoquerai à mon tour la pêche.
À l’approche de l’échéance du 31 décembre, la question des relations futures entre le Royaume-Uni et l’Union européenne était une nouvelle fois inscrite à l’ordre du jour du dernier Conseil européen.
Vous l’avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, le Conseil a pris acte de l’insuffisance des progrès pour parvenir à un accord, s’agissant en particulier des conditions équitables de concurrence, de la gouvernance et de la pêche.
Comme l’a souligné notre collègue Verzelen, une chose est claire : les pêcheurs ne doivent en aucun cas constituer une variable d’ajustement.
Eu égard à la longueur de nos façades maritimes, l’économie côtière est fondamentale pour notre pays et la dynamique de nombreux territoires français en dépend : c’est une évidence.
En outre, la volonté du Gouvernement de soutenir un objectif de souveraineté alimentaire – mon groupe appelle de ses vœux depuis longtemps la fixation d’un tel objectif – doit impérativement prendre en compte le secteur de la pêche, au titre de la diversité agricole.
C’est pourquoi je me réjouis, monsieur le secrétaire d’État, de votre engagement de faire figurer la pêche tout en haut de vos priorités. Il faut parvenir à un accord donnant-donnant.
D’un côté de la Manche, nos pêcheurs doivent pouvoir accéder aux eaux territoriales britanniques pour que leur activité reste économiquement viable ; de l’autre, nos amis Britanniques ont besoin de pouvoir accéder au marché européen pour écouler leurs produits : faut-il le leur rappeler ?
Dans ces conditions, il faut refuser l’annualisation de l’accès aux eaux britanniques. Cette formule est même un non-sens économique, en ce qu’elle interdirait tout investissement, faute de visibilité d’une année sur l’autre. Elle ouvrirait la porte à une insécurité économique insoutenable pour nos pêcheurs.
La pêche est un métier difficile, parfois dangereux, mais exercé avec passion. Je vous laisse imaginer le chaos qu’induirait la conclusion d’un mauvais accord. La France, avec les huit autres États membres concernés, doit tenir le cap d’une répartition juste des quotas d’espèces et d’un accès aux eaux réciproque et équitable.
L’échéance approche : le 31 décembre, c’est demain. Disposez-vous d’un plan B en cas de désaccord ? J’aimerais obtenir une réponse sur ce point.
Pour lutter contre le changement climatique, l’agriculture et la forêt représentent une partie de la solution. Trop souvent, l’agriculture est perçue comme une activité émettrice de gaz à effet de serre ; elle l’est, en effet, mais elle est aussi l’un des principaux leviers à actionner pour lutter contre le réchauffement climatique, notamment par l’engagement dans l’agroécologie.
À ce titre, je souhaite évoquer les discussions sur la PAC post-2020, dont les derniers développements vont dans le bon sens. Je salue en particulier la proposition de mettre en place des « écorégimes ». Réserver une part des aides directes aux agriculteurs qui font des efforts en matière de développement durable est une nécessité. Depuis plusieurs années, un grand nombre de nos agriculteurs se sont engagés dans la transition écologique, que nous ne devons pas craindre d’accélérer. Notre pays ne sera pas le plus pénalisé par des normes écologiques plus contraignantes, car il est préparé. En revanche, cette évolution contraindra certains États membres à réagir, en particulier ceux qui exercent une forme de dumping en laissant leurs agriculteurs cultiver le moins-disant environnemental.
C’est pourquoi j’adhère à cette nouvelle ambition formulée pour la PAC, et, dans ce cadre, je soutiens la position du Gouvernement de porter à 30 % le niveau des aides directes conditionnées au respect des mesures en faveur de l’écologie. J’y adhère d’autant plus qu’elle rejoint les stratégies de l’Union européenne concernant la biodiversité et celle « de la ferme à la table », qui sont au cœur du Pacte vert.
À propos de ces stratégies, monsieur le secrétaire d’État, où en est le travail de la Commission sur l’élaboration d’un étiquetage nutritionnel harmonisé et d’un cadre pour l’étiquetage des denrées alimentaires durables couvrant les aspects nutritionnels, climatiques, environnementaux et sociaux des produits alimentaires ?
C’est aussi parce que l’agriculture a un rôle à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique que nous devons accepter le verdissement de la politique agricole commune.
Alors oui, comme le souligne le Conseil européen dans ses conclusions, nous devons examiner avec intérêt l’objectif d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030. Ce cap doit cependant être partagé collectivement par les États membres, voire, autant que possible, au-delà des frontières de l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Jérémy Bacchi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le récent Conseil européen a inscrit à son ordre du jour la problématique du manque de coordination des États membres dans la gestion de la pandémie de covid-19. Dans ce contexte sanitaire, le sujet ne pouvait être évité, bien que l’Union européenne n’ait, pour l’heure, aucune compétence en matière de santé.
Les questions relatives au changement climatique, ainsi qu’à l’ambitieux objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030, figuraient également à l’ordre du jour.
Sans nier l’importance majeure de ces sujets, le groupe CRCE s’étonne et regrette que la résurgence du conflit dans le Haut-Karabakh entre Arméniens et Azerbaïdjanais n’ait pas été abordée, d’autant que, dimanche dernier, les deux camps se sont accusés mutuellement d’avoir violé une nouvelle trêve humanitaire, à peine une semaine après un premier cessez-le-feu, conclu mais jamais respecté.
Les combats se poursuivent donc sur ce territoire où l’on compte déjà des centaines de morts et des dizaines, voire des centaines, de milliers de personnes affectées par le conflit, directement ou indirectement, et jetées sur les routes de l’exil.
Mes chers collègues, il ne s’agit pas d’un fait mineur : la paix est menacée aux portes de l’Europe, et j’aimerais dire ici toute ma solidarité aux familles endeuillées, qui continuent de fuir les bombardements, laissant tout derrière elles.
Compte tenu de ses relations avec l’Azerbaïdjan et l’Arménie, mais aussi de son implication dans le groupe de Minsk, la France ne peut que s’inquiéter de ces évolutions périlleuses qui éloignent la perspective d’une résolution pacifique du conflit.
À quand une reconnaissance officielle par la France de la république d’Artsakh, en lieu et place de la représentation permanente installée en 1998 ? À quand une reconnaissance par l’Union européenne, qui a fait du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes un principe fondamental ? Nous estimons qu’une telle reconnaissance officielle constitue aujourd’hui le seul moyen de parvenir à une paix durable dans une zone instable depuis le fragile cessez-le-feu de mai 1994.
Je m’interroge, monsieur le secrétaire d’État : dans ce contexte sanglant, comment expliquer aux Arméniens et aux Karabakhiotes que l’Union européenne poursuive ses discussions avec la Turquie dans le cadre de l’accord sur la crise des réfugiés et celles avec l’Azerbaïdjan sur la révision de l’accord de coopération de 1996 ? Comment comprendre les récentes déclarations de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, selon lesquelles, sur les dossiers chypriote, libyen et artsakhi, des sanctions contre Ankara sont « prêtes et peuvent être utilisées immédiatement » ?
Par ailleurs, dans le cadre offert par le groupe de Minsk, le strict respect des principes de Madrid de 2007 permettrait d’organiser à la fois un processus d’autodétermination sécurisé par une opération de maintien de la paix et le retour de plus d’un million de déplacés artsakhis, arméniens et azéris.
Dans l’urgence de la situation, une question simple se pose : quelle est l’approche de l’Union européenne pour que les cessez-le-feu soient enfin respectés, notamment afin que puissent être dispensés les soins et l’aide aux populations civiles ?
Selon nous, l’assistance civile, l’appui concret à la mise en œuvre d’un cessez-le-feu et la reconnaissance officielle de la république d’Artsakh sont aujourd’hui les seules solutions pour aboutir à une résolution pérenne du conflit. Il est regrettable que l’Union européenne ne soit pas à la hauteur de l’enjeu, eu égard à la catastrophe humanitaire qui se déroule devant nos yeux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Jean-Yves Leconte applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis très honoré d’intervenir ce soir, en tant qu’orateur du groupe Union Centriste, bien sûr, mais aussi en ma qualité de président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je souhaite pouvoir m’exprimer systématiquement en une telle occasion, dès lors que l’ordre du jour du Conseil européen comportera des questions relevant de la compétence de notre commission.
Nous le savons, un très grand nombre de défis environnementaux doivent être relevés à l’échelon européen. C’est, bien sûr, le cas de la lutte contre le changement climatique et de l’élaboration de la future loi climat, laquelle s’inscrira nécessairement dans le cadre des orientations qui auront été décidées au niveau européen.
J’ai déjà eu l’occasion de le souligner, le vote historique intervenu en la matière au Parlement européen le 6 octobre dernier, a fixé pour 2030 un objectif de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre de 60 % par rapport à 1990, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
D’aucuns jugent cet objectif irréaliste ; d’autres s’en réjouissent. La présidente de la Commission européenne, nous le savons, défend un objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre. Certains États sont encore très réticents et demandent de nouvelles évaluations de l’impact d’une telle évolution.
De ce point de vue, l’issue du Conseil européen n’est pas une surprise : la fixation du nouvel objectif de réduction des émissions pour 2030 est reportée ; il sera discuté lors du prochain Conseil de décembre, à la veille du cinquième anniversaire de l’accord de Paris.
On ne peut que se réjouir, cependant, que les conclusions de ce Conseil aient explicitement pris acte qu’il était nécessaire de relever l’ambition climatique pour la décennie à venir. Cela signifie que plus personne ne se satisfait d’un objectif de 40 % de réduction des émissions et fait peser sur le rendez-vous de décembre une exigence de taille : il s’agira, en quelque sorte, du Conseil de la dernière chance pour rehausser le niveau d’ambition de l’Union européenne. La France s’est publiquement exprimée, dans une déclaration conjointe avec onze autres États, en faveur d’un objectif de réduction d’au moins 55 %.
Le Conseil européen a également rappelé, dans ses conclusions, l’importance de mener une action forte et coordonnée, de mettre en œuvre une diplomatie européenne en matière de climat en vue d’unir nos forces sur la scène mondiale pour continuer à faire progresser la cause de la lutte contre le changement climatique. Cela est primordial, car, qu’il s’agisse de la crise sanitaire que nous traversons ou de la catastrophe naturelle que viennent de connaître les Alpes-Maritimes, tout nous rappelle qu’il y a urgence à agir.
Septembre 2020 a été le mois de septembre le plus chaud jamais enregistré dans le monde ; il y a urgence.
Le climat de notre planète s’est déjà réchauffé de plus de 1 degré et il gagne encore, en moyenne, 0,2 degré par décennie depuis la fin des années 1970 ; il y a urgence.
Les climatologues relèvent que les événements climatiques extrêmes sont devenus une nouvelle normalité. « Désormais, aucun endroit ni aucun d’entre nous n’est à l’abri du changement climatique », nous prévient le climatologue américain Michael Mann, de l’université de Pennsylvanie ; il y a urgence.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’implique et s’impliquera dans la définition des orientations qui seront prises lors du prochain Conseil européen ; elle apportera toute sa part à l’élaboration de solutions en vue de réduire l’empreinte environnementale et climatique de notre économie. Nous l’avons récemment fait au travers d’une mission d’information et du dépôt, par nos collègues Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, d’une proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental du numérique. Nous continuerons à combler ces angles morts de nos politiques publiques, en étant force de proposition pour une transition durable de notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Brexit a montré que, même après avoir tissé des liens de solidarité et d’interdépendance pendant plus de cinquante ans, si l’envie d’être ensemble fait défaut, cela ne tient plus. Nous devons mettre cette observation au cœur de nos préoccupations lorsque nous développons de nouveaux instruments financiers.
Même si l’on considère que l’accord du 21 juillet est quasiment miraculeux, ces instruments ne suffiront pas à construire une Europe politique. Même après cet accord, il n’y aura pas de moment fédéral sans capacité et volonté politiques d’aller plus loin.
Le Conseil européen de la semaine passée a abordé énormément de sujets, mais n’a pas fait la « une » des journaux. Concernant le Brexit, on est toujours dans l’incertitude : les Britanniques veulent-ils partir sans accord ou usent-ils simplement d’une tactique de négociation quelque peu brutale ?
