M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur François-Noël Buffet, je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, qui avait prévu d’être présent pour vous répondre et a dû se rendre en urgence à Roanne, où, vous le savez, une prise d’otages a eu lieu au centre pénitentiaire. Il m’a chargé de vous répondre.
Vous l’avez dit, des violences ont été commises récemment à Lyon et dans sa région. Des réponses pénales ont été apportées. Depuis la fin des mesures de confinement liées à l’état d’urgence sanitaire, ces violences, ces rodéos sauvages se sont multipliés. Ces faits sont absolument inacceptables, et appellent une réponse à la fois ferme, immédiate et implacable.
Concernant votre première question relative à la politique pénale arrêtée à l’égard de ces faits, les participants identifiés et interpellés ont été systématiquement déférés devant le procureur de la République de Lyon, en vue d’être jugés immédiatement ou, s’il s’agit de mineurs, d’être présentés à un juge des enfants.
Vous l’avez dit également, des violences ont été commises contre des personnes dépositaires de l’autorité. Je pense notamment aux sapeurs-pompiers pris à partie lors d’une intervention à la suite d’un incendie de véhicules le 14 juillet dernier. La réponse pénale a été tout aussi claire, puisque les auteurs de ces faits ont été déférés immédiatement. Un jeune majeur a été condamné à un an d’emprisonnement, dont six mois fermes, avec incarcération immédiate pour les violences commises.
Plus globalement, vous revenez sur les objectifs de notre politique pénale, défendus par Éric Dupond-Moretti, le garde des sceaux. Je répondrai forcément moins bien que lui sur ce point, mais je suis sûr qu’il aura l’occasion de revenir devant vous pour en parler.
Le garde des sceaux a indiqué son souhait d’avoir une justice rétablie dans ses moyens, en proximité. Il s’agit de respecter un principe, qui, me semble-t-il, nous rassemble tous : un délit, une sanction effective.
Pour ce faire, il faut des moyens, notamment dans les territoires. Éric Dupond-Moretti a été clair sur le fait qu’il avait des gages sur ce point. Il présentera ainsi un budget en hausse destiné à mettre en œuvre son ambition.
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.
M. François-Noël Buffet. Monsieur le secrétaire d’État, je ne doute ni de votre volonté ni de la qualité de vos réponses. Tout de même, compte tenu de ce que nous constatons depuis de nombreuses années sur les moyens dont dispose notre justice, il y a extrême urgence à mobiliser à la fois les fonds et les personnels pour mettre en place les dispositifs permettant de mener la politique pénale que vous revendiquez et que nous pouvons largement partager.
Nous avons souvent entendu dans cette enceinte que les moyens allaient être donnés. Et nous n’avons rien vu venir ! Nous vous demandons donc, monsieur le Premier ministre – je me permets de m’adresser à vous –, de faire très vite. La qualité de notre justice, la qualité de la réponse pénale, mais aussi de la réponse civile, déterminent, avant tout, la confiance de nos concitoyens dans notre système judiciaire. À défaut de cette confiance, nous vivrons des jours mauvais. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
faiblesse des contrôles sanitaires dans les transports aériens
M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Michèle Vullien. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé. Elle porte sur les voyageurs arrivant par avion de l’étranger.
Nous comprenons, monsieur le ministre, que les contrôles à l’arrivée soient très difficiles à mettre en œuvre. Cependant, il existe un moyen de remédier à cette difficulté : il faut exiger la présentation d’un test négatif au départ.
Le problème de la déficience des contrôles sanitaires dans les aéroports ne date pas d’aujourd’hui. Nous vous avons alerté dès le 1er avril dernier. L’affichage, la présence des services sanitaires ou une attestation sur l’honneur sont notoirement insuffisants. Les études épidémiologiques démontrent que de nombreux foyers de contamination en provenance de pays étrangers apparaissent sur le territoire national.
Or rien n’a changé depuis quatre mois. Il aura fallu attendre le 17 juillet dernier pour qu’un décret prévoie la mise en quarantaine volontaire de personnes venant de l’étranger présentant des symptômes ou n’ayant pas un test négatif à la covid-19. Mais ce décret n’entrera en vigueur que dans trois jours ! Bien plus, sa portée n’est pas nationale, puisque ces mesures devront être prises par les préfets.
Dans le même temps, nombre de pays n’autorisent l’accès à leur sol qu’aux seules personnes ayant présenté dans le pays de départ un test négatif, quelle que soit leur nationalité. La Chine vient de le faire. Cela évite la situation ubuesque de contrôles impossibles à l’arrivée et de quarantaines invérifiables. Pourquoi n’agissons-nous pas de même, au moins pour les voyageurs venant de pays à risque ou de pays ayant mis en œuvre de telles mesures ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Vullien, je vous remercie de votre question qui me permet de clarifier certains points.
Tout d’abord, vous indiquez que des mesures de quatorzaine seraient nécessaires depuis le 17 juillet. Madame la sénatrice, il y a eu deux périodes : pendant l’état d’urgence sanitaire et après ; l’état d’urgence sanitaire prévoyait des mesures de quatorzaine obligatoire. Je ne cherche en aucune manière à polémiquer, mais j’ai de la mémoire, tout comme vous. J’ai passé des heures dans cet hémicycle, et l’on pourrait sortir les procès-verbaux de mes différentes interventions, ou rechercher leur enregistrement en vidéo publié sur le site de Public Sénat, afin que vous preniez connaissance des débats que nous avons eus sur le texte organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire et de mes tentatives, qui n’ont pas rencontré un franc succès, visant à ne pas nous désarmer totalement et à mettre en place des mesures de protection des personnes en France. Vous vous en souvenez ?
L’une de ces mesures, que l’on ne peut pas appliquer en dehors de l’état d’urgence sanitaire, consistait à imposer à un citoyen français en France de subir un test PCR. Nous pouvons, certes, le demander, et nous demandons instamment à toutes les personnes qui viennent de pays dans lesquels le virus circule de présenter les résultats d’un test négatif réalisé dans les soixante-douze heures précédant leur départ.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est faux !
M. Olivier Véran, ministre. Si, malgré cela, ces personnes n’ont pas effectué ce test et qu’elles arrivent en France, nous leur offrons deux possibilités. Elles peuvent produire les résultats d’un test négatif réalisé dans les quarante-huit heures. Pour faciliter la vie des voyageurs, nous sommes l’un des seuls pays à avoir mis en place des plateformes de test PCR au sein même des aéroports, qui sont d’ores et déjà capables de faire 2 000 tests par jour, gratuitement, car ce geste est pris en charge par la sécurité sociale. (Protestations renouvelées sur les travées du groupe Les Républicains.) À défaut, nous leur demandons de respecter une quatorzaine à domicile, durant laquelle nous les accompagnons. (Vives protestations sur les mêmes travées.)
Les faits sont têtus, mesdames, messieurs les sénateurs. Les documents envoyés à tous les voyageurs en instance d’arrivée sur notre territoire national, en attestent !
Je ne prétends pas que cette solution soit parfaite, mais que n’y avez-vous pensé quand vous nous avez désarmés dans le cadre de la loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour la réplique.
Mme Michèle Vullien. Monsieur le ministre, je ne doute pas de votre volonté, mais l’on ne peut que constater que cela ne fonctionne pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (i)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. André Gattolin. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Madame la ministre, il y a un an et demi, l’annonce d’un projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche était assez visionnaire : jamais une telle loi n’avait été promulguée dans ce domaine, ce qui explique, d’ailleurs, les réticences auxquelles ce texte a donné lieu. (Vives exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Avez-vous quelque chose à en dire, mes chers collègues ?
M. le président. Monsieur Gattolin, c’est moi qui préside, je vous prie de continuer !
M. André Gattolin. Je vous remercie, monsieur le président.
Aujourd’hui, dans le contexte de crise économique et sanitaire que nous traversons, ce texte est salutaire et indispensable. La crise a, en effet, souligné combien la recherche était un élément indissociable de notre souveraineté nationale et combien il était nécessaire de la doter de moyens budgétaires au long cours, tant elle a besoin de constance et de visibilité en termes d’engagements financiers.
En ce sens, l’investissement de 25 milliards d’euros sur dix ans que prévoit ce projet de loi va dans le bon sens, comme l’augmentation significative des dotations de l’Agence nationale de la recherche (ANR).
Permettez-moi, néanmoins, d’attirer votre attention sur les chercheurs eux-mêmes, qui sont les piliers de la recherche dans notre pays. Nombre d’entre eux continuent à quitter la France pour d’autres pays, notamment les États-Unis, non par vénalité, mais parce que, ailleurs, les budgets alloués à la recherche leur permettent tout simplement de bien faire leur métier.
Aussi ma question est-elle simple : avec ce texte, qu’est-ce qui changera concrètement pour les conditions de travail des chercheurs ? Disposez-vous d’éléments chiffrés et d’engagements précis à nous transmettre à ce sujet ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le sénateur Gattolin, vous l’avez rappelé, ce projet de loi comporte le plus grand investissement qu’un gouvernement ait engagé sur la recherche depuis l’après-guerre et il sera très important pour moi que nous échangions à son sujet dans les prochaines semaines ou les prochains mois.
Il prévoit de reconnaître l’engagement, le travail et l’ensemble des missions assurées par les chercheurs et les enseignants-chercheurs au service de la production de la connaissance et de notre société au sens large.
Vous le savez : les connaissances que nous avons acquises hier nous ont permis d’affronter les crises d’aujourd’hui et celles qui résulteront des travaux d’aujourd’hui nous permettront, je n’en doute pas, d’affronter les crises de demain.
Qu’est-ce qui va changer concrètement ? Tout d’abord, ce texte emportera une simplification venant du terrain. Nous travaillons depuis plusieurs mois avec l’ensemble des laboratoires, des chercheurs et des enseignants-chercheurs pour déterminer ce qui les empêche concrètement d’exercer leur métier.
Ils ont besoin de temps, c’est pourquoi nous créerons des emplois supplémentaires pour accompagner les chercheurs et les enseignants-chercheurs dans tous les métiers de la recherche ; ils ont besoin de reconnaissance, c’est pourquoi nous mettrons en œuvre une revalorisation sans précédent de l’ensemble des métiers de la recherche ; ils ont besoin de moyens, c’est pourquoi nous prévoyons, non seulement de porter le budget de l’Agence nationale de la recherche à 1 milliard d’euros, mais aussi d’ajouter 450 millions d’euros, pour alimenter la recherche de base au travers de l’ANR, mais cette somme ne sera pas dédiée à des projets ciblés, car lorsqu’une équipe gagne dans un laboratoire, elle gagne avec l’ensemble de la structure, avec l’ensemble des autres équipes qui ont aidé le chercheur.
Il s’agit d’une grande loi pour la recherche que je serai très fière de défendre devant vous. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour la réplique.
M. André Gattolin. Madame la ministre, un point est tout de même important : dans le monde de la recherche, la France ne se classe pas dans les meilleures positions en sciences sociales et humaines. Il faudra faire un effort dans la compétition internationale, car nous échouons très souvent, malheureusement, dans les appels d’offres lancés à l’échelon européen.
règles sanitaires dans les aéroports
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, ma question concerne également le retard que prend la France dans le contrôle aux frontières et dans les aéroports. Si elle ressemble à celle qu’a posée Michèle Vullien, c’est parce qu’elle vise une préoccupation des parlementaires et des Français : en dehors des relevés de température, il n’y a quasiment aucun contrôle covid mis en œuvre par les exploitants, et l’État d’ailleurs ne rend pas obligatoires de tels contrôles. Durant plusieurs heures d’attente aux arrivées dans les aéroports, les voyageurs de plusieurs avions se mélangent, sans respect des gestes barrières, sans distinction entre Français et étrangers et, surtout, sans aucun suivi.
Quoi que vous nous ayez répondu, monsieur le ministre, aucun certificat médical ni résultat de test n’est exigé pour le moment, quelle que soit la zone d’où proviennent les voyageurs, même si les autorités locales ont décidé de mettre en place des mesures de confinement, comme à Barcelone.
Le comble de l’inutilité est atteint par cette attestation sur l’honneur assurant que l’on n’a pas le covid, que personne ne réclame, alors même qu’une grande partie des malades sont asymptomatiques.
Ce constat alarmant est dénoncé par tous, particulièrement par les médecins hospitaliers, qui voient arriver de plus en plus de binationaux et d’étrangers contaminés n’ayant connu aucun suivi depuis leur atterrissage.
Une nouvelle fois, la France prend du retard ; une nouvelle fois, elle est incapable d’instaurer, autrement que sur le papier, ce que presque tous nos voisins font : des contrôles aux frontières systématiques, pas seulement incitatifs et au bon vouloir du passager. Et ne parlons même pas des 2 000 tests PCR journaliers annoncés quand près de 20 000 voyageurs arrivent chaque jour de ces zones rouges !
Ma question est simple : allez-vous mettre en place des contrôles obligatoires et réels, afin d’éviter que nos aéroports ne deviennent des passoires à covid ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Procaccia, il me faudrait plus de deux minutes pour répondre factuellement à votre question, ne serait-ce que pour présenter les chiffres.
Vous affirmez que la dangerosité vient de l’étranger ; j’ai demandé aux hôpitaux parisiens de m’indiquer combien de malades originaires de l’étranger étaient actuellement hospitalisés en réanimation. Si l’on exclut les rapatriements sanitaires de Français gravement malades à l’étranger, l’ensemble des hôpitaux parisiens a accueilli cinq patients depuis le 15 juin. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Ce n’est pas la question !
M. Olivier Véran, ministre. Je ne dis pas que cela ne compte pas, madame la sénatrice, mais vous indiquez que la dangerosité vient de l’étranger, alors que les chiffres sont têtus.
Vous dites que tous nos voisins ont mis en place des mesures draconiennes obligatoires. Madame la sénatrice, je vous demande de venir me voir après la séance et nous appellerons – comme je l’ai fait – l’ensemble des ministres de la santé des pays du Conseil européen (M. André Gattolin applaudit.) ; vous constaterez avec moi qu’aucun autre pays européen n’a mis en place de contrôles PCR jusque dans les aérogares.
Parlons sérieusement : pour tester 1 000 personnes dans un aéroport, il faut une équipe de 40 personnes ; pour en tester 35 000 – soit le nombre de passagers attendu à Roissy en période estivale –, il faut 1 200 personnes. Nous pourrions placer 1 200 agents en permanence à l’aéroport, mettre en place un tri et demander à tous les passagers d’attendre plusieurs heures. Pour cela, encore une fois, il nous faudrait une disposition législative dont nous ne disposons pas, parce que l’initiative a été désamorcée durant le débat au Sénat, notamment par la majorité sénatoriale. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Madame la sénatrice, les ressortissants non binationaux venant de pays classés rouges, c’est-à-dire dans lesquels le virus circule plus qu’en France, ne peuvent pas entrer sur notre territoire. Nous ne parlons donc que des binationaux et des Français qui se trouvent dans des pays où le virus circule beaucoup et qui reviennent en France. À ceux-là, je vous le confirme, nous demandons de faire un test sur place dans les soixante-douze heures. Si le test n’est pas disponible dans leur pays de départ – cela arrive –, nous mettons à leur disposition des tests à l’aéroport et nous les accompagnons dans une quatorzaine, le cas échéant, jusqu’à ce qu’ils puissent bénéficier d’un test.
Croyez-moi, nous sommes déterminés sur ce sujet. Nous n’avons absolument aucune envie de permettre au virus de circuler, d’où qu’il vienne, du territoire national ou de l’étranger. Accompagnez-nous par des dispositifs législatifs et soyez fiers de ce que nous sommes capables de mettre en œuvre pour protéger les Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, vous affirmez qu’il y a très peu de personnes originaires de l’étranger dans les hôpitaux, mais j’ai bien précisé qu’il y avait des binationaux. Je ne l’ai pas inventé : toute la presse l’évoque.
M. le Premier ministre parlait de fermer la frontière avec l’Espagne. Faudra-t-il attendre quinze jours et un décret pour contrôler les gens qui arrivent de Barcelone et qui ne le sont pas aujourd’hui ? Allons-nous nous retrouver dans la même situation que la dernière fois, quand l’Italie avait fermé ses frontières et que nous continuions à accueillir ses ressortissants sans aucun contrôle ? Nous sommes inquiets, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (ii)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Hélène Conway-Mouret. Madame la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, vous connaissez parfaitement l’enseignement supérieur, vous en êtes issue. Vous ne pouvez ignorer ses problèmes, vous les avez vécus. Dès lors, il est difficile de comprendre pourquoi, dès votre arrivée à la tête de ce grand ministère qui prépare l’avenir de nos jeunes, mais également de notre pays, vous n’avez pas lancé immédiatement un grand plan de relance globale sur le quinquennat, afin de rattraper les sous-investissements structurels dont souffrent nos universités.
Les investissements ont été insuffisants depuis vingt ans, c’est un fait, mais c’est aujourd’hui le problème majeur. Il faudrait ouvrir une nouvelle faculté tous les ans pour accueillir les plus de 30 000 étudiants supplémentaires, alors que la dotation par étudiant ne cesse de baisser : elle est à l’heure actuelle au niveau de 2008. Ce problème financier pèse également sur l’emploi, avec une baisse très nette des recrutements due à la précarisation de l’emploi des enseignants-chercheurs, à laquelle vous commencez enfin à répondre avec le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, que vous avez présenté ce matin en conseil des ministres.
Cependant, 99 % des 25 milliards d’euros annoncés ne seront disponibles qu’après 2022 ; de plus, ces crédits, qui reposent sur des appels à projets, ne sont pas garantis. Les universités ont besoin de moyens maintenant et ne peuvent attendre le prochain quinquennat.
Madame la ministre, nous venons d’examiner trois projets de loi de finances rectificative, dans le cadre desquels vous aviez l’occasion de garantir des crédits, afin de financer vos annonces. Pourtant, vous attendez deux jours après la fin des débats pour annoncer l’ouverture de 10 000 places supplémentaires. Comment les financerez-vous ? Aucune aide n’est prévue non plus pour la mise en place, pendant l’été, d’un enseignement à distance, qui requiert pourtant des investissements, alors que vous avez refusé, ici comme à l’Assemblée nationale, tous les amendements qui tendaient à soutenir les doctorants et les boursiers pour la rentrée prochaine.
Rassurez-nous, madame la ministre, en nous disant que vous avez réservé vos efforts pour le projet de loi de finances à venir ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Madame la présidente Conway-Mouret, je comprends le sens de votre question, et nous partageons l’idée qu’il est temps de réinvestir massivement dans la recherche dans notre pays. Je souhaite toutefois apporter des précisions.
Rien ne serait prévu pour développer l’enseignement à distance à la rentrée : 30 millions d’euros ont été mis à la disposition des établissements d’enseignement supérieur pour préparer cette rentrée universitaire, avec des formations à distance.
Le financement des doctorants ne serait pas assuré : nous avons prolongé d’une année la possibilité de disposer de contrats doctoraux financés pour eux ainsi que pour les attachés temporaires d’enseignement et de recherche – les ATER – et certains post-doctorants.
Nous devrions construire une université par an : mais, vous le savez comme moi, la construction d’une université se prévoit. On savait dès les années 2000 que la courbe démographique atteindrait son pic en 2018 et ce gouvernement n’est arrivé au pouvoir qu’en 2017. Il nous était très difficile de construire une université par an et, surtout, de rattraper ce retard.
Oui, le plan Étudiants a permis de réinjecter 1 milliard d’euros pour l’accueil des étudiants en premier cycle. Aujourd’hui, 25 milliards d’euros vont être réinvestis pour la recherche.
Pour vous donner un ordre de grandeur, le programme 172, « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », a reçu 50 millions d’euros entre 2012 et 2017, en recevra 220 millions dès l’année prochaine et 559 millions l’année suivante. En deux ans, nous aurons fait seize fois plus qu’entre 2012 et 2017.
Oui, on pourrait toujours espérer plus, mais le mieux est parfois l’ennemi du bien et je préfère que nous commencions à investir sincèrement et réellement dans l’enseignement supérieur et la recherche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.
Mme Hélène Conway-Mouret. Nous sommes habitués à une communication faite de superlatifs, mais aujourd’hui, à mon sens, nous avons besoin d’une vision globale pour les universités.
Vous n’êtes pas sans savoir qu’il règne, surtout, une grande inquiétude pour la rentrée prochaine. Le Sénat sera au rendez-vous pour voter des crédits pour votre ministère, comme il l’a été pour les repas à un euro. Nous avons besoin de soutenir nos universités, leurs personnels et les étudiants. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
budget de la justice, centres de semi-liberté et situation dans les prisons
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Lors de sa nomination, le garde des sceaux a annoncé des mesures ambitieuses s’agissant du budget de la justice, « un budget que la justice n’a pas connu depuis longtemps », affichant ainsi sa volonté de réforme.
Toutefois, à la faveur d’une interview donnée au Journal du dimanche, il a amoindri les espoirs que ses premières déclarations avaient suscités. L’optimisme est alors retombé et l’effet d’annonce n’a pas survécu bien longtemps, comme ce quinquennat nous y a habitués.
Depuis plusieurs années, on annonce un plan de rénovation pour les petites structures pénitentiaires. Ce plan va-t-il être entériné ? Va-t-on pouvoir enfin commencer les travaux ?
S’agissant des aménagements de peine, le Gouvernement a-t-il décidé d’étendre le nombre de centres de semi-liberté dans les territoires où les besoins se font le plus sentir ? Prenons l’exemple d’Agen : il n’y a que dix places pour le ressort de la cour d’appel du Lot-et-Garonne et du Gers. Le Gouvernement va-t-il faire ruisseler ce budget historique à venir vers les territoires ruraux les plus fragiles ?
Pour finir, a-t-il l’intention de créer ces 15 000 places de prison, comme s’y était engagé le Président de la République – même si le nombre a baissé depuis – ou plutôt de désemplir les prisons, puisque le garde des sceaux avait indiqué, constatant le taux d’occupation historiquement bas lors de sa visite à la prison de Fresnes, que c’était le chemin qu’il fallait emprunter désormais ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Christine Bonfanti-Dossat, je vous prie encore d’excuser l’absence de mon collègue garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, qui a dû se rendre à Roanne, où une prise d’otages a eu lieu au centre de détention.
Vous nous interrogez sur la politique que le Gouvernement entend mener s’agissant, notamment, des questions pénitentiaires. Je vous en remercie, car il s’agit effectivement d’une priorité. Vous l’avez rappelé, dans son discours de passation, Éric Dupond-Moretti est intervenu très fortement sur ce sujet. Il a effectué son premier déplacement en tant que garde des sceaux dans un établissement pénitentiaire et, à l’occasion d’une audition à l’Assemblée nationale, il y a deux jours, il est revenu sur ces questions pour afficher la même ambition. Je suis certain qu’il pourra revenir sur ce sujet au Sénat.
Il a indiqué plusieurs objectifs. Tout d’abord, s’agissant des moyens et de l’immobilier, un plan de création de 15 000 places de prison a été engagé, avec une première tranche de 7 000 places qui est déjà bien entamée : plusieurs milliers de places sont déjà construites.
En ce qui concerne les postes, 6 500 recrutements ont été effectués depuis le début de ce quinquennat, avec une hausse d’un quart du budget de la justice.
Pour ce qui est des conditions de détention, Éric Dupond-Moretti l’a dit, nous ne pouvons nous résoudre à ce que la France, pays des droits de l’homme, soit régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme sur ce sujet. Un plan spécifique sera présenté avant la fin de l’année.
Enfin, sur la question des peines, oui, la politique pénale vise à renforcer les peines alternatives à l’incarcération – le recours au bracelet électronique et le travail d’intérêt général comme sanction pénale ont augmenté de 20 % depuis trois ans. Nous allons poursuivre dans cette voie.
Pour revenir sur la question locale, en effet, aucun territoire ne doit être oublié. Dans le Lot-et-Garonne, le quartier de semi-liberté d’Agen, que vous évoquez, dispose de dix places. Notre priorité est déjà de faire en sorte que ces places soient occupées, puisque, à ce jour, selon mes informations, deux détenus seulement y sont affectés. Il faut donc promouvoir davantage les alternatives à l’incarcération ; c’est ce que nous allons faire, avec Éric Dupond-Moretti. (M. Arnaud de Belenet applaudit.)