M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement vise à prolonger jusqu’au 31 décembre 2021 le classement actuel des communes en zones de revitalisation rurale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Cet amendement me paraît un peu prématuré. Il aurait davantage sa place dans un projet de loi de finances rectificative. Par ailleurs, il tend à prolonger le zonage, mais pas le dispositif lui-même, ce qui le prive de tout effet. J’en demande donc le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 78 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 78 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 85 rectifié, présenté par MM. Kerrouche et Marie, Mme Lubin, MM. Sueur, Kanner et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, M. Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 200 quindecies du code général des impôts, il est inséré un article 200 sexdecies ainsi rédigé :
« Art. 200 sexdecies. – I. – Ouvrent droit à un crédit d’impôt sur le revenu égal à la totalité de leur montant les dépenses relatives à l’achat de masques adaptés contre la propagation du virus covid-19 effectués par les contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B.
« II. – Le présent article s’applique pour l’achat de masques relevant du K bis de l’article 278-0 bis. »
II. – L’article 200 sexdecies du code général des impôts est abrogé au 1er janvier 2022.
III. – Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
IV. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Cet amendement vise à assurer la gratuité des masques propres à lutter contre la propagation du coronavirus. Afin de garantir sa recevabilité financière, est prévue la création d’un crédit d’impôt égal à 100 % des dépenses effectuées par les Français pour l’achat de ces masques.
Il n’est pas nécessaire de revenir sur la saga des masques, d’autant moins utiles que nous n’en avions pas… Les commissions d’enquête parlementaires reviendront sur ce point.
De multiples prises de position de l’Organisation mondiale de la santé ou de l’autorité sanitaire américaine ont souligné que le port de masques était nécessaire pour lutter contre la pandémie. Le Conseil scientifique, dans différents avis, a également affirmé que ces équipements contribuaient à la prévention et devaient être utilisés pour éviter un rebond de l’épidémie.
Alors que ces masques sont indispensables, leur coût n’est pas supporté de la même façon par l’ensemble de la population. Des inégalités évidentes, détaillées dans l’objet de l’amendement, existent en fonction de la composition et des ressources de la famille. Il nous semble donc nécessaire que les masques soient remboursés. C’est une condition de la réussite du déconfinement.
Monsieur le ministre, faites comme le Président de la République : enfourchez le tigre, et rendez les masques gratuits !
M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Cet amendement vise en fait non pas à instaurer la gratuité des masques, mais à créer un crédit d’impôt pour leur achat. Imaginez le coût de gestion d’un tel dispositif par l’administration fiscale ! Chacun devrait conserver tous ses tickets attestant de l’achat de masques dont le prix moyen est aujourd’hui d’environ 60 centimes. Il faudrait créer une sorte d’application Julia des masques…
Par ailleurs, de nombreuses collectivités offrent aujourd’hui des masques gratuitement. Il est aussi possible de confectionner soi-même des masques réutilisables en tissu.
Je rappelle enfin que si le Parlement a baissé, sur mon initiative, le taux de la TVA sur les équipements de protection, le Gouvernement n’a toujours pas pris l’arrêté fixant la liste de ces équipements. Que l’on ne nous dise pas, madame de Montchalin, que c’est un problème européen, car un rescrit fiscal dispense de TVA les dons de tenues de protection, qui sont donc définies par ailleurs par l’administration fiscale.
Qui est donc le ministre de l’économie et des finances ? Est-ce le directeur de l’administration fiscale ? Le secrétaire général du Gouvernement ? Est-ce l’administration qui dirige ce pays ? Le Parlement fixe-t-il encore le taux des impositions, comme le prévoit la Constitution ? Le fait que les collectivités territoriales se voient toujours appliquer le taux de TVA de 20 % et que les industriels n’obtiennent pas de réponses à leurs questions commence à m’énerver ! Le Gouvernement prendra-t-il enfin un jour les décrets permettant d’appliquer les dispositions votées par le Parlement ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) Sur l’amendement, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. M. de Montgolfier vient d’émettre deux avis défavorables, l’un sur l’amendement de M. Kerrouche, l’autre sur la mise en œuvre de la mesure que le Sénat a votée voilà quelques semaines.
Il est exact que, contrairement à ce que j’avais indiqué de bonne foi, la baisse du taux de TVA s’applique déjà aux masques et aux gels, mais pas encore aux tenues. Je comprends votre énervement, monsieur de Montgolfier, mais j’espère que la question sera réglée rapidement, avant ma prochaine venue au Sénat.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Je l’espère aussi !