Concernant le cadre financier pluriannuel, alors que sa mise en œuvre est urgente et que la pandémie reprend de la vigueur, les remarques du Parlement européen sur les propositions avancées et sur l’accord actuel apparaissent mériter des réponses pertinentes.
S’agissant du Green Deal, si l’on doit saluer la volonté de la Commission européenne de relever l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à 55 % à l’horizon 2030 par rapport à 1990, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut tout de même constater que l’on n’a pas beaucoup avancé sur la définition des moyens d’y parvenir…
En outre, il faut veiller, lorsque l’on se fixe un tel objectif, à ce que les émissions de gaz à effet de serre ne soient pas transférées hors du territoire de l’Union européenne à travers l’importation de biens. C’est exactement ce qui s’est passé en France : nous avons réduit nos émissions, mais celles des pays où sont produits les biens que nous importons ont augmenté quasiment dans la même mesure !
Enfin, le pacte migratoire ne résout rien : on a changé les noms, mais on ne change pas de politique.
Du fait de toutes ces incertitudes, il est difficile à l’Union européenne de parler le langage de la puissance.
Monsieur le secrétaire d’État, concernant le Brexit, pouvez-vous nous dire si nous disposerons des outils pour faire respecter, même en l’absence d’accord sur la relation future, l’accord de retrait, déjà mis à mal par le gouvernement britannique, en particulier pour assurer le respect des droits des Britanniques qui vivent dans l’Union européenne et des ressortissants de l’Union européenne qui continueront à vivre au Royaume-Uni, notamment en matière de permis de séjour et de continuité des droits sociaux ? Quelle sera, à terme, la place de la Cour de justice de l’Union européenne dans le contrôle du respect de l’accord de retrait, s’il n’y a pas d’accord sur la relation future ?
L’accord du 21 juillet constitue un nouvel instrument de financement des politiques européennes, mais il est en réalité aussi un symbole : depuis février 2020, plus de 70 % des obligations souveraines émises par les États membres ont été rachetées par la Banque centrale européenne.
Par ailleurs, 750 milliards d’euros sur les prochaines années, c’est moins que ce que prévoit le programme de Joe Biden pour chaque année de la décennie à venir. Comment, dès lors, faire le poids face aux États-Unis ou à la Chine, qui vont mobiliser beaucoup plus d’argent que nous, alors que nous semblons avoir déjà atteint le maximum de nos capacités ?
En outre, depuis quelques années déjà, les ressources propres de l’Union européenne baissent : elles représentent moins de 30 % des ressources totales et cet état de fait ne pourra que s’accentuer si l’on augmente de cette manière les financements européens.
Or on constate qu’une partie des nouvelles dépenses, celles qui n’entreront pas directement dans le cadre financier pluriannuel, vont financer des politiques nationales, au risque d’entraver la convergence entre les pays. Certains auront les moyens d’aider leurs entreprises, d’autres beaucoup moins. Un tel risque de décrochage entre en totale contradiction avec la convergence qui a toujours été recherchée au travers des politiques européennes.
Monsieur le secrétaire d’État, si l’on veut pérenniser ces nouveaux outils, dont nous saluons la création, il faut renforcer les ressources propres. À défaut, il s’agira d’un one shot et l’on aura cassé la dynamique. Si nous voulons que le succès du 21 juillet ait un lendemain, il faut absolument trouver de nouvelles ressources propres et faire en sorte que l’Union européenne puisse continuer à être crédible sur ce plan.
Vous nous direz également comment vous envisagez de sortir de la problématique de l’État de droit. Personne n’est parfait dans l’Union, beaucoup d’États se voient infliger des condamnations par la Cour de justice de l’Union européenne. Quels critères objectifs retenir à cet égard ?
Il faut, bien entendu, défendre l’intérêt financier de l’Union ; c’est d’abord le rôle du parquet européen. Il serait nécessaire, à mon sens, d’insister auprès des pays connaissant des problématiques de corruption pour qu’ils luttent contre le mauvais usage des fonds européens. Au cours d’un récent déplacement en Hongrie, nous avons pu entendre des témoignages de responsables de collectivités locales. Il est indispensable que nous puissions disposer des moyens de mieux suivre l’emploi des fonds européens. Il est regrettable, à cet égard, qu’un pays comme la Hongrie ne soit pas partie prenante au parquet européen.
Sur la question migratoire, on nous a annoncé la suppression de la procédure Dublin ; c’est très bien, mais la responsabilité du pays de premier accueil restera. Sur un tel sujet, alors qu’il existe tellement de différences de pratiques entre les États, il me semble que nous devrions essayer d’avancer à quelques-uns. Créons, avec l’Allemagne et quelques autres pays, une cour européenne du droit d’asile, pour que les rejets ou les acceptations des demandes d’asile puissent être reconnus entre ces pays. Cela permettrait de fluidifier la mise en œuvre des principes et d’avancer en donnant confiance à ceux qui ne veulent pas bouger.
S’agissant de l’espace Schengen, nous avons constaté que la pandémie a mis à mal le respect de ses principes, avec le retour de contrôles aux frontières tout à fait scandaleux et inappropriés. La crise sanitaire a montré que notre espace de libre circulation n’était absolument pas au niveau ; il convient de le faire évoluer.
Concernant les relations extérieures, je pourrais reprendre mot pour mot les propos de notre collègue Jérémy Bacchi sur l’agression azérie au Haut-Karabakh. L’implication de l’Union européenne est nécessaire pour faire cesser ce drame humanitaire.
Quelles actions seront entreprises pour protéger les manifestants victimes de violences en Biélorussie ? Avec qui nous allons négocier en Afrique ? Avec l’Union africaine, qui n’a pas les mêmes compétences que l’Union européenne ? Avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ? Avec les différents pays africains ? Comment parvenir à établir une relation qui ne soit pas déséquilibrée ?
Vous nous direz, peut-être, monsieur le secrétaire d’État, quelle place peuvent tenir, selon vous, les parlements nationaux dans le débat sur l’avenir de l’Europe. Les parlements nationaux disposent de la souveraineté budgétaire ; si nous voulons dégager de nouvelles ressources propres pour l’Union, il est absolument indispensable qu’ils soient au cœur du débat sur l’avenir de l’Europe, car ils sont seuls en mesure de faire évoluer la situation sur ce plan. C’est une question essentielle ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)
M. Didier Mandelli. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, gestion de l’épidémie, Brexit, tensions avec la Turquie : l’ordre du jour du Conseil européen qui s’est tenu la semaine dernière ne manquait pas de dossiers brûlants.
Je souhaite revenir sur l’un point qui y figurait : la lutte contre le changement climatique. Atteindre la neutralité carbone en 2050, comme s’y est engagée l’Union européenne dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe, nécessite de revoir à la hausse notre objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.
Qu’il soit de moins 55 % par rapport au niveau de 1990, comme le propose la Commission, ou de moins 60 %, comme le souhaite le Parlement européen, cet objectif est dans tous les cas extrêmement ambitieux, et son atteinte nécessite de redoubler d’efforts. Il est un fait que si nous sommes souvent très volontaires quand il s’agit de nous fixer des objectifs ambitieux, nous sommes un peu moins performants lorsqu’il s’agit de les tenir.
Je rappelle, pour ne citer que l’exemple français, que notre pays n’est pas à la hauteur des engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris, engagements qui ont été traduits au plan national par la stratégie bas-carbone.
En effet, nos émissions de gaz à effet de serre ont diminué de 0,9 % l’année dernière, alors qu’elles auraient dû baisser de 1,5 %. Nous sommes donc loin de ces objectifs, sachant que, à partir de 2024, cette baisse est supposée atteindre 3,2 % par an. Il nous faut donc impérativement accélérer le rythme de réduction de nos émissions, comme le Haut Conseil pour le climat le souligne d’ailleurs dans son rapport annuel publié le mois dernier.
Dans le cadre du plan d’investissements du Pacte vert pour l’Europe et du plan de relance européen, qui sera financé par de la dette commune, l’Union européenne entend mobiliser des moyens considérables pour assurer la transition de son économie.
En additionnant les moyens du cadre financier pluriannuel 2021-2027 et la nouvelle capacité d’emprunt en commun, l’Union européenne disposera, ces prochaines années, de 1 850 milliards d’euros pour financer ses politiques. Il est prévu qu’au moins 30 % de cette capacité financière soit consacrée aux dépenses liées au climat, les autres dépenses devant respecter le principe consistant à ne pas nuire à l’environnement. Au regard des défis auxquels notre continent fait face et des besoins colossaux en l’investissement, nombreux sont ceux qui considèrent que ce montant est insuffisant.
De même, plusieurs questions se posent s’agissant de l’utilisation de ces moyens : selon quels critères seront-ils utilisés ? Comment distinguer des projets qui concourent réellement à cette transition ? Comment s’assurer que cette manne financière viendra bien financer des investissements verts ? Et à quel rythme pourra-t-elle être débloquée ?
Nous sommes par ailleurs en attente, monsieur le secrétaire d’État, d’une véritable stratégie européenne de réduction des émissions de gaz à effet de serre liées aux transports. En effet, les stratégies relatives à la transition agricole et à la transition énergétique ont été récemment publiées.
Les transports sont, au niveau européen, le deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre. En France, il s’agit même du premier secteur émetteur, qui contribue à près de 30 % de nos émissions totales, et c’est le seul secteur dont les émissions, au lieu de diminuer, ont augmenté depuis 1990.
La majorité de ces émissions sont liées au transport routier. Comme le souligne la Commission européenne dans sa communication du 17 septembre sur les ambitions de l’Europe en matière de climat pour 2030, ce secteur pourrait enregistrer une diminution de ses émissions d’environ 20 % seulement entre 2015 et 2030, ce qui nécessite qu’il fasse l’objet d’une attention accrue.
Or, en dehors de quelques mesures prises par l’Union européenne, par exemple en matière de normes d’émissions des véhicules particuliers et des poids lourds, on peine à trouver au niveau européen un plan d’action ambitieux en faveur de la décarbonation des transports. Pourtant, les investissements réalisés ne manquent pas.
À quand, monsieur le secrétaire d’État, un grand plan d’investissement européen en faveur des transports publics et des transports ferroviaires, fluviaux et maritimes ?
C’est peu dire que la stratégie pour une mobilité durable et intelligente que la Commission européenne entend bâtir ces prochains mois est importante. Elle devrait permettre d’aller plus loin dans le soutien à la conversion du parc automobile, au développement des carburants alternatifs, au développement des transports publics et, plus généralement, au report modal.
En ce qui concerne les transports maritimes, un mouvement de verdissement est d’ores et déjà engagé, au travers notamment du développement de navires à propulsion au gaz naturel liquéfié, ou GNL. Pour autant, de gros efforts restent à fournir pour réduire les importantes émissions de CO2, d’oxyde d’azote, d’oxyde de soufre et de particules fines des navires et développer les carburants alternatifs.
La Commission européenne et le Parlement souhaitent par ailleurs inclure le transport maritime au sein du marché carbone – Jean-François Husson l’a souligné précédemment. Quelle est la position de la France sur cette proposition, monsieur le secrétaire d’État ?
En matière de transport aérien, les engagements pris avant la crise sanitaire continuent pour l’heure d’être suivis par les compagnies aériennes et les aéroports. En juin 2019, plus de 200 aéroports européens ont signé la résolution du Conseil international des aéroports, ou ACI, s’engageant dans une feuille de route visant à atteindre l’objectif zéro émission nette de CO2 au plus tard en 2050. Airbus s’est fixé comme objectif d’être le premier constructeur à proposer, en 2035, l’avion à hydrogène.
Néanmoins, le secteur mettra des années à retrouver son activité de 2019, et le choc économique lié à la crise sanitaire risque que de remettre en question ces objectifs. Quelle politique européenne est-elle envisagée pour soutenir les objectifs de décarbonation du secteur aérien, monsieur le secrétaire d’État ?
Il reste beaucoup de chemin parcourir pour assurer cette décarbonation du secteur des transports. La crise que nous connaissons est l’occasion d’accélérer cette transition en investissant massivement dans les solutions bas-carbone. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que l’Union européenne soit au rendez-vous de ce défi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)