M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission des lois préfère conserver un contrôle parlementaire digne de ce nom : elle est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par MM. Sueur, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mmes Rossignol, Schoeller et Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les avis du comité de scientifiques sont rendus publics sans délai.
La parole est à M. Patrick Kanner.
M. Patrick Kanner. Cet amendement vise à renforcer encore le poids du conseil scientifique, sur lequel le Gouvernement se fonde pour prendre de nombreuses décisions. Son président, le professeur Delfraissy, a toujours considéré, à juste titre d’ailleurs, que son rôle était de conseiller et celui du Gouvernement de décider.
Or cette décision doit s’appuyer sur l’information la plus large et la plus rapide possible des Français. Dans cet esprit, nous proposons que les avis du conseil scientifique soient rendus publics sans délai, et non pas, comme nous l’avons constaté pour certains, après deux, trois, voire quatre jours.
Il arrive que le conseil scientifique ne soit pas consulté : ce fut le cas pour l’arrêt des compétitions sportives – j’en ai un souvenir ému… Quand il l’est, autant que les Français connaissent son avis le plus vite possible !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Plusieurs fois, monsieur le ministre, les avis du comité scientifique ont été retenus par le Gouvernement pendant plusieurs jours. S’il s’était agi d’un organe interne au Gouvernement, on aurait pu le comprendre ; mais les lois sur l’urgence sanitaire lui ont conféré un statut législatif.
Dès lors, il est plus démocratique d’assurer la transparence de ses avis. C’est pourquoi nous sommes favorables à la proposition, particulièrement heureuse, de nos collègues du groupe socialiste.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Je ne puis qu’être heureux que le Parlement souligne la transparence dont le Gouvernement a fait preuve… Je me félicite de la mise en place du conseil scientifique et j’en remercie les membres pour les appuis et les avis éclairés qu’ils nous ont donnés.
Je m’enorgueillis d’avoir fait de la transparence et de la mise en ligne de ces avis une constante, alors que rien encore ne m’y obligeait. Une fois, certes, une erreur de mise en ligne a été commise. Elle a été rectifiée quelque huit minutes après que l’alerte eut été donnée dans le cadre du débat sénatorial… Pour le reste, la plupart des avis ont été mis en ligne, je crois, dans des délais plus que raisonnables.
Je n’ai donc aucune difficulté à vous donner satisfaction sur le principe d’une mise en ligne sans délai. C’est une première dans la gestion d’une crise sanitaire : nous n’avons rien à cacher, depuis le premier jour !
J’émets donc un avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 21, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Par les lois des 23 mars et 11 mai 2020, le législateur a institué un certain nombre de dispositions pénales répressives, visant à garantir la sécurité de nos concitoyens pendant la crise sanitaire en sanctionnant le non-respect des règles édictées en vue de contrer la pandémie : le confinement, puis le port du masque et l’application des gestes barrières dans les transports en commun et les lieux publics.
L’alinéa 15 de l’article 1er du présent projet de loi permet au Premier ministre de recourir à ces dispositions après la sortie de l’état d’urgence sanitaire, le 10 juillet prochain, si une augmentation du nombre de cas de Covid-19 est à déplorer. Les auteurs du présent amendement dénoncent la banalisation à laquelle s’adonne l’exécutif s’agissant de mesures coercitives et répressives : introduites dans notre législation en raison de la crise sanitaire, elles ne sauraient être utilisées en dehors du cadre dans lequel elles ont été édictées.
Figurant à l’article L. 3136-1 du code de la santé publique, ces dispositions pénales n’ont pas vocation à voir leur champ d’application élargi. Dans un État de droit, les mesures adoptées dans des circonstances sanitaires exceptionnelles ne peuvent devenir la règle !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Quand on énonce des règles, il faut bien prévoir des sanctions pour ceux qui ne les respectent pas… Sans quoi il n’y a plus de règles !
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Artano, Requier et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Laborde et MM. Roux, Vall et Labbé, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À la seconde phrase du dernier alinéa du II de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, après les mots : « sont assurés », sont insérés les mots : « la mise en œuvre des constatations médicales préalables au placement à l’isolement, ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. La campagne de tests de dépistage du Covid-19 est une préoccupation partagée par l’ensemble de nos concitoyens, mais peut-être encore plus par ceux de l’outre-mer. Dans les territoires insulaires, en effet, la suspension des moyens de transport a des conséquences beaucoup plus importantes qu’en métropole sur toutes les chaînes d’approvisionnement, et réguler la saturation des hôpitaux y est encore plus problématique.
La quarantaine, seule solution de rechange aux tests, est très contraignante : elle risquerait de nuire gravement à la vie économique et familiale de nos concitoyens d’outre-mer, qui dépendent fortement des liaisons avec la métropole.
Des flottements ayant été observés au cours des premières semaines de campagnes de tests, notre collègue Stéphane Artano, sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon, propose que ces campagnes, compte tenu de leur importance, fassent l’objet d’engagements gouvernementaux au niveau réglementaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Mon cher collègue, je ne crois pas aux vertus d’un décret pour suppléer au manque de moyens et aux défauts d’organisation.
Si cet amendement a le mérite de poser le problème de la manière la plus claire, la solution proposée ne le réglera pas. M. le ministre va nous dire ce qu’il compte entreprendre pour régler cette difficulté : peut-être sera-t-il suffisamment convaincant pour que vous retiriez votre amendement ?…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Monsieur le sénateur, vous entendez que soient précisées par décret les conditions de mise en œuvre des constatations médicales préalables aux placements à l’isolement. La loi qui encadre ces mesures d’isolement renvoie déjà à un décret pour en fixer les conditions d’application.
L’amendement est satisfait, et je vous suggère donc de le retirer.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 3 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Les attributions dévolues au représentant de l’État par le présent article sont exercées à Paris et sur les emprises des aérodromes de Paris-Charles de Gaulle, du Bourget et de Paris-Orly par le préfet de police.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. J’ose tenter de défendre de nouveau un amendement gouvernemental… Quelque chose me dit que celui-ci peut passer ! (Sourires.)
Il s’agit de donner compétence au préfet de police pour l’application des dispositions de sortie de l’état d’urgence sanitaire en Île-de-France à Paris et sur les emprises des trois aéroports parisiens – cela fait écho à certains débats…
De fait, c’est le préfet de police qui exerce dans ce ressort territorial les attributions du représentant de l’État en matière de menaces sanitaires et d’état d’urgence sanitaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Vous avez convaincu la commission, monsieur le ministre ! (Exclamations amusées.)
M. Bruno Retailleau. Vous nous avez pris par les sentiments, monsieur le ministre !
M. Philippe Bas, rapporteur. J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, MM. Lurel, Sueur et Kanner, Mme Artigalas, M. Roger, Mme G. Jourda, MM. Raynal, Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, P. Joly, Jomier, Jacquin, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville, S. Robert, Rossignol et Schoeller, M. Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et prorogé par l’article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire avait été déclaré, et jusqu’au 30 octobre 2020 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique imposer aux personnes souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination ou en provenance du territoire métropolitain ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution de présenter le résultat d’un examen de biologie médicale.
Le premier alinéa du présent article ne s’applique pas aux déplacements par transport public aérien en provenance de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution qui n’est pas mentionnée dans la liste des zones de circulation de l’infection mentionnée au II de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique.
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Je défends cet amendement au nom de ma collègue sénatrice de la Martinique, Catherine Conconne.
Les territoires d’outre-mer ont été diversement touchés par l’épidémie de Covid-19 : si le virus circule encore fortement en Guyane et à Mayotte, il a relativement épargné la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion – à ce jour, on n’a détecté sur ces trois territoires que des cas importés, à l’exclusion de tout cas autochtone.
Dans ces trois territoires, l’enjeu est donc de permettre la reprise normale des liaisons aériennes, ainsi que le retour progressif des touristes et des Ultramarins de l’Hexagone qui rentrent passer les grandes vacances dans leur famille, tout en maintenant des mesures de contrôle sanitaire pour empêcher l’importation du virus.
Depuis le 9 juin dernier, un dispositif expérimental est en place. Pour chaque voyageur, la réalisation d’un test virologique est préconisée dans les soixante-douze heures qui précèdent son départ pour l’outre-mer : si le test est négatif, le voyageur doit respecter une période de confinement de sept jours, à l’issue de laquelle il doit réaliser un nouveau test ; si le second test est négatif, le voyageur peut se déplacer librement. Quant aux voyageurs qui n’ont pas réalisé de test avant leur départ, ils sont astreints à une quatorzaine stricte.
Ces mesures de septaine et de quatorzaine ont vocation à disparaître avec la fin de l’urgence sanitaire. C’est heureux, car, comme l’a souligné notre collègue Michel Magras, elles sont assez dissuasives pour la reprise du tourisme.
Néanmoins, il est nécessaire de maintenir un contrôle sanitaire pendant les prochains mois, sous la forme de tests virologiques obligatoires pour les personnes souhaitant se rendre en outre-mer, afin de permettre la reprise du tourisme tout en protégeant la population. Il s’agit d’une demande très forte des territoires concernés.
Dans cette perspective, le présent amendement vise à maintenir jusqu’au 30 octobre prochain la possibilité donnée au Premier ministre de prendre un décret pour imposer des tests virologiques aux personnes désireuses de se rendre dans les outre-mer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Madame Artigalas, lorsque cet amendement a été rédigé, ses auteurs partaient du principe que l’article 1er serait supprimé.
Or il vient au contraire d’être adopté, avec, dans son alinéa 5, un 4° énonçant, certainement avec moins d’élégance que votre amendement et dans un style qui n’a pas le même souffle, le dispositif que vous avez défendu.
Cet amendement est donc inutile, et je vous demande de bien vouloir le retirer : je regretterais de devoir appeler au rejet d’un amendement que la commission approuve, mais nous ne pouvons pas laisser dans la loi le même dispositif formulé deux fois, en des termes et à des articles différents.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Artigalas, l’amendement n° 14 est-il maintenu ?
Mme Viviane Artigalas. Monsieur le rapporteur, notre amendement me paraît plus précis et de plus grande portée que le dispositif inscrit à l’article 1er.
Néanmoins, je me range à l’avis de la commission et retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 14 est retiré.
Article 1er bis A (nouveau)
L’article L. 3131-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par un I ainsi rédigé :
« I. – En cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, notamment en cas de menace d’épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de prévenir et de limiter les conséquences de cette menace sur la santé de la population, prescrire :
« 1° Toute mesure réglementaire ou individuelle relative à l’organisation et au fonctionnement du système de santé ;
« 2° Des mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement, dans les conditions prévues au II des articles L. 3131-15 et L. 3131-17.
« Le ministre peut également prendre de telles mesures après la fin de l’état d’urgence sanitaire prévu au chapitre Ier bis du présent titre, afin d’assurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « II. – » ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
3° Le troisième alinéa est supprimé ;
4° Il est ajouté un III ainsi rédigé :
« III. – Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. Les mesures individuelles font l’objet d’une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent. »
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Ce projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire achemine doucement la société vers un retour à la normale, en la faisant sortir des règles d’exception. Sauf dans un domaine : le droit du travail. En effet, à la faveur de la loi du 23 mars dernier établissant l’état d’urgence, vous avez fait adopter un catalogue de mesures régressives pour les salariés, au prétexte de l’épidémie de Covid-19.
Vous avez ainsi autorisé les employeurs à imposer unilatéralement des jours de congé aux salariés et aux fonctionnaires, et les entreprises considérées comme « relevant de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale » à déroger au temps de travail maximal, au repos hebdomadaire et au repos dominical – sans que jamais aucune liste desdites entreprises ait été publiée…
Depuis trois mois, donc, les entreprises peuvent pleinement profiter du dérèglement du travail pour exploiter toujours plus les travailleuses et les travailleurs, sans compensation. Pourquoi le projet de loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire ne prévoit-il pas aussi un retour à la normale pour les droits des salariés ? Pourquoi faudra-t-il attendre la fin décembre pour que soient rétablis le repos dominical et la liberté des jours de repos ?
Hier, vous nous expliquiez que les dispositifs mis en place par le Gouvernement étaient justifiés par l’urgence de la pandémie et l’impossibilité pour les entreprises de travailler normalement.
Aujourd’hui, à vous entendre, c’est la reprise économique qui justifierait de remettre en cause les règles essentielles de santé et de sécurité au travail.
Demain, les risques d’une seconde ou d’une troisième vague de Covid-19 justifieront le maintien de ces dispositifs dérogatoires temporaires. Ainsi le Gouvernement transformera-t-il des dispositifs exceptionnels en dispositifs permanents, transgressant largement les droits des salariés…
Nous demandons que la sortie de l’état d’urgence sanitaire concerne aussi les dérogations au droit du travail !
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Nous ne disons pas qu’il ne faudra pas évaluer l’article L. 3131-1 du code de la santé publique et ses effets dans la gestion des crises sanitaires. En revanche, nous considérons qu’il est beaucoup trop tôt pour cela : en modifier les contours, fût-ce pour en renforcer certaines dispositions, serait extrêmement prématuré.
Nous aurons l’occasion de dresser le bilan de cette crise sanitaire et des outils juridiques, notamment législatifs, utilisés et utilisables. Nous avons fixé l’échéance du mois d’avril – au plus tard. Un peu de temps est nécessaire à la réflexion.
Pour le coup, monsieur le rapporteur, c’est le Gouvernement qui est pris de court par l’adoption en commission de modifications à un article fondamental, dans la mesure où il instaure des pouvoirs dérogatoires dont nous avons vu la portée dans une situation aussi inédite que celle que nous venons de traverser.
Très sincèrement, je ne crois pas que nous puissions, par le truchement d’un amendement à ce projet de loi, donner une portée nouvelle à l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. Nous souhaitons le conserver en l’état, tout en prenant l’engagement qu’il sera évalué et qu’une réflexion collective sera menée sur les modifications à introduire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je dois une explication à M. le ministre.
Nous aussi, nous travaillons, par la mise en place d’une commission d’enquête, à dresser le bilan de cette crise sanitaire, pour pouvoir mettre en place les instruments qui nous permettront à l’avenir, lorsque de nouvelles épidémies surgiront – car ce sera le cas –, de les surmonter sans porter d’atteintes trop graves aux libertés individuelles et collectives ni entraîner, par un confinement généralisé, des conséquences dévastatrices sur le plan économique et social.
Telle est la réflexion que nous devons mener, les uns et les autres, pour la faire converger. Au Sénat, nous n’instruisons pas de procès : nous avons été constructifs, pour donner au Gouvernement les moyens d’action dont il estimait avoir besoin et pour traverser cette crise.
Pourquoi ne pas attendre ? Telle est, en définitive, monsieur le ministre, la question que vous nous posez. Eh bien, pour une raison très simple. Si nous avions adopté votre article 1er, reprenant textuellement trois dispositions essentielles de l’état d’urgence sanitaire, vous auriez disposé de moyens que nous jugions excessifs, beaucoup plus importants que ceux que nous vous accordons dans l’article 1er que nous venons d’adopter.
Il nous a donc paru nécessaire de ne pas baisser la garde, en permettant au Gouvernement, dans cette période de sortie de l’état d’urgence sanitaire et non dans un an, de recourir à un instrument juridique qui s’est révélé, de l’aveu même du Gouvernement comme du point de vue du Conseil d’État, d’une très grande fragilité.
L’article L. 3131-1 du code de la santé publique, que la France entière connaît par cœur tant et tant il a été cité, donne au ministre de la santé, en réalité, les pleins pouvoirs. Je pense que le législateur n’a pas entendu lui donner de tels pouvoirs, mais, comme vous avez dû décider le confinement toutes affaires cessantes, avant même le vote de la loi du 23 mars dernier – le confinement date du 16 mars –, vous vous êtes fondé sur les dispositions de cet article.
Or je crois que, s’il y avait eu des recours contre les textes réglementaires pris sur la base de cet article – de simples arrêtés ministériels, mais qui restreignaient les libertés individuelles comme on ne l’avait jamais vu en France –, vous auriez très probablement été confronté à de multiples annulations pour excès de pouvoir.
Nous avons donc considéré que, au cas où le Gouvernement, tout en sortant de l’état d’urgence sanitaire, devrait prendre, compte tenu de la persistance, même locale, de l’épidémie, un certain nombre de mesures, cet instrument s’étant révélé insuffisant à la lumière de l’expérience, il était nécessaire de le modifier maintenant.
Cela ne nous interdit pas de proposer, dans le cadre de notre commission d’enquête, d’autres dispositions dans quelques mois. Mais c’est maintenant que vous pouvez avoir besoin de recourir à cet article, lequel est trop fragile. Voilà pourquoi la commission a adopté cet article 1er bis A. Nous préférons le maintenir, quitte à ce que vous nous le fassiez modifier – nous y sommes prêts.
C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis A.
(L’article 1er bis A est adopté.)
Article 1er bis
I. – L’état d’urgence sanitaire, déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et prorogé par l’article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, est prorogé jusqu’au 30 octobre 2020 inclus sur les seuls territoires de la Guyane et de Mayotte. Le 4° du I de l’article 1er de la présente loi est également applicable, jusqu’à cette date, aux déplacements par transport public aérien en provenance ou à destination de ces territoires.
II (nouveau). – Dans les circonscriptions territoriales autres que celles mentionnées au I du présent article et pendant la période mentionnée au même I, l’état d’urgence sanitaire peut être déclaré dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 3131-13 du code de la santé publique, lorsque l’évolution locale de la situation sanitaire met en péril la santé de la population.
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, sur l’article.
M. Antoine Karam. Je profite de cette intervention pour remercier tous les sénateurs, de toutes tendances confondues, qui ont eu une attention particulière pour la Guyane, après en avoir eu une pour Mayotte.
Je le fais avec une profonde émotion, parce que, au moment où je vous parle, mes chers collègues, la situation se dégrade considérablement : 500 % d’augmentation en moins de quinze jours, la barre des 2 500 cas qui sera franchie demain, un huitième mort – et, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce ne sont pas les plus de 70 ans qui meurent en Guyane.
Je me garderai bien de dire ce soir : c’est la faute de tel ou tel. Le temps des responsabilités viendra, et on déterminera pourquoi nous en sommes arrivés là. Nous avons vécu une situation à l’envers : au moment où il fallait que nous soyons confinés, on nous a déconfinés ; et au moment où il fallait que nous soyons déconfinés, on nous a confinés.
On a tendance à oublier que la Guyane est non pas en Europe, mais en Amérique du Sud ! Il est vrai que, ce matin, BFM a expliqué que l’hiver arriverait dans quelques jours en Guyane… Peut-être même va-t-il neiger sur ce département ? (Sourires.)
Monsieur le ministre, vous le savez : le pic de l’épidémie de Covid-19 est attendu à la mi-juillet. En outre, nous sommes frappés terriblement par deux autres épidémies : la dengue et la leptospirose, une maladie véhiculée par les rats, semble-t-il. Tout cela vient alourdir la charge d’un système hospitalier très en retard : nous vivons dans un véritable désert médical ! Tout le monde le sait, et certains collègues présents ce soir peuvent en témoigner.
Néanmoins, je veux être optimiste : nous devons nous mettre en état de surmonter la vague et d’empêcher qu’elle ne se transforme en tsunami.
Au reste, Mme la ministre de l’outre-mer arrive demain en Guyane pour jouer les sapeurs-pompiers… On ne peut que s’en réjouir, mais j’espère qu’elle apportera des réponses aux questions que nous avons posées voilà trois mois. Qu’est-ce que cela coûtait de mettre en place un hôpital de campagne dans la région cayennaise, de passer de 400 ou 500 tests par jour à 2 000, voire 3 000 tests ? C’est parce que le nombre de tests a quintuplé que nous découvrons tous les jours ce qui se passe en Guyane.
Il faut maintenant que l’État soit à la hauteur et qu’il mette à notre disposition les moyens humains et matériels nécessaires pour tester massivement la population et éviter les évacuations sanitaires !
Le temps court, mais je voudrais encore vous dire ceci : ce n’est pas parce que Bolsonaro est fâché avec la France que nous ne devons pas traiter la question de nos relations avec le Brésil, où la pandémie frappe très fort, sur le plan international ; il y va de la survie des populations, qu’elles soient brésiliennes ou françaises ! (Applaudissements.)