M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur Kerrouche, j’ai bien compris que vous aviez envie de parler des masques, mais vous proposez un système techniquement ingérable, pour ceux qui voudraient bénéficier de ce crédit d’impôt comme pour l’administration fiscale. C’est une usine à gaz !
Par ailleurs, les collectivités locales, l’État ou d’autres acteurs mettent souvent gratuitement des masques à disposition, ce qui est beaucoup plus simple. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Comment expliquera-t-on à nos concitoyens qu’ils doivent garder leurs tickets de caisse attestant de l’achat de masques pour pouvoir bénéficier du dispositif à partir d’un certain montant ? Nous visons au contraire la simplification. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Il n’est pas l’heure de s’énerver, monsieur le ministre, mais à qui la faute, si c’est compliqué ? À vous ! Vous êtes incapables de proposer un dispositif qui rendrait les masques gratuits. Nous sommes donc obligés d’élaborer une solution, qui n’est pas satisfaisante, et vous nous le reprochez ensuite ! Mais c’est vous qui avez créé le problème !
Il est assez incroyable que l’on balaye ainsi d’un revers de main le problème du coût des masques pour les Français. Monsieur de Montgolfier, je veux bien entendre qu’il y aura un coût de gestion pour les finances publiques, mais il y a aussi un coût pour les familles françaises, qui ne sont pas toutes dans la même situation financière.
Monsieur le ministre, il est assez fabuleux que vous vous appuyiez, dans votre réponse, sur le fait que les collectivités locales se sont mobilisées et distribuent des masques gratuitement. Encore une fois, l’État manque à son devoir de protection de la population. Nous maintenons notre amendement. Le dispositif proposé n’est peut-être pas bon, mais votre réponse n’est pas à la hauteur. Elle ne l’a d’ailleurs jamais été depuis le début de la crise !
M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. J’irai dans le sens de M. Kerrouche.
Certes, monsieur le ministre, l’État, et surtout les collectivités locales, ont distribué des masques gratuitement. À cette heure tardive, peut-être parviendrai-je à vous convaincre : l’État ne pourrait-il faire en sorte de rembourser à hauteur de 50 % les masques payés par les collectivités locales avant le 15 avril ? D’une certaine manière, le choix arbitraire de la date du 15 avril pénalise tous les bons élèves – régions, départements, intercommunalités, communes – qui ont anticipé les difficultés depuis le début du confinement en passant des commandes massives de masques. C’est injuste ! Le Gouvernement a d’ailleurs reçu des centaines de lettres émanant de collectivités et de parlementaires dénonçant cette situation.
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, je trouve que votre réponse est empreinte de beaucoup de désinvolture. (M. le ministre le conteste.)
Vous balayez d’un revers de main les difficultés que les familles avec enfants rencontrent pour s’équiper en masques. Je vois des sourires sur certaines travées, mais c’est le quotidien de nos compatriotes ! Les masques coûtent cher pour beaucoup de personnes, surtout pour celles qui subissent une baisse de salaire en raison d’une mise au chômage partiel.
À vous entendre, le fait que les collectivités distribuent gratuitement des masques règle le problème. Je me souviens des premières réunions des comités Covid, en préfecture : on nous a annoncé qu’il faudrait que la population porte des masques, mais que l’État ne pouvait rien faire, alors qu’il s’agit pourtant d’une question de santé publique, relevant donc de sa compétence. Nous avons dû commander et payer des masques, sans attendre que vous nous proposiez une quelconque solution. Et heureusement que nous avons agi ainsi ! Les premiers masques, ce sont les collectivités locales qui les ont fournis. Même à près de 3 heures du matin, il n’y a pas lieu de manifester une telle désinvolture au travers de vos réponses, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre. Madame la sénatrice, ne caricaturez pas mes propos ni mon attitude : je n’ai jamais employé un ton désinvolte.
Je suis moi-même élu d’une commune de 700 habitants, et je sais très bien ce qui a été fait par les collectivités locales. Est-ce désinvolte de vous dire que vous ne m’apprenez rien sur ce plan ? Le Gouvernement dit simplement que le dispositif proposé ne répond pas à l’objectif. Sa mise en œuvre créerait en outre des problèmes de gestion, y compris pour nos concitoyens. Exprimer son désaccord avec un dispositif n’est pas faire montre de désinvolture.
Madame Darcos, je crois que nous aurons quelques rendez-vous avec les collectivités locales pour évoquer les questions financières et fiscales…
M. Loïc Hervé. C’est probable, et même certain !
M. Marc Fesneau, ministre. Il sera alors intéressant de regarder le sujet dans son entièreté. Je n’ignore pas les difficultés de recettes – et parfois de dépenses – des collectivités locales, et vous n’ignorez pas celles de l’État – de recettes, mais surtout de dépenses ! Je ne doute pas que nous aurons de très intéressants débats sur les vertus et les difficultés de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales…
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 85 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et afin de préserver les intérêts de la France, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de sept mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour tirer les conséquences de la fin de la période de transition prévue à l’article 126 de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique et visant à :
1° (Supprimé)
2° Assurer la poursuite, par les bénéficiaires de licences et d’autorisations de transfert de produits et matériels à destination du Royaume-Uni, délivrées en application des articles L. 2335-10 et L. 2335-18 du code de la défense avant la fin de la période de transition mentionnée au premier alinéa du présent I, des prospections et négociations engagées ainsi que de la fourniture de ces produits et matériels jusqu’à l’expiration du terme fixé par ces licences et autorisations ;
3° Sécuriser les conditions d’exécution des contrats d’assurance conclus antérieurement à la perte de la reconnaissance des agréments des entités britanniques en France et assurer la continuité des pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution vis-à-vis des entités ayant perdu ces agréments ;
4° Introduire des règles adaptées pour la gestion de placements collectifs et pour les plans d’épargne en actions dont l’actif ou l’emploi respecte des ratios ou règles d’investissement dans des entités européennes.
II. – (Supprimé)
III. – Pour chacune des ordonnances prévues au présent article, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de sa publication.
IV (nouveau). – Après le mot : « compter », la fin du dernier alinéa de l’article L. 2221-1 du code des transports est ainsi rédigée : « de la fin de la période de transition prévue à l’article 126 de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique et uniquement dans le cas où aucune instance internationale ne peut être qualifiée d’autorité nationale de sécurité au sens du droit communautaire. »
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, sur l’article.
M. Jean Bizet. L’article 4 comporte notamment deux demandes d’habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances sur deux questions qui vont se poser à la fin de la période de transition, quand le Royaume-Uni quittera l’Union européenne : l’une concerne la possibilité, pour un assureur britannique, d’honorer les contrats signés auparavant au sein de l’Union européenne ; l’autre la possibilité de conserver dans un plan d’épargne en actions (PEA) des titres de sociétés britanniques, à l’issue de la période de transition, sachant qu’un PEA ne doit aujourd’hui contenir que des titres de sociétés des États membres de l’Union européenne.
Il s’agit donc d’autoriser le Gouvernement à prendre des mesures qui seraient éventuellement nécessaires, à la fin de cette période de transition, si aucun accord n’était conclu entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Il s’agit de protéger les épargnants français contre des pertes financières en cas de survenue d’un Brexit « dur » au 31 décembre 2020 – une hypothèse qui, au regard de la conjoncture, n’est nullement exclue.
Se pose la question de l’étendue et de l’exhaustivité des mesures envisagées. En ce qui concerne les services financiers, une habilitation couvrant un domaine bien plus large avait été prévue dans la loi d’habilitation du 19 janvier 2019, dont notre collègue Ladislas Poniatowski était le rapporteur. À l’époque, il s’agissait de se préparer à un Brexit sans accord transitoire au titre de l’article 50. L’ordonnance du 6 février 2019, prise sur le fondement de cette loi, était explicitement destinée à parer à un tel scénario, qui ne s’est finalement pas produit. L’accord euro-britannique trouvé au titre de l’article 50 a de facto rendu caduque cette ordonnance.
Or les deux mesures envisagées par le présent projet de loi ne couvrent qu’une partie infime des questions qui vont se poser en matière de services financiers en cas de Brexit sans accord à la fin de 2020. Lors de sa récente audition par la commission des finances du Sénat, Robert Ophèle, le président de l’Autorité des marchés financiers, s’inquiétait précisément que le régime applicable à l’issue de cette période de transition, le 1er janvier prochain, ne soit pas encore défini.
L’habilitation demandée n’est-elle donc pas trop étroite ? N’est-elle pas également trop précoce ? Ne pourrait-on intégrer ces dispositions dans une loi de finances rectificative, plutôt que de légiférer par ordonnances ? Nous en avons encore le temps d’ici au 31 décembre 2020.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.
Mme Hélène Conway-Mouret. Je profite de l’examen de cet article pour attirer l’attention sur l’importance de la coopération en matière de défense que la France entretient de longue date avec le Royaume-Uni et de l’implication du Parlement, non seulement dans le suivi de cette coopération, mais également dans sa concrétisation.
L’année 2020 est particulière pour la coopération franco-britannique en matière de défense : nous fêterons, à l’automne, les dix ans des accords de Lancaster House, qui ont mené à un approfondissement sans précédent de la coopération engagée en 1995 avec la déclaration de Christchurch, aussi bien dans le domaine nucléaire qu’en matière de projection de forces d’interopérabilité ou d’intégration industrielle.
Cette coopération est aujourd’hui solide. Elle s’est développée dans un nombre important de secteurs qui font l’objet de nombreux contrats. Le dixième anniversaire des accords de Lancaster House doit être l’occasion d’un renouvellement des engagements, mais aussi d’une nouvelle réflexion sur la convergence stratégique, l’achèvement du projet de force expéditionnaire conjointe et le développement des piliers de la coopération bilatérale dans de nouveaux domaines, comme la cyberdéfense, la stratégie spatiale, l’intelligence artificielle et la coopération dans la gestion des menaces hybrides.
Réussir le sommet bilatéral prévu à cette date est d’autant plus nécessaire qu’avec le Brexit la France jouera un rôle pivot dans l’arrimage du Royaume-Uni à son ambition d’une défense européenne. Le Royaume-Uni reste également indispensable au maintien de son autonomie et de sa souveraineté stratégique.
Dans cette perspective, il nous paraît essentiel que le Parlement, et en particulier le Sénat, puisse disposer de toute la latitude nécessaire pour exercer son rôle de contrôle vigilant de cette coopération et de son évolution. Le Gouvernement doit comprendre que le Parlement joue un rôle central dans le renouvellement de la confiance nécessaire à la poursuite de cette coopération. Il sait les liens étroits tissés par les commissions compétentes du Sénat avec leurs homologues britanniques et leur rôle dans le suivi des négociations du Brexit ces quatre dernières années.
Dans ces circonstances, il nous paraît important que le Parlement conserve tous ses droits dans sa mission de contrôle des négociations du futur accord de partenariat ou des conséquences d’un échec de ces négociations sur la coopération en matière de défense. C’est tout l’objet de l’amendement de notre groupe que défendra Didier Marie.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. En ce qui concerne le périmètre des habilitations, je rappelle que, en l’absence d’accord, les questions financières rentreront dans le champ des compétences de l’Union européenne. Ce n’est pas aux États membres de s’engager sur ce terrain, qui relèvera de la compétence collective des Vingt-Sept.
Si nous n’inscrivons pas ces dispositions dans un projet de loi de finances rectificative, c’est parce que je ne suis pas en mesure aujourd’hui, pas plus que je ne le serai dans quinze jours ou dans trois mois, de vous dire s’il sera vraiment nécessaire de les adopter – un miracle peut toujours advenir –, quand il faudrait les appliquer et pendant combien de temps, puisqu’il s’agit, par définition, de mesures ayant vocation à être transitoires. Il est donc, encore une fois, difficile de les inscrire « en dur » dans un projet de loi de finances rectificative.
Il ne faut pas non plus exclure l’idée que, si un accord est trouvé et s’il inclut un certain nombre de dispositions qui me semblent d’ailleurs relever plutôt du code monétaire et financier, nous puissions là aussi avoir des marges de manœuvre. Cette demande d’habilitation vise à donner de la souplesse sur des critères identifiés qui relèvent du droit national et que nous aurions à appliquer une fois le calendrier clarifié.
Madame Conway-Mouret, le dixième anniversaire des accords de Lancaster House marque effectivement un moment important de notre relation bilatérale avec le Royaume-Uni en matière de défense, et le Parlement a bien évidemment un grand rôle à jouer.
Je tiens à vous rappeler que la défense ne figure pas dans le champ de la négociation que mène Michel Barnier. Je pourrais évoquer les discussions portant sur la politique de sécurité commune, mais, à ce stade, les Britanniques n’ont pas souhaité parler de ce sujet. Il existe évidemment un lien avec les sujets de défense, mais ceux-ci sont davantage abordés dans un cadre bilatéral. Il n’y a donc pas de raison que les instances existant aujourd’hui en matière de défense soient affectées par les négociations sur le Brexit.
M. le président. L’amendement n° 42, présenté par MM. Marie et Kerrouche, Mme Lubin, MM. Kanner et Leconte, Mme Harribey, MM. Fichet et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain, Sueur, Sutour et Todeschini, Mme Conway-Mouret, MM. Boutant et Devinaz, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Vallini et Vaugrenard, Mme Lepage, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin et Carcenac, Mme Conconne, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Jomier, Lalande, Lozach, Lurel, Magner et Manable, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mme Préville, M. Raynal, Mmes S. Robert, Rossignol et Taillé-Polian, M. Tissot, Mme Tocqueville, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Madame la secrétaire d’État, nous avons entendu vos arguments lors de la discussion générale, mais nous persistons à souhaiter la suppression de cet article. Nous estimons que ces demandes d’habilitation sont prématurées, principalement pour des raisons de méthode.
Tout d’abord, la situation d’urgence sanitaire ne peut être invoquée pour justifier que le Parlement n’aurait pas le temps d’examiner d’ici à décembre les dispositions législatives nécessaires en cas de conclusion ou pas d’un accord avec le Royaume-Uni. Le Parlement, et notamment le Sénat, a démontré, depuis le début de l’état d’urgence, sa capacité à légiférer dans des délais très brefs. Nous pensons que la négociation d’un accord international de partenariat est très éloignée du champ des dispositions à prendre dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
Ensuite, la décision quant à la durée effective de la période de transition sera prise le 1er juillet prochain. C’est à cette date que l’on pourra évaluer s’il est nécessaire ou pas de légiférer rapidement, comme nous l’avons fait l’an dernier en élaborant la loi de janvier 2019 sur le Brexit, qui vous a permis de prendre toutes les dispositions nécessaires. D’ailleurs, une partie des mesures adoptées à l’époque et des ordonnances qui ont suivi pourraient, si nécessaire, être rapidement réactualisées à l’automne.
Enfin, ces habilitations priveraient le Parlement de tout droit de regard sur les dispositions qui seront négociées en vue d’un accord de partenariat avec le Royaume-Uni ou en l’absence d’accord. Comment voulez-vous légiférer sans connaître les mesures équivalentes qui seront prises par le Royaume-Uni ni le dispositif effectivement retenu au niveau européen ? Pourquoi donner une habilitation avant de connaître l’issue des négociations sur, par exemple, l’autorité de sécurité du tunnel sous la Manche ?
En l’état actuel des négociations, rien n’est arrêté pour ce qui concerne les règles de concurrence équitable. L’Union européenne vient seulement de recevoir, le 9 mai dernier, les 400 pages de propositions britanniques. Selon nous, madame la secrétaire d’État, il est urgent d’attendre.
Dans la perspective d’un accord qui aurait des conséquences systémiques, nous estimons au contraire que le Gouvernement serait bien inspiré d’associer le Parlement, qui a, depuis quatre ans, exercé un contrôle permanent et vigilant sur le processus du Brexit et joué un rôle de pédagogie et de relais auprès de nos concitoyens, en particulier ceux concernés par les conséquences du futur accord.
En conclusion, si nous avons déposé cet amendement de suppression, ce n’est pas pour empêcher le Gouvernement d’agir rapidement ; c’est parce que nous considérons que l’établissement de nouvelles relations avec le Royaume-Uni devra faire l’objet d’un projet de loi, qui permettra au Parlement de débattre et d’arrêter les dispositions nécessaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous pouvons partager un certain nombre des propos de notre collègue Didier Marie. Il est notamment parfaitement légitime que le Parlement ne souhaite pas être court-circuité. Il travaille en effet beaucoup sur le Brexit. Je tiens à saluer le travail du comité de suivi présidé par MM. Jean Bizet et Christian Cambon.
Pour autant, la demande du Gouvernement ne me paraît pas anormale sur le principe. Nous avons d’ailleurs très largement encadré les délais : dans le projet de loi initial, le Gouvernement sollicitait une habilitation à légiférer par ordonnances pendant trente mois, durée que nous avons réduite en commission à sept mois, ce qui me paraît beaucoup plus raisonnable. De même, nous avons circonscrit les thèmes.
Pour ces raisons, monsieur Marie, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.