Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié bis, présenté par M. Yung, Mme Cartron et MM. Bargeton, Hassani et Lévrier, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article L. 121-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’autorité administrative ne peut pas procéder à son retrait lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales. » ;
2° La seconde phrase du second alinéa de l’article L. 122-1 est complétée par les mots : « , y compris lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales » ;
3° La seconde phrase du septième alinéa de l’article L. 313-25 est complétée par les mots : « et ne peut pas être retirée par l’autorité administrative lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales » ;
4° La seconde phrase du septième alinéa de l’article L. 313-26 est complétée par les mots : « et ne peut pas être retirée par l’autorité administrative lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales » ;
5° Le dernier alinéa de l’article L. 314-8-2 est complété par les mots : « , y compris lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales » ;
6° L’article L. 314-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité administrative ne peut pas procéder au retrait de la carte de résident prévue au 8° lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences familiales ou conjugales. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Dispositions relatives aux étrangers victimes de violences familiales ou conjugales
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Il s’agit toujours du problème de la protection des étrangers en France.
Cet amendement vise à compléter le dispositif de protection des victimes de violences familiales de nationalité étrangère. Ce dispositif a été renforcé en 2016 et en 2018 ; il s’applique aux conjoints de Français titulaires d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », aux conjoints de Français titulaires d’une carte de résident et aux bénéficiaires d’une ordonnance de protection.
Un certain nombre de victimes étrangères ne sont en revanche pas protégées par ce dispositif. Il s’agit des conjoints d’un ressortissant communautaire, d’un réfugié ou d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire.
Le présent amendement vise à remédier à cette situation, en prévoyant que ces victimes conservent leur titre de séjour ou bénéficient du renouvellement de ce titre en cas de rupture de la communauté de vie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Votre amendement, mon cher collègue, tend à accorder au conjoint étranger d’un étranger ayant un droit au séjour spécifique – un ressortissant communautaire, un apatride, un réfugié ou un bénéficiaire d’une protection subsidiaire – le droit de voir son titre maintenu en cas de rupture de la vie commune du fait de violences conjugales.
En temps normal, l’étranger titulaire d’une carte de séjour doit être en mesure de justifier qu’il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. S’il cesse de remplir l’une de ces conditions, il risque alors un retrait du titre.
En l’espèce, bénéficiant du titre de séjour en tant que conjoint, l’étranger doit normalement pouvoir justifier d’une communauté de vie effective avec son conjoint. Certains dispositifs prévoient expressément des exceptions à cette condition de communauté de vie effective, en cas de violences conjugales. C’est le cas des cartes de séjour temporaire « vie privée et familiale », de cartes de résident « conjoint de Français » et de cartes de séjour temporaire « regroupement familial ».
Cela dit, rien n’est prévu, si ce n’est parfois à titre réglementaire – ainsi, l’article R121-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile –, pour les conjoints de ressortissants communautaires. L’amendement de M. Yung est donc bienvenu pour harmoniser le traitement de ces cas, quel que soit le titre accordé, et pour exclure le retrait en cas de cessation de la communauté de vie liée à des violences conjugales.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Selon la garde des sceaux, le contenu de cet amendement est déjà satisfait par l’état du droit. C’est le cas pour ce qui concerne les conjoints de citoyens de l’Union européenne et assimilés, puisque leur droit au séjour est assujetti non à une condition de communauté de vie, mais au maintien du lien marital, et cette absence d’exigibilité d’une communauté de vie a été confirmée par une large jurisprudence communautaire. Ainsi, assez paradoxalement, cette disposition aboutirait, par une lecture a contrario, à ajouter la condition de maintien de vie commune, qui n’est pas prévue par la directive 2004/38/CE, dont les articles L. 121-3 et L. 122-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont la transposition en droit interne.
En outre, l’article R121-8 du même code prévoit que le conjoint du citoyen de l’Union conserve son droit de séjour malgré la dissolution du lien conjugal, lorsque les situations particulièrement difficiles l’exigent, « notamment lorsque la communauté de vie a été rompue à l’initiative du membre de famille en raison de violences conjugales qu’il a subies ».
En ce qui concerne les conjoints des étrangers reconnus réfugiés, aucune disposition de ce code ne permet de retirer la carte de résident délivrée au motif de la rupture de la vie commune. Le renouvellement du titre, en cas de rupture de la communauté de vie pour violences, est donc d’ores et déjà garanti en l’état actuel de la législation.
Le droit au séjour du conjoint ou partenaire d’un protégé subsidiaire ou d’un apatride victime de violences conjugales ou familiales est protégé par la jurisprudence, qui exige que l’on tienne compte des violences dont il a pu faire l’objet. La directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 s’oppose à la rédaction proposée au travers de l’amendement, qui placerait de fait le préfet en situation de compétence liée.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 12 bis.
L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par M. Yung, Mme Cartron et MM. Bargeton, Hassani et Lévrier, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 313-12 est ainsi modifié :
a) La deuxième phrase est complétée par les mots : « de plein droit » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « La preuve des violences familiales ou conjugales peut être apportée par tout moyen. » ;
2° L’article L. 314-5-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La preuve des violences familiales ou conjugales peut être apportée par tout moyen. » ;
3° Le dernier alinéa de l’article L. 431-2 est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « de plein droit » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « La preuve des violences familiales ou conjugales peut être apportée par tout moyen. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Dispositions relatives aux étrangers victimes de violences familiales ou conjugales
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement a lui aussi trait au thème des étrangers victimes de violences familiales ou conjugales.
Dans son rapport de 2019, le Défenseur des droits déplore le fait que certaines préfectures continuent de subordonner le renouvellement du titre de séjour à « l’obligation de produire la preuve d’un divorce en cours – voire d’un divorce pour faute – ou d’une condamnation pénale de l’auteur des violences ». Cette pratique ne tient pas compte de la réalité des victimes des violences conjugales.
Elle n’est en outre pas conforme à la volonté exprimée par le législateur au travers de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. En adoptant cette loi, le législateur a clairement entendu rendre automatique le renouvellement du titre de séjour des étrangers victimes de violences conjugales ou familiales, malgré la fin de la communauté de vie.
J’ajoute que les juridictions administratives rappellent régulièrement que la preuve de violences peut être établie par tous moyens et que le renouvellement du titre de séjour n’est, en tout état de cause, jamais subordonné à la condamnation pénale du conjoint violent.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement concerne trois types de titres de séjour : les cartes de séjour temporaire « vie privée et familiale », les cartes de résident « conjoint de Français », après trois ans de vie commune, et les cartes de séjour temporaire « regroupement familial ». Il vise à régler les conséquences d’une cessation de la vie commune pour violences conjugales en prévoyant un renouvellement de plein droit du titre de séjour et en permettant la preuve des violences conjugales par tous moyens.
Toutefois, cet amendement est déjà satisfait, contrairement au précédent. On ne retire pas leur titre aux bénéficiaires de ces titres de séjour du fait de la cessation de la vie commune et les textes en permettent déjà le renouvellement de plein droit.
Par ailleurs, en l’absence de précision dans la loi, les faits de violence peuvent déjà être prouvés par tous moyens.
Il est donc inutile d’apporter les précisions rédactionnelles suggérées, qui risquent de créer des interprétations a contrario peu favorables, dans d’autres articles. Il s’agit d’un problème de pratiques administratives qui peut être réglé par circulaire.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 62, présenté par Mmes Lepage et de la Gontrie, M. Jacques Bigot, Mmes Rossignol, Meunier, Harribey, Artigalas, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 316-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa et au deuxième alinéa, les mots : « qui bénéficie d’une ordonnance de protection en vertu de l’article 515-9 du code civil, en raison des » sont remplacés par les mots « victime de » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « qui bénéficie d’une ordonnance de protection en vertu de l’article 515-9 du code civil, en raison de la menace » sont remplacés par le mot : « menacé » ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « à l’étranger qui continue à bénéficier d’une telle ordonnance de protection » sont supprimés ;
3° Au dernier alinéa, les mots : « même après l’expiration de l’ordonnance de protection » et les mots : « , pendant la durée de la procédure pénale y afférente » sont supprimés ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Si, au terme des procédures judiciaires, les faits de violences conjugales ne sont pas reconnus, la carte de séjour délivrée est retirée sans délai. »
II – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Du droit au séjour
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a prévu la délivrance d’une carte de séjour aux seules victimes de violences conjugales qui bénéficient d’une ordonnance de protection. Or il est notoire que très peu de ces ordonnances sont délivrées chaque année ; nous avons débattu du sujet précédemment.
Afin de ne pas limiter la portée de cette mesure, le présent amendement tend à supprimer la condition de l’ordonnance de protection pour autoriser au séjour sur notre territoire toutes les victimes de violences conjugales.
Si, au terme des procédures judiciaires, les faits de violence ne sont pas reconnus, il est prévu que la carte de séjour est immédiatement retirée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à assouplir les conditions de délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », en cas de violences conjugales ou de menaces de mariage forcé.
En l’état actuel du droit, ces violences ou menaces doivent être attestées par l’obtention d’une ordonnance de protection. Les auteurs de l’amendement souhaitent supprimer cette condition, arguant du fait que ces ordonnances sont trop difficilement accordées.
Ils apportent en complément la précision que si, au terme des procédures judiciaires, les faits de violence ne sont pas reconnus, alors la carte de séjour est immédiatement retirée.
Il semble souhaitable de s’en tenir au droit existant. En effet, d’une part, la délivrance d’une ordonnance de protection est la garantie qu’un juge a apprécié la vraisemblance des faits et du danger encouru, ce qui évite tout détournement de ce fondement de délivrance d’une carte de séjour temporaire. D’autre part, contrairement à l’intention des auteurs de l’amendement, si l’on transfère l’appréciation aux services de la préfecture, il n’est pas du tout certain que ceux-ci se fondent sur la vraisemblance des faits allégués, comme c’est prévu dans le code civil en matière d’ordonnance de protection ; ils pourraient au contraire exiger une matérialité plus grande des faits.
J’ajoute que les ordonnances de protection sont plus souvent délivrées par les juges aux affaires familiales, qui se les sont appropriées, et que les étrangers sans séjour régulier peuvent obtenir l’aide juridictionnelle à ce titre.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 62.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre X
Dispositions relatives à l’outre-mer
Article 13
I. – Les articles 4, 6, 6 bis et 12 bis de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
II. – (Non modifié) Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à protéger les victimes de violences conjugales, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».
III. – (Non modifié) L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … visant à protéger les victimes de violences conjugales, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
IV. – (Supprimé) – (Adopté.)
Chapitre XI
(Suppression maintenue de la division et de l’intitulé)
Article 14
(Suppression maintenue)
Articles additionnels après l’article 14
Mme la présidente. L’amendement n° 19, présenté par Mmes Benbassa, Cohen, Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les violences administratives dans le cadre conjugal, leurs incidences et les moyens d’y remédier.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Je souhaite appeler l’attention de la Haute Assemblée sur des violences d’un genre nouveau, encore largement méconnues : les violences administratives. Celles-ci consistent à confisquer ou à détruire les documents administratifs personnels de sa conjointe ou compagne, afin de bloquer cette dernière dans ses démarches et dans l’accès à ses droits. Ces pratiques entraînent une forme d’emprise de l’agresseur sur la victime, qui se trouve totalement dépendante du bon vouloir de ce dernier.
Ces brutalités psychologiques frappent particulièrement les personnes étrangères, plaçant celles-ci dans une situation de grande vulnérabilité sur notre territoire. Pour ces personnes migrantes, la rétention, par leur conjoint ou compagnon, de leurs documents d’identité, titre de séjour, ou encore livret de famille revient à éprouver la peur permanente de ne pas pouvoir mener à bien certaines démarches administratives lourdes de conséquences.
Aux violences physiques et psychologiques pratiquées à leur endroit par leur agresseur s’ajoute ainsi la crainte de la reconduite à la frontière et de la précarité sociale et financière. Cette emprise place la victime dans une situation de soumission et l’empêche d’acquérir une autonomie susceptible de lui permettre de quitter son compagnon.
Les souffrances verbales, psychologiques, physiques et sexuelles tendent aujourd’hui à être reconnues ; il n’en est rien des violences administratives, en raison de l’ignorance des autorités. Ainsi, il est proposé, au travers du présent amendement, que, dans les six mois suivant la promulgation de cette loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport à ce sujet, permettant ainsi au législateur de bénéficier de données chiffrées et documentées, afin que des solutions soient trouvées en la matière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Il s’agit d’une demande de rapport sur les violences administratives commises dans le cadre conjugal. Plus qu’un rapport sur ces formes de violence, il convient de sensibiliser les pouvoirs publics à ces situations. Nous demanderons à la garde des sceaux le regard qu’elle porte sur ce sujet.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, je partage votre constat sur le fond. D’ailleurs, ces sujets ont beaucoup émergé du Grenelle contre les violences conjugales, notamment le fait de subtiliser des moyens de paiement ou des papiers d’identité. C’est également un point sur lequel nous ont alertés les associations pendant la période de confinement ; certaines d’entre elles ont évoqué le cas de femmes auxquelles on avait dérobé des attestations de sortie ou de quoi écrire pour sortir.
Ce que vous décrivez est donc une réalité qui doit être mise au jour et débattue. C’est la raison pour laquelle nous avons créé, dans le cadre du Grenelle, un groupe de travail spécifiquement dédié à ce que nous avons appelé les violences économiques, qui incluent évidemment les violences administratives. Je suis persuadée que ce groupe de travail, dont j’ai réuni les pilotes ce matin, sera tout à fait d’accord pour échanger avec vous et pour vous entendre en audition, afin d’envisager ce qu’il est possible de faire à long terme pour avancer ensemble sur cette question, sur le fondement de ce que vous proposez.
Je reçois l’ensemble des banques, jeudi prochain, pour les mobiliser et les sensibiliser, notamment à un fait particulier qui nous a été souvent signalé : lorsqu’une femme souhaite quitter son conjoint, celui-ci téléphone à la banque pour faire supprimer les moyens de paiement de la victime. Cette réalité nous a été rapportée à de nombreuses reprises, j’y insiste.
Je reçois donc les banques jeudi ou vendredi, afin de savoir quelles actions elles comptent mettre en place pour mettre fin à cette pratique, qui est déjà interdite par la loi, mais qui existe encore.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette demande de rapport, mais nous enregistrons votre demande de mettre ce sujet à l’ordre du jour et d’y travailler sérieusement.
Mme la présidente. L’amendement n° 58 rectifié, présenté par Mmes Monier et de la Gontrie, M. Jacques Bigot, Mmes Rossignol, Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi un rapport au Parlement dans lequel il rend compte de l’état de la situation des 16 départements dépourvus d’intervenant social en gendarmerie et en commissariat (ISCG), des mesures à prendre pour favoriser la généralisation du dispositif en lien avec les collectivités locales ainsi que sur l’opportunité d’ouvrir dans les territoires ruraux le financement à hauteur de 100 % des ISCG via le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. J’imagine aussi, madame la secrétaire d’État, que, lors du Grenelle et des entretiens divers que vous avez eus, vous ont été signalés deux autres éléments.
Le premier est l’efficacité et le soutien que représente, pour les victimes et pour la procédure, la présence d’un intervenant social en commissariat et gendarmerie. Ces intervenants sont salués, partout où ils existent, comme procurant un véritable accompagnement et une aide, tant pour les forces de police ou de gendarmerie que pour les victimes.
Le second est la situation de seize départements dépourvus d’intervenant social en commissariat et gendarmerie.
Dans un monde idéal – un monde où le Parlement aurait une large initiative de proposition en termes de politiques publiques –, nous aurions proposé que, dans les départements à faible budget ou dans lesquels les communes sont peu fortunées et où aucune collectivité locale ne s’engage suffisamment pour créer ces postes d’intervenant social, les communes puissent financer à 100 % ces derniers en utilisant les fonds alloués par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance. Mais nous ne sommes pas dans un monde idéal, nous ne sommes que dans le monde réel. Par conséquent, cet amendement ne vise qu’à proposer un rapport sur la situation de ces seize départements.
Cet amendement est né de l’initiative de Marie-Pierre Monier, sénatrice de la Drôme, qui cherche réellement, auprès du Gouvernement, l’appui nécessaire pour apporter aux victimes de la Drôme le même appui que celui qui est accordé aux victimes dans bien d’autres départements.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Bien sûr, l’accompagnement social des victimes est très important pour nous et nous comprenons bien le problème soulevé, mais, bien que ce soit caché, il s’agit tout de même d’une demande de rapport. Nous appliquons donc la jurisprudence habituelle de la commission sur les demandes de rapport – nous ne sommes pas favorables aux rapports, nous le disons régulièrement et avec beaucoup de constance –, même si nous sommes favorables à l’accompagnement social des victimes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Effectivement, madame la sénatrice, l’augmentation du nombre de ces intervenants a été, vous l’avez rappelé, prévue dans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales. Le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a ainsi fait savoir que 80 postes seraient créés au cours l’année 2020. Sur ceux-ci, 15 ont déjà été pourvus avant la crise liée à la pandémie de Covid-19.
Cette mesure fera, comme l’ensemble des autres mesures issues du Grenelle, l’objet d’un suivi annuel, dans le cadre d’un comité composé de représentants de l’ensemble des administrations concernées – ministères de l’intérieur et de la justice, service des droits des femmes, ou encore direction générale de la cohésion sociale (DGCS) –, qui bénéficieront d’un outil de report, renseigné à tout moment par chaque administration pour suivre, territoire par territoire, les implantations. Ce comité est chargé de rendre, en novembre de chaque année, dans la lignée des travaux conjoints entre l’administration chargée du suivi du Grenelle, la DGCS, et ses partenaires, y compris le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, un bilan précis de l’état d’avancement des mesures du Grenelle.
Cela répond à la demande de rapport. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Tous les amendements ont un bien-fondé et ils ont le mérite de poser les problèmes, d’exprimer des préoccupations, même si c’est au travers, notamment avec celui-ci, d’une demande de rapport.
Je me permets d’intervenir sur ce sujet, parce que, au sein de la délégation aux droits des femmes, la présidente, Annick Billon, les autres membres et moi-même avons souvent abordé ce sujet, bien avant la crise sanitaire. On le sait, la tâche des interventions à caractère social est immense pour les policiers, les gendarmes et les sapeurs-pompiers, bref pour toutes les forces de sécurité civile.
Avant la crise sanitaire, la situation n’était déjà franchement pas simple. Sous l’autorité des représentants de l’État que sont les préfets et les sous-préfets, des bilans étaient établis à l’échelle des départements. Ces problèmes étaient évoqués lors d’entretiens téléphoniques.
Dans mon département, les Ardennes, nous avons la chance d’avoir des intervenants sociaux en gendarmerie et commissariat. Je salue le partenariat avec les collectivités territoriales, qu’il s’agisse du conseil départemental, des intercommunalités, voire des communes.
Bien entendu, le problème du financement se pose – tout est financier –, mais le volet humain a été largement mis en évidence depuis le début de l’examen de cette proposition de loi.
Cet amendement a le mérite de soulever les problèmes. Je me rallierai à l’avis de Mme la rapporteur et de Mme la secrétaire d’État.
Il est vraiment important de poursuivre partout. On sait que la tâche est immense, mais on sait aussi que l’on peut compter sur l’ensemble des partenaires.