M. Philippe Dallier. Ah !
M. Olivier Cadic. … mais je suis convaincu qu’une autre voie est possible. La France ne se redressera pas sans affronter ses propres faiblesses et sans revoir son fonctionnement en profondeur. Cela passe par la simplification de nos réglementations et de nos impôts.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Monsieur le ministre, nous allons donc adopter un budget rectificatif présentant un déficit de 226 milliards d’euros.
J’ai une solution qui plairait à beaucoup de monde : il suffirait de doubler le taux de toutes les impositions pour réduire le déficit à néant, les recettes fiscales de ce budget correspondant exactement au montant du déficit !
Plus sérieusement, nous allons dépenser deux fois plus que ce que nous avons, et cela en dépenses courantes, car il ne s’agit pas d’un budget d’investissement, de relance ; la règle d’or ne s’applique pas. Telle est donc la leçon à tirer de cette crise : nous avons devant nous un problème monstrueux, que l’on cantonne ou pas cette dette qui explose…
Ce projet de loi de finances rectificative est peu bizarre : il a été préparé par un gouvernement et défendu par un autre.
M. Fabien Gay. Il reste de droite ! On ne voit pas de différence…
M. Jérôme Bascher. Peut-être que cela ne change pas grand-chose, mais, entre les annonces du Président de la République le 14 juillet et celles du Premier ministre le 15 juillet, il y a pourtant bien des différences !
Ce projet de budget rectificatif nous pose problème, monsieur le ministre : nous savons que l’on ne peut pas s’en passer, mais, en même temps,…
M. Fabien Gay. … on va le voter quand même !
M. Jérôme Bascher. … nous savons qu’il ne règle rien. Au cours du débat, on a vu que bien des sujets n’étaient pas traités : la culture, l’emploi, la réforme de la taxe d’habitation…
Je terminerai en remerciant le président de séance, qui nous a permis d’achever nos travaux à une heure moins tardive que prévu. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, Les Indépendants, UC, LaREM et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Je remercie également le président de sa conduite des débats, qui nous permet de finir à une heure raisonnable.
Les explications de vote d’Olivier Cadic et de Jérôme Bascher sont assez illustratives. En effet, ils critiquent ce projet de budget, le jugeant trop dépensier, trop déficitaire, mais ils annoncent qu’ils le voteront. Cela me paraît être une nouvelle preuve que ce n’est pas un budget de combat face à la crise. Il serait exagéré de dire qu’il est minimaliste, mais il n’est pas à la hauteur de ce qu’il faudrait faire pour sortir vraiment de la crise. Les chiffres du Sénat montrent d’ailleurs que la France dépense non pas 500 milliards d’euros, mais 60 milliards d’euros, pour faire face à cette crise ; cela représente 2,6 % du PIB, soit beaucoup moins que la plupart des pays comparables.
Nous regrettons particulièrement, pour notre part, que ne soient pas suffisamment pris en compte un certain nombre de secteurs. Parmi ceux-ci, la culture est certainement la grande oubliée de ce budget. Les collectivités locales sont pour le moment dans une grande incertitude et largement mises à contribution face à la crise, sans que nous sachions véritablement quelles seront leurs perspectives après 2020.
Les deux grands absents du texte, y compris après son examen par Sénat, sont la justice sociale, du fait d’une volonté délibérée de ne pas mettre davantage à contribution les plus aisés – tous les impôts et toutes les taxes ne se valent pas, cher Jérôme Bascher –, et l’écologie. J’espère que nous pourrons rapidement mettre en œuvre une partie au moins des recommandations de la Convention citoyenne pour le climat. En parler, c’est bien ; le faire, c’est mieux ! En tout état de cause, ce n’est pas dans ce projet de loi de finances rectificative que nous voyons ses conclusions mises en œuvre.
Pour toutes ces raisons, de manière très logique, le groupe socialiste et républicain votera contre le projet de loi de finances rectificative tel qu’issu des travaux de notre assemblée.
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled, pour explication de vote.
M. Dany Wattebled. Nous achevons enfin l’examen de ce troisième projet de loi de finances rectificative. Il clôt une séance budgétaire hors norme, entamée à la fin du mois de mars avec le premier projet de loi de finances rectificative.
Ces trois PLFR ont eu une seule priorité pour fil rouge : le sauvetage de notre économie et de nos entreprises, confrontées à un choc sanitaire sans aucun précédent dans notre histoire.
Au fur et à mesure, nous avons pu constater l’ampleur de cette crise, qui n’a pas fini de nous sidérer. Pas un pan de la société n’y a échappé, ni les entreprises, ni les salariés, ni les collectivités locales. Cette crise n’est pas finie ; elle ne fait que commencer.
Beaucoup de dépenses ont été engagées, mais nous devons prendre un peu de hauteur et prendre la juste mesure du texte que nous allons voter. En cette période très difficile, notre responsabilité est engagée. Tous ensemble, nous avons réalisé un travail de fond, pour le bien du pays. J’ai été très surpris de ces échanges très forts en vue de la recherche d’un équilibre. Quelles que soient nos divergences, il importe de voter ce texte pour tous ceux qui, aujourd’hui, sont dans la difficulté. C’est ce que fera le groupe Les Indépendants, car il y a urgence pour notre pays.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, je vous remercie à mon tour de la façon dont vous avez dirigé cette séance, en lien avec M. le rapporteur général. Cela nous a permis d’achever l’examen du texte dès ce soir, dans de bonnes conditions.
Le groupe LaREM votera ce PLFR. Certes, il a été modifié par le Sénat, mais son économie générale n’a pas changé. Son adoption nous permettra de préparer la commission mixte paritaire, que nous souhaitons conclusive.
Je note que le Sénat, dans sa majorité, a voté tous les amendements du Gouvernement, sauf un, me semble-t-il, bien qu’ils aient été déposés tardivement. Cela nous conduit évidemment aussi à voter ce texte qui recharge les crédits, déploie des plans sectoriels, promeut l’apprentissage pour les jeunes et comporte un certain nombre de mesures pour les plus démunis – je pense en particulier à l’hébergement d’urgence.
Concernant les collectivités locales, j’apporterai deux nuances à ce qui a pu être dit.
Premièrement, je rappelle que 4,5 milliards d’euros ont été engagés, auxquels s’ajoutent 500 millions d’euros pour la mobilité.
M. Philippe Dallier. Pourvu que ça dure !…
M. Julien Bargeton. En 2009, il n’y avait pas eu de plan pour aider les collectivités locales à faire face à la crise. C’est la première fois qu’une garantie de ressources est apportée.
Deuxièmement, je veux dire à mes collègues de gauche que ce n’est pas le moment d’augmenter les impôts. J’assume cette position. Comme nous l’enseigne Keynes, en cas de dépression de l’activité, il ne faut pas baisser la dépense publique ni accroître les impositions, parce que cela la déprimerait davantage. Quand nous serons revenus à meilleure fortune – espérons que cela arrivera –, quand l’économie, et donc l’emploi, seront repartis, nous verrons ce qu’il convient de faire. Nous pourrons en discuter lors des grands débats politiques qui nous attendent.
Ce soir, nous sommes tous suspendus aux négociations européennes. Nous espérons qu’elles pourront aboutir, même s’il peut y avoir des inquiétudes, car le PLF devra s’articuler avec l’action de nos partenaires européens.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je veux d’abord, au nom du groupe CRCE, remercier l’ensemble du personnel du Sénat, dont le professionnalisme nous permet de travailler dans des conditions vraiment excellentes.
L’examen de ce troisième PLFR a donné lieu à de nombreux débats d’idées, que nous avions déjà eus, pour nombre d’entre eux, les années précédentes.
Nous devons revoir totalement notre système de fiscalité. Le débat a montré qu’il n’y avait pas de roue de secours aux logiques économiques et financières qui sont celles tant de la majorité actuelle que des majorités précédentes. Mes chers collègues, nous sommes face à un cocktail explosif, du fait de la dégradation des indicateurs sociaux et économiques et des tensions internationales.
Je pense sincèrement – je le dis en toute humilité – que nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux et des défis qui sont devant nous. Pas grand-chose n’a changé. Il y a même des insolences. Ainsi, les cinq premières fortunes disposent d’un patrimoine équivalant au déficit de 2020 !
M. Philippe Dallier. Avant, c’était les cent familles ; maintenant, c’est les cinq familles…
M. Pascal Savoldelli. Notre collègue Julien Bargeton défend la politique du Président de la République, et c’est normal, mais il y a tout de même 460 milliards d’euros de déficit ! Les indicateurs sont extrêmement préoccupants.
Pour notre part, nous pensons que nous ne sommes pas engagés sur un nouveau chemin menant à plus d’égalité sociale et territoriale et d’innovation environnementale. Rien, dans les décisions prises aujourd’hui, ne nous prouve le contraire. Alors que les collectivités territoriales demandaient 7,5 milliards d’euros, seulement 4,5 milliards d’euros leur ont été donnés. Aucune des exonérations sociales qui ont été accordées aux entreprises n’est assortie de conditions. Nous avons été incapables d’imaginer la moindre recette innovante pour l’État.
Notre groupe a tout de même un motif de satisfaction, celui d’avoir obtenu, avec votre concours, mes chers collègues, la taxation des Gafam à la mesure de leurs immenses profits. Nous sommes heureux d’avoir arraché 150 millions d’euros pour la recherche scientifique. Nous nous réjouissons également de la promotion de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, via les exonérations sociales.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Pascal Savoldelli. Nous ne voterons pas ce troisième PLFR. La confiance, pour nous, n’est pas une concession à la paresse.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Le groupe Les Républicains votera bien évidemment ce texte, tel qu’il a été modifié, parce que beaucoup des mesures que nous souhaitions y voir figurer ont été adoptées par le Sénat, qu’elles aient été proposées par le rapporteur général ou par notre groupe.
Notre rapporteur général a désormais mission d’essayer de trouver un accord en CMP. Cela dépendra des avancées que l’Assemblée nationale acceptera. Je pense notamment au sujet des mobilités, sur lequel se pose une vraie difficulté. L’accord sera probablement plus facile sur l’article 18, mais les choses ne sont pas acquises définitivement.
Nous avons voté les PLFR 1 et 2. Nous espérons pouvoir voter le PLFR 3, monsieur le ministre, mais cela dépendra des efforts que pourront faire le Gouvernement et la majorité à l’Assemblée nationale.
Olivier Cadic nous a reproché de voter un PLFR prévoyant un déficit de 226 milliards d’euros et nous a invités à faire notre examen de conscience, mais lui-même a annoncé qu’il votera le texte…
L’examen de conscience devrait en fait porter sur les dix dernières années, car c’est durant cette période que nous avons raté le coche ! Ce que les autres ont fait après la crise de 2008-2010, nous ne l’avons pas fait. Voilà pourquoi la situation devient si difficile aujourd’hui. Tirons-en des conclusions pour l’avenir. Je vous rejoins sur le fait que la dette devient vraiment abyssale : il ne faudrait pas que les choses dérapent, notamment en matière de taux d’intérêt… Il faut agir. Cela ne peut pas durer.
De leur côté, nos collègues socialistes nous disent qu’ils ne voteront pas le texte parce que l’on ne dépense pas assez. Les membres du groupe Les Républicains ont un regret : ce texte n’est tout de même pas le plan de relance que nous attendions. À cet égard, le Gouvernement nous a beaucoup « promenés », monsieur le ministre. On nous avait annoncé un plan de relance dans un PLFR 4. Nous avons même entendu un ministre le promettre à l’Assemblée nationale pour fin août ou septembre. On nous dit maintenant que cela peut attendre la loi de finances pour 2021… Nous craignons vraiment que l’on perde six mois, au risque d’aggraver encore la crise.
Cependant, ce soir, nous voterons le PLFR 3.
Nous adressons tous nos remerciements à la commission des finances et à vous-même, monsieur le président. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Je m’associe aux remerciements qui viennent d’être formulés.
Ce troisième projet de loi de finances rectificative remédie à une situation d’urgence, mais, comme vient de le dire Philippe Dallier, rien n’est réglé à long terme.
Hier, nous avons voté un certain nombre d’amendements allant dans le sens d’une libération fiscale des Français, qui sont les plus imposés fiscalement et socialement, pour des résultats qui se dégradent année après année. On ne peut donc qu’être inquiet des perspectives à moyen et long terme, car rien n’est résolu.
Depuis 1974, nous votons des budgets en déficit. Ce n’est pas tenable ! L’histoire nous enseigne qu’il n’y a que trois façons de résorber un déficit qui s’élève à 226 milliards d’euros : la guerre, la dévaluation et la disparition de la monnaie. On n’en connaît pas d’autres !
Je rejoins Philippe Dallier : nous payons le prix de dix années de « cela ne coûte rien, c’est l’État qui paie » et de « quoi qu’il en coûte »… Réfléchissons-y. Le seul moyen de s’en sortir, c’est la croissance, qui financera des emplois et des dividendes, pas forcément pour les très riches.
Dans un monde ouvert, où il n’y a plus de frontières, où l’on contrôle de moins en moins les flux de capitaux et les départs à l’étranger, les solutions proposées par nos collègues de gauche sont tout à fait impraticables ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir permis de ne pas terminer trop tard.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’avais dit, avec une pointe d’humour, que le Sénat était beaucoup plus efficace que l’Assemblée nationale, puisqu’il faisait en trois jours ce qu’elle avait fait en trois semaines…
M. Philippe Dallier. Ça, c’est sûr !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Concrètement, cela signifie que nous n’examinons pas les textes dans de très bonnes conditions. Nous sommes obligés de travailler le week-end, y compris la nuit. Je tiens à tous vous remercier, mes chers collègues, de votre mobilisation.
Je remercie également M. le ministre et sa collègue Agnès Pannier-Runacher, qui se sont succédé au banc du Gouvernement pour nous répondre, ainsi que leurs collaborateurs.
Enfin, je remercie les présidents de séance.
Rassurez-vous, nous allons bientôt nous revoir pour l’examen, dès la semaine prochaine, du projet de loi de règlement en nouvelle lecture et le débat d’orientation des finances publiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2020, modifié.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 141 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Pour l’adoption | 244 |
Contre | 90 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Monsieur le président, je m’associe aux remerciements qui vous ont été adressés. Je remercie également les autres présidents de séance. Enfin, je remercie l’ensemble des sénateurs et des sénatrices pour la qualité et la sérénité des débats que nous avons eus. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 21 juillet 2020 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
À quatorze heures trente et le soir :
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à homologuer des peines d’emprisonnement prévues en Nouvelle-Calédonie (texte de la commission n° 599, 2019-2020) ;
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales (texte n° 618, 2019-2020) ;
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine (texte de la commission n° 631, 2019-2020).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le lundi 20 juillet 2020, à zéro heure cinquante.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication