Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
L’amendement n° 60 rectifié bis, présenté par Mmes de la Gontrie et Rossignol, M. Jacques Bigot, Mmes Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du second alinéa de l’article 515-10 du code civil, les mots : « par tous moyens adaptés » sont remplacés par les mots : « par voie de signification à la charge du ministère public ou par voie administrative ».
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement vise à revenir sur le décret pris par la chancellerie le 27 mai dernier, dont nous avons évoqué voilà quelques instants les effets contre-productifs, en application d’une disposition de la loi du 28 décembre 2019.
Je simplifie quelque peu les choses, mais, lorsqu’une femme fait la démarche de demander une ordonnance de protection, elle va voir un juge pour obtenir une date d’examen contradictoire de sa demande. Une fois rendue l’ordonnance fixant la date d’examen contradictoire, qui vaut convocation, la femme doit la notifier dans les vingt-quatre heures à son adversaire, c’est-à-dire, pour le dire clairement, à la personne qui la maltraite, et ramener la preuve de cette notification au juge. À défaut, la requête est caduque.
Que se passe-t-il dans la réalité ? Le code de procédure civile prévoit trois voies de convocations qui ne sont pas hiérarchisées. La première, c’est la lettre recommandée avec accusé de réception – dans un délai de six jours, ce n’est évidemment pas possible. Dans la deuxième voie, administrative, un officier de police ou un gendarme délivre la convocation. La troisième voie est celle de l’huissier, mais encore faut-il en trouver un qui accepte – ce qui coûte cher – et qui remette l’acte probant dans les temps pour pouvoir le porter au juge.
En bref, cette disposition du décret lamine totalement toute possibilité de mener cette procédure dans le délai de six jours pour obtenir une audience puis une ordonnance de protection.
Comme nous l’avions fait lors de l’examen de la proposition de loi Pradié, nous proposons, par cet amendement, de prévoir une convocation par voie de signification à la charge du ministère public ou par voie administrative.
Premièrement, les frais ne seraient plus à la charge de la demandeuse. Deuxièmement, c’est un officier de police ou un gendarme qui remettrait la convocation, ce qui permettrait de résoudre la question du délai de vingt-quatre heures qui a évidemment beaucoup ému les associations de défense et les avocats.
J’ai entendu vos propos, madame la garde des sceaux, et je crois que vous allez être sensible à ma proposition, puisque votre souci – et je vous crois – est de permettre un recours important aux ordonnances de protection – quoi qu’il en coûte, ai-je envie d’ajouter…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je voudrais tout d’abord rappeler, madame la sénatrice, que nous avons supprimé la lettre recommandée avec accusé de réception.
Nous pensons qu’il vaut mieux faire appel au concours des huissiers parce que nous avons organisé, au sein des tribunaux, les « filières de l’urgence » de manière très concrète pour répondre à l’exigence des six jours. Demain, nous aurons une nouvelle réunion de travail afin de modéliser ces filières.
Dès que le juge aura fixé la date de l’audience, les associations, les avocats et les huissiers qui sont disposés à organiser des permanences pourront assurer la mise en œuvre de la signification. C’est dans le cadre de cette pratique, telle qu’autorisée par la loi et découlant du décret, qu’il nous semble utile de recourir à la signification par huissier.
Si la voie administrative était imposée, elle monopoliserait les services de police et de gendarmerie pour délivrer des décisions de justice, ce qui ne semble pas opportun. Nous pouvons arriver à un résultat de même nature et aussi efficace en travaillant avec la Chambre nationale des huissiers et avec les huissiers de justice.
Si les forces de l’ordre, dans la voie administrative, n’arrivent pas à notifier la décision au défendeur, elles ne peuvent dresser de procès-verbal d’absence, contrairement à l’huissier de justice. L’impact n’est donc pas le même, et c’est important.
Enfin, nous travaillons sur la prise en charge des frais d’huissier par le biais de l’aide juridictionnelle. C’est donc un processus complet que nous mettons concrètement en œuvre.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous partageons l’argumentaire de Mme de la Gontrie : il est indéniable que les nouvelles règles de fonctionnement fixées par le décret du 27 mai 2020 en ce qui concerne l’obtention d’une ordonnance de protection représentent un danger pour les victimes de violences conjugales.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, madame la garde des sceaux, nous proposions également, dans notre amendement n° 84, jugé irrecevable en vertu de l’article 41 de la Constitution, que l’ordonnance soit notifiée au défendeur par le ministère public – que ce dernier soit ou non à l’initiative de la requête.
Nous sommes tout à fait conscients de la difficulté de légiférer en la matière. Il s’agissait tout de même de rectifier la procédure de notification de l’ordonnance de protection en visant un article du code pénal, et non du code de procédure civile, lequel est exclusivement réglementaire.
Je vous interpelle, monsieur le président de la commission des lois, car je m’étonne de l’irrecevabilité qui a frappé notre amendement alors qu’il visait exactement les mêmes modifications que le présent amendement.
L’administration nous a fait savoir qu’une proposition de réécriture avait été proposée à nos collègues socialistes. Nous nous en réjouissons, mais nous n’avons pu bénéficier de la même faveur, car notre amendement reprenait des alinéas du décret.
J’entends le sujet, mais, hélas, ce n’est pas la première fois que l’application des irrecevabilités ne joue pas en notre faveur. À un moment, mes chers collègues, il faudra refaire le point sur cette pratique pour faire en sorte qu’elle s’applique dans les mêmes termes, quel que soit le groupe à l’initiative des propositions d’amendements.
Quoi qu’il en soit, nous soutiendrons l’amendement de nos collègues socialistes. Les arguments avancés par Mme la garde des sceaux, qui vient malheureusement de quitter l’hémicycle, ne nous ont pas convaincus. Si j’ai bien compris, l’accompagnement proposé dans le cadre de l’aide juridictionnelle va faire peser un poids supplémentaire sur les victimes, car ce sont elles qui devront entreprendre les démarches administratives.
Monsieur le président de la commission des lois, j’attends vraiment votre réponse avec impatience.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame Cohen, les choses sont toutes simples en réalité : quels que soient les mérites respectifs de ces deux amendements sur le fond, celui que vous aviez présenté reprenait les termes mêmes d’un décret. Dans ces conditions, il était assez difficile de ne pas considérer, de facto, qu’il intervenait dans le champ réglementaire.
L’amendement du groupe socialiste et républicain, quant à lui, au lieu de traiter des modalités d’application de la loi, ce qui relève du décret, se prononçait sur des principes.
La commission a donc estimé que votre amendement n’était pas recevable. Mais cette question a trait au partage des compétences entre le Gouvernement et le législateur : il ne s’agit en aucun cas d’une appréciation sur les mérites de votre amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
L’amendement n° 43 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie, M. Jacques Bigot, Mmes Rossignol, Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article 515-11 du code civil, après les mots : « violence allégués », sont insérés les mots : « , y compris celles mentionnées à l’article 222-14-3 du code pénal, ».
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Cet amendement vise à renforcer la lutte contre toutes les violences faites aux femmes en intégrant clairement les violences psychologiques, définies à l’article 222-14-3 du code pénal, à l’ordonnance de protection.
Le caractère psychologique des violences – menaces, dévalorisation de l’autre, insultes, rabaissement récurrent, isolement… – participe de l’installation du phénomène d’emprise de l’auteur des violences sur la victime. Une fois l’emprise installée, il devient extrêmement difficile pour la victime de s’extraire de cette situation.
Or les associations spécialisées et les avocats amenés à accompagner les femmes victimes de violences commises par leur conjoint ou ancien conjoint soulignent tous un manque de prise en considération du caractère psychologique des violences.
Cet amendement a donc pour objet de renforcer la prise en charge de tous les mécanismes de la violence conjugale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Ma chère collègue, votre amendement est déjà satisfait : les violences visées à l’article 515-11 du code civil font écho aux diverses incriminations du code pénal.
La commission vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser la garde des sceaux, qui a dû se rendre rapidement, et temporairement, à l’Assemblée nationale. Je vais m’évertuer à la suppléer du mieux possible.
M. Max Brisson. Et Mme Schiappa ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Mme Schiappa va également nous rejoindre, ne vous inquiétez pas. J’espère que vous êtes tout de même contents de me voir, car je vais rester en votre compagnie tout au long de cet après-midi. (Sourires.) Nous sommes trois ministres à porter ce texte important.
Dans les faits, madame la sénatrice, 70 % des demandeurs qui obtiennent une ordonnance de protection dénoncent ces violences psychologiques. Le juge aux affaires familiales prend donc largement en considération ce type de violences.
Le Gouvernement, pour les mêmes raisons que la commission, demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Lepage, l’amendement n° 43 rectifié est-il maintenu ?
Mme Claudine Lepage. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 39 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie et Rossignol, M. Jacques Bigot, Mmes Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article 515-11 du code civil, les mots : « et le danger » sont remplacés par les mots : « ou le danger ».
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. L’exigence cumulative de la vraisemblance de faits de violence allégués et du danger pose de nombreuses difficultés d’interprétation. En effet, cette rédaction sous-entend que le danger n’est pas forcément produit par la violence, et donc qu’il y aurait des violences sans danger.
Cela pousse certains praticiens à écarter l’octroi de l’ordonnance de protection en considérant que les violences alléguées ne constituent pas un danger suffisant.
Cette situation engendre un risque pour de nombreuses femmes. Toute violence doit entraîner une protection de la victime. Le présent amendement vise donc à rendre plus effective la portée de l’ordonnance de protection en supprimant cette exigence cumulative.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à rendre alternatives, et non plus cumulatives, les conditions de faits de violence allégués et de danger pour la délivrance d’une ordonnance de protection.
Je rappelle qu’une ordonnance de protection est prononcée dès que le juge considère comme vraisemblable la commission des faits de violence allégués et le danger auxquels la victime est exposée.
Il dispose donc déjà d’une large marge d’appréciation, raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le juge dispose effectivement d’une large marge d’appréciation. Cette question relève de la pratique professionnelle. Des précisions ont d’ailleurs été apportées dans le guide des bonnes pratiques de l’ordonnance de protection, publié la semaine dernière.
Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen de la PPL Pradié.
Nous y revenons aujourd’hui, car ce que nous savons des pratiques diverses des juges nous amène à considérer que l’exigence d’un cumul à la fois d’une allégation de violences et d’un danger pour la délivrance d’une ordonnance de protection est trop lourde.
Madame la rapporteure, ces deux conditions cumulatives, appréciées subjectivement par le juge, lui laissent effectivement une grande marge d’appréciation. Mais c’est bien tout le problème : cette trop grande marge d’appréciation peut l’amener à considérer que le danger n’est pas évident, parce que les violences ont déjà eu lieu ou parce que les allégations de violence ne sont pas suffisamment probantes. L’exigence cumulative de faits de violence allégués et du danger restreint la possibilité de prononcer une ordonnance de protection.
En outre, mes chers collègues, ne pensez-vous pas qu’une seule de ces deux conditions suffit ? Qu’une femme se présente devant un juge parce qu’elle est victime de violences devrait suffire pour constater le danger. Doit-elle encore expliquer en quoi les violences qu’elle a subies constituent un danger ?
Pour ces raisons, nous proposons de supprimer le caractère cumulatif de ces conditions. Le juge conserverait d’ailleurs sa marge d’appréciation en constatant l’existence d’un danger ou de violences. Si le but du Gouvernement est bien d’accroître le nombre d’ordonnances de protection, il faut permettre au juge de choisir une des deux conditions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je fais confiance, a priori, aux juges aux affaires familiales. Ce sont souvent de grands professionnels qui ont des responsabilités que j’ai toujours considérées comme les plus délicates et les plus difficiles de la magistrature.
Toutefois, le juge aux affaires familiales se doit de respecter un certain nombre de principes juridiques. Or la rédaction actuelle de l’article 515-11 du code civil demande le cumul et de la violence et du danger. Si ces deux conditions ne sont pas identifiées dans l’ordonnance, cette dernière sera réformée en appel.
Contrairement à ce que dit Mme la rapporteure, le juge ne dispose pas d’un panel de possibilités. La loi impose le cumul des deux conditions. Nous plaidons pour que le juge n’ait à s’appuyer que sur une seule d’entre elles. Rien ne l’obligera à délivrer une ordonnance de protection, mais il pourra juridiquement le faire.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je suis sensible aux arguments qui viennent d’être avancés, mais je considère qu’ils ne sont pas adaptés à la rédaction de cet amendement.
Vous nous dites que, si les violences sont vraisemblables, c’est qu’il y a du danger. Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter encore cette condition. Je suis d’accord avec vous, mais l’adoption de votre amendement créerait une alternative pour le juge : soit il y a du danger, soit il y a des violences alléguées. La rédaction retenue, à savoir les termes « ou le danger », n’est pas cohérente avec vos explications. Si vous proposiez plutôt de supprimer les mots « et le danger », je basculerais dans votre sens.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Sous-amendez !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Vous avez raison de souligner que des violences alléguées qui paraissent vraisemblables supposent de toute façon l’existence d’un danger. Nul besoin de cumuler violences et danger, mais nul besoin non plus d’une alternative entre violences et danger, car les violences suffisent à accréditer l’hypothèse d’un danger.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Il peut y avoir danger sans violence !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ce n’est pas ce que vous disiez !
Plusieurs sénatrices du groupe socialiste et républicain. Mais si !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Vous imaginez donc du danger sans violence ? Bravo, mais vous créez alors beaucoup de confusion pour le juge : sans faits matériels attestant du danger, et il s’agit généralement de violence, il lui sera très difficile de délivrer une ordonnance de protection.
Ce qui me paraît raisonnable, c’est que vous rectifiiez votre amendement pour supprimer les termes « et le danger ». Dès lors, si Mme le rapporteur le veut bien, la commission pourrait émettre un avis favorable.
Que serait un danger sans violence et comment le juge l’apprécierait-il ? En réalité, cette rédaction se retourne contre l’objectif recherché, car il est très difficile d’apprécier le danger sans violence. Si vous ne rectifiez pas votre amendement, la commission maintiendra son avis défavorable dans l’intérêt même de la protection des femmes.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Nous pourrions proposer : « les violences de nature à mettre en danger » ?
Mme la présidente. Mme de la Gontrie, acceptez-vous de rectifier l’amendement dans le sens suggéré par la commission ?
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous n’acceptons pas la proposition du président Bas.
Supposez qu’une femme reçoive des menaces de mort, est-elle en danger ou subit-elle des violences ? Il faut viser et la violence et le danger, car les deux ne sont pas forcément simultanés.
Mme la présidente. L’amendement n° 61 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie et Rossignol, M. Jacques Bigot, Mmes Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du premier alinéa de l’article 515-11 du code civil, après le mot : « danger », il est inséré le mot : « vraisemblable ».
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Pour la délivrance des ordonnances de protection, la notion de « danger » est souvent interprétée par les juges du fond comme un danger de moins de huit jours auquel est exposée la victime.
Or le danger qui peut se déduire des faits de violences allégués peut s’analyser en danger vraisemblable et non en danger actuel caractérisé. Le danger doit être présumé avec la vraisemblance des violences.
Cet amendement, proposé par le Conseil national des barreaux, vise à renforcer la protection des victimes en considérant plus largement la notion de danger.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à caractériser le caractère vraisemblable du danger auquel est exposée une victime de violences aux fins de délivrance d’une ordonnance de protection.
Comme je l’ai souligné, cette ordonnance est délivrée dès que le juge considère « vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée ».
Votre amendement est satisfait par le droit en vigueur, car la violence, de même que le danger, doivent être vraisemblables. La commission vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’adoption de cet amendement aboutirait à ce qu’un défendeur soit expulsé de son domicile ou perde son autorité parentale, dans le cadre d’une procédure dérogatoire, en raison d’une double vraisemblance, celle de violences et celle d’un danger.
La nature exorbitante du droit commun de l’ordonnance de protection justifie au contraire de maintenir la nécessité d’un danger a minima caractérisé, tandis que la violence peut être vraisemblable.
Par ailleurs, cette question me semble relever davantage de la pratique professionnelle, et donc du guide pratique de l’ordonnance de protection que j’évoquais, que d’une inscription dans le dur de la loi.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Madame Lubin, l’amendement n° 61 rectifié est-il maintenu ?
Mme Monique Lubin. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement, qui en définitive est un amendement de repli par rapport au précédent, remonte des professionnels, en particulier des professions judiciaires qui accompagnent les femmes victimes de violences. Il est fondé sur la pratique.
Depuis la création de l’ordonnance de protection par la loi, la France, contrairement à l’Espagne, par exemple, ne s’est pas saisie de cet outil : les juges n’en ont pas fait usage. Il faut donc en faciliter l’accès.
Or, d’après ce que nous disent les professionnels, les juges butent sur l’appréciation très subjective de la notion de danger qui leur est demandée : combien de temps la femme est-elle en danger ? doit-il s’agir d’un danger imminent ou d’un danger à court ou moyen terme ?
Cet amendement vise à simplifier l’évaluation du danger par le juge en lui permettant de s’appuyer sur son seul caractère vraisemblable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, nous ne pouvons plus accepter que les chances qu’une victime soit crue et prise au sérieux dépendent de la sensibilisation aux violences conjugales du professionnel qui va l’accueillir.
L’appréciation vraisemblable dont il est question sera différente d’un bout à l’autre du territoire métropolitain et des outre-mer. La vraie difficulté aujourd’hui réside dans l’appréciation du danger, de la violence. Dès qu’elle demande le divorce, une femme est en danger. Le juge estimera-t-il également qu’elle est en danger ? Je l’ignore, raison pour laquelle je suis tentée de voter cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
L’amendement n° 40 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie et Rossignol, M. Jacques Bigot, Mmes Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 515-11 du code civil, les mots : « est compétent pour » sont remplacés par les mots : « se prononce sur chacune des mesures suivantes ».
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Le droit actuel prévoit que le juge aux affaires familiales (JAF) est compétent, dans le cadre de la délivrance de l’ordonnance de protection, pour statuer sur diverses mesures, et notamment sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Il peut choisir de ne pas se prononcer sur certaines de ces mesures, y compris lorsqu’elles peuvent s’appliquer.
Le présent amendement tend à prévoir que le juge doit statuer sur chacune des mesures listées au titre de celles qui peuvent être énoncées dans l’ordonnance de protection.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que le JAF statue obligatoirement sur chacune des mesures qu’il peut prononcer dans le cadre de l’ordonnance de protection, sans même avoir été saisi par les parties.
Cela pose des difficultés puisque le juge civil ne peut en principe statuer que sur des demandes qui ont été formulées et ont fait l’objet d’un débat contradictoire.
Le texte adopté en décembre dernier a permis d’aboutir à un point d’équilibre entre ce qui est possible d’un point de vue procédural et le souhait de voir le juge se prononcer davantage sur le panel des mesures de l’ordonnance de protection.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Pourquoi cet amendement ? Je pense pouvoir convaincre tant l’actuel secrétaire d’État en charge de la protection de l’enfance que, peut-être, celui qui fut jadis ministre délégué chargé de cette même question, en faisant un petit rapprochement.
Quand nous travaillions sur les questions de protection de l’enfance, en nous penchant sur le procès en assises d’un père infanticide, qui avait tué l’un de ses enfants mais restait père d’autres enfants, nous nous sommes aperçus que le juge n’était pas tenu de statuer sur le maintien de l’autorité parentale détenue sur ses autres enfants par l’auteur de telles violences meurtrières. L’affaire en question est celle de la petite Marina, que tout le monde connaît. Le papa de la petite Marina continuait donc, après avoir été condamné, d’exercer son autorité parentale sur les frères et sœurs de Marina.
Nous nous sommes dit que, quand même, quelque chose ne va pas ! Comme nous ne sommes pas favorables aux peines automatiques, il faut trouver une autre solution. Et l’autre solution est d’obliger le juge à se prononcer, c’est-à-dire de lui indiquer les sujets sur lesquels il doit se prononcer. C’est ce que nous avons fait pour le maintien de l’autorité parentale des auteurs d’infanticides.
En l’espèce, la démarche est la même : si vraiment il faut maintenir le droit de visite et d’hébergement d’un homme violent, le juge doit le dire. Or on constate qu’il y a des ordonnances de protection dans lesquelles cela n’est pas dit.
Il ne s’agit donc pas de tordre la main du juge, ni de lui tenir la plume. Il s’agit de prévoir que le juge doit se prononcer, par l’affirmative ou par la négative, sur chacune des mesures listées au titre de celles qui peuvent être prises dans le cadre de l’ordonnance de protection. Cela nous paraît une bonne façon de construire l’ordonnance de protection adaptée à chaque victime, à chaque auteur de violences, à chaque cas